Nathaniel Jocelyn. Portrait de Cornelius Vanderbilt. 1846. |
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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mercredi 30 novembre 2011
La liberté d'entreprendre entre droit et rhétorique
lundi 28 novembre 2011
1er rapport du Défenseur des droits : les droits des enfants
La loi organique du 29 mars 2011 créant le Défenseur des droits confie à cette institution, parmi d'autres missions, celles précédemment attribuées au Défenseur des enfants. Il lui appartient en effet de "défendre et de promouvoir l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France". Au sein de l'institution nouvelle, cette mission a été attribuée à Madame Marie Derain, adjointe de Monsieur Dominique Baudis, et auteur du rapport remis au Président de la République le 21 novembre 2011. Ce document suscite aujourd'hui un intérêt quelque peu inattendu, au moment où plusieurs faits divers tragiques relancent les débats sur la délinquance des mineurs. Il permet d'envisager l'enfant, à la fois comme le destinataire et comme le titulaire de droits.
Le Défenseur des droits note qu'il est parfois difficile d'obtenir qu'un établissement d'accueil assure un espace d'intimité aux enfants et adolescents. De la même manière, le filtrage des correspondances et communications, même s'il trouve généralement son origine dans une décision du juge visant à le mettre à l'écart d'une situation familiale dégradée, est souvent mal perçu par l'intéressé.
samedi 26 novembre 2011
La CJUE et la libre circulation des données
jeudi 24 novembre 2011
Justice des mineurs et secret partagé
Le garde des Sceaux a néanmoins pris la parole pour affirmer la nécessité d'améliorer l'évaluation de la dangerosité du mineur, et de mettre en place un "secret partagé" en matière de délinquance des mineurs "entre la justice, l'école et la santé". Cette réflexion, dont il nous dit qu'elle est déjà presque achevée, devrait se concrétiser prochainement par un décret.
La notion de "secret partagé" s'analyse comme une une dérogation au secret professionnel. Ce dernier se définit comme l'obligation faite à tout agent de ne pas révéler à autrui les renseignements confidentiels sur des personnes ou des intérêts privés recueillis dans l'exercice de ses fonctions. C'est une obligation statutaire pour tous les fonctionnaires (art. 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires), y compris évidemment ceux de la fonction publique hospitalière ou intervenant dans le secteur social. Pour les médecins et personnels de santé du secteur libéral, c'est une obligation déontologique, mais il convient de rappeler que le code de déontologie médicale a valeur réglementaire. Dans tous les cas, le manquement au secret professionnel est réprimé de manière rigoureuse, puisque le Code pénal le punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende (art. 226-13 c. pen).
Le ruban blanc. Michael Haneke. 2009. |
Le secret partagé
Entré discrètement dans l'ordre juridique par voie de circulaire, le secret partagé bénéficie aujourd'hui de l'onction de la loi. A côté des cas de dénonciation de malfaiteurs prévus par le Code pénal, il existe maintenant des hypothèses légales de partage du secret :
- L'article L 1110-4 al 3 du Code de la santé publique autorise le partage d'informations concernant un patient au sein d'une équipe médicale.
- L'article L 226-2-2 du Code de l'aide sociale et des familles, issu de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance autorise les professionnels de ce secteur à échanger des informations confidentielles pour évaluer la situation individuelle d'un enfant et déterminer les mesures propres à lui venir en aide.
- L'article L 121-6-2 du Code de l'aide sociale et des familles , issu de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance prévoit en effet un partage d'information entre les travailleurs sociaux et les services municipaux ou départementaux chargée de l'action sociale.
Dans son organisation, elle repose sur la puissance du juge des enfants. Chargé de l'instruction de l'affaire, il préside le tribunal pour enfants, et contrôle l'application de la peine. Pour assurer sa mission, non seulement il peut, mais il doit, échanger des informations sur la santé ou l'éducation des jeunes délinquants. Considéré sous cet angle, le "secret partagé" est la condition même de l'exercice satisfaisant de la justice des mineurs.
