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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
vendredi 2 janvier 2015
Non bis in idem : Le docteur Bonnemaison bientôt devant la Cour européenne des droits de l'homme ?
mardi 30 décembre 2014
Les seins des Fémen : "Par de pareils objets les âmes sont blessées, et cela fait venir de coupables pensées".
Les éléments constitutifs du délit d'exhibition sexuelle
Les "actes de nature sexuelle"
Une "partie sexuelle" du corps ?
La jurisprudence sur la question de savoir si les seins constituent une "partie sexuelle" du corps est à la fois ancienne et rare. Dans un arrêt du 22 décembre 1965, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré qu'une jeune femme jouant au ping pong sur une plage les seins nus commet "une exhibition provocante de nature à offenser la pudeur publique et à blesser le sentiment moral de ceux qui ont pu en être les témoins". Cette décision, datant de l'époque de l'infraction d'outrage public à la pudeur, paraît aujourd'hui très datée, notamment dans la mesure où elle ne tient aucun compte du lieu où s'accomplissent les faits reprochés, en l'espèce sur un plage. Nul n'ignore qu'aujourd'hui le port du monokini est largement toléré sur les plages, rendant très improbable un contentieux similaire.
Avant cet arrêt cependant, la Cour de cassation avait confirmé, dans une décision du 9 mai 1962, la condamnation d'un homme ayant aidé une jeune femme à se déshabiller pour exhiber ses seins en bordure d'une autoroute. De son côté, le tribunal correctionnel de Grasse, le 29 mai 1965, avait condamné sur le même fondement une femme se promenant nue dans les rues d'une station balnéaire. Dans ces deux hypothèses, l'infraction était constituée alors que l'exhibition avait eu lieu dans des lieux publics autres que la plage. La décision du 17 décembre 2014 montre que cette jurisprudence n'est pas obsolète.
Doit-on souhaiter sa disparition ? L'argument essentiel contre celle-ci est un argument a contrario, développé à l'audience par l'avocat du curé de la Madeleine. Si l'on considère que l'exhibition sexuelle n'est pas applicable aux seins, sera-t-il encore possible de de considérer le fait de les toucher comme une agression sexuelle (art. 222-27 c. pén.) ? L'argument n'est pas sans intérêt, et il est vrai que l'on peut voir une certaine contradiction à considérer les seins comme une "partie sexuelle" lorsqu'ils sont agressés par un tiers et comme un élément du corps humain dépourvu de tout connotation sexuelle lorsqu'ils sont exhibés. L'action des Femen devient alors peu lisible, puisqu'elles exhibent leurs seins dans un but volontairement provocateur, alors que, dans le même temps, elles nient le caractère transgressif d'une telle démarche. Certes, mais il n'en demeure pas moins qu'entre l'exhibition sexuelle et l'agression sexuelle, il existe une différence fondamentale : dans le premier cas, la femme choisit de montrer ses seins, dans le second elle subit un attouchement auquel elle n'a pas consenti.
La publicité de l'exhibition
A dire vrai, ce débat n'a pas beaucoup de sens, car l'essentiel réside sans doute dans le second critère de l'exhibition sexuelle : le fait qu'il se déroule aux yeux du public.
Souvenons-nous qu'en l'espèce, la Femen avait soigneusement prévenu la presse de son action, et que l'exhibition s'est produite sous les yeux d'une chorale qui répétait dans l'église. Conformément à la jurisprudence traditionnelle en ce domaine, il n'est pas nécessaire de prouver que les membres de cette chorale ont été choqués par le spectacle. Il suffit qu'ils en aient été les témoins involontaires. Le caractère délictueux réside dans le fait que la nudité est imposée à la vue d'autrui. Peu importe le mobile, volonté de choquer ou pulsion purement personnelle.
De la même manière, l'article 222-32 précise que l'exhibition sexuelle doit s'être produite dans un lieu accessible aux regards du public. Sur ce point, la jurisprudence se montre d'ailleurs très compréhensive dès lors que l'exhibition s'est produite devant des témoins involontaires. Dans un arrêt du 31 mars 1999, la chambre criminelle a ainsi considéré qu'un cabinet d'avocat était "accessible aux regards du public", dans l'hypothèse d'un exhibitionniste exerçant son coupable penchant dans le bureau de son avocat, sous les yeux d'une collaboratrice. Dans le cas de notre Femen, il est évident que l'église de la Madeleine est un lieu ouvert au public, fréquenté non seulement par la chorale qui y tient ses répétitions, mais aussi par des fidèles et des touristes.
Pétition ou QPC ?
samedi 27 décembre 2014
L'accès des services de renseignement aux données de connexion : Big Brother à la française ?
Les données de connexion
La précision est d'importance, et veut affirmer que le décret n'entend pas autoriser les services à effectuer des perquisitions en ligne. Il n'en demeure pas moins que ces derniers peuvent s'appuyer sur les termes de loi, non dépourvus d’ambiguïté (art. L 246-1 csi). Ils affirment en effet que les données de connexion sont communicables, parmi d'autres "documents" et "informations" accessibles sur le même fondement. Qui peut empêcher les service d'invoquer la loi pour obtenir n'importe quel document ou n'importe quelle information conservée sur internet ? Le décret n'offre sur ce point qu'une garantie parfaitement illusoire, garantie qui cède devant la norme supérieure.
