« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


lundi 28 novembre 2011

1er rapport du Défenseur des droits : les droits des enfants


La loi organique du 29 mars 2011 créant le Défenseur des droits confie à cette institution, parmi d'autres missions, celles précédemment attribuées au Défenseur des enfants. Il lui appartient en effet de "défendre et de promouvoir l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France". Au sein de l'institution nouvelle, cette mission a été attribuée à Madame Marie Derain, adjointe de Monsieur Dominique Baudis, et auteur du rapport remis au Président de la République le 21 novembre 2011. Ce document suscite aujourd'hui un intérêt quelque peu inattendu, au moment où plusieurs faits divers tragiques relancent les débats sur la délinquance des mineurs. Il permet d'envisager l'enfant, à la fois comme le destinataire et comme le titulaire de droits. 

L'enfant destinataire de droits 

S'il est vrai que les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ont d'abord pour préoccupation de maintenir l'enfant dans son milieu familial, voire de recréer un milieu familial avec les familles d'accueil, ce n'est pas toujours possible, et il doit quelquefois faire l'objet d'une mesure de placement dans différents établissements (maisons d'enfants, foyers de l'enfance, pouponnières). Le rapport évalue à 45 280 mineurs le nombre de mineurs placés en établissement à la fin 2008 (contre 67 200 en famille d'accueil), ce choix étant justifié par le caractère en principe provisoire du séjour de l'enfant. 

Dans tous les cas, fait observer le Défenseur des droits,  ces enfants sont issus de familles ébranlées par des difficultés graves que le placement ne fait qu'amplifier en créant ruptures et traumatismes supplémentaires. 

Mais ces difficultés ne doivent pas faire oublier que l'article 375-2 du code civil énonce que "chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel". Le fait de le retirer de  son milieu habituel est donc une solution extrême, qui ne s'applique que lorsqu'il n'est pas en mesure de garantir sa sécurité, sa santé ou sa moralité, ou encore pour des motifs judiciaires. Le Défenseur des droits rappelle que "l'intérêt de l'enfant" signifie d'abord son maintien au sein de sa famille, avec un accompagnement par des mesures d'aide adaptées à sa situation familiale et sociale. 

La Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 énonce elle aussi, dans son article 3, que "dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale". Le Conseil d'Etat a considéré cette disposition comme suffisamment précise pour être d'applicabilité directe dans l'ordre interne, dans un arrêt Mlle C. du 22 septembre 1997. Il a été suivi, d'ailleurs très tardivement, par la Cour de cassation, dans deux décisions du 18 mai 2005. Ces jurisprudences ont finalement été reprises dans la loi du 5 mars 2007, réformant la protection de l'enfance.

La fleur de l'âge. Marcel Carné. 1947

L'enfant titulaire de droits

Le rapport du Défenseur des droits n'apporterait rien de bien nouveau à cette analyse, s'il ne s'intéressait à la mise en oeuvre concrète de ces principes. La recherche de l'intérêt supérieur de l'enfant passe en effet par une évaluation de ses conditions de vie, de la protection dont il bénéficie, et aussi de sa vie affective. Elle impose la mise en oeuvre de certains droits.

Le premier d'entre eux est le droit à la parole. Dans son rapport 2009, le Comité des droits de l'enfants de l'ONU, chargé de la mise en oeuvre de la convention de 1989, recommandait d'ailleurs "que la France prenne en compte les opinions des enfants et mette à leur disposition des mécanismes de plaintes accessibles". 

Chaque enfant doit ainsi pouvoir être informé sur sa situation et s'exprimer à propos des décisions qui le concernent, qu'elles soient prises au niveau administratif ou judiciaire. Bien entendu, cet échange ne peut se développer que lorsque l'enfant est capable de discernement, appréciation laissée à l'appréciation de son interlocuteur. Ce droit d'être entendu n'est guère contesté, car l'explication d'une mesure d'assistance éducative est considérée comme la première condition de son succès. 

En revanche, le droit français ne mentionne pas très clairement quel poids est accordé à cette parole de l'enfant, question que semble poser la référence par le Comité de l'ONU aux "mécanismes de plaintes accessibles". Il est vrai que le décret du 15 mars 2002 accorde au "mineur capable de discernement" la possibilité de se faire assister d'un conseil pendant la procédure d'assistance éducative, au même titre que ses parents ou les personnