« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mercredi 29 mai 2013

Supplément au mariage pour tous : la citation du jour


Hyacinthe Rigaud. Portrait de Jean de la Fontaine 1690


Jean de La Fontaine, Fable XX

LA DISCORDE


La Déesse Discorde ayant brouillé les Dieux,
Et fait un grand procès là-haut pour une pomme,
On la fit déloger des Cieux.
Chez l'Animal qu'on appelle Homme
On la reçut à bras ouverts,
Elle et Que-si-que-non, son frère,
Avecque Tien-et-mien son père.
Elle nous fit l'honneur en ce bas Univers
De préférer notre Hémisphère
A celui des mortels qui nous sont opposés ;
Gens grossiers, peu civilisés,
Et qui, se mariant sans Prêtre et sans Notaire,
De la Discorde n'ont que faire.
Pour la faire trouver aux lieux où le besoin
Demandait qu'elle fût présente,
La Renommée avait le soin
De l'avertir ; et l'autre diligente
Courait vite aux débats et prévenait la Paix,
Faisait d'une étincelle un feu long à s'éteindre.
La Renommée enfin commença de se plaindre
Que l'on ne lui trouvait jamais
De demeure fixe et certaine.
Bien souvent l'on perdait à la chercher sa peine.
Il fallait donc qu'elle eût un séjour affecté,
Un séjour d'où l'on pût en toutes les familles
L'envoyer à jour arrêté.
Comme il n'était alors aucun Couvent de Filles,
On y trouva difficulté.
L'Auberge enfin de l'Hyménée

Lui fut pour maison assignée.



Henri Rousseau. La guerre. 1894

3 commentaires:

  1. Le Nouvel Elan fulmine un Gnouf I



    Gnouf, Meuf ! Je Me porte bien. Bonne idée, vouas-tu, d’avoir publié dans ton blog parfumé aux Nostrils de l’Elan cette fable de Mon vieux pote Jeannot, de belle mémoire. Ooooh, l’Elan l’a beaucoup aidé, en son temps, Jeannot. Ne lui ai-Je pas suggéré de prendre des animaux comme modèles ? Sa tendance à lui était plutôt abstraite, philosophique et morale – la Discorde par exemple, ou Parole de Socrate. Je l’ai ramené sur un terrain plus solide en lui montrant Mes Raquettes – mais avec interdiction de se moquer de l’Ongulé, par le Bouton Vert ! Rats, lions, loups, renards, cigognes, araignées, ânes, tortues, chiens, moucherons, belettes, tankiveut… dragons même ! mais pas touche à la Truffoune. Je note kila respecté le contrat. Dont acte.

    Note bien, Meuf, que dans la Discorde, Je l’ai essessionailment incité à pressentir le mariage pour tous et l’hystérie des opposants. Les papas et les mamans ! Jouissif, n’est-il pas ? Vrai, l’Elan a observé avec une délectation morose le retour de la vieille droite. Pendant les premières décennies de la Ve République, la droite était moderne, réformiste, bâtisseuse, aménageuse, active et pragmatique. Elle a surfé sur les trente glorieuses, les a accompagnées et mises en musique. La gauche, à l’époque, était frileuse, rentière, repliée et défensive – le Cartel des Non, la FGDS, le Programme commun qui sentait la naphtaline... Puis elle a repris le bâton de la modernité au lieu de courir derrière de vieilles lunes.

    Oooh, Je ne dis pas qu’elle a tout bien, un peu beaucoup trop de coqs de village, d’apparatchiks et d’héritiers, de mains dans les pots de confiture, beaucoup d’ignorance et de négligence à l’égard des immigrés qu’il faut intégrer, nom d’une Raquette, et fissa ! Et pas avec quelques beautés de vignette, mais en nombre, en masse, et dans les postes, ambassadeurs, préfets, hauts fonctionnaires de tout poil. Démocratie et méritocratie vont de pair, hérédité et décadence sont sœurs jumelles. Et là, Meuf, l’enseignement est la clef. Je vais te dire, chère petite chose, pasque la racontouze Me démange : L’enseignement, sahaété la grande réussite de la IIIe République, le ressort de l’ascenseur social et d’un esprit public éclairé - mais c’est le grand échec de la Ve.

