« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


samedi 24 août 2019

Le "Like" de Facebook : aimer sans consentir

On pense souvent que le "Like" de Facebook n'est qu'un anodin petit bouton, qui permet soit de témoigner son accord à l'égard d'un contenu partagé sur le réseau, soit de partager sur Facebook un contenu figurant sur un autre réseau, ou un autre site. La décision Fashion ID Gmbh c. Verbraucherzentrale NRW et V,, rendue par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 29 juillet 2019, a une véritable vertu pédagogique, dans la mesure où elle montre que ce bouton est avant tout un objet commercial destiné à drainer les données personnelles des internautes. Et la CJUE en tire toutes les conséquences en déclarant que l'entreprise qui accepte de placer ce bouton et de transmettre à Facebook les données de ses clients est coresponsable de cette collecte.


Une double question préjudicielle 



En l'espèce, une entreprise de e-commerce allemande, Fashion ID, avait placé le signe "Like" de Facebook sur une page de son site. Que les visiteurs activent ou non le bouton, leurs données étaient transmises à Facebook, sans que le consentement des intéressés soit sollicité, sans même qu'ils soient informés de ce transfert. Une association allemande de consommateurs a saisi la justice pour violation des règles relatives à la protection des données personnelles. Certes, l'arrêt ID Fashion se situe sous l'empire de l'ancienne directive 95/46, désormais abrogée avec l'entrée en vigueur du règlement général de protection des données (RGPD). Mais le principe du consentement à la collecte et à la conservation des données personnelles n'a pas changé de manière substantielle.

Dans l'affaire ID Fashion, la CJUE est saisie d'un double question préjudicielle. Ecartons d'emblée celle qui porte sur l'intérêt à agir d'une association de consommateurs. L'arrêt du 6 novembre 2003 Lindqvist avait déjà estimé que les Etats membres prenaient une "mesure appropriée" en décidant qu'une association de consommateur pouvait agir en justice pour protéger les droits des internautes. Un tel recours contribue en effet à la réalisation des objectifs de la directive.


Une responsabilité conjointe



La seconde question est plus intéressante. Les juges allemands demandent en effet à la Cour si le gestionnaire d’un site Internet, tel que Fashion ID, qui insère sur son site un bouton destiné à transmettre les données de caractère personnel d'un visiteur peut être considéré comme "responsable du traitement". La réponse n'est pas évidente, dès lors que le site Fashion ID se borne à transférer des données et n'a donc aucune influence sur le traitement qui en sera fait par Facebook.

De manière traditionnelle, la CJUE adopte une définition large de la notion de  « responsable du traitement » comme visant "la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel " (CJUE, 5 juin 2018, Wirtschaftsakademie Schleswig-Holstein). Rien n'interdit d'ailleurs, selon l'arrêt du 10 juillet 2018, Jehovan todistajat, que le "responsable du traitement" soit pluriel, constitué de plusieurs acteurs qui sont alors également soumis au droit de la protection des données. Dans ce cas, ces acteurs peuvent être impliqués à des stades divers du traitement, de la collecte, à la conservation et à l'utilisation des données.

En l'espèce, Fashion ID, en insérant le bouton sur son site, a offert à l'entreprise Facebook Ireland la possibilité d'obtenir les données personnelles des visiteurs, qu'ils soient ou non membres du réseau social, qu'ils aient ou non cliqué sur le bouton, et bien entendu sans qu'ils aient eu connaissance de cette opération. Fashion ID est donc considéré comme "responsable du traitement" dans la mesure où elle collecte et transmet des données. En revanche, elle n'est plus "responsable du traitement" pour la suite, c'est-à-dire pour l'usage qu'en fera Facebook, même si, et la Cour ne manque pas de le faire remarquer, cet usage ultérieur n'aurait pas lieu sans son intervention. Il appartiendra donc aux juges allemands d'évaluer la responsabilité respective de chacun des deux acteurs.


Voutch. 22 janvier 2019

Consentement et loyauté



Cette solution n'est guère surprenante si l'on considère que les systèmes juridiques des Etats membres n'ignorent pas les responsabilités conjointes. Derrière cette analyse, transparaît aussi l'idée qu'il existe en l'espèce un cumul des fautes. Car Fashion ID n'a pas songé à demander aux internautes de consentir à la captation de leurs données, consentement qui constitue l'un des socles sur lequel s'est construit le droit de la protection des données. Et Facebook n'a pas davantage exigé ce consentement de son co-contractant, alors même que ses dirigeants, et notamment Mark Zuckerberg, affirment leur volonté de se plier aux règles imposées par le droit européen. 
 
