« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mercredi 13 mai 2015

Les statistiques ethniques ou religieuses : en avoir ou pas

L'affaire des "statistiques" du maire de Béziers est en train de s'effondrer, du moins sur le plan juridique. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté, le 11 mai 2015, la requête présentée par la Coordination contre le racisme et l'islamophobie. Cette décision était parfaitement prévisible.

On se souvient qu'à l'émission Mots croisés du 5 mai 2015, Robert Ménard annonce avoir recensé 64, 6 % d'enfants musulmans dans les écoles de Béziers. Ses propos ont immédiatement eu l'effet attendu. On voit se multiplier les réactions dénonçant un fichage ethnique et religieux illégal, susceptible de conduire à sa condamnation à cinq années de prison. Une perquisition de la mairie est organisée, à la recherche du fichier.. L'élu provocateur se réjouit certainement de cette médiatisation qui lui permet de se présenter comme une victime, celui qui, le premier, ose dire la vérité et violer le tabou des statistiques ethniques. Quand on se veut anti-système, c'est déjà une belle victoire.

Le fichage ethnique et religieux des enfants de Béziers recouvre probablement une autre réalité. L'élu se fait communiquer la liste nominative des enfants inscrits "dans quelques écoles", formule employée par l'avocat de Robert Ménard. Il fait ensuite une sorte de pointage, sur le coin de son bureau. Lorsqu'il trouve un prénom qu'il considère comme étant de consonance étrangère, il classe l'enfant comme musulman. A la fin de l'opération, il fait le compte. Ensuite, à l'émission Mots croisés, il annonce fièrement ce nombre de 64, 6 %. La précision fait sourire si l'on considère le caractère totalement fantaisiste de la méthode employée : le choix des écoles étudiées ne semble pas avoir été déterminé de manière à constituer un échantillon représentatif, le lien établi entre le patronyme et la religion n'a vraiment rien de scientifique. De toute évidence, les propos de Robert Ménard ne relèvent pas de la statistique ethnique ou religieuse, mais de la posture politique.
 
L'affaire, aussi ridicule soit-elle, permet de mettre en lumière les incertitudes du droit positif. Certes, le droit consacre une interdiction de principe des statistiques ethniques. Mais en même temps, il admet des dérogations qui les rendent possibles, sous certaines conditions.

Le tabou des statistiques ethniques


Le droit français interdit, en principe, les statistiques ethniques.  Dans sa décision du 15 novembre 2007, le Conseil constitutionnel a été saisi de l'article 63 de la loi relative à la maîtrise de l'immigration qui autorisait "pour la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines, de la discrimination et de l'intégration", et sous réserve d'une autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant « apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques » des personne. En clair, il s'agissait d'autoriser en France les statistiques ethniques, comme celles qui existent, par exemple, aux Etats Unis ou au Royaume-Uni. 

Le Conseil constitutionnel déclare cette disposition non conforme à la Constitution, mais pour un tout autre motif que l'éventuelle discrimination provoquée par un tel fichage. Il estime en effet que la disposition, ajoutée par un amendement, n'a pas suffisamment de rapport avec le texte en discussion. En revanche, il ajoute une réserve d'interprétation qui n'est pas sans importance : "Si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race". En clair, les statistiques peuvent reposer sur une donnée objective comme la nationalité mais pas sur l'origine ethnique ou raciale, notion au contenu trop peu rigoureux et donc, en soi, discriminatoire. Sur ce point, la décision du Conseil constitutionnel ne fait, en réalité, que rappeler le droit positif.

Robert Ménard expliquant ses statistiques à la presse


 La loi du 6 janvier 1978


L'article 8 - I de la loi du 6 janvier 1978 dite Informatique et Libertés énonce en effet qu'il "est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques (...)". Ce que la Commission nationale de l'informatique et des libertés appelle le "profilage communautaire" est donc prohibé, et l'article 226-19 du code pénal prévoit une peine de 300 000 € d'amende et cinq années d'emprisonnement pour ceux qui se livreraient à ce type de fichage. Par ailleurs, la CNIL dispose d'un pouvoir de sanction qui lui est propre (art. 45 de la loi du 6 janvier 1978). C'est sur ce fondement qu'elle a condamné, par une délibération du 31 janvier 2008, à une sanction pécuniaire de 15 000 € une entreprise d'assurance qui avait utilisé à des fins de prospection commerciale un fichier mentionnant les origines ethniques des personnes.

De ces différentes dispositions, les commentateurs ont déduit que Robert Ménard risquait une peine de cinq années de prison au seul motif qu'il s'était livré à un fichage ethnique. L'analyse se heurte à une difficulté matérielle, déjà évoquée. Le document qu'il a utilisé est en effet la liste des élèves de "certaines écoles" de sa ville, liste qui n'a rien d'ethnique en soi et que le maire de la commune est fondé à consulter. Quant au "pointage", le retrouvera-t-on et sera-t-il possible de démontrer qu'il s'agit d'un "profilage communautaire" ? Rien n'est moins certain.

Les dérogations à l'interdiction


L'analyse se heurte aussi à une difficulté juridique, car les statistiques ethniques ou religieuses peuvent être licites, dans les conditions extrêmement rigoureuses définies par l'article 8 - II de cette même loi du 6 janvier 1978. Une  dérogation concerne ainsi les traitements réalisés par l'INSEE ou l'un des services statistiques ministériels (art. 8 - II al. 7). Ils doivent être réalisés dans le respect de la loi du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Ils sont soumis à une double procédure, d'une part un avis du Conseil national de l'information statistique (CNIS) et d'autre part une autorisation de la CNIL.

Les statistiques ethniques sont-elles pour autant interdites dans les institutions qui ne sont pas l'INSEE ou un service ministériel de statistiques ? La loi du 6 janvier 1978 ne l'exclut pas, à la condition que le fichage respecte, là encore, de rigoureuses conditions. 

C'est ainsi qu'un groupement religieux peut logiquement détenir un fichier de ses membres (art. 8 - II al. 3). De la même manière une association sans but lucratif peut conserver des données ethniques si elles sont conformes à son objet social. Le 31 janvier 2007, le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a commandé et diffusé le premier sondage effectué par la SOFRES sur "les discriminations à l'encontre des populations noires" . Personne ne l'a alors accusé de conserver des données ethniques, tout simplement parce que cette conservation était conforme à son objet social.

De la même manière, dans une décision du 30 septembre 2008, la chambre criminelle de la Cour de cassation a été saisie d'une plainte pour discrimination contre l'Office public de HLM d'une commune, accusé de pratiquer un fichage ethnique pour exclure certaines familles de l'accès aux logements sociaux. En l'espèce, la Cour a constaté que le fichage en question ne contenait que des données anonymisées et que, dès lors, elles ne pouvaient être considérées comme constitutives de discriminations. L'anonymisation permet ainsi de développer une connaissance statistique de données ethniques ou religieuses.