Le garde des sceaux annonce ainsi un "secret partagé" qui dérogera aux règles du secret professionnel et annonce un décret dans ce sens. Dans la précipitation, il semble avoir oublié qu'une dérogation à une loi ne peut intervenir que par une autre loi. Au lieu de faire de la justice des mineurs un débat électoral, il serait peut être temps de susciter un débat parlementaire.
lundi 21 novembre 2011
Géolocalisation des véhicules de l'entreprise et vie privée du salarié
- "la contribution à la sécurité des personnes
- une meilleure gestion des moyens en personnel et en véhicules (prestations à accomplir dans des lieux dispersés)
- le suivi et la facturation d'une prestation
- le suivi de marchandises (pour les produits dangereux ou les denrées alimentaires)
- suivi du temps de travail lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d'autres moyens"
dimanche 20 novembre 2011
QPC "Garde à vue 2" : Le Conseil appuie sur le frein
La femme à abattre. Raoul Walsh. 1951. Humphrey Bogart. |
vendredi 18 novembre 2011
Le droit à l'oubli dans la presse
Claude Chabrol. Landru. 1963 |
- Il est impossible d'envisager une interdiction pure et simple de diffuser des données relatives au passé judiciaire d'une personne (voire un blocage des pages concernées sur internet) . Ce serait évidemment une atteinte absolue à la liberté de presse qui ne peut être réalisée que par un juge, c'est à dire a posteriori. L'anonymisation des données est donc la seule solution, si ce n'est que les organes de presse vont certainement s'opposer à une mesure à la fois contraignante et coûteuse. Au demeurant, le droit à l'oubli disparaît juridiquement avec le décès de son titulaire, ce qui implique une actualisation constante des archives du journal.
- Au bout de combien de temps une information qui rend compte de l'actualité judiciaire deviendra t elle une information qui porte atteinte au droit à l'oubli ? La réponse à cette question est évidemment impossible, dans la mesure de l'impact médiatique de chaque affaire judiciaire est différent.
- Quels seront les critères permettant de distinguer une publication dans l'intérêt public du (culture, recherche historique etc..) et une publication destinée simplement à faire monter les ventes en rappelant un fait divers racoleur ?
mercredi 16 novembre 2011
Le tribunal des conflits et le principe de célérité
Le 17 octobre 2011, le Tribunal des conflits a rendu deux décisions qui, a priori, n'ont vraiment aucun rapport avec les libertés publiques mais qui vont finalement contribuer à une meilleure mise en oeuvre du principe de célérité de la justice.
La première décision porte sur la légalité d'une redevance instituée par un syndicat intercommunal, relative à l'enlèvement des ordures ménagères, la seconde sur celle de cotisations interprofessionnelles versées par les exploitants agricoles en rendues obligatoires par des arrêtés interministériels. Dans chacun des cas, un litige était intervenu devant le juge judiciaire.
Pour résoudre le litige qui lui est soumis, il arrive que le juge judiciaire ait besoin d'apprécier la légalité d'un acte administratif. Tel est le cas en l'espèce puisque aussi bien les redevances que les cotisations interprofessionnelles avaient été fixées par des actes de nature réglementaire.
Le Tribunal des conflits, aiguilleur des contentieux
Le juge judiciaire a-t-il le droit d'apprécier la légalité d'un acte administratif ? C'est toute la question posée au tribunal des conflits, dont le rôle est précisément de résoudre les problèmes de compétence. Composé à parité de membres du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, présidé par le garde des sceaux, il doit désigner au requérant la juridiction compétente, l'orienter vers le bon juge, opération souvent bien délicate dans notre pays.
La loi des 16-24 août 1790 a en effet mis en place un dualisme juridictionnel qui interdit au juge judiciaire de "troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs". Cette disposition a permis de fonder l'existence de la juridiction administrative, aujourd'hui constitutionnalisée depuis une célèbre décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987. L'administration française a donc l'immense avantage d'être jugée par "son" juge qui applique "son" droit, le droit administratif.
A priori, tout cela semble simple. Au juge administratif le contentieux de la puissance publique, au juge judiciaire celui qui règle les litiges entre particuliers. Mais la frontière entre les deux ordres de juridiction n'est pas toujours clairement fixée. Il arrive que le législateur, dans un souci de "bonne administration de la justice" unifie des contentieux entiers. C'est ainsi que tous les accidents dans lesquels des véhicules administratifs sont impliqués relèvent du juge judiciaire. Mais le tribunal des conflits conserve un rôle important, en particulier lorsque le juge judiciaire a besoin, pour résoudre un litige, de savoir si un acte administratif est légal ou illégal.
Le renvoi préjudiciel
Depuis l'arrêt Septfonds rendu par le tribunal des conflits le 16 juin 1923, il est interdit au juge judiciaire d'apprécier la légalité d'un acte administratif, qu'il soit réglementaire ou non. La seule exception autorise le juge pénal à effectuer ce contrôle de légalité, lorsque l'issue du procès dépendait précisément de cette appréciation (TC 1951 Avranches et Desmarets). En dehors du champ pénal, le juge judiciaire doit donc surseoir à statuer en demander au juge administratif d'apprécier la légalité de l'acte. Ce "renvoi préjudiciel" peut retarder, parfois de plusieurs années, l'issue d'un litige.