En l'espèce, il ne fait aucun doute que les internautes ont été victimes, à leur insu, d'une opération purement commerciale reposant précisément sur leur crédulité. La responsabilité des deux partenaires est donc engagée aussi dans la mesure où ils ont manqué à un autre principe cardinal de la protection des données, celui de la loyauté de leur collecte. La CJUE protège ainsi l'internaute crédule, comme le font les juges allemands. On se prend à espérer que les internautes participent eux-mêmes à la protection de leurs données personnelles, par exemple en évitant de les disséminer sur les réseaux sociaux.


Sur la protection des données : Chapitre 8, Section 5 du manuel de Libertés publiques sur internet.




jeudi 22 août 2019

Extradition : Etendue du contrôle de la chambre de l'instruction

Par deux arrêts du 7 août 2019,  la Chambre criminelle de la Cour de cassation donne aux juges du fond des éléments très utiles pour exercer, et approfondir, leur contrôle sur la procédure d'extradition. 

Dans le premier arrêt, le requérant, M. X., de nationalité moldave, est réclamé par plusieurs Etats.  D'abord par la France qui, par un mandat d'arrêt européen, a obtenu des autorités roumaines, sa remise dans le cadre d'une information judiciaire ouverte dans notre pays. Ensuite par la Russie qui, ayant appris que l'intéressé était incarcéré France, a cette fois utilisé la procédure d'extradition de droit commun, dans le cadre d'une enquête criminelle pour violation de secret bancaire et tentative de vol en bande organisée. M. X. a donc été placé sous écrou extraditionnel en juin 2018. 

Dans le second arrêt, le requérant est un Chilien, qui a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international, dans le cadre d'une enquête relative au meurtre d'un carabinier en 2006.  


L'extradition



Rappelons que l'extradition est un instrument d'entraide judiciaire internationale. La loi du 10 mars 1927 la définissait comme "la remise par le gouvernement français, sur leur demande, aux gouvernements étrangers de tout individu, non français, qui étant l'objet d'une poursuite intentée au nom de l'Etat requérant ou d'une condamnation par ses tribunaux est trouvé sur le territoire de la République". Cette loi a été intégrée au code de procédure pénale, et la définition de l'extradition n'a pas été modifiée. D'une manière générale, l'extradition est très largement gérée par des conventions internationales, notamment la convention européenne d'extradition qui fonde en l'espèce la demande russe. En revanche, la demande chilienne demeure gérée par le droit commun du code de procédure pénale.

Sur le plan procédural, l'extradition présente l'originalité de donner lieu à un double contrôle, d'abord celui du juge judiciaire, et la chambre de l'instruction de la Cour d'appel donne ainsi un avis sur la demande après avoir entendu l'intéressé, ensuite celui du juge administratif qui contrôle la légalité du décret d'extradition pris ensuite par le Premier ministre. L'avis de la chambre de l'instruction ne s'analyse pas comme une procédure consultative ordinaire.  Lorsqu'il est défavorable à l'extradition, il a autorité de chose jugée, et le ministre de la justice ne peut donc pas proposer le décret à la signature du Premier ministre. En revanche, lorsque l'avis est favorable, il redevient purement consultatif, et le Premier ministre conserve encore le chois de refuser l'extradition. 

En l'espèce, l'avis de la Chambre de l'instruction était favorable dans les deux cas.


La prescription



Le ressortissant chilien voit son pourvoi rejeté. Il invoquait essentiellement la prescription de l'action publique, tant au regard du droit français que du droit chilien.

L'article 10 de la Convention européenne d'extradition précise en effet qu'elle "ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la partie requérante, soit de la partie requise". De son côté, l'article 696-4 du code de procédure pénale précise que "l'extradition n'est pas accordée "lorsque, d'après la loi de l'Etat requérant ou la loi française, la prescription de l'action s'est trouvée acquise antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de la personne réclamée et d'une façon générale toutes les fois que l'action publique de l'Etat requérant est éteinte". Il appartient donc à la chambre de l'instruction de s'assurer, avant de rendre son avis, que les faits ne sont prescrits dans aucun des deux systèmes. Ce principe, rappelé, dans un arrêt du 23 septembre 2015, impose ainsi une motivation très substantielle de l'avis lorsque la prescription est invoquée.