Il ne serait donc pas juridiquement impossible à la mairie de Béziers de développer un traitement statistique, à la condition qu'il repose sur des données objectives comme la nationalité, et que les données soient anonymisées. Sur le plan de la procédure, l'autorisation de la CNIL permettrait de s'assurer que la finalité du traitement n'est pas la discrimination mais au contraire la lutte contre les discriminations. 

L'affaire de Béziers a évidemment quelque chose de ridicule : pour s'exonérer des poursuites, le maire n'a en effet pas d'autre solution que de plaider le fait que ses chiffres reposent sur une évaluation "au doigt mouillé" et non pas sur des statistiques fiables.

Elle témoigne aussi des contradictions du droit lui-même, contradictions déjà apparues lors de la tentative d'introduire le CV anonyme, considéré comme le moyen de lutter contre les discriminations à l'embauche. Une expérimentation avait montré que les candidats issus de l'immigration ont une chance sur 22 d'obtenir un entretien lorsque leur CV est anonyme, et une chance sur 10 lorsqu'il n'est pas anonyme. La lutte contre la discrimination conduisait ainsi à renforcer la discrimination.

Aujourd'hui, dans le but de lutter contre les discriminations, le droit interdit tout simplement de les mesurer. C'est ainsi, par exemple, que l'administration pénitentiaire est invitée à nommer des aumôniers musulmans dans les prisons, sans dresser la liste des personnes incarcérées de confession musulmane. De la même manière, il serait sans doute intéressant de mesurer le nombre de personnes issues des minorités visibles dans les conseils d'administration. De telles études ont déjà été faites pour mettre en lumière les discriminations envers les femmes. Pourquoi les personnes issues des minorités visibles ne pourraient elles bénéficier de ce type de politique ?

dimanche 10 mai 2015

La statue de Ploërmel ou la religion sur la place publique

Dans un jugement du 30 avril 2015, le tribunal administratif (TA) de Rennes annule le refus du maire de Ploërmel de "faire disparaître de tout emplacement public le monument consacré au pape Jean-Paul II, érigé Place Jean-Paul II à Ploërmel". Il prononce également une injonction ordonnant à l'élu de procéder, dans un délai de six mois, au retrait du monument de son emplacement actuel.

Un chemin de croix contentieux


Contrairement à ce qui a parfois été dit, cette décision de justice n'est pas le fruit d'un recours isolé et militant de la Fédération morbihannaise de la libre pensée. Le tribunal a été saisi de deux autres recours d'habitants de la ville, les trois ayant finalement été joints. La décision n'est pas davantage le résultat d'une prise de conscience tardive, la statue ayant été érigée en 2006.

Depuis 2006, les opposants à la statue se sont engagés dans une sorte de chemin de croix contentieux, dont la présente décision n'est que la dernière station. Mais ce n'est sans doute pas l'ultime, car le maire de Ploërmel, Patrick Le Diffon (UMP) a déjà annoncé sa volonté de demander un sursis à exécution avant de faire appel de la décision.   

Dans un premier jugement du 31 décembre 2011, le TA de Rennes avait annulé la délibération du 20 octobre 2006 du conseil général du Morbihan accordant une subvention de 4500 € à la Communauté de communes de Ploërmel pour financer le socle de l'oeuvre, c'est à dire une arche surmontée d'une croix, l'ensemble faisant huit mètres de haut. La statue elle-même avait été cédée par l'artiste, le sculpteur russe Zourab Tseretli. La convention entre la commune et l'artiste mentionnait d'ailleurs une "volonté de défendre les intérêts généraux de la religion catholique", formulation un peu surprenante dans un contrat de doit public. Quoi qu'il en soit, dans son jugement de 2011, le tribunal avait considéré que cette croix présentait, par ses dimensions mêmes, un caractère ostentatoire méconnaissant à la fois les dispositions de la Constitution et celle de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.

A la suite du jugement de 2011, la subvention a été remboursée par la Communauté de communes. Les requérants ont alors fait un recours gracieux auprès du maire pour que la statue soit retirée du domaine public. Ils n'ont obtenu aucune réponse et ont donc de nouveau saisi le tribunal administratif, contestant cette fois la décision de rejet implicite qui leur avait été opposée.

La décision du 30 avril 2015 ne fait donc que reprendre les motifs de celle du 31 décembre 2011. Ils sont d'ailleurs assez simples, puisqu'ils reposent sur le respect du principe de laïcité.

La laïcité


Le jugement s'appuie d'abord sur l'article 1er de la Constitution qui énonce que "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale". Dans sa décision du 19 novembre 2004, le Conseil constitutionnel considère ainsi que le principe de laïcité, qui a valeur constitutionnelle, "interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers". Le tribunal s'appuie aussi sur l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 qui interdit "à l'avenir" d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur "quelque emplacement public que ce soit", à l'exception des édifices servant au culte,  des cimetières ainsi que des musées ou expositions. 

En l'espèce, le tribunal administratif refuse de se prononcer sur la représentation même du pape défunt. Ne pourrait-il être considéré comme un leader d'opinion, indépendamment de toute approche religieuse ?  Le tribunal n'a pas besoin d'entrer dans le débat. Il lui suffit de constater l'existence d'une croix érigée postérieurement à la loi de 1905, croix qui, par ses dimensions mêmes, présente un caractère "ostentatoire". L'atteinte à l'article 1er de la Constitution et aux dispositions de l'article 28 de la loi de 1905 est donc confirmée, dans un raisonnement qui reprend à la lettre la décision antérieure de 2011.

Le Pardon de Ploërmel. Mayerbeer.
Ombre légère. Nathalie Dessay

Les précédents


Dans une décision du 30 novembre 2011, le tribunal administratif d'Amiens avait déjà considéré comme non conforme à la loi de 1905 l'installation d'une crèche de Noël sur la place d'un village. Aux yeux du juge, une telle installation méconnaît à la fois "la liberté de conscience assurée à tous les citoyens par la République et la neutralité du service public à l'égard des cultes". Le 14 novembre 2014, dans une décision très médiatisée, le tribunal de Nantes avait sanctionné pour les mêmes motifs l'installation d'une crèche de Noël dans les locaux du Conseil général de Vendée.

Dans le cas des crèches, on doit sans doute s'interroger sur la maladresse d'élus qui ont préféré affirmer une sorte de militantisme catholique plutôt qu'invoquer le caractère provisoire d'une installation qui pouvait être considérée comme une "exposition" au sens de la loi de 1905. Pour la statue de Ploërmel, la loi de 1905 s'impose à l'évidence. En effet, la statue n'a aucune caractère provisoire et il apparaît dans le dossier que des cultes ont été célébrés devant elle, sur une place qui désormais a été rebaptisée en "Place Saint Jean-Paul II". 

