La
décision rendue le 4 août par le Conseil constitutionnel est de celles qui peuvent sembler relativement anodines. C'est si vrai que les journalistes ont privilégié une approche "quantitative", notant que le Conseil "
n'a censuré que 4 des 54 articles de la loi" ou qu'il a validé
"l'essentiel" de la loi. En clair, ce qui a été déclaré inconstitutionnel ne mériterait guère que l'on s'y attarde. Et les journalistes ne s'attardent d'ailleurs pas, d'autant que la décision ne brille pas par sa limpidité.
Sur les jurés populaire en matière correctionnelle, le Conseil constitutionnel valide le dispositif, ce qui était d'ailleurs attendu, car on ne voit pas trop sur quel fondement il aurait pu déclarer l'inconstitutionnalité d'un système qui existait déjà en matière criminelle. Il précise cependant les conditions dans lesquelles ce "tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne" peut fonctionner.
Trois conditions sont ainsi posées :
- des garanties appropriées doivent être mises en place, pour satisfaire au principe d'indépendance, "indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires" ;
- l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 précise que "tous les citoyens sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents". Pour le Conseil constitutionnel, ces dispositions imposent un contrôle préalable de la capacité des personnes figurant sur la "liste des citoyens assesseurs".
- Enfin, les "citoyens assesseurs" doivent demeurer minoritaires dans les formations correctionnelles de droit commun.
Le juge constitutionnel note que ces conditions sont remplies en l'espèce, puisque la loi confie à la commission mise en place par l'article 262 c.p.p., celle-là même compétente pour les jurys d'assises, d'examiner la liste préparatoire des citoyens appelés à de telles fonctions. Cette commission peut exclure des personnes "notamment pour des raisons qui font douter de leur impartialité, leur honorabilité ou leur probité". En outre, ceux qui seront effectivement appelés à exercer ce rôle d'assesseur bénéficieront d'une formation ad hoc dont les modalités seront précisées par un décret en Conseil d'Etat. Enfin, le caractère minoritaire des "citoyens assesseurs" est garanti par la loi.
Sur ces plans, la loi est donc parfaitement conforme à la Constitution… Mais le Conseil va plus loin en précisant les limites de la condition de capacité qu'il a lui-même posée. Il censure en effet deux alinéas mentionnant que les tribunal pourra être réuni en "formation citoyenne" pour les délits relatifs à l'usurpation d'identité et à l'environnement. Pourquoi ceux-là ? Parce qu'ils "sont d'une nature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui font obstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent". Cette formule laisse donc penser que le "simple quidam" est assez malin pour comprendre un vol à main armée, mais pas assez pour une atteinte à l'environnement… Dès que l'affaire devient un peu compliquée, on exclut donc le "tribunal en formation citoyenne" pour revenir au tribunal correctionnel de papa… Autant dire que le "tribunal en formation citoyenne" relève d'une approche cosmétique de la procédure pénale, et que le Conseil constitutionnel veut sans doute montrer qu'il n'est pas dupe..
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12 hommes en colère. Sidney Lumet. 1957 |
Sur la justice des mineurs, le juge constitutionnel se montre plus direct. Il est vrai que nous étions préparés à sa décision par la
QPC du 8 juillet, intervenue à propos de l'état du droit antérieur à la loi qui vient d'être votée. Le Conseil avait alors estimé que l'ancien article L 251-3 du Code de l'organisation judiciaire, en permettant au juge des enfants qui a instruit l'enquête de présider la juridiction de jugement, portait au principe d'impartialité une atteinte contraire à la Constitution. Moins d'un mois plus tard, il n'est guère surprenant que le Conseil confirme sa position sur ce point. Est également confirmée la date d'entrée en vigueur de cette déclaration d'inconstitutionnalité au 1er janvier 2013.
On se souvient, et LLC s'en était fait l'écho, que cette QPC du 8 juillet avait suscité les inquiétudes des juges des enfants. Ils redoutaient en fait la disparition pure et simple de la justice des mineurs, ces derniers étant finalement punis avec la même sévérité que les adultes.
Le Conseil s'est manifestement efforcé d'apaiser ces craintes. Il rappelle que la loi doit être appréciée par rapport au principe fondamental reconnu par les lois de la République qu'il avait déjà affirmé dans sa décision sur la loi Perben I du 29 août 2002. Ce principe implique "l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs et la recherche de leur relèvement éducatif et moral". En d'autres termes, ce PFLR impose une double contrainte, d'une part garantir la spécificité de la justice des mineurs, d'autre part assurer sa finalité éducative.
C'est ainsi que le Conseil finit par déclarer inconstitutionnelles des dispositions qu'il juge trop sévères par rapport à ce principe. La possibilité d'assigner à résidence un mineur de 16 ans avec surveillance électronique est ainsi considéré comme "d'une rigueur d'autant moins nécessaire" que la même loi assouplit les conditions permettant de placer un mineur sous contrôle judiciaire".
En définitive, une décision plus subtile que la manière dont elle a été présentée par les premiers commentateurs. Son importance ne réside sans doute pas dans l'importance des dispositions annulées, mais bien davantage dans l'étendue et l'intensité du contrôle exercé par le Conseil..
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