Dans le cas présent, le juge observe que les délais de prescription, en matière criminelle, est de quinze ans à compter des faits au Chili, alors qu'il est de vingt ans en France, à la condition qu'il n'ait été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. Les faits sont toutefois intervenus en mai 2006, à une époque antérieure à la loi française du 27 février 2017, alors que la prescription était de dix ans. Mais les juges français constatent que les juges chiliens ont formulé leur demande d'extradition seulement en 2011. La prescription n'est donc acquise ni en France, ni au Chili. La chambre criminelle précise toutefois que le contrôle de la chambre de l'instruction ne saurait la conduire jusqu'à la vérification de la qualification retenue par les juges chiliens. 

Le ressortissant moldave, quant à lui, obtient la cassation, précisément parce que la Chambre de l'instruction n'a pas procédé à ce contrôle de manière approfondie. En effet, elle s'était bien assurée de l'absence de prescription en droit russe, mais ne s'était pas livrée à la même analyse concernant le droit français. Or la question se posait car les faits avaient été commis en 2013, et la prescription délictuelle, selon la loi applicable était de trois ans. Elle était donc acquise en droit français, au moment de la demande russe intervenue en juin 2017.

 
Le temps est-il un crime parfait ? MissTic (née en 1956)

Le quantum de la peine encourue 



Mais la Chambre de l'instruction a également omis une autre vérification, celle du quantum de la peine encourue. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne d'extradition et de l'article 696-15 du code de procédure pénale, l'extradition ne peut être accordée que si les faits sont punis par les deux systèmes juridiques d'une peine privative de liberté égale ou supérieure à un an. Or, en l'espèce, la chambre de l'instruction s'est bornée à mentionnée que M. X. était poursuivi pour des faits correspondant, en droit français, à une série d'infractions liées à la contrefaçon et à l'escroquerie en bande organisée. Le droit russe n'est pas mentionné, et cette lacune est sanctionnée par la Cour de cassation.

Cette jurisprudence conduit à exiger du juge français un exercice de "traduction" de la peine étrangère dans le droit français. Une fois cette opération effectuée, le juge devra ensuite s'assurer que cette traduction est conforme à l'article 696-3 du code de procédure pénale qui énonce les faits susceptibles de donner lieu à extradition. Ainsi, le juge français peut, le cas échéant, opérer une requalification, par exemple en considérant comme délit ce que le droit étranger qualifie de crime, dès lors que l'emprisonnement ne dépasse pas un an. Il s'agit donc de faire entrer les infractions définies par les systèmes juridiques dans le cadre tripartite défini par le droit français : crime, délit ou contravention.

En imposant un contrôle aussi important, la Cour de cassation n'entend certainement pas imposer une lecture franco-française du droit de l'extradition. Elle entend faire prévaloir l'esprit de la Convention européenne d'extradition. Celle repose en effet sur l'équilibre de la procédure, principe de double incrimination, symétrie du quantum des peines etc. La qualification donnée par les Etats doit ainsi pouvoir être écartée pour faire prévaloir ce principe de symétrie. Inutile de dire que cette même faculté peut être exercée, de la même manière, par les juges russes confrontées à une demande d'extradition formulée par les juges français.

Sur l'extradition : Chapitre 5, Section 2, § 2, D. du manuel de Libertés publiques sur internet.







 

vendredi 16 août 2019

Les Invités de LLC : Point de vue du Nouvel Elan sur la corrida

Le 21 septembre 2012, Le Nouvel Elan, commentait l'article de Liberté Libertés Chéries consacré à la décision QPC du Conseil constitutionnel refusant de déclarer inconstitutionnelle la mise à mort des taureaux dans les corridas, au nom de la "tradition locale ininterrompue". Le Conseil renvoyait alors le problème au législateur, qui n'a jamais légiféré sur cette question.

A cet occasion, le Nouvel Elan offrait à Liberté Libertés Chéries un de ses Gnoufs les plus talentueux. Nous choisissons de le reproduire aujourd'hui, car, sept ans plus tard, il n'y a pas un mot à changer.


Gnouf, Meuf ! Je Me porte bien. Didonque, ton blog, là, il ne pousserait pas un peu, Raquette à part ??? Ai-je bien compris ? Tu sembles condamner les corridas ? Ne pas en saisir la mâle beauté, le tragique sanglant ? Mézalor, plus moyen de rigoler ? Ne mesures tu pas la jouissance profonde lorsque l'animal, à demi anesthésié et fou de peur, pénètre dans l'arène sous les cris de la multitude saisie par le démon du carnage ? Les banderilles, enfoncées avec élégance de façon à l'empêcher de tourner la tête, laissent sur son cuir des coulées rouges du plus bel effet. Parfois, pas toujours hélas, il a le temps d'encorner un cheval qui porte les héros, et les tripes équines s'écoulent sur le sable, tandis qu'il agite spasmodiquement les jambes. Orgasme !