Un régime juridique proche de celui des écoutes téléphoniques
Une absence de contrôle
De toute évidence, ce décret s'analyse comme une forme de leurre juridique. Sa fonction n'est pas de renforcer les droits des citoyens mais bien davantage de donner un fondement juridique à l'action des services de renseignement tout en leur laissant une large marge d'autonomie.
mercredi 24 décembre 2014
L'accouchement à domicile, ou dans une étable, n'est pas un droit
Dans son rapport de 2011, la Cour des comptes révèle qu'une enquête du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes a recensé soixante-douze sages-femmes reconnaissant pratiquer des accouchements à domicile. Seules quatre d'entre elles étaient assurées au moment de l'enquête. La Cour des comptes en déduit que l'Etat doit imposer le respect de cette obligation d'assurance, ce qui a été fait. L'Ordre a donc rappelé que le défaut d'assurance peut conduire à des poursuites disciplinaires et pénales. La conséquence de cette situation est que si l'accouchement à domicile n'est pas interdit de jure, il est interdit de facto dès lors qu'il est désormais impossible de trouver une sage-femme assurée pour le pratiquer.
Rogier van der Weyden. Panneau du Triptyque Bladelin. Circa 1450 |
Le droit de choisir les conditions de son accouchement ?
Ce raisonnement n'a rien de nouveau. Il figurait déjà dans l'arrêt Ternovsky c. Hongrie du 14 décembre 2010. A l'époque, la Cour avait condamné la Hongrie, dont le droit était rempli de contradictions. D'un côté, il consacrait un "droit du patient à l'autodétermination dans le contexte des traitements médicaux", dont on pouvait déduire un droit de la femme de choisir les conditions de son accouchement. De l'autre, il prévoyait des sanctions à l'encontre des professionnels de santé pratiquant de tels actes médicaux.
De cette jurisprudence Ternovsky, certains avaient déduit, peut-être un peu rapidement, que la Cour consacrait désormais une liberté d'accoucher à domicile. Il n'en est rien cependant, et c'est ce que vient préciser la décision Dubska et Krejzova. La Cour rappelle en effet que l'ingérence de l'Etat dans le droit au respect de la vie privée, et donc dans les conditions dans lesquelles se passe un accouchement, peut être parfaitement conforme à l'article 8 de la Convention si plusieurs conditions sont réunies.
Une ingérence prévue par la loi
L'ingérence doit d'abord être "prévue par la loi", et c'est précisément cette condition qui faisait défaut dans le cas hongrois. Comme elle le fait toujours, la Cour adopte une définition compréhensive de "la loi". A ses yeux, une ingérence "prévue par la loi" est seulement une ingérence conforme au droit positif ("in accordance to the law"). En l'espèce, le droit tchèque est clair. S'il ne prohibe pas formellement l'accouchement à domicile, il impose aux professionnels de santé une plate-forme médicale qui ne peut exister qu'en milieu hospitalier. Les parturientes ne peuvent donc réclamer un accouchement à la maison, et elles ne peuvent davantage ignorer cette règle.
La sécurité de la mère et de l'enfant à naître
L'ingérence doit poursuivre un "but légitime", ce qui, à dire vrai, n'est guère contesté. La Cour ne peut que prendre acte que les autorités tchèques poursuivent un intérêt de santé publique, en procurant aux parturientes une plate-forme médicale indispensable en cas de complications. Il s'agit en effet de garantir la sécurité de la mère et du nouveau-né.
Enfin, dernière condition posée par l'article 8, l'ingérence doit être "nécessaire". Sur ce point, la Cour fait observer qu'il n'existe pas réellement de consensus européen dans ce domaine. Certains Etats, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, autorisent l'accouchement à la maison, qu'ils considèrent comme plus naturel et sans danger pour les grossesses sans risques. D'autres, et ce sont les plus nombreux, parmi lesquels la république tchèque et la France, estiment que le risque zéro n'existe pas dans ce domaine. Ils imposent donc l'accouchement en milieu hospitalier. La Cour se déclare sensible à cet argument, et rappelle qu'il appartient aux Etats de définir leur pratique en ce domaine. Elle note d'ailleurs que l'ingérence dans la vie privée des femmes est minime par rapport à l'intérêt de santé publique mis en avant par l'Etat.
Le boeuf et l'âne, comme service de réanimation ?
L'arrêt du 11 décembre 2014 affirme ainsi qu'il n'existe pas de droit d'accoucher à domicile. Il s'agit seulement d'une tolérance que chaque Etat peut choisir de mettre en oeuvre, ou non, sous sa propre responsabilité.
Reste à envisager le cas de l'accouchement dans une étable, sujet d'actualité un 24 décembre. Pourrait-on considérer, mutatis mutandis, que le souffle chaud du boeuf et de l'âne peuvent être assimilés à un service de réanimation ? Peut-être. En tout cas, une chose est certaine. Marie n'avait pas demandé à accoucher dans une étable. Souvenons-nous que toutes les auberges de Bethléem étaient pleines en raison d'un recensement qui avait attiré une grande quantité de population dans cette ville. En quelque sorte, l'accouchement de Marie est un accouchement d'urgence qui, comme tout accouchement d'urgence, peut se dérouler n'importe où, avec l'assistance de quelque matrone dont l'Evangile n'a pas conservé la trace. Heureusement, tout s'est bien passé. Joyeux Noël.
dimanche 21 décembre 2014
Adhésion de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme : La CJUE se lance dans le protectionnisme
Deux ambitions, deux histoires
La procédure
Jean Cocteau. Nous croyons en l'Europe. 1961 |
La protection de la Charte des droits fondamentaux
La protection de l'exclusivité de la CJUE
Mettre l'UE à l'abri de l'influence de la Cour européenne
vendredi 19 décembre 2014
Les droits de la défense en matière de terrorisme : un régime dérogatoire
Les suites de l'arrêt Salduz
Homeland. Série télévisée américaine de Howard Gordon et Alex Gansa. 2011 |