Et la Cour européenne ?


Le maire annonce qu'il fera appel, démarche peut-être un peu téméraire car ses chances de succès sont modestes. La jurisprudence de la Cour européenne ne lui offre guère de perspective favorable.

Certes l'arrêt Lautsi c. Italie du 18 mars 2011 estime que le crucifix suspendu au mur des classes des écoles publiques italiennes ne porte pas atteinte à la liberté de conscience des élèves. Mais la Cour ajoute que cette tolérance repose sur le fait que ce crucifix est  "un symbole essentiellement passif " qui ne s'accompagne d'aucune forme d'endoctrinement et n'impose aux élèves aucune pratique religieuse. Son influence est donc pour le moins réduite, pour ne pas dire inexistante. 

Il y a pourtant bien peu de chances que la jurisprudence Lautsi soit applicable au cas de la statue de Ploërmel. D'une part, entre un crucifix sur un mur d'école et une croix de huit mètres de haut, il existe une différence d'échelle. Le caractère ostentatoire de la croix et de la statue qu'elle surplombe interdit de la considérer comme "un symbole essentiellement passif ". D'autre part, l'Italie est un Etat concordataire, et la révision du Concordat intervenue en 1984 affirme que "les principes du catholicisme font partie du patrimoine historique du peuple italien". La France, en revanche, a fait du principe de laïcité un élément essentiel du régime républicain. Les rapports entre l'Etat et la religion sont donc d'un autre ordre et, d'une manière générale, la Cour européenne s'interdit tout intervention dans ces choix de société. Les Etats membres conservent ainsi une très large latitude dans la définition du statut des religions.

Le jugement du 30 avril 2015 a donc bien peu de chances d'être annulé. Il s'inscrit dans une jurisprudence constante qui permet, au fur et à mesure des décisions, de définir le cadre de l'application actuelle de la loi de 1905. Reste au maire de Ploërmel à envisager le déplacement de la statue, puisqu'il paraît que le socle et la croix ne sont pas dissociables de l'effigie du pape. Celle-ci pourra être placée sur une propriété religieuse, église ou couvent par exemple. Quant aux propriétaires de terrains privés proches de la Place Saint Jean-Paul II, ils ont d'ores et déjà fait connaître leur refus, jugeant l'oeuvre trop "inesthétique". Au moment où le débat religieux réinvestit l'espace public, il n'est pas sans saveur de voir que le juge interdit d'afficher la religion sur la place publique.

mardi 5 mai 2015

Quand l'avocat appelé en garde à vue... est placé en garde à vue

Le 23 avril 2015, dans un arrêt François c. France, la Cour européenne évoque la situation étrange de l'avocat appelé en garde à vue et qui se retrouve placé en garde à vue. 

Le requérant, avocat au barreau de Paris, a été appelé au commissariat d'Aulnay-sous-bois dans la nuit de la Saint Sylvestre du 31 décembre 2002 au 1er janvier 2003, pour assister un mineur placé en garde à vue. Lors de l'entretien avec son client, ce dernier affirme avoir été victime de violences policières et présente des lésions sur le visage. L'avocat demande alors la visite d'un médecin et rédige des observations écrites qu'il entend joindre au dossier. A partir de ce moment, les versions divergent. On se dispute pour des questions de photocopies, le ton monte, quelques coups sont échangés. Après cette altercation, l'officier de police judiciaire (OPJ) place l'avocat en garde à vue pour rébellion et outrage à agent de la force publique.

Maître François conteste non seulement la mesure de garde à vue mais aussi son déroulement. Il a été placé en cellule, a subi une fouille à corps particulièrement humiliante et son taux d'alcoolémie a été contrôlé. Sa plainte aboutit finalement à un non-lieu, confirmé par la chambre de l'instruction de la cour d'appel, puis par la Cour de cassation en octobre 2010.  Les juges estiment, d'une manière générale, qu'il n'y a pas lieu de mettre en doute la version des faits avancée par les policiers, même s'ils regrettent que l'OPJ qui a prononcé la mise en garde à vue de l'avocat soit précisément celui qui s'estime victime de violences.

La situation antérieure à la loi du 14 avril 2011


Devant la Cour européenne, l'avocat invoque essentiellement une violation de l'article 5 § 1 de la Convention qui garantit le principe de sûreté. A ses yeux, la privation de liberté dont il a été victime, et qui a finalement duré treize heures, s'analyse comme une détention doublement arbitraire. 

Observons que les faits sont bien antérieurs à la loi du 14 avril 2011 qui a organisé les modalités d'intervention de l'avocat durant la garde à vue. A l'époque des faits, la personne gardée à vue a seulement droit à un entretien de trente minutes avec son avocat. Ce dernier n'assiste pas aux interrogatoires, même s'il peut effectivement déposer des observations écrites pour qu'elles soient jointes au dossier. De la même manière, les règles gouvernant la fouille à corps et le test d'alcoolémie ne sont pas clairement établies. 

Au regard du droit interne de l'époque, le mesures prises à l'encontre de l'avocat n'étaient donc pas réellement illégales. Dans son avis rendu sur cette affaire le 25 avril 2003, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) recommandait d'ailleurs la constitution d'un groupe de travail commun entre le ministère de l'intérieur et celui de la justice, dans le but d'engager une "réflexion sur l'éventuelle protection à accorder aux avocats lorsqu'ils sont dans l'exercice de leurs fonctions".

La Cour commence par reconnaître que le droit interne a effectivement été respecté, mais elle précise que la notion "d'arbitraire que contient l'article 5 § 1 va au-delà du défaut de conformité avec le droit national". Autrement dit, une privation de liberté peut être régulière en droit interne et contraire à la Convention européenne. Ce principe est rappelé par une jurisprudence constante, en particulier les arrêts Bozano c. France du 18 décembre 1986 et Amuur c. France du 25 juin 1996.

Un gardé à vue pas comme les autres


D'une manière générale, la Cour accorde aux avocats une protection d'une intensité particulière, dans le mesure où leur mission est "fondamentale dans une démocratie et un Etat de droit", formule reprise dans pratiquement toutes les décisions les concernant (par exemple : CEDH, 6 décembre 2012, Michaud c. France). En l'espèce, il n'est pas contesté que maître François était dans l'exercice de ses fonctions, lorsqu'il assistait un mineur gardé à vue.

Les inconnus dans la maison. Henri Decoin. 1941
Raimu. Jean Tissier.

La fouille à corps


Le requérant a pourtant été traité comme n'importe quel gardé à vue. Il a en particulier dû subir une fouille à corps, pratique à l'époque autorisée par l'article 63-5 du Code pénal, mais seulement "pour les nécessités de l'enquête". De fait, le droit interne en la matière reposait sur une distinction assez simple. 

Les fouilles dites d'"enquête" étaient assimilées à des perquisitions  et  étaient soumises aux mêmes conditions que les autres actes d'enquête, en particulier l'existence d'indices laissant penser que l'intéressé a commis une infraction. La fouille d'enquête sert donc à trouver des preuves, et il est bien peu probable que la fouille à corps du requérant ait pu conduire à trouver des preuves de l'infraction d'outrage à agent. Les fouilles dites "de sécurité" , quant à elles, sont réalisées précisément en garde à vue pour s'assurer que l'intéressé ne conserve sur lui aucun objet dangereux. Dans ce cas, une simple "palpation de sécurité" est suffisante.

Une décision rendue par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 27 septembre 1988 opérait déjà cette distinction entre les deux types de fouilles, ajoutant qu'une fouille à corps opérée pour des motifs de sécurité pouvait, le cas échéant, être assimilée à une perquisition irrégulière. Dans le cas du requérant, avocat dans l'exercice de ses fonctions, il est clair que la fouille aurait dû consister en une simple palpation de sécurité, et c'est d'ailleurs ce qu'affirme la Cour européenne des droits de l'homme. 

La loi du 14 avril 2011 est depuis venue préciser le cadre juridique de ces fouilles, précisant désormais que les mesures de sécurité prises à l'égard d'un gardé à vue "ne peuvent consister en une fouille intégrale" (art. 63-6 du code de procédure pénale).

Le test d'alcoolémie


Il en est de même du test d'alcoolémie subi par le requérant immédiatement après son placement en garde à vue. A l'époque, l'officier de police judiciaire avait invoqué, pour justifier cette mesure, le fait que les évènements se sont déroulés durant la nuit de la Saint-Sylvestre, la Cour d'appel ajoutant que cette période est évidemment "propice aux libations ". Or, le droit de l'époque qui n'a d'ailleurs guère changé, repose sur l'idée qu'un contrôle d'alcoolémie ne peut être imposé que si des éléments de fait laissent penser que l'infraction a été commise sous l'emprise d'un état alcoolique. Concernant le requérant, le test s'est révélé négatif, résultat d'autant plus prévisible que l'avocat n'avait montré aucune trace d'ébriété pendant la garde à vue de son client.

La Cour sanctionne ainsi le déroulement d'une garde à vue disproportionnée par rapports aux impératifs de sécurité. La fouille à corps comme le test d'alcoolémie étaient parfaitement inutiles et établissaient, au contraire, "une intention étrangère à la finalité d'une garde à vue".

L'impartialité


La décision proprement dite de mise en garde à vue, concernant pourtant un avocat dans l'exercice de ses fonctions, n'est pas sanctionnée en tant que telle. Elle posait pourtant un problème, dès lors que la mesure a été décidée par un OPJ qui s'estimait personnellement outragé par l'attitude de l'avocat. La Cour observe même que cet officier a également supervisé le début de la procédure, ordonnant en particulier la fouille et le test d'alcoolémie. Une fois ces mesures prises, il a transmis le dossier à un collègue et informé sa hiérarchie.

La question est donc celle du respect du principe d'impartialité. Dans l'état actuel du droit, aucune disposition n'interdit à un OPJ de mettre en examen un avocat pour outrage durant une garde à vue, quand bien même celui qui met en garde est aussi la personne outragée. Si l'on procède par analogie, on s'aperçoit que l'outrage à magistrat en audience est bien davantage encadré par le droit (art. 434-24 code pénal). Le code pénal prévoit que les infractions commises à l'audience sont jugées immédiatement "sans désemparer" (art. 676 code pénal). Par dérogation cependant, l'outrage à magistrat ne peut être jugé de la même manière. L'article 677 code pénal énonce en effet que "les magistrats ayant participé à l'audience lors de la commission du délit ne peuvent composer la juridiction saisie des poursuites".

Dans l'arrêt François, la Cour européenne se borne à mentionner cette difficultés. Elle ne s'étend pas sur le sujet, sans doute parce que le caractère disproportionné de la garde à vue peut être déduit de son déroulement. Elle n'a donc pas besoin de s'interroger sur le respect du principe d'impartialité. Il n'en demeure pas moins que l'arrêt a le mérite de poser la question. Depuis la loi du 11 avril 2014, les avocats exercent une partie, parfois non négligeable, de leurs fonctions dans l'assistance aux gardés à vue. Il serait donc logique que le droit envisage sérieusement leurs droits et leurs devoirs, ainsi que ceux des officiers de police judiciaire. Il serait sans doute possible de poser une règle simple selon laquelle la mise en garde à vue de l'avocat ne peut pas être prononcée par l'officier même qui s'estime outragé.  Quoi qu'il en soit, l'avocat gardé à vue devra alors songer à sa défense et appeler un confrère pour l'assister, en espérant que ce dernier ne sera, pas à son tour, mis en garde à vue.

vendredi 1 mai 2015

La preuve de la discrimination est dans la discrimination

Comment prouver la discrimination en général, et la discrimination syndicale en particulier ? L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat Mme B.A. le 15 avril 2015 rappelle les règles d'administration de la preuve en ce domaine.

Les faits à l'origine de la décision sont d'une grande banalité. La requérante, agent contractuel de droit public à Pôle emploi en Guadeloupe, se porte candidate aux fonctions de "correspondant régional justice" de cet établissement. Cet agent a pour fonction d'assister dans leur recherche d'emploi les personnes détenues qui sont en fin de peine.  Le directeur général de Pôle emploi rejette sa candidature en février 2012. Aux yeux de Mme B.A., ce rejet trouve son origine dans ses responsabilités syndicales et elle estime être victime d'une discrimination. Le tribunal administratif de Basse Terre lui a donné raison dans un jugement du 10 octobre 2013 et Pôle emploi a donc saisi le Conseil d'Etat en cassation. Celui-ci annule la décision du tribunal administratif et rejette le recours de Mme B.A. au motif que la discrimination n'est pas démontrée. 

Une présomption


L'auteur d'une discrimination, en particulier dans le domaine syndical, a généralement tendance à cacher le fondement réel de sa décision en la masquant derrière l'intérêt général. Il va ainsi invoquer l'intérêt du service pour refuser une promotion ou décider une mutation, alors qu'il veut écarter un militant syndical. 

Dans son arrêt Perreux du 30 octobre 2009, le Conseil d'Etat a été saisi d'un recours dirigé contre un refus de nomination à un emploi de chargé de formation à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM). Pour la requérante, ce refus reposait sur son appartenance au syndicat de la magistrature. En l'espèce, le Conseil d'Etat estime que la preuve de la discrimination n'est pas apportée, précisant que celle-ci s'articule en deux temps.

