La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) est une association dont l'objet est de "promouvoir le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes incarcérées". Elle a contesté, par question prioritaire de constitutionnalité (QPC) la conformité à la Constitution des articles 35 et 39 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 qui organisent les droits de visite et de téléphoner des personnes détenues. Est également contesté l'alinéa 4 de l'article 145-4 du code de procédure pénale qui concerne plus précisément les personnes placées en détention provisoire.
De l'articulation entre ces textes, il apparaît que le droit positif ne prévoit aucune voie de recours à l'encontre d'une décision refusant un permis de visite à une personne placée en détention provisoire, lorsque la demande est formulée par une personne qui n'est pas membre de sa famille. Il en est de même dans l'hypothèse où le permis de visite est sollicité après la clôture de l'instruction, ou en l'absence d'instruction. Cette absence de recours existe également lorsqu'une personne placée en détention provisoire se voit refuser l'accès au téléphone.
Le champ de la QPC
Le Conseil constitutionnel commence par réduire le champ de la QPC. Les demandeurs invoquaient en effet l'inconstitutionnalité de l'ensemble des articles concernant les visites et l'accès au téléphone des personnes détenues, alors que les moyens développés ne visaient que la situation des personnes en détention provisoire. A partir de ce champ plus étroit, le Conseil s'appuie sur l'absence de droit au recours pour déclarer inconstitutionnelles les dispositions litigieuses. L'association requérante obtient donc satisfaction, même s'il s'agit essentiellement d'une satisfaction morale.
Le Conseil se fonde sur l'absence de droit au recours qui suffit à fonder l'inconstitutionnalité des dispositions contestées.
Le droit au recours
Depuis sa décision du 9 avril 1996, le Conseil constitutionnel déduit l'existence d'un droit au recours juridictionnel effectif des dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : 'Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution". Il est désormais acquis, en particulier depuis la décision Albin R. du 25 novembre 2011, que cet article 16 fait partie des "droits et libertés que la Constitution garantit" et peut donc être invoqué à l'appui d'une QPC.
En l'espèce, le Conseil constitutionnel sanctionne l'absence totale de voie de recours, lorsque le permis de visite concerne un proche non membre de la famille ou est demandé après la clôture de l'instruction, ou encore lorsque l'autorisation de téléphoner est refusée pour des motifs liés aux nécessités de l'information. Sur ce point, la position du Conseil doit être rapprochée de celle développée dans sa décision QPC du 16 octobre 2015 relative à la destruction d'objets saisis. Le procureur de la République pouvait en effet décider la destruction de biens saisis sans que leur propriétaire puisse contester la décision et, le cas échéant, demander leur restitution. Aux yeux du Conseil, l'absence totale de recours emporte une violation de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Derrière cette décision, on peut déceler une référence implicite aux principes d'égalité et de présomption d'innocence, dès lors que les membres de la famille peuvent contester un refus de visite devant le président de la chambre de l'instruction et que les détenus qui purgent leur peine peuvent également contester le refus d'accès au téléphone. Il serait donc pour le moins choquant que les uns disposent d'un droit de recours et pas les autres, alors même que les personnes en détention provisoire sont innocentes tant qu'elles n'ont pas été déclarées coupables.
Hergé. L'oreille cassée. |
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