C'est précisément cette jurisprudence de 1923 qui est battue en brèche par les deux décisions du 17 octobre 2011. Si le principe général demeure que le juge judiciaire doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de l'acte soit tranchée par le juge administratif, le tribunal des conflits tolère désormais une exception " lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal". Autrement dit, le juge judiciaire peut apprécier la légalité de l'acte administratif lorsque la solution est évidente, imposée par exemple par une jurisprudence constante du Conseil d'Etat.
Dans la décision SEAC du canton de Riez et de Moustiers et autres c. SIVOM du Bas Verdon, le tribunal des conflits confirme donc la compétence du juge judiciaire dans le contentieux de la redevance, précisant qu'il lui appartiendra d'apprécier lui même la légalité de cette redevance ou, le cas échéant, de saisir le juge administratif par un renvoi préjudiciel.
"Je suis pressé". Le lapin blanc. Alice au pays des merveilles. Walt Disney. 1951 |
Appréciation de la légalité par rapport au droit de l'Union européenne
La seconde décision, Préfet de la région Bretagne, préfet d'Ille et Vilaine, SCEA du Chéneau c. Inaporc, présente un intérêt tout particulier, puisqu'elle porte sur l'appréciation de la légalité d'un acte administratif au regard du droit de l'Union européenne. Le juge judiciaire s'était en l'espèce estimé compétent sur le fondement de l'article 55 de la Constitution. Cette jurisprudence de combat allait à l'encontre de la décision CAMIF rendue par le tribunal des conflits le 4 novembre 1991, qui excluait, conformément à l'arrêt Septfonds, tout contrôle de la légalité d'un acte administratif par le juge judiciaire, refusant toute distinction entre l'appréciation d'un acte par rapport au droit interne ou au droit communautaire.
Le tribunal des conflits opère un revirement de jurisprudence, et affirme que cette nouvelle jurisprudence s'applique à tout contrôle de légalité, y compris lorsque l'acte est apprécié par rapport au droit de l'Union européenne. Pour parvenir à cette solution, il affirme que le principe de séparation des autorités doit désormais être concilié non seulement avec celui de "la bonne administration de la justice", ce qui était déjà le cas depuis la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987, mais aussi avec le principe selon lequel "tout justiciable a droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable". La rapidité de la procédure devient donc un standard juridique permettant d'évaluer le choix d'un bloc de compétence. Sur ce double fondement, le juge judiciaire est désormais autorisé à apprécier directement la légalité de l'acte au regard du droit communautaire, y compris en opérant lui même un renvoi préjudiciel à la Cour de justice, sans passer par l'intermédiaire du Conseil d'Etat.
Cette jurisprudence organise ainsi l'articulation entre trois ordres juridiques, l'ordre judiciaire et l'ordre administratif en matière de compétence, mais aussi le droit de l'Union européenne dans la détermination des normes applicables.
En revanche, le fondement de cette jurisprudence nouvelle doit être recherché dans un quatrième ordre juridique, celui de la Convention européenne des droits de l'homme.
Célérité de la justice
L'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ne figure pas dans les visas de ces deux décisions, mais il n'en demeure pas moins qu'il est présent, en filigrane. Il fait de la célérité de la justice un élément essentiel du droit au procès équitable, dès lors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue "dans un délai raisonnable". Or, le principe de séparation des autorités et le dualisme des ordres de juridiction tel qu'il existe dans notre pays, a des effets catastrophiques sur la durée des procédures. Les requérants ont souvent des difficultés à trouver le juge compétent, et les renvois préjudiciels, quelquefois dilatoires, provoquent une lenteur qui s'apparente quelquefois à un déni de justice.
L'étude des statistiques de la Cour européenne montre qu'entre 1959 et 2010, la France a été condamnée pour la lenteur de ses procédures dans 279 décisions, c'est à dire environ 40 % des décisions mettant en cause le droit français.
Cette réalité est évidemment prise en compte par le Tribunal des conflits et ses deux décisions du 17 octobre 2011 s'efforcent, autant que possible, de supprimer les renvois préjudiciels inutiles. Tant mieux pour les requérants.
mardi 15 novembre 2011
Les fêtes estudiantines soumises à autorisation ?
Picasso. L'étudiant à la pipe. 1914 |