Patrick Chappatte. La Tribune, 21 septembre 2025
Mensonges et approximations
On ne peut que conseiller aux lecteurs de lire le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris, ce qui leur évitera d'être influencés par les mensonges en tous genres formulés dans les médias. On nous dit que le dossier est vide, alors que de longs développés sont consacrés aux actes délictueux commis. On nous dit que les juges ont lavé Nicolas Sarkozy de toutes les accusations avant de le condamner à cinq ans de prison, alors que sa condamnation pour association de malfaiteurs est affirmée très rapidement. Observons d'ailleurs que, selon les articles 450-1 et suivants du code pénal, l'association de malfaiteurs est punie "d'au moins cinq ans de prison", peine pouvant être portée à dix ans d'emprisonnement lorsque l'infraction préparée est elle-même passible de la même peine. Nicolas Sarkozy a donc été puni du minimum de la peine, alors même que l'association de malfaiteurs est passible de dix ans d'emprisonnement.
Le débat le plus vif concerne toutefois l'exécution provisoire, débat qui ne fait d'ailleurs que rebondir puisque la question avait déjà été soulevée lors de la condamnation de Marine Le Pen pour détournement de fonds publics.
L'exécution provisoire
L'exécution provisoire est définie comme la mise en œuvre immédiate d’une décision de justice malgré l’exercice d’une voie de recours. En matière civile, l'exécution provisoire des décisions de première instance est de droit, sauf si la loi ou le juge en dispose autrement (articles 514 et 514-1 du code de procédure civile). En matière pénale, l'exécution provisoire permet de déroger à l'effet dévolutif de l'appel, et de rendre immédiatement applicable une décision non définitive.
Certes, l’article 708 du Code de procédure pénale précise que "l'exécution de la ou des peines prononcées à la requête du ministère public a lieu lorsque la décision est devenue définitive". Mais l'article 465 du même code introduit une nuance de taille : "S'il s'agit d'un délit de droit commun (...) et si la peine prononcée est au moins d'une année d'emprisonnement sans sursis, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, lorsque les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté, décerner mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu". Ces dispositions figurent dans la partie législative du code de procédure pénale. C'est donc la loi en vigueur qui a été appliquée à Nicolas Sarkozy, dans des conditions parfaitement régulières, puisque la peine prononcée était supérieure à une année d'emprisonnement.
On observe d'ailleurs que cette pratique relève désormais du droit commun. Les statistiques officielles du ministère de la Justice indiquent ainsi que le taux de mise à exécution immédiate s'élève à 87 % des affaires en matière correctionnelle. Nicolas Sarkozy ne devrait donc pas être surpris par cette décision, d'autant qu'il a déjà été condamné à des peines immédiatement exécutoires. Mais il s'agissait d'emprisonnement assorti du sursis, la prison ferme se limitant à une seule année, et permettant donc à l'intéressé de purger sa peine avec un bracelet électronique.
La motivation de l'exécution provisoire
La seule condition imposée au juge est de motiver sa décision d'exécution provisoire de la peine. Le Conseil constitutionnel, depuis sa QPC du 2 décembre 2011 confirmée par la la décision du 25 mars 2025, affirme que "la faculté d'ordonner l'exécution provisoire répond à un objectif d'intérêt général visant à favoriser l'exécution de la peine et prévenir la récidive". Elle met donc en oeuvre "l'exigence constitutionnelle qui s'attache à l'exécution des décisions de justice".
En ce qui concerne Nicolas Sarkozy, le tribunal correctionnel motive sa décision par "l'exceptionnelle gravité des faits" et la "nécessité de garantir l'effectivité de la peine au regard de l'importance du trouble à l'ordre public causé par l'infraction". En l'espèce, la référence à l'effectivité de la peine ne peut être assimilée au seul risque de fuite. Elle réside plutôt dans la nécessité de faire exécuter, au moins partiellement, une peine privative de liberté de cinq années d'emprisonnement. Pour les juges, la gravité des faits, et donc l'atteinte à l'ordre public qu'ils entraînent, justifie que Nicolas Sarkozy aille en prison.
Son incarcération sera nécessairement très brève. En effet, l'article 509-1 du code de procédure pénale énonce que, lorsque la personne est en détention, le procès en appel doit intervenir dans un délai de quatre mois. Cela signifie concrètement que Nicolas Sarkozy retrouvera nécessairement sa liberté à cette date, jusqu'à ce que la décision soit prononcée. En attendant, il lui reste encore à comparaître devant le juge pour subornation de témoin, sans oublier l'enquête ouverte sur ses liens avec le Qatar.
En revanche, les juges décident d'un mandat de dépôt différé. Cette mesure dispense Nicolas Sarkozy de l'humiliation de sortir du tribunal, menottes aux poignets, pour se rendre directement à la prison. On sait qu'il est convoqué le 13 octobre pour connaître la date de son incarcération, délai qui lui laisse le temps de s'y préparer. En revanche Wahid Nacer, disposant d'une installation en Suisse, et Alexandre Djouhri, double national franco-algérien, ont tous les deux fait l'objet d'un mandat de dépôt immédiat, justifié par le risque de fuite.
Son incarcération sera nécessairement très brève. En effet, l'article 509-1 du code de procédure pénale énonce que, lorsque la personne est en détention, le procès en appel doit intervenir dans un délai de quatre mois. Cela signifie concrètement que Nicolas Sarkozy retrouvera nécessairement sa liberté à cette date, jusqu'à ce que la décision soit prononcée. En attendant, il lui reste encore à comparaître devant le juge pour subornation de témoin, sans oublier l'enquête ouverte sur ses liens avec le Qatar.
L'exécution provisoire a été introduite dans le droit pénal en 1986, à l'initiative d'Albin Chalandon à l'époque Garde des Sceaux. Depuis lors, elle a certes été remise en cause par Robert Badinter qui estimait que cette procédure portait atteinte au droit d'appel en le rendant non pas inexistant, mais ineffectif. Mais l'exécution provisoire a été immédiatement rétablie lorsque la droite est revenue aux affaires. Les amis de Nicolas Sarkozy, et son électorat, ont toujours soutenu cette mesure, présentée comme un moyen de lutte efficace contre la récidive des petits délinquants, mais détestée lorsqu'elle touche un ancien président de la République. Le juge constitutionnel lui-même l'a admis pour les mêmes motifs, jugeant que le droit de faire appel n'était pas atteint puisqu'il pouvait s'exercer, même à partir d'une prison. Aucun débat de fond n'a été engagé sur ce point, et c'est dommage.
Le droit au juge: Manuel de Libertés publiques version E-Book et version papier, chapitre 4, section 1 § 2 A
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