Ces réactions sont-elles fondées ? En réalité elles relèvent largement de la posture politique. L'étude de la jurisprudence et des textes applicables montre que les pays membres pouvaient déjà, bien avant cette décision, protéger leur système social de la "charge déraisonnable" constituée par ce "tourisme social".
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
samedi 15 novembre 2014
Le "tourisme social" devant la CJUE : rien n'a changé
Ces réactions sont-elles fondées ? En réalité elles relèvent largement de la posture politique. L'étude de la jurisprudence et des textes applicables montre que les pays membres pouvaient déjà, bien avant cette décision, protéger leur système social de la "charge déraisonnable" constituée par ce "tourisme social".
jeudi 13 novembre 2014
Le Président peut-il fermer l'Université ?
La franchise universitaire
Le pouvoir de police
Occupation de la Sorbonne. 22 mai 1968. Photo d'Elie Kagan |
Une police spéciale
Un contrôle maximum
Il peut arriver que le juge décide que l'interdiction d'accès aux locaux est disproportionnée, dans la mesure où il était possible de maintenir l'ordre par d'autres moyens. C'est ainsi que, dans une ordonnance de référé du 14 janvier 2005, le Conseil d'Etat suspend l'interdiction d'accès prononcée à l'égard d'un seul professeur poursuivi par le Conseil de discipline pour avoir tenu des propos négationnistes. Aux yeux du juge, il n'est pas démontré que la présence de ce professeur sur le campus créait "une menace de désordre d'une gravité telle que l'université n'aurait pas été en mesure d'y faire face par d'autres moyens que celui qui a consisté à lui interdire l'accès à l'université". En revanche, le Conseil d'Etat a admis la légalité d'une décision du Président de l'Université d'Aix Marseille soumettant à autorisation spéciale l'accès à certains bâtiments (CE, 27 juin 1980, M. Charles D.).
Dans le cas de Rennes II, l'Université est fermée pour une seule journée, et on doit observer que l"assemblée générale" en cause n'avait donné lieu à aucune demande d'autorisation formulée par des étudiants de l'Université (même si les syndicats étudiants sont ensuite venus au secours des organisateurs). De même, de nombreux désordres s'étaient produits les jours précédents, en particulier dans les lycées de la ville dont l'activité avait été paralysée pendant une journée. Dans de telles conditions, il est bien peu probable que la fermeture prononcée par le Président de l'Université soit considérée comme illégale.
lundi 10 novembre 2014
La liberté d'expression de l'historien devant la Cour européenne
samedi 8 novembre 2014
La diffamation non publique et plus ou moins confidentielle
Une infraction de presse ?
La publicité, comme absence de confidentialité
D'une manière générale, l'étude de la jurisprudence révèle surtout la rareté de la jurisprudence positive. La diffamation non publique est bien plus souvent écartée qu'admise, comme si le juge s'en méfiait. Dans un jugement du 3 avril 2008, la Cour d'appel de Paris a considéré comme constitutive d'une dénonciation non publique une profession de foi électorale envoyée par la CGT au personnel de l'entreprise UGC. Ce document, ensuite repris dans la presse, annonçait un plan social comportant 800 licenciements et la fermeture de nombreux cinémas. Or ces informations étaient fausses et ont eu pour effet de faire chuter l'action de l'entreprise. La Cour d'appel reconnaît la diffamation, dès lors que la CGT s'est montrée incapable de démontrer la vérité des faits allégués. En revanche, elle considère qu'il s'agit d'une diffamation non publique, puisque ces professions de foi ont une diffusion limitée aux salariés de l'entreprise, et qu'il n'est pas démontré que les fuites aient été organisées par le syndicat défendeur.
La confidentialité à géométrie variable
La confidentialité, pour le juge, n'a donc rien à voir avec le nombre de personnes partageant l'information litigieuse. Dans l'affaire UGC c. CGT, la profession de foi avait été envoyée à 1500 personnes, alors que, dans l'affaire Dr Z., les propos avaient été échangés entre deux personnes. Le critère essentiel est celui de la volonté des auteurs des propos ou écrits litigieux. Ont-ils voulu les faire sortir de l'espace dans lequel ils devaient être confinés ? Si la preuve de cette volonté est apportée, le juge considère que la diffamation non publique est caractérisée.
Reste que c'est alors la distinction avec la diffamation publique qui devient délicate à appréhender, et le critère essentiel semble alors être celui de l'utilisation des médias. Autrement dit, on en revient au principe selon lequel la diffamation publique relève du régime juridique des délits de presse, alors que l'infraction de diffamation non publique relève du droit commun. Autant dire que la nature de l'infraction est définie par son régime juridique, ce qui n'est guère satisfaisant pour l'esprit.
mercredi 5 novembre 2014
Le silence vaut acceptation : Vers un risque d'épidémie de phobie administrative ?
