« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


vendredi 26 avril 2013

Le referendum d'initiative partagée, vote en seconde lecture


L'Assemblée nationale adopte aujourd'hui, en seconde lecture,  deux projets de loi, une loi organique et une loi ordinaire, portant application de l'article 11 de la Constitution et mise en oeuvre du referendum d'initiative populaire. L'origine de ces textes est déjà lointaine, puisque on la trouve dans la révision constitutionnelle de 2008, initiée par Nicolas Sarkozy.  Elle modifie la rédaction de l'article 11 en ajoutant : " Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an". A l'époque, le projet était présenté comme fort ambitieux. Ne s'agissait-il pas, selon les termes employés par Nicolas Sarkozy, de "redonner la parole au peuple français" ?

Après cette belle opération de communication, le silence s'est fait et la loi organique destinée à assurer l'application de ces dispositions a été oubliée, comme s'il n'était pas si urgent de redonner la parole au peuple français. Le projet de loi a été déposé en décembre 2010, accompagné d'un projet de loi ordinaire portant sur des points de procédure. Ces deux textes sont parvenus en discussion en décembre 2011, soit trois années après la révision. Adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale le 10 janvier 2012, ils n'ont été transmis au Sénat qu'après l'alternance pour y être votés le 26 février 2013. Le vote en seconde lecture du 25 avril marque donc une nette accélération de la procédure, d'autant que le Sénat devrait se prononcer avant l'été. 

Une initiative parlementaire

La gauche n'a pas modifié de manière substantielle le projet initial. Contrairement à Nicolas Sarkozy qui se référait au référendum d"'initiative populaire", le texte évoque plutôt une initiative "partagée", voire tout simplement parlementaire. L'Assemblée a d'ailleurs refusé l'amendement sénatorial qui créait une nouvelle catégorie de propositions de loi : les "propositions de loi référendaires". Aux yeux de l'Assemblée et du gouvernement, la proposition de loi, comme son nom l'indique, conserve une origine parlementaire. 

Elle doit en effet être présentée par au moins un cinquième des membres du parlement (soit 185 députés ou sénateurs), avant de recueillir le soutien du dixième du corps électoral. Le peuple ne peut donc susciter le referendum que si le parlement a manifesté son accord préalable. Et lorsque l'on évoque le parlement, on pense bien davantage aux partis politiques les plus puissants, ceux qui sont précisément en mesure de réunir une minorité substantielle de 185 parlementaires. Le Parlement dispose d'ailleurs d'un véritable veto. Après le recueil des signatures, si la proposition de loi n'a pas été examinée par chaque assemblée dans un délai de neuf mois, le Président de la République doit la soumettre à referendum. Cela signifie, a contrario, que chaque chambre a encore, à ce stade, la possibilité de s'opposer à la consultation.



Lefor-Openo. Affiche pour le referendum de 1958


Difficultés de la procédure

Il est extrêmement difficile d'obtenir un referendum dans ces conditions, d'autant que le nombre  de 4 500 000 électeurs signataires est considérable. A titre de comparaison, pour une population identique, l'Italie a mis en place un referendum abrogatif permettant au peuple de s'opposer à une loi votée, à la condition de réunir 500 000 électeurs (art. 75 de la Constitution italienne). A titre de comparaison encore, souvenons nous que les opposants au mariage pour tous se flattaient d'avoir fait parvenir une pétition de 500 000 signatures au Conseil économique et social.

Le champ d'application est également relativement restrictif, car les électeurs ne peuvent proposer n'importe quelle réforme. La proposition doit s'inscrire dans le champ de l'article 11 de la Constitution, "sur un objet mentionné au premier alinéa", c'est à dire "l'organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et (les) services publics qui y concourent (...)". Le Conseil constitutionnel est d'ailleurs chargé d'un contrôle préventif, qui intervient après le vote parlementaire et avant la collecte des signatures des électeurs, et on peut penser que le juge veillera au respect de l'article 11. 

A la demande du gouvernement, l'Assemblée a légèrement remanié le texte initial dans le sens d'une plus grande souplesse. C'est ainsi que la durée de recueil des signatures a été portée de six à neuf mois. Cette procédure peut d'ailleurs être dématérialisée par internet, et le déroulement des opérations est garanti par une commission de contrôle composée de membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes. 

Méfiance à l'égard de la démocratie directe

Ces modifications de détail ne modifient guère l'équilibre du texte. Il repose sur une idée essentielle : le  referendum d'initiative partagée doit avoir un champ d'application étroit, être soumis à une procédure complexe et à des contrôles nombreux. En bref, l'intervention du peuple doit être aussi difficile que possible à mettre en oeuvre. Sur ce point, le texte ne constitue pas une rupture par rapport à la méfiance traditionnelle des parlementaires à l'égard des procédés de démocratie directe.

Certains attendaient avec impatience ce nouveau texte pour susciter, par ce type de consultation, l'abrogation de la loi sur le mariage pour tous. Ils seront déçus. D'une part, l'article 11, dans sa nouvelle rédaction, énonce que le referendum "ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an", ce qui interdit une action immédiate. D'autre part, le contrôle du Conseil constitutionnel conduirait sans doute à écarter une proposition de loi portant sur le mariage, dès lors qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article 11. Enfin, le nombre considérable de signatures exigées pour obtenir une telle consultation risque de se révéler pour le moins dissuasif. S'il n'est pas difficile de faire défiler ses enfants dans les manifestations, il est plus délicat de leur faire signer une demande de referendum, puisque cette prérogative n'appartient qu'aux citoyens inscrits sur les listes électorales.

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