Il appartient d'abord à la personne qui s'estime discriminée d'apporter tous les éléments de fait de nature à permettre au juge de former sa conviction. Ces éléments permettent d'établir une présomption de discrimination. Dans l'affaire Perreux de 2009, le Conseil d'Etat estime que cette présomption existe, d'autant que la requérante avait obtenu une délibération en ce sens de la Halde. Plus tard, dans son arrêt du 10 janvier 2011, Levêque, rendu à propos de faits identiques à ceux de l'affaire Perreux, la Haute Juridiction admet également la présomption de discrimination, s'appuyant cette fois sur le fait que l'autorité compétente avait d'abord accepter le détachement de la requérante à l'ENM avant de changer d'avis sans explication. Le poste avait d'ailleurs été laissé vacant pendant plusieurs mois ce qui montrait que le refus opposé au requérant ne reposait pas sur l'existence d'un meilleur candidat à l'emploi vacant. 

Une fois cette présomption acquise, la charge de la preuve est inversée. Il appartient désormais à l'administration de montrer que le refus opposé à l'intéressé ne reposait pas sur des motifs discriminatoires mais sur des motifs d'intérêt général. Dans l'arrêt Perreux, le ministre parvient ainsi à démontrer que la préférence accordée à une autre candidate était conforme aux critères définis dans la description du poste et que son profil était plus satisfaisant que celui de la requérante, notamment au regard de ses connaissances linguistiques. Dans la décision Levêque en revanche, le ministre s'est borné à affirmer qu'il était indispensable de maintenir la requérante dans son poste, sans expliquer pour quelles raisons, malgré une demande précise en ce sens formulée par le Conseil d'Etat. L'administration n'est donc pas en mesure de renverser la présomption, et le juge annule la décision. 

Willy Ronis. Rose Zehner, déléguée syndicale. Citroen, usine Javel, 1938


Dans le cas de l'arrêt du 15 avril 2015, la requérante échoue dès la première étape. Elle ne parvient pas, en effet, à donner des éléments de fait de nature à faire présumer une présomption. Elle se borne à affirmer "que sa candidature était meilleure que celle de la personne retenue" et qu'elle n'avait pas bénéficié de certaines formations. Cette dernière précision est évidemment d'une grande maladresse puisqu'elle reconnaissait ainsi devant le juge ne pas détenir des compétences comparables à celle du candidat retenu. 

Ce raisonnement en deux temps permet ainsi au juge de disposer d'une sorte de grille d'analyse qui lui permet d'écarter rapidement les recours fantaisistes, c'est-à-dire ceux qui, comme en l'espèce, ne reposent sur aucun élément de fait. 

Discrimination et mesure d'ordre intérieur


En revanche, les recours les plus sérieux peuvent conduire à écarter purement et simplement une mesure pourtant habituellement qualifiée de mesure d'ordre intérieur. Dans une décision du 7 juillet 2010, Mme Claude A., le Conseil d'Etat a ainsi été saisi d'un recours dirigé contre une décision du jury d'admission au concours d'accès au grade de directeur de recherche au CNRS en "Sociologie et sciences du droit". Le jury a d'abord classé la requérante, âgée de soixante-deux ans, au 2è rang sur la liste des candidats admissibles avant qu'une "décision" de la Direction générale du CNRS décide de ne pas promouvoir les personnes de plus de cinquante-huit ans. Sur la base de cette nouvelle décision, qui modifiait allègrement les règles du concours pendant son déroulement, la requérante n'a donc pas été déclarée admise. Dans ce cas précis, le Conseil d'Etat écarte la mesure d'ordre intérieur au motif qu'elle n'est pas conforme aux principes généraux du concours, l'appréciation du jury devant reposer non pas sur l'âge des candidats, mais sur leurs "capacités, aptitudes et mérites respectifs". La décision qui ajourne la requérante est donc annulée pour discrimination à raison de l'âge. Observons au passage que le Conseil d'Etat a eu l'élégance de ne pas rechercher si cette règle nouvelle introduite pendant le concours visait à favoriser un autre candidat... La décision aurait alors été annulée pour détournement de pouvoir.

La preuve de la discrimination est donc ... dans la discrimination. Sur ce point, la jurisprudence française se situe dans la ligne de la directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. Elle impose en effet aux Etats membres ce double degré d'appréciation, à partir d'une présomption qui peut être renversée. Une petite pierre dans la construction d'un droit européen de la discrimination.

mardi 28 avril 2015

La liberté d'expression de l'avocat, hors du prétoire

L'arrêt Morice c. France rendu par la Cour européenne des droits de l'homme réunie en Grande Chambre le 23 avril 2015 affirme que la condamnation en diffamation prononcée à l'encontre de l'avocat Olivier Morice porte atteinte à l'article 10 de la Convention européenne. Un avocat, comme n'importe qui d'autre, a le droit de participer à un débat d'intérêt général, surtout lorsqu'il s'agit de débattre de l'indépendance de la justice, dans le cadre très médiatisé de l'affaire Borrel.

L'affaire Borrel


Le juge Borrel, détaché comme conseiller technique auprès du ministre de la justice de Djibouti dans le cadre d'accords de coopération, fut retrouvé mort en 1995. Son corps à demi-carbonisé gisait en contrebas d'une route isolée de ce pays, à quelques mètres de sa voiture. Les autorités djiboutiennes ont rapidement conclu au suicide. En France au contraire, à la suite de la plainte de madame Borrel, les autorités judiciaires ont estimé que les conditions suspectes de ce décès justifiaient une instruction judiciaire, instruction qui n'est toujours pas achevée.

En juin 2000, les juges M. et L.L. furent dessaisis après un recours d'Olivier Morice contre leur refus d'organiser une reconstitution des faits.  Le juge P. désormais chargé de l'instruction, rédige, dès son entrée en fonctions, un procès-verbal mentionnant qu'une cassette vidéo réalisée à Djibouti pendant un déplacement des juges à Djibouti n'a pas été versée au dossier et n'est pas référencée comme pièce à conviction. Cette cassette a finalement été remise au juge P., à sa demande, par la juge M., dans une enveloppe adressée à cette dernière. Un mot manuscrit signé du procureur de Djibouti y figurait également, présentant l'action de madame Borrel et de ses avocats comme une "entreprise de manipulation" et s'achevant sur ces mots pour les moins familiers : "Je t'embrasse. Djama"

L'action en diffamation


S'appuyant sur ces faits consignés par le juge P., Maître Morice dénonce auprès du Garde des Sceaux un "comportement parfaitement contraire aux principes d'impartialité et de loyauté" des magistrats qui ont mené l'instruction de 1997 à 2000. Il demande en conséquence une enquête de l'Inspection générale des services judiciaires. Quelques jours plus tard, dans une interview au Monde, il évoque "l'étendue de la connivence" entre le procureur de Djibouti et les juges français. En même temps, il rappelle qu'il avait déjà obtenu auparavant le dessaisissement de la juge M. et la condamnation de l'Etat pour faute lourde, des pièces relatives au procès de la Scientologie ayant à l'époque mystérieusement disparu du dossier dans son cabinet. Immédiatement les juges M. et LL déposent plainte contre Olivier Morice, contre l'auteur de l'article et contre le journal Le Monde.