Ah , Meuf, si tu étais un homme, ou de ces femmes que la virilité fascine, tu aimerais le ballet de mort offert à la bête, tu vibrerais avec la foule au spectacle de cette agonie savamment mise en scène, de cette cruauté si humaine, par le Bouton Vert ! Tu souhaiterais retarder le moment où elle sera arrêtée, prolonger ce coeur battant à coups redoublés, cette douleur exquise qui console tant de minables de leur impuissance, leur assure par procuration je ne sais quelle grandeur d'artifice - ils ont une boule dans la gorge -, les persuade, pour un instant, pour un instant seulement, qu'ils sont dignes d'être les grands prêtres du sacrifice.

Oublierais-tu, Meuf, que l'on ne peut plus brûler les cathares, exterminer les protestants, que même ratonnades et pogroms sont mal vus ? Voudrais-tu priver l'humanité souffrante, qui en Europe n'a même plus la ressource des génocides, de cet exutoire réconfortant ? Oui, la mort du taureau, son cadavre traîné dans la poussière, nous rend plus forts, réveille en nous quelque rêve de gloire sans péril. Barbare du Nord, tu ne saisis pas la splendeur antique des rituels de torture et de mise à mort, tu ne comprends rien à la civilisation méditerranéenne, qui a tant donné au monde - les gladiateurs, les crucifix, les décimations, le passage au fil de l'épée des femmes et des enfants ! Enfant, va ! Je te pardonne, parce que je sens que tu n'aimes pas davantage la chasse, quand l'oiseau qui vole et s'enivre d'air pur s'abat, foudroyé par le tir de quelque embusqué bien imbibé de bibine.

Je vais te dire, Meuf, paskensomme Je t'aime bien, entre nous il y a une rupture épistémologique, une incompatibilité paradigmatique. Alors, un conseil : Laisse picadors, toreadors, matadors et autres aficionados à leurs massacres avec la bénédiction des Grands Juges, ou Grands Prêtres, hautes consciences de la Constitution de la République, et que l'on continue à martyriser les animaux en son Nom.

Le Nouvel Elan

 Corrida, Francis Cabrel, 1994

dimanche 11 août 2019

Guerre des polices et pesticides

La presse du 6 août 2019 mentionne que le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine) est "convoqué" devant le tribunal administratif, pour avoir pris un arrêté interdisant l'utilisation des pesticides à moins de 150 mètres de toute habitation. Il ne s'agit évidemment pas d'une convocation pénale, mais d'un déféré administratif, c'est-à-dire d'une saisine du tribunal administratif de Rennes par la préfète du département. Celle-ci a demandé à l'élu de retirer l'arrêté qu'elle juge illégal. Devant son refus, elle demande l'annulation contentieuse de sa décision. La procédure est donc celle du contrôle de légalité, procédure essentielle de la décentralisation française.


Une finalité de police générale 



L'élu écologiste de Langouët entend exercer le pouvoir de police générale qui lui est conféré par l'article L 2212-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) : « Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’Etat qui y sont relatifs ». En interdisant l'usage de pesticides sur l'ensemble de la commune "à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel", le maire se propose donc de protéger la santé des habitants de sa commune.

Attaché au pouvoir de police générale, l'arrêté a donc un objet préventif. Son auteur invoque évidemment la salubrité et la santé publiques, composantes de l'ordre public, finalités traditionnelles de la police municipale. L'élu se voit ainsi confier, selon les termes mêmes de l'article L 2212-2 CGCT "le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature". Dans une décision du 27 juillet 2015, le Conseil d'Etat, a ainsi engagé la responsabilité d'un élu qui n'avait pas usé de son pouvoir de police pour faire cesser une pollution provoquée par une installation d'assainissement défectueuse.

Sur le fond, le maire de Langouët peut s'appuyer sur le principe de précaution, figurant dans l'article 5 de la Charte pour l'environnement, elle-même intégrée dans le bloc de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a ainsi reconnu cette valeur constitutionnelle du principe de précaution dans sa décision du 19 juin 2008. Il a ensuite admis qu'il puisse être invoqué dans une QPC le 11 octobre 2013, mais ne s'est jamais appuyé sur lui pour déclarer l'inconstitutionnalité d'une norme législative. Le Conseil d'Etat ne fait pas davantage preuve d'audace et a déclaré illégaux, dans trois arrêts du 26 octobre 2011, des arrêtés municipaux interdisant le déploiement d'antennes téléphoniques sur le territoire de la commune, décisions fondées sur le principe de précaution. On peut en déduire que le principe de précaution est dans la Constitution comme figure rhétorique, une posture idéologique.  Pour le moment, il n'a jamais été invoqué avec succès devant la juridiction administrative, à l'exception de quelques jugements de combat prononcés par des tribunaux administratifs, rapidement annulés par le Conseil d'Etat.

Il est probable que le tribunal administratif de Rennes, sauf si précisément il veut se lancer dans une jurisprudence de combat, n'aura même pas à s'interroger sur la conformité de l'interdiction prononcée par le maire de Langouët au principe de précaution. 

Il lui suffit en effet de mentionner l'existence d'une police spéciale dans ce domaine. La police phytosanitaire repose en effet sur les article L 251-3 et suivants du code rural et de la pêche maritime (CRPM). C'est ainsi que, dans une décision du 7 août 2008, le Conseil d'Etat a engagé la responsabilité de l'Etat, qui n'avait pas usé de ce pouvoir de police spéciale pour empêcher une épidémie qui affectait des vergers et dont l'origine se situait dans une souche de virus, échappée d'un établissement de recherche de l'INRA. La préfète d'Ille-et-Vilaine estime donc que le maire de Langouët n'est pas compétent pour agir contre les pesticides, cette compétence relevant de la police phytosanitaire spéciale confiée au ministre de l'agriculture.

Habitant de Langouët menacé par l'épandage de pesticides
La mort aux trousses, Alfred Hitchcock, 1959, Cary Grant


Les concours de police

 

Si ce n'est que le droit n'interdit pas les concours de police. L'arrêt du 27 juillet 2015 se montre très clair sur ce point : "L’octroi au maire (...) de pouvoirs de police spéciale en matière de contrôle des installations d’assainissement non collectif n’a pas privé celui-ci des pouvoirs de police générale qu’il tient de l’article L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, notamment en vue de faire cesser les pollutions de toute nature". Certes, mais il s'agit là de deux pouvoirs de police exercés par une même autorité, le maire.

La question est plus complexe lorsque le pouvoir de police générale du maire se heurte à un pouvoir de police spéciale détenue par le pouvoir central, et dont précisément il n'entend pas user. C'est bien le cas dans l'affaire de Langouët et l'élu invoque d'ailleurs une "carence" de l'Etat dans le domaine de l'épandage des pesticides. 

Or l'arrêt Commune de Valence du 24 septembre 2012, rendu par le Conseil d'Etat dans une affaire similaire, fait prévaloir la police spéciale sur la police générale. En l'espèce, l'élu, se fondant, notamment, sur le principe de précaution, a interdit en plusieurs parties du territoire de la commune la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, pour une durée de trois ans. Le juge administratif, confronté ainsi à une concurrence entre les deux polices, estime alors que, bien que responsable de l'ordre public sur son territoire, l'élu "ne saurait en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale par l'édiction d'une réglementation locale".

Doit-on en déduire une contradiction entre la jurisprudence de septembre 2012 et celle de juillet 2015 ? Non, car il existe une différence de fond entre les deux affaires. Dans celle de 2015, le maire s'était abstenu de prendre des mesures pour faire cesser des inondations d'eau polluée qui entraînaient une surmortalité des ovins des exploitations proches. Dans l'arrêt de 2012, le maire, en prenant un arrêté d'interdiction des OGM, ne répondait au contraire à aucune situation d'urgence particulière à sa commune. L'application, ou non, du principe de précaution relevait donc de la compétence exclusive du ministre.

Il est donc probable que l'élu de Langoüet verra, tôt ou tard, son arrêté municipal annulé par le juge administratif. Une telle décision suscitera certainement des protestations diverses des protecteurs de l'environnement. Mais si l'élu local a le mérite de soulever un problème de société, son pouvoir de police ne saurait toutefois le résoudre, tant il est vrai que la pollution par pesticides dépasse largement la commune de Langouët. Il s'agit, à l'évidence, d'une question de société et de santé publique qui ne peut être traitée, et tranchée, qu'au niveau national, ne serait-ce que pour garantir le respect de l'égalité des citoyens devant la loi. Maintenant que tous les partis politiques se proclament résolument écologiques, attachés depuis toujours à l'environnement, et préoccupés par la santé des électeurs, la question de l'usage abusif des pesticides va peut-être pouvoir être débattue au Parlement. A moins précisément que le lobby des marchands de pesticides n'ait déjà fait quelques ravages dans les assemblées parlementaires.