    Echec partagé, et là l’Elan renvoie dos à dos gauche et droite. Tiendonque, une brève histoire pour te distraire, et pour t’instruire, car l’Elan (L’Elan est, le non Elan n’est pas) aime instruire en amusant… uhuhuhuhuhuhu...u. Tout commence en 1959 avec la loi Debré, Michou la colère, sur l’enseignement privé et son financement par l’Etat. Elle a d’abord soulevé l’indignation des syndicats laïcs – et une pétition hostile avait obtenu beaucoup plus de signatures, soiditenpassant, que celle des opposants au mariage pour tous. En vérité – et que l’Elan pourrait-il dire d’autre ? – elle était une sorte d’Edit de Nantes, apaisant la guerre scolaire, donnant un statut à l’enseignement privé et entraînant à long terme sa déconfessionnalisation progressive. La logique du double secteur, public-privé, et la concurrence entre eux. Bien joué.

    Mézensuite, le régime a choisi la quantité plutôt que la qualité, développé l’université de masse, refusé la sélection, abaissé le niveau des diplômes, multiplié les étudiants et les implantations à la va-vite… Ce bon Pompidou disait encore début 68, le malheureux, que l’université était la grande réussite de son gouvernement. Il énumérait, l’insensé, le nombre de m2 construits, la prolifération des bâtiments, l’explosion du nombre de diplômés. Explosion, justement au joli mois de mai, et il n’a rien vu venir. Pas lu le rapport Narbonne qui l’avait prédite ? Par la suite, l’université est devenue pour tous une boîte à chagrins, et personne n’a plus osé y toucher.

    (à suivre, attaleur)

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  2. Le Nouvel Elan fulmine un Gnouf II

    (Suite)

    Oooh, les réformes ne manquent pas, mais cosmétiques, soumises aux lobbies académiques et par là même émasculées. Courage, fuyons ! L’idée générale : coupons les amarres, laissons les universités livrées à elles-mêmes, et qu’elles se débrouillent ! Exemple : on proclame l’autonomie desdites, mais on leur refuse le droit de fixer le montant de leurs droits d’inscription et de sélectionner leurs étudiants ! Jocrisses ! Décentralisation politique mais simple déconcentration administrative, on se décharge des responsabilités mais on conserve les moyens. Et comme les diplômes sont dévalorisés, plus d’ascenseur social comme sous la IIIe, l’hérédité croissante des professions grâce aux Grrrandes Zécoles, les réseaux, les corporatismes… Reste dans ta classe, s’indignait Rocard quand il était de gauche - c’est vrai, ça fait longtemps.

    Et la vieille droite, dans tout ça ? J’y arrive, Meuf, j’y arrive. C’était juste pour te faire comprendre le pourquoi du malaise social, société bloquée, pas d’horizon, mon projet c’est continuer. Revenons donc, si tes paupières – mais oui, charmantes, t’as de beaux yeux tu sais - ne s’alourdissent pas, à la loi Debré, Edit de Nantes scolaire, J’ai dit. Vlatipas que, en 1984, gauche au pouvoir, Savary veut la détruire, la loi : grand service public laïc et unifié, kidit ! Nouvelle révocation de l’Edit de Nantes, de sinistre mémoire. Mobilisations, manifestations, l’Eglise et ses relais derrière, Versailles en émoi, le gouvernement Mauroy recule et disparaît. Tournant dans l’histoire, mouvementée, J’en ai le tournis, des rapports entre l’Eglise et l’Etat.

    Echaudée par le risque de perdre son emprise sur la société civile après avoir perdu ses privilèges dans l’Etat avec la Séparation en 1905, l’Eglise reprend en main l’enseignement privé, il se reconfessionnalise, il redevient le terreau du conservatisme sociétal, et même social. La droite avait initié la contraception en1967, l’interruption volontaire de grossesse en 1974, régulièrement élargi le divorce. Et le catholicisme, rompant avec Vatican II, redevient réactionnaire, en garde contre le modernisme. L’enseignement privé s’érige en bastion du conservatisme, de la bien pensance, de la reproduction sociale. Il est la matrice des hordes de papas-mamans qui ont envahi les rues de Paris avec leur progéniture. Fruits amers de la malencontreuse tentative Savary de 1984.

