Comparutions devant les cours d'assises
Vol au dessus d'un nid de coucou. Milos Forman 1976. Jack Nicholson. |
De 2005 à 2009, c'est à dire durant l'instruction et jusqu'au procès d'appel devant la Cour d'assises, M. G. se plaint d'avoir été incarcéré dans des locaux pénitentiaires la plupart du temps, emprisonnement entrecoupé d'une douzaine de séjours en établissement psychiatrique (plus précisément des services médicaux psychologiques régionaux, SMPR), pour des hospitalisations d'office ne dépassant jamais quelques semaines. Il considère que l'absence de suivi psychiatrique constant a entravé son traitement, et fait observer à ce propos que son état s'est considérablement amélioré depuis que la seconde Cour d'assises l'a placé en hospitalisation d'office. A ses yeux, ces quatre années d'incarcération non assorties de traitement de longue durée sont constitutives d'un traitement inhumain et dégradant.
Dans son arrêt Slawomir Musial c. Pologne du 20 janvier 2009, la Cour a effectivement considéré que l'emprisonnement d'une personne souffrant de graves troubles mentaux, en l'espèce la schizophrénie, constitue un traitement inhumain et dégradant, si deux conditions sont réunies : d'une part, une absence de traitement spécialisé, d'autre part des conditions matérielles inappropriées.
Observons d'emblée que la Cour ne met pas en cause le principe de la détention, mais bien davantage ses conditions matérielles.
La Cour se garde bien de prendre une décision de principe, et s'appuie sur les faits de l'espèce pour estimer que, dans le cas précis de M. G. cette alternance d'hospitalisations d'office et d'incarcération est constitutive d'un traitement inhumain et dégradant, dès lors qu'elle faisait obstacle à la stabilisation de son état de santé. En l'espèce en effet, tous les critères dégagés par sa jurisprudence sont réunis pour parvenir à une telle solution.
Le premier critère réside dans la gravité de la pathologie. Dans sa décision Rivière c. France du 11 juillet 2006, la Cour estimait déjà que le caractère grave et chronique de certains troubles mentaux rendait pratiquement impossible l'incarcération dans des locaux pénitentiaires non adaptés à ces pathologies. C'est particulièrement vrai dans le cas de la schizophrénie, car le traitement est nécessairement de très longue durée et les risques de suicide importants.
Le second critère réside dans l'appréciation du lieu de détention. La Cour fait observer que M. G. était incarcéré à la prison des Baumettes de Marseille, et que la Cour des comptes elle-même reconnaissait dans son rapport 2005-2010 sur l'organisation des soins psychiatriques que "la notoriété de la maison d'arrêt marseillaise (...) n'a d'égale que le délabrement et l'insalubrité de son service médico psychologique régional (SMPR)". En 2010, douze des trente-deux lits étaient fermés et six emplois de soignants étaient vacants. Autrement dit, M. G. s'est retrouvé incarcéré dans les conditions du droit commun, tout simplement parce que la vétusté du SMPR des Baumettes ne permettait pas de l'accueillir.
Le troisième critère est le danger que représente M. G., pour lui-même certes puisque la schizophrénie se traduit souvent pas des tendances suicidaires, mais aussi pour les autres. La Cour s'appuie sur les nombreux rapports médicaux constatant le risque de passage à l'acte du requérant, menaçant ainsi la sécurité de ses codétenus et celle d'un personnel pénitentiaire souvent bien désarmé à l'égard des pathologies mentales les plus graves.
La Cour fait évidemment observer qu'elle est consciente des efforts déployés par les autorités françaises, qui multipliaient les séjours de courte durée en SMPR précisément pour éviter ces passages à l'acte dont le danger ne leur avait pas échappé. Elle ne remet jamais en cause la nécessité d'enfermer M. G. pour le protéger contre lui-même mais aussi pour protéger les tiers. Elle ne s'intéresse qu'aux conditions de cet enfermement, et sanctionne finalement les autorités françaises pour la misère dans laquelle elles tiennent les services chargés, au sein des établissements pénitentiaires, de gérer la maladie mentale.
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