Les juges français, de la Cour d'appel de Rouen en 2008 à la Cour de cassation en 2009, ont condamné Olivier Morice pour diffamation envers un fonctionnaire public (art. 30 de la loi du 29 juillet 1881). Celui-ci a donc saisi la Cour européenne en invoquant une double violation de la Convention. D'une part, il estime qu'il y a eu violation de l'art. 6 § 1 : le principe d'impartialité a été violé car un des conseillers à la Cour de cassation ayant à juger sa cause avait auparavant exprimé publiquement son soutien à la juge M. D'autre part, il invoque une atteinte à l'article 10, c'est-à-dire à la liberté d'expression.

Jean-Louis Forain (1852-1931). Avocat parlant à sa cliente


Substitution de motifs entre la Chambre et la Grande Chambre


L'originalité essentielle de l'arrêt, du moins celle qui saute aux yeux les moins avertis, est la présence sur le site de la Cour d'un document intitulé "Questions et réponses sur l'arrêt de Grande Chambre Morice c. France". Ses auteurs, c'est-à-dire ceux qui sont chargés de communiquer sur la jurisprudence de la Cour, éprouvent donc le besoin d'expliquer...

En effet, la Chambre d'abord saisie de la Cour européenne avait conclu, le 11 juillet 2013, à une violation de l'article 6 § 1 et rejeté l'atteinte à l'article 10, estimant que l'avocat s'était effectivement rendu coupable de diffamation. En revanche, la Grande Chambre, tout en maintenant la violation de l'article 6 § 1, considère aujourd'hui que l'avocat a usé normalement de sa liberté d'expression, dans la mesure où il participait au débat public sur l'impartialité des juges.

Pour comprendre cette divergence, il convient de préciser que la Grande Chambre n'est pas une juridiction d'appel. Elle est saisie de deux manières. La première est un dessaisissement  de la Chambre par elle-même, lorsque l'affaire soulève une question grave d'interprétation de la Convention ou risque de conduire à une contradiction de jurisprudence entre deux chambres. La seconde est une procédure de "renvoi" à la demande des parties. Il ne s'agit pas d'un appel, car la Grande Chambre est libre d'accepter ou non ce renvoi pour des motifs qui n'ont rien à voir avec les intérêts des requérants et qui sont liés aux nécessités de sa propre jurisprudence.

En l'espèce, il s'agit d'un renvoi à la demande du requérant, qui souhaitait placer le débat, non pas sur le terrain du principe d'impartialité, mais sur celui de la liberté d'expression, et plus précisément de la liberté d'expression des avocats.

L'impartialité objective


La décision de la Grande Chambre reprend une jurisprudence constante qui distingue l'impartialité subjective de l'impartialité objective. L'atteinte à la première est constituée lorsqu'il est démontré qu'un juge a cherché à favoriser un plaideur. Dans l'arrêt Remli c. France du 23 avril 1996,  elle sanctionne ainsi la décision d'une Cour d'assises jugeant un accusé d'origine algérienne, l'un des jurés ayant tenu, hors de la salle d'audience mais devant la presse, des propos racistes.

Dans l'affaire Morice, la Cour sanctionne un manquement à l'impartialité objective, c'est-à-dire à l'apparence d'impartialité que doit avoir un tribunal, apparence indispensable à la confiance qu'il doit inspirer. C'est ainsi qu'elle interdit l'exercice de différentes fonctions juridictionnelles par un même juge, dans une même affaire (par exemple : CEDH, 22 avril 2010 Chesne c. France). En l'espèce, c'est la composition du tribunal qui est en cause, puisqu'un conseiller qui avait auparavant manifesté son soutien aux juges M. et L.L. y siégeait. La violation de l'article 6 § 1 n'est donc pas contestable.

La liberté d'expression


La Grande Chambre donne satisfaction au requérant en déclarant que sa condamnation pour diffamation constitue aussi une violation de l'article 10 de la Convention, et emporte donc une atteinte excessive à sa liberté d'expression. D'une façon générale, l'article 10 autorise l'ingérence des autorités de l'Etat, y compris judiciaires, dans la liberté d'expression. Pour être licite, cette ingérence doit cependant répondre à un but légitime et être "nécessaire dans une société démocratique".  Autrement dit, la Cour apprécie si cette ingérence est "proportionnée au but légitime poursuivi" et si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier sont "pertinents et suffisants".

La contribution au débat d'intérêt général


En l'espèce, la Cour note que sa propre jurisprudence se montre très réticente à admettre de telles ingérences lorsque les propos tenus relèvent d'un "sujet d'intérêt général". Dans son arrêt Roland Dumas c. France du 15 juillet 2010, la Cour affirme que des propos relatifs au fonctionnement du pouvoir judiciaire relèvent d'un tel "sujet d'intérêt général", quand bien même le procès ne serait pas terminé, quand bien même ces propos seraient particulièrement graves, voire hostiles.

La Cour européenne a déjà été saisie, à deux reprises, du débat auquel a donné lieu l'affaire Borrel. Dans deux arrêts  July et Sarl Libération du 14 février 2008, puis  Floquet et Esménard du 10 janvier 2012, la Cour s'est prononcée sur des actions en diffamation introduites par les deux mêmes juges d'instruction mis en cause cette fois par des journalistes. Dans les deux, la Cour a estimé que le débat sur l'impartialité de la justice est un débat d'ordre général. Elle est cependant parvenue à des résultats différents sur le fond. Dans le cas Floquet et Esménard, elle a rendu une décision d'irrecevabilité, estimant qu'une partie des propos tenus par les requérants ne reposaient pas sur des faits précis. Dans le cas July et Sarl Libération, la Cour a, au contraire, sanctionné la condamnation des requérants, la manière dont ils avaient relaté les faits reposant sur des faits avérés.


La "base factuelle"


Cette jurisprudence montre que la violation de l'article 10 ne peut être constatée que si les accusations formulées à l'encontre du système judiciaire, même si elles ne s'accompagnent pas de preuves au sens judiciaire du terme, doivent être étayées par des éléments factuels indiscutables. En l'espèce, la Cour s'appuie naturellement sur le procès-verbal du juge P., pour affirmer que la cassette enregistrée à Djibouti ne figurait pas dans le dossier d'instruction et qu'elle a été finalement transmise au juge dans des conditions bien éloignées des règles de la procédure pénale. De même, la Cour fait observer que le requérant avait effectivement obtenu le dessaisissement de la juge M. dans l'affaire de la Scientologie, élément avéré par le dossier pénal.

Non seulement la "base factuelle" des accusations d'Olivier Morice ne fait pas défaut, mais les faits accablants à l'encontre des juges L.L. et M. sont au contraire fort nombreux, et leur seul rappel suffit à montrer que l'avocat ne se borne pas à faire état d'une animosité personnelle. Il intervient donc dans un "débat d'intérêt général", comme un citoyen désireux de dénoncer une atteinte à l'impartialité de notre système judiciaire. 

L'avocat, hors du prétoire


Précisément, l'avocat intervient comme un citoyen. Il est hors du prétoire, et non pas dans le prétoire. Olivier Morice, par son recours devant la Cour européenne, et sa demande de renvoi en Grande Chambre, entendait évidemment obtenir la reconnaissance d'un droit aussi étendu que possible à la liberté d'expression de l'avocat. 

D'une manière générale, la Cour se montre très tolérante à l'égard des propos tenus durant une audience, depuis sa jurisprudence Nikula c. Finlande du 21 mars 2002.  Pour les propos tenus en dehors du prétoire, elle se montre plus nuancée. Elle protège ainsi avec davantage d'intensité les propos liés à la défense d'un client, considérant que cette défense peut aussi se développer devant la presse (CEDH, 13 décembre 2007, Foglia c. Suisse).

Dans le cas des propos tenus par Olivier Morice, il est clair qu'il ne s'agit pas directement de la défense de sa cliente. A l'époque où ils interviennent, le dossier a été transmis à un autre juge d'instruction et la partie civile n'a donc plus d'intérêt direct dans le différend qui oppose l'avocat aux deux juges. La Cour en déduit donc que l'avocat intervient comme un professionnel de la justice qui a parfaitement le droit de critiquer le fonctionnement du service public judiciaire. Participant au débat d'intérêt général, fondant ses propos sur une base factuelle, il doit donc être protégé par l'article 10. 

L'arrêt Morice est donc un demi-succès, car Olivier Morice obtient satisfaction sur le fondement de la liberté d'expression, motif unique de sa demande de renvoi en Grande Chambre. C'est aussi un demi-échec car il ne parvient pas à faire consacrer un principe général  de liberté d'expression absolue de l'avocat, quel que soit l'objet de son intervention. En revanche, la Cour rappelle que le débat sur l'impartialité de la justice présente un intérêt général et qu'il doit se développer librement. Espérons que la Cour n'aura pas à le rappeler une quatrième fois à propos de l'affaire Borrel, et que cette instruction pourra, enfin, être menée à terme.

samedi 25 avril 2015

La parité, un objectif constitutionnel... et qui le restera

La décision rendue sur Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par le Conseil constitutionnel le 24 avril 2015 donne quelques précisions sur le principe d'égalité entre les hommes et les femmes.  On sait que la révision initiée par Nicolas Sarkozy le 23 juillet 2008 a adopté une nouvelle rédaction de l'article 1er de notre Constitution : "La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales".

C'est une des ces lois "favorisant" cet égal accès des hommes et des femmes qui fait l'objet d'une QPC initiée par la Conférence des Présidents d'Université (CPU). Celle-ci a engagé un recours pour excès de pouvoir contre le décret du 7 juillet 2014 appliquant la loi du 22 juillet 2013. C'est à l'occasion de ce recours que la QPC a été posée et renvoyée au Conseil constitutionnel par une décision du Conseil d'Etat du 13 février 2015.

La loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche modifie les règles de gouvernance des Universités. Aux anciens conseil scientifique (CS) et conseil de la vie universitaire (CEVU) a succédé un Conseil académique unique composé de deux commissions, une commission "de la recherche" et une commission "de la formation et de la vie universitaire". La loi distingue finalement quatre formations différentes du Conseil académique : la commission de la recherche, la commission de la formation et de la vie universitaire, le Conseil académique en formation plénière et ce même Conseil en formation restreinte.

Le tri entre les élus


La QPC porte précisément sur la composition de ce Conseil en formation restreinte. L'article L 712-6-1 du code de l'éducation (c. éduc.) prévoit que, lorsqu'elle délibère sur les carrières des enseignants-chercheurs qui ne sont pas professeurs, c'est-à-dire en pratique les maîtres de conférence, cette commission restreinte doit être composée selon une double parité, entre les professeurs et les maîtres de conférence d'une part, entre les hommes et les femmes d'autre part.

La loi Fioraso ne donne aucune précision sur la manière dont cette double parité doit être assurée dans cette commission restreinte, et c'est ce que lui reprochent les auteurs de la QPC. De multiples systèmes pourraient être envisagés, allant de l'organisation d'une nouvelle élection au sein même du Conseil, avec évidemment des postes "fléchés" par genre, au tirage au sort pur et simple. En l'espèce, la loi renvoie la question au pouvoir réglementaire, et le décret du 7 juillet 2014  confie au Président du Conseil académique le soin d'éliminer purement et simplement les hommes, ou les femmes, surnuméraires, ainsi d'ailleurs que les professeurs ou les maîtres de conférence surnuméraires.

Ce tri n'est pas sans conséquences. Des enseignants-chercheurs élus par leurs pairs, sur le fondement de dispositions législatives, se voient en effet privés du droit d'exercer leur mandat par une simple décision individuelle fondée sur un décret. On peut comprendre que les Présidents d'Université n'aient pas été emballés à l'idée d'appliquer une telle réglementation. 

Le principe de non-discrimination


Ils pouvaient fonder la QPC sur la violation du principe de non-discrimination. En effet, il faut bien reconnaître qu'un membre élu au Conseil académique est finalement évincé de sa formation restreinte en raison de son sexe. La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel adopte cependant une position extrêmement compréhensive à l'égard des textes tendant à établir le principe de parité dans les procédures de nominations et d'élections. Dans le cas des nominations, il a admis, dès sa décision sur la loi organique du 28 juin 2010, que la désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental soit faite sur une base d'égalité stricte entre les hommes et les femmes. A l'époque, le Conseil constitutionnel ne s'était pas donné la peine de motiver sa décision. 

Plus récemment, à propos cette fois de l'élection des "binômes" aux élections départementales, la décision du  16 mai 2013 affirme qu'il est "loisible" au législateur d'adopter des dispositions "incitatives ou contraignantes" pour assurer la mis en oeuvre du principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Il faut donc le reconnaître : aux yeux du Conseil, la discrimination est possible si elle a pour objet une action positive en faveur de l'égalité des sexes. En revanche, et c'est précisément la brèche juridique qui rend le recours possible, le Conseil affirme qu'il appartient au législateur "d'assurer la conciliation entre ces dispositions constitutionnelles et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n'a pas entendu déroger". 

C'est sans doute la raison pour laquelle la CPU a préféré fonder sa QPC sur l'incompétence négative et l'atteinte au principe d'égalité devant la loi.

Sister Suffragette. Mary Poppins. Walt Disney. 1964

L'incompétence négative


L'incompétence négative se définit comme la méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa propre compétence. Depuis sa décision QPC du 14 octobre 2011 Association France Nature Environnement, le Conseil admet qu'elle soit invoquée lors d'une QPC, à la condition toutefois que soit "affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit".

En l'espèce, les auteurs de la QPC reprochent au législateur de 2013 de n'avoir rien prévu pour assurer la conciliation entre l'égalité des sexes et considèrent que cette incompétence affecte plusieurs "droits ou libertés que la constitution garantit".

Le Conseil constitutionnel ne s'attarde guère sur les deux premiers : l'atteinte à l'indépendance des enseignants-chercheurs, affirmée par le Conseil en 1984 pour les professeurs et en 2010 pour les maîtres de conférence, et le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail énoncé par l'alinéa 8 du Préambule de 1946. Le premier est écarté en une phrase, qui affirme que l'indépendance des enseignants-chercheurs signifie seulement qu'ils ont le droit d'être associés aux décisions concernant leurs pairs. C'est le cas en l'espèce, même si certains sont exclus de l'instance de décision. Quant au principe de participation, il n'est pas même mentionné.

L'incompétence négative est donc rejetée, ce qui n'a d'ailleurs rien de surprenant. Dans sa décision du 13 décembre 2012,  le Conseil constitutionnel avait déjà admis le renvoi au pouvoir réglementaire du choix des modalités de tirage au sort destinées à assurer le respect du principe de parité au sein du Haut Conseil des finances publiques.

Le principe d'égalité


Le moyen essentiel formulé par l'association requérante réside dans l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.  Il énonce que la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents". 

Cette fois, c'est la jurisprudence du Conseil d'Etat qui peut servir de référence, comme souvent d'ailleurs dans la jurisprudence constitutionnelle. Dans son arrêt du 10 octobre 2013, le Conseil d'Etat annule ainsi un décret prévoyant que le nombre de femmes dans les instances dirigeantes des fédérations sportives doit être exactement proportionnel au nombre de femmes licenciées éligibles. En se référant directement à l'article 6 de la Déclaration de 1789, le Conseil d'Etat affirme que "si le principe constitutionnel d'égalité ne fait pas obstacle à la recherche d'un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités, il interdit, réserve faite de dispositions constitutionnelles particulières, de faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l'utilité commune".

On peut regretter que le Conseil constitutionnel n'ait pas cru bon de reprendre à son compte une jurisprudence qui aurait permis de mettre en oeuvre un véritable principe d'égalité devant la loi au lieu d'aboutir à une situation juridique où l'action positive en faveur des uns, ou des unes, conduit à la discrimination des autres. Dans sa décision du 24 avril 2015, le Conseil constitutionnel se borne pourtant à affirmer que le législateur a entendu opérer une conciliation entre le principe d'égalité des sexes et celui d'égalité devant la loi, dès lors qu'il prévoit un Conseil académique "à géométrie variable" selon que les enseignants-chercheurs participent ou non à la formation restreinte.

De cette analyse, le Conseil constitutionnel déduit la conformité à la Constitution de l'article L 712-6-1 § 4 du code de l'éducation.

Certains, et ils sont nombreux, n'hésiteront pas à affirmer que cette décision constitue une grande victoire du mouvement féministe, dès lors que le Conseil constitutionnel semble admettre que l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes à certaines fonctions permet, dans certains cas, d'écarter le principe d'égalité devant la loi. Ce n'est pas si simple, et le sort fait à la tierce intervention de quinze universitaires permet au Conseil de marquer les limites du principe de parité.

La tierce intervention et la parité


Les intervenants invoquaient l'inconstitutionnalité de l'article L 712-6-1 § 4 du code de l'éducation, pour des motifs opposés à ceux développés par la CPU. Alors que la première estimait que la loi portait une atteinte excessive au principe d'égalité devant la loi, les seconds estimaient qu'elle n'était pas allée assez loin. En effet, la parité stricte est imposée pour la formation restreinte gérant les carrières des maîtres de conférence, mais pas pour celle gérant les carrières des professeurs.

Cette tierce intervention n'avait guère de chance de prospérer. Elle pouvait être écartée sur le seul fondement du principe d'égalité, mais le Conseil constitutionnel est allé au-delà et a pris soin de marquer les limites du principes de parité, bloquant ainsi toute évolution jurisprudentielle dans ce domaine.

C'était le seul argument juridique et il a, bien entendu, été rejeté par le Conseil constitutionnel. Conformément à sa jurisprudence la plus traditionnelle, il affirme que le législateur a tout à fait le droit de traiter de manière différente des personnes dans une situation juridique différente. Or, il ne fait guère de doute que les professeurs et les maîtres de conférence n'appartiennent pas au même corps.

Surtout, les intervenants estimaient que l'ensemble des droits et libertés que garantit la Constitution doivent être appréciés à l'aune de l'"objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales". De manière très sèche, le Conseil constitutionnel répond que "l'objectif de parité prévu par le second alinéa de l'article 1er de la Constitution ne constitue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit et n'est donc pas invocable à l'appui d'une QPC".  La parité est donc un "objectif" auquel on peut parvenir par différents moyens, et particulièrement l'égalité devant la loi. Ce n'est pas un droit de valeur constitutionnelle dont chacun ou chacune puisse se prévaloir.

D'une certaine manière, cette intervention a donc le résultat inverse de celui escompté. Au lieu de renforcer le principe de parité en lui conférant valeur constitutionnelle, il l'affaiblit en montrant qu'il ne s'agit que d'un objectif, un but atteindre. On pouvait évidemment s'y attendre dès lors que le constituant affirme que la loi "favorise" l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions publiques. Elle ne l'"assure" pas, elle ne l'"impose" pas, et les travaux préparatoires à la révision de 2008 montrent que ce terme a été très soigneusement choisi.


Le résultat est que la loi de 2013 peut désormais être modifiée par une autre loi. Ce sera peut-être à l'occasion de l'une ou l'autre des réformes universitaires dont le seul but est d'imposer aux Universités des contraintes toujours plus nombreuses, contraintes qui n'ont pas grand-chose à voir avec un principe d'autonomie pourtant largement proclamé. Et cette fois, le Conseil constitutionnel sera lié par sa propre jurisprudence qui laisse finalement au législateur le soin de définir lui-même le contenu du principe de parité. Les recours purement idéologiques ont quelquefois des effets pervers.