La Haute autorité pour la protection des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) a présenté son premier rapport le 29 septembre 2011, après dix-huit mois d'activité. La presse a surtout retenu les chiffres rendus publics à cette occasion, révélant que l'HADOPI a demandé aux fournisseurs d'accès d'identifier 1 023 079 adresses IP, que 470 935 courriels d'avertissement et 20598 courriers recommandés ont été envoyés. S'appuyant sur ces chiffres, le rapport observe que "la réponse graduée fonctionne" et s'en félicite. Le rapport développe par ailleurs un discours volontariste, faisant notamment des propositions pour développer les pouvoirs d'investigation de l'HADOPI.Les chiffres cités indiquent qu'en effet la "réponse graduée" fonctionne. S'il est vrai que le rapport insiste sur le nombre de courriels et de lettres effectivement envoyés, il se montre en revanche remarquablement discret sur le nombre de dossiers effectivement transmis au parquet. C'est seulement en juillet 2011 qu'une dizaine d'abonnés ont été convoqués, pour venir s'expliquer devant la Commission de protection des droits. Si leur défense n'apparaît pas convaincante, leur dossier sera effectivement transmis au parquet qui décidera de l'opportunité des poursuites. Les contrevenants seront peut être condamnés à une amende de 1500 € ou à une suspension de leur abonnement. Plus de 470 000 courriels envoyés... et une dizaine de personnes qui seront, peut-être, poursuivies. De toute évidence, de tels résultats ne risquent guère de dissuader ceux qui téléchargent illégalement des oeuvres protégées par des droits d'auteur.
La thèse officielle, celle développée par l'HADOPI dans son rapport, est que l'absence de poursuites, du moins jusqu'à aujourd'hui, se justifie par la volonté de développer une pédagogie, une sensibilisation, avant de mettre en oeuvre les instruments coercitifs. Cet argument peut certainement être défendu, mais encore faut-il que cette action de sensibilisation soit efficace. Or, le rapport mentionne que 76 % des abonnés qui prennent contact avec l'HADOPI demandent le détail des oeuvres qu'ils sont censés avoir téléchargé. La loi interdit pourtant cette communication, ce qui signifie que les abonnés ignorent pour quel fichier ils reçoivent un avertissement. Ce n'est sans doute pas le meilleur moyen de faire oeuvre pédagogique.
L'élargissement des pouvoirs d'investigation
Dans son rapport, l'HADOPI manifester sa volonté d'examiner de près les différentes plate-formes de streaming et de téléchargement, dans le but d'évaluer la proportion de contenus illicites téléchargés. De fait, la Haute Autorité a mis en oeuvre un projet de recherche et développement visant à déterminer, parmi les "vecteurs de consommation de biens culturels les plus utilisés, ceux qui sont manifestement employés à des fins illicites".
On peut s'interroger sur une démarche qui vise à faire de l'HADOPI l'instrument d'une surveillance globale du réseau internet, démarche qui semble aller au-delà des missions qui lui sont attribuées par la loi du 12 juin 2009. Il est vrai que la Haute Autorité a pour mission d'"encourager et de développer l'offre légale", y compris en mettant en oeuvre une labellisation des sites licites et en contrôlant les systèmes de filtrage, mais cela ne signifie pas nécessairement une surveillance aussi totale des contenus diffusés sur un internet.
La question essentielle est de savoir à partir de quelle quantité de données illicites le vecteur deviendra lui-même illicite.. La formule manque pour le moins de rigueur. Malgré cela, elle laisse apparaître une menace à peine voilée d'exiger des fournisseurs d'accès le blocage pur et simple de ce type de sites.

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