Une révolution culturelle
Ce système était ancré solidement dans le droit positif, au point que le Conseil constitutionnel, dans deux décisions du 26 juin 1969 et du 18 janvier 1995, avait affirmé que "d'après un principe général de notre droit, le silence gardé par l'administration vaut décision de rejet", et qu'il ne pouvait donc y être dérogé que par une norme législative. Toujours prudent, le Conseil d'Etat considérait, quant à lui, que cette règle n'était pas un principe général du droit dans un arrêt Commune de Bozas de 1970, A ses yeux, il s'agissait d'une simple règle réglementaire à laquelle il était possible de déroger par la même voie réglementaire.
Cette révolution a été largement préparée. Dès la loi du 12 avril 2000, le délai d'obtention d'une décision implicite de rejet avait été réduit de quatre à deux mois, et des pans entiers de l'action administrative avaient été placés sous le régime d'une décision implicite valant acceptation, en particulier dans le domaine des autorisations d'urbanisme. La loi du 12 novembre 2013 reprend ainsi un principe qui était déjà dans les moeurs administratives.
Alors pourquoi est-il si délicat à mettre en oeuvre ? Tout simplement parce qu'il est impossible d'établir un principe uniforme et généralisé selon lequel le silence vaudrait toujours acceptation. Il existe ainsi un certain nombre d'exceptions et de dérogations, précisément énumérées dans les décrets d'application.
Balzac. Physiologie de l'Employé. Vignettes de Louis Joseph Trimolet. 1841 |
Les exceptions
Les exceptions concernent les cas dans lesquels le principe ancien est maintenu, ce qui signifie que le silence de l'administration vaut toujours rejet.
La première exception repose sur la notion de bonne administration. Elle recouvre essentiellement les demandes d'accès aux documents et de concours de la force publique, tout simplement parce que l'administré qui obtiendrait une décision implicite d'acceptation dans ce domaine n'en tirerait aucun bénéfice concret. Que faire d'une décision accordant la communication d'un document si celui-ci ne vous est pas communiqué ? Que faire d'une acceptation du concours de la force publique si les policiers ou les gendarmes ne viennent pas ? Il est bien préférable pour le citoyen d'être alors titulaire d'une décision de rejet qu'il peut, le cas échéant, contester devant la juridiction administrative.
La seconde série d'exceptions trouve son origine dans la volonté du législateur, et la loi du 12 novembre 2013 en fait une énumération formelle. Il s'agit d'abord des demandes qui ne concernent pas une décision individuelle, par exemple celles demandant la modification, l'abrogation ou le retrait d'un acte réglementaire. On peut comprendre qu'une décision de portée générale ne puisse être menacée par une demande formulée par un citoyen isolé. Elles visent aussi les demandes "ne s'inscrivant pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire", c'est-à-dire, au premier chef, les réclamations plus ou moins fantaisistes, celles qu'il a été impossible de prévoir dans un texte. Enfin, figurent également parmi ces exceptions les demandes de nature financière, c'est-à-dire visant à faire naître une dette ou une créance à la charge de l'administration sollicitée. Il s'agit évidemment de protéger les finances publiques, mais force est de constater que cette exception fait sortir du champ de la procédure nouvelle la plupart des réclamations adressées aux administrations fiscales et douanières.
Enfin, le dernier type d'exception repose sur les nécessités de respecter les "normes supra-législatives". Sont d'abords visées les normes constitutionnelles, et plus précisément la jurisprudence issue de la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 janvier 1995. Celle-ci énonce que le législateur peut déroger à ce qui était alors la norme, c'est à-dire au principe selon lequel le silence de l'administration vaut rejet, à la condition toutefois de ne pas porter atteinte à un principe constitutionnel. L'installation d'un système de vidéo-surveillance était ainsi considéré comme entraînant une menace trop lourde pour les libertés publiques pour justifier un régime d'autorisation implicite. Dans un arrêt du 21 mars 2003, le Conseil d'Etat a adopté une position analogue pour les décisions d'occupation du domaine public, dans la mesure où chaque décision intervenue dans ce domaine doit prévoir des règles destinées à garantir la circulation publique et à protéger la voirie. Au-delà des principes constitutionnels, cette protection des normes supra-législatives vise aussi les engagements internationaux de la France et notamment le droit de l'Union européenne.
Les dérogations
De la bureaucratie
Pour l'administré, la situation risque de se révéler inconfortable car le système ancien de la décision valant rejet avait au moins le mérite d'être simple. La demande qu'il formule aujourd'hui va-t-elle conduire à la mise en oeuvre du nouveau principe général d'acceptation ? Il ne saurait en être certain, si l'on considère la liste des exceptions et dérogations. Il devra donc consulter les décrets, retrouver la décision qu'il cherche dans les multiples tableaux, et attendre le temps qu'il faut pour obtenir soit une acceptation, soit un rejet. Pendant tout ce temps, il risque de développer une phobie administrative, maladie aujourd'hui diagnostiquée mais qui ne connaît à ce jour aucun traitement efficace.
vendredi 31 octobre 2014
Les animaux, "êtres vivants doués de sensibilité" : la réforme inachevée
Approche pénale de l'animal
Chanson des vautours : "That's what friends are for"