    Bons apôtres, les évêques, après avoir allumé le feu sous la houlette du Vatican, se font discrets. Oooo, que non, ils ne sont pas homophobes. Ils ont pour les pédés l’amour tendre que l’on porte aux pêcheurs. L’homosexualité n’est-elle pas un péché ? Mézalors ? Véniel ou mortel ? Faut-il la confesser, demander l’absolution, prier pour ne pas recommencer ? Les enfants de couples homosexuels mariés pourront-ils être baptisés ? Ces couples seront-il excommuniés ? Dites-le, dites-le, l’Elan aimerait le savoir. Godie, par Lui interrogé, est impénétrable sur le sujet. Jésus a-t-il jamais parlé du mariage homosexuel ? Qu’en dit l’Evangile ? plutôt que s’y référer, l’Eglise préfère se rapprocher des imams et des rabbins, l’union sacrée des religions, jadis ennemies, contre la laïcité et sournoisement contre la République. Revoici la vieille droite.


    (à suivre, attaleur)


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  3. Le Nouvel Elan fulmine un Gnouf III

    (Suite et fin)



    Alors là, Meuf, Je t’arrête. Je sens que tu vas Me tympaniser avec les années 30, Adolf, Benito et les Ligues. Rien à voir, Ma mie, rien à voir. Où sont les idéologies totalitaires ? Les dictatures voisines comme modèles ? C’est plutôt au début du XXe qu’il faudrait te référer, les moines ligueurs, la Séparation, la bataille des inventaires et la lutte des bons Français contre la Gueuse, le Pape et le culte du chef contre la République, « la femme sans tête », un mélange de Boulangisme et, concession que Je te fais, de Vichysme. En même temps, dans cette débauche de drapeaux tricolores fièrement brandis, qui rappellent ceux des meetings présidentiels du Battu de Peu, ô douleur éternelle, il en manque quelques uns : ceux de ces Grands Français patriotes qui se sont carapatés après la défaite électorale, d’abord l’argent, ensuite leurs personnes, nouveau parti des émigrés.

    Ils emportent le travail, la famille et la patrie à la semelle de leurs souliers. Leurs ancêtres, voici, un siècle, se sont fait trouer la peau sans murmurer pour défendre le sol, avec comme récompense leurs noms qui s’effacent sur ces monuments aux morts innombrables qui hantent toutes les villes et tous les villages de France. Eux, on leur demande quelques euros et vlatipas qu’ils hurlent comme des écorchés vifs et qu’ils se barrent, qu’ils désertent ! Leurs ancêtres ont été des héros… Eux, l’Elan ne sait pas comment les qualifier, Il ne veut pas s’écorcher les badigoinsses. Et en plus, ces patriotes à éclipses dont le Battu de Peu était l’unique espérance, ils trouvent que l’on n’est jamais assez soumis aux Etats-Unis, jamais assez alignés sur l’Allemagne ! Imposteurs.

    Une consolation : ces singes hurleurs, ces fourriers de la décadence ne représentent pas l’avenir, ils ne sont qu’une fin de partie, qu’une lamentable résurgence d’un passé que l’Elan croyait éteint. N’avaient-il pas échoué à empêcher le Pacs, et avec les mêmes arguments ? Et maintenant, ils sont pour ! Des cars multiples les ont amenés en foule des régions aux anciens parapets. Comme Dracula, il surgissent des vieilles pierres et voudraient nous entraîner dans leur nuit. Leurs préjugés, leurs certitudes courtes, leurs arrière pensées fétides, leurs soutanes aux aguets fatiguent le Pantocrator. Ils divisent, ils meurtrissent. Non, non, bonsoir et bonne nuit, l’Elan ne veut pas naviguer avec eux sous l’œil horrible des pontons.


    LNE

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