 

mercredi 7 août 2019

Poursuivre les crimes contre l'humanité, ailleurs de préférence

Réprimer les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité est une "impérieuse nécessité", quel que soit le lieu où ils ont été commis. Leurs auteurs ne devraient se sentir en sécurité nulle part et pouvoir être jugés partout. Qui n'adhérerait pas à de tels propos ? Et certains éléments largement médiatisés laissent penser que la France est particulièrement active dans cette répression ? N'a-t-on pas créé un pôle "Crimes contre l'humanité" au TGI de Paris ? La France n'est-elle pas représentée au sein des différents comités de l'ONU qui oeuvrent dans ce domaine, à grand renfort de rapports et de délibérations ? 

Il convient toutefois de comparer les idées reçues au droit positif qui, lui, s'élabore plus discrètement. Celui-ci vient d'être modifié avec une nouvelle rédaction de l'article L 689-11 du code de procédure pénale, issue de la toute récente loi Belloubet du 23 mars 2019 (art. 63). Ce texte ne modifie pas les choses de manière substantielle, mais il s'inscrit dans un mouvement continu visant à soustraire le droit français aux obligations de la compétence universelle. Bien entendu, il n'est pas question d'y renoncer formellement, mais de lui tordre le cou, de l'étrangler discrètement par des règles juridiques qui la rendent inapplicable.


La compétence universelle



La première mention de la compétence universelle se trouve dans l'article 5 al.1 de la Convention de 1984 contre la torture, et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il impose à l'Etat signataire de "prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence dans le cas où l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur son territoire". La torture, reconnue comme une atteinte aux droits de l'homme par l'ensemble des pays civilisés, doit donc pouvoir être jugée dans n'importe quel Etat. Par la suite, d'autres articles furent ajoutés dans le code pénal, pour pouvoir juger différentes infractions, sur le fondement de traités internationaux tels que la convention pour la répression du terrorisme, celle pour la répression du financement du terrorisme, ou sur les actes illicites de violence dans les aéroports etc.

Avec la signature et la ratification du Statut de Rome, la loi du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale (CPI), le champ de la compétence universelle est étendu aux crimes relevant de la compétence de cette juridiction. Observons au passage que cet élargissement ne concerne que les infractions commises durant les conflits armés internationaux et non internationaux. Pour être poursuivie en France, la personne suspectée doit y résider habituellement, avoir commis des faits également poursuivis par la loi dans l'Etat où ils ont été commis, et enfin, ne pas être réclamée par un autre Etat ou une juridiction internationale. 

Les chances de passer à travers les poursuites étaient donc déjà fort larges.  Le nouvel article 689-11, issu de l'article 63 de la loi Belloubet, ne simplifie pas les choses en dressant la liste exhaustive des infractions concernées : génocide, crime contre l'humanité, crime et délit de guerre. Seul le crime de génocide n'est pas soumis à la condition exigeant qu'il soit réprimé par l'Etat où il a été commis. Les autres demeurent soumis à cette condition. Le fait de dresser la liste des infractions impose que celles-ci soient poursuivies dans les mêmes termes par l'Etat où elles ont été commises, rédaction probable si, et seulement si, l'Etat est partie au Statut de Rome. 

 Sentimental Bourreau. Boby Lapointe

Les écueils  



Dans l'état actuel du droit, la mise en oeuvre de la compétence des juges français se heurte ainsi à deux écueils.

Le premier est évidemment l'articulation entre les deux compétences. Le droit français n'est compétent que si la CPI ne demande pas l'intéressé. Et la CPI ? L'article 17 du Statut de Rome affirme qu'elle doit se déclarer incompétente si l'affaire fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat compétent, celui dans lequel les crimes ont été commis. En d'autres termes, le droit français n'est compétent que si la CPI n'exerce pas sa compétence, et la CPI n'est compétente que si un autre Etat n'exerce pas sa compétence. Nous voilà ainsi dans un véritable conflit d'incompétences, qui donne l'impression que l'auteur de crimes graves est une sorte hot potato que personne ne peut, ou ne veut, juger. Rappelons tout de même que, depuis qu'elle a fonctionné, la CPI a tout de même condamné trois personnes pour des crimes de guerre.

