Dans une ordonnance du 27 octobre 2022, le juge des référés du Conseil d'État refuse d'autoriser l'exportation des gamètes de la requérante, Mme A., vers l'Espagne, pays qui ne connaît aucune limite d'âge en matière d'assistance à la procréation. Le Centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) a écarté sa demande, au motif qu'elle a passé l'âge de quarante-cinq ans, au-delà duquel le droit français interdit le recours à l'assistance médicale à la procréation (AMP). C'est ce que confirme le juge des référés, décision qui s'inscrit dans une tradition de réticence du Conseil d'État à l'égard de l'exportation des gamètes.
Aux termes de l'article L 2141-11-1 du code de la santé publique l'exportation de gamètes est soumise à une autorisation délivrée par l'Agence de la biomédecine. Cette procédure ne peut être engagée que dans l'unique but de permettre la poursuite d'un projet parental par la voie d'une AMP. Certes, ce projet parental, longtemps réservé aux couples formés d'un homme et d'une femme, est désormais ouvert aux femmes seules ou en couple. La loi du 2 août 2021 donne ainsi une définition du couple un peu modernisée, même si les couples homosexuels masculins sont encore exclus de l'AMP.
La condition d'âge, en revanche, n'a pas évolué. Sur ce point, le droit positif n'a fixé un âge limite que tout récemment par la voie réglementaire.
De la voie prétorienne au pouvoir réglementaire
En ce qui concerne les hommes, la limite d'âge a longtemps été purement prétorienne. Dans une décision du 17 avril 2019, le Conseil d'Etat fixait à 59 ans révolus "l'âge de procréer", lorsqu'un homme utilise une technique d'assistance médicale. En l'espèce, le couple requérant, M. et Mme C. souhaitait utiliser les gamètes congelés du mari prélevés entre 2008 et 2010, alors qu'il avait 61 et 63 ans. En 2016, alors que M. C. a désormais 68 ans, et conformément à la procédure imposée par l'article L 2141-11-1 du code de la santé publique, ils demandent l'autorisation de les transférer vers une clinique espagnole. Dans sa décision, le Conseil d'Etat considère que l'âge de procréer pour un homme doit être fixé à 59 ans, âge du recueil des gamètes. Autrement dit, il faut avoir moins de 59 ans révolus au moment du don de sperme et non pas au moment de l'insémination.
Pourquoi 59 ans, et pas 58 ou 60 ? Le Conseil d'État se fondait à l'époque sur un avis rendu, le 8 juin 2017, par le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine, qui d'ailleurs ne fixe pas d'âge-limite précis, mais se borne à insister sur les dangers que représente la procréation tardive pour le développement physique et psychique de l'enfant. Le Conseil d'État en déduisait un âge limite, qui ne reposait donc sur aucun texte doté d'une valeur juridique. Il se bornait à reprendre à son compte l'opinion d'une instance consultative.
Pour les femmes, la situation était à peine plus claire. Dans un premier temps, par une décision du 11 mars 2005 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, le Conseil d'État avait estimé que la prise en charge de la fécondation in vitro s’interrompait au jour du 43e anniversaire. L'analyse reposait sur l'idée qu'une AMP réussit de plus en plus difficilement lorsque l'âge de la femme augmente. De fait, son coût devient aussi plus élevé, et le Conseil estimait alors que le bilan financier de l'opération était négatif.
Aujourd'hui, la limite d'âge, tant pour l'homme que pour la femme, est fixée par un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l'Agence de la biomédecine. L'article R. 2141-38 du code de la santé publique, issu du décret du 28 septembre 2021 énonce donc que l'AMP peut être réalisée "jusqu'à son quarante-cinquième anniversaire chez la femme, non mariée ou au sein du couple, qui a vocation à porter l'enfant (...)", et "Jusqu'à son soixantième anniversaire chez le membre du couple qui n'a pas vocation à porter l'enfant". Cette seconde rédaction tient compte de l'ouverture de l'AMP aux femmes en couple, alignant la limite d'âge de la seconde femme sur celle de l'homme d'un coupe hétérosexuel. Le fait que les gamètes de cette seconde femme ne soient pas utilisées dans l'opération semble sans influence sur le raisonnement du pouvoir réglementaire.
Précisément, cette fixation de l'âge limite par la voie réglementaire pourrait susciter quelques questions. En effet, justifiée ou non, elle entraîne une ingérence dans la vie privée des personnes, ce qui pourrait justifier la compétence législative.
Voutch. Avril 2022
L'absence de consensus européen
En l'espèce, il faut bien reconnaître que les moyens développés par la requérante pour contester le refus d'exportation de ses gamètes vers l'Espagne ne sont guère susceptibles d'emporter la conviction du juge des référés. Passons sur l'incompatiblité de l'article R. 2141-38 du code de la santé publique avec la directive du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011. Ce texte porte sur les soins de santé transfrontaliers, et est donc inapplicable en l'espèce. Mme A. n'a aucun lien avec l'Espagne, si ce n'est sa volonté d'y pratiquer une opération d'assistance médicale à la procréation qu'elle ne peut obtenir en France.
La clause de sauvegarde : l'insémination post mortem
L'assistance médicale à la procréation : Chapitre 7 Section 3 § 2 du manuel sur internet
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