L’affaire des
passeports diplomatiques détenus - et utilisés - par Alexandre Benalla, a fait
revenir sur le devant la scène médiatique l’ancien directeur adjoint de cabinet
du président de la République. Pour rappel, il avait été contraint de quitter
ses fonctions auprès du président Macron au début de l’été 2018 pour avoir
participé, le 1er mai, à des opérations de maintien de l’ordre
contre des manifestants sans disposer des titres nécessaires et en commettant à
cette occasion des violences sur des personnes en cours d’interpellation.
Dépourvu à partir de là de toutes fonctions officielles, Alexandre Benalla
avait néanmoins conservé deux passeports diplomatiques dont il a fait usage à
de nombreuses reprises durant l’été à des fins professionnelles privées. Il
avait ce faisant volontairement ignoré les demandes de restitution qui lui
avaient été adressées à la fois par le Quai d’Orsay et par l’Elysée.
Sollicité par
les médias pour savoir quels avantages donnaient de tels documents, le Quai
d’Orsay a précisé, à bon droit, que leur titulaire, s’il n’est pas un agent
diplomatique, ne peut pas en aucune manière bénéficier par ce moyen des
immunités diplomatiques prévues par la convention de Vienne de 1961 sur les
relations diplomatiques. Il ne s’agit dans un tel cas que d’un sauf-conduit
permettant à son détenteur de franchir plus aisément les contrôles
aéroportuaires. Les autorités douanières et de sécurité en charge de ces
contrôles peuvent même demander une fouille des bagages personnels de celui-ci,
ce à quoi échappent en principe - sauf soupçon grave - les agents
diplomatiques.
Le sujet a même été traité - et cette solution restrictive
confirmée - par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 septembre 2016. La cour s’y prononce très clairement sur le fait qu’un
passeport diplomatique ne suffit pas à faire bénéficier son détenteur d’une
quelconque immunité. De nationalité sénégalaise, l’intéressé était l’ancien
président de l’Association internationale des fédérations d’athlétisme,
poursuivi en France pour des faits de corruption active et passive dans le
cadre de son activité professionnelle. Pour échapper aux rigueurs de la justice
pénale française, il entendait se prévaloir du passeport diplomatique dont il
était toujours anormalement possesseur, et que même ses anciennes fonctions
n’auraient pas dû justifier qu’il en bénéficie. En l’espèce la Cour de
cassation a confirmé l’arrêt de la cour d’appel en considérant que le requérant
« n’apparaît pas bénéficier de
l’immunité conférée par la coutume internationale aux organes et entités qui
constituent l’émanation d’un Etat ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui
relèvent de la souveraineté concernée. »
"Les diplomates prendraient plutôt le pas sur les hommes d'action"
Les Tontons flingueurs, Georges Lautner, 1963
L’attribution d’un passeport diplomatique est réglementée en
France par un arrêté du 11 février 2009(article 1er). Peuvent ainsi en bénéficier pour la durée de leurs
fonctions ou de leur mission :
Les agents diplomatiques et consulaires en fonctions.
Le président de la République, le Premier ministre, le
Président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale.
Les membres du gouvernement.
Les conseillers spécialisés* occupant un poste de chef de
service auprès d’une mission diplomatique à l’étranger.
Les courriers de cabinet*.
Les titulaires d’une mission diplomatique ad hoc.
Enfin, peuvent également en disposer, à titre de courtoisie et
sans limite d’attribution : les anciens présidents de la République et les
anciens premiers ministres, les anciens ministres des affaires étrangères ainsi
que les ambassadeurs dignitaires.
L’article 2 de l’arrêté précise en outre qu’un passeport
diplomatique peut également être délivré aux conjoints ou partenaires auxquels
le titulaire d’un tel passeport est lié par un pacte civil de solidarité ainsi
qu’à leurs enfants mineurs.
A ces dispositions sont venues s’ajouter celles du décret du 6janvier 2012 ayant pour objet « l’intégration
d’éléments biométriques dans le passeport diplomatique et la création d’un
système de traitement automatisé de données à caractère personnel (REVOL)
relatives aux titulaires de ce titre », dont le but est de permettre
et sécuriser l’authentification de ces
derniers. Ce dispositif bénéficie de l'assistance technique de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). L'article 2 prend notamment soin de mentionner que ledit passeport "ne peut être utilisés qu'aux fins pour lesquelles il est délivré", et qu'"il est restitué au ministère des affaires étrangères à l'expiration de sa validité ou dès lors que son utilisation n'est plus justifiée".
Enfin,
est-il besoin de préciser qu’un passeport diplomatique ne peut être utilisé par
son détenteur que dans le cadre d’une mission officielle, donc diligentée par
l’Etat qui l’a délivré ?
Jean-Paul Pancracio
Professeur de droit public
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