Le second écueil se trouve dans l'existence même d'Etats, nombreux, qui n'ont ni signé ni ratifié le Statut de Rome. Dans ce cas, la compétence universelle ne s'applique pas. En effet, l'article 689 du code pénal précise que "les auteurs (...) d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque (...) la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale (...) donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction". Or 123 Etats sont signataires et parties, 32 sont signataires mais n'ont pas ratifié le Statut, et 42 n'ont ni signé, ni ratifié. En l'état actuel du droit, les juges français ne peuvent pas se déclarer compétents si l'Etat dans lequel le crime a été commis n'est pas partie au Statut de Rome. Les auteurs de crimes commis dans d'autres Etats peuvent donc venir en France et y résider tranquillement. Aucune disposition du code pénal ne permet de la poursuivre.

On constate ainsi un recul des poursuites à l'égard de ces crimes particulièrement graves. Dans l'ancienne rédaction du code pénal, à une époque où la convention sur la torture était le fondement des poursuites, le code pénal se bornait à mentionner que "peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l'article 689-1 toute personne coupable de tortures au sens de l'article 1er de la convention". On admire la simplicité de rédaction : aucune condition de demande de remise ou d'extradition par un autre Etats, aucune condition de résidence. La simple comparaison est éclairante et l'on sait que ces dispositions ont donné lieu à des condamnations, par exemple celle en 2002 d'un officier mauritanien qui s'était livré à des actes de torture dans son pays avant d'y être amnistié. Hélas, cette compétence a disparu en 2010. La loi de 2010 mettant en oeuvre le Statut de Rome et la loi Belloubet de 2019 s'analysent ainsi non pas comme un progrès de la protection des droits de l'homme, mais comme une régression.

Reste que l'article 5 al. 1 de la Convention sur la torture impose aux Etats parties d'établir leur compétence en cas de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, dès lors que les individus soupçonnés se trouvent sur leur territoire. Ceci, en outre, indépendamment de l'existence d'un conflit armé international ou non international. En ajoutant à cette stipulation très claire une condition supplémentaire, la résidence, le législateur français viole donc la Convention. Se trouvera-t-il un juge qui mette en oeuvre la supériorité du traité sur la loi, ou doit-on comprendre que les restrictions que cette dernière impose ne concernent que la Cour pénale internationale ?



samedi 3 août 2019

La loi de transformation de la fonction publique devant le Conseil constitutionnel

Le 1er août 2019, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la conformité à la Constitution de la loi portant transformation de la fonction publique. Il n'a émis aucune critique, pas la moindre réserve, pas le moindre moyen soulevé d'office. Tout est donc parfait. Sans doute, mais il faut bien reconnaître que le Conseil ne fait rien pour emporter la conviction des lecteurs, tant l'exposé des motifs de sa décision est sommaire, parfois inexistant. Sans prétendre à l'exhaustivité, donnons quelques exemples de cette légèreté des réponses apportées aux députés et sénateurs qui ont saisi le Conseil. 


Le principe de participation



Le principe de participation des fonctionnaires trouve son fondement dans le 8e alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui proclame que "Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises". L'article 9 du statut de 1983 énonce, quant à lui, que  "les fonctionnaires participent par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière"

La loi portant transformation de la justice se propose de simplifier les procédures en réduisant le nombre d'instances de concertation. Le comité technique (CT) et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sont remplacés par une instance unique, le comité social. Les commissions administratives paritaires (CAP) se trouvent, quant à elles, recentrées sur le champ disciplinaire. Elles ne sont donc plus consultées sur les questions de mutation, de détachement ou d'avancement. Les auteurs de la saisine voient dans cette restructuration une atteinte au principe de participation.

Le Conseil constitutionnel se borne à affirmer que ce principe ne concerne que la détermination collective des conditions de travail. Or le projet se borne à soustraire à l'examen des CAP certaines décisions individuelles. Au moins, l'analyse est simple, facile à comprendre, même par le lecteur le moins au fait des subtilités de la jurisprudence.

Si ce n'est que l'on aurait aimé que le Conseil réponde aux moyens soulevés, et notamment à celui développé dans la requête déposée par les députés. Ils font remarquer que cette restriction du champ de compétence des CAP s'analyse comme une limitation du champ de la participation elle-même, la liste des décisions individuelles laissées à la compétence des CAP étant laissée au pouvoir réglementaire. De fait, les décisions relatives aux carrières des fonctionnaires sortent du champ de la participation. Pourquoi pas ? Il n'empêche que l'on aurait aimé que le Conseil s'intéresse à cette question, même pour écarter l'objection.

 
 Avoir un bon copain. Le chemin du Paradis Max de Vaucorbeil, 1930
 

La contractualisation



L'un des objets principaux de la loi est de permettre de recruter soit un fonctionnaire, soit un agent contractuel, sur les emplois de direction de la fonction publique et des établissements publics de l'Etat, voire sur l'ensemble des emplois lors qu'il s'agit de faire appel à des compétences techniques, ou lorsque la procédure de recrutement interne s'est révélée infructueuse. Des contrats annuels pourront également être utilisés pour des missions ponctuelles, même si le contrat peut tout de même être renouvelé six fois. Là encore, on ignore tout des emplois concernés, qui, pour la fonction publique d'Etat, seront définis par décret. Les choses sont bien faites, car la réforme des CAP permet précisément de soustraire ces questions aux procédures de concertation. 

Le Conseil constitutionnel déclare cette contractualisation conforme à la Constitution. Il écarte le moyen fondé sur la règle en usage selon laquelle les emplois permanents de la fonction publique doivent être occupés par des fonctionnaires statutaires (art. 3 du statut de 1983). Certes, ces dispositions ont valeur législative, mais précisément, aux termes de l'article 34 de la Constitution, il appartient à la loi de définir les "garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires publics". Dans une jurisprudence ancienne, mais classique, le Conseil a même refusé, par exemple dans une décision du 26 juillet 1989 de déclarer réglementaires des dispositions relatives au recrutement des agents publics, estimant qu'elles relevaient de ces "garanties fondamentales" réservées à la compétence législative.

La question n'est pas évoquée, et le Conseil se borne à invoquer deux motifs pour écarter le moyen. D'une part, il observe que l'article 3 du statut autorise les "dérogations" à la règle qu'il pose. Autrement dit, à titre exceptionnel, on peut recruter sur des emplois publics des personnes privées par la voie contractuelle. Aux yeux du Conseil, la présente réforme se borne donc à établir une "dérogation" de plus. Cette fois, on joue sur les mots, car la "dérogation" s'analyse en fait comme un bouleversement du système : on pourra désormais accéder aux emplois publics, soit par la voie du concours ouvert aux fonctionnaires, soit par la voie contractuelle. Ce n'est pas une dérogation, c'est la création d'un double secteur. D'autre part, le Conseil estime qu'il n'y a pas atteinte au principe d'égalité d'accès à la fonction publique, puisque les intéressés ne sont pas dans une situation identique. Cette fois, il ne joue plus sur les mots mais se livre aux joies du sophisme.


L'indépendance des enseignants-chercheurs

 


On ne pourrait conclure sans évoquer l'indépendance des enseignants-chercheurs, principe fondamental reconnu par les lois de la République, reconnu par le Conseil constitutionnel, d'abord au profit des professeurs des Universités dans une décision du 20 juin 1984, puis à celui de l'ensemble des enseignants-chercheurs dans une QPC du 6 août 2010. Il implique notamment qu'ils soient associés au choix de leurs pairs.

La loi portant transformation de la fonction publique décide que les enseignants-chercheurs ne sont pas suffisamment compétents pour que l'un d'entre eux préside l'instance disciplinaire que constitue le Conseil national de de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER). En effet que pouvait-on trouver de plus compétent, de meilleur, de plus indépendant qu'un Conseil d'Etat ? C'est donc ce qui a été décidé et le Conseil constitutionnel, lui même si proche du Conseil d'Etat n'y voit aucun inconvénient. Sans explications superflues, et avec une concision admirable, il se borne à affirmer que le principe d'indépendance des enseignants-chercheurs "n'impose pas que l'instance disciplinaire qui les concerne soit présidée par un enseignant-chercheur." Les malheureux ne sauront jamais pourquoi.

Ils pourront toutefois constater que la loi allège aussi les règles du pantouflage, et notamment celles gouvernant la saisine de la commission de déontologie. Elle prévoit aussi la création d'un dispositif spécifique de détachement d'office de fonctionnaires dans le cadre d'un transfert de missions de services publics auprès d'un organisme privé ou d'un organisme public chargé d'une mission industrielle et commerciale. Bref, la transformation de la fonction publique, c'est d'abord la possibilité d'ouvrir des emplois à des amis, de favoriser la circulation de ceux qui se perçoivent comme de élites.. Tout cela avec la bénédiction du Conseil constitutionnel. Et la bénédiction apporte une onction divine, pas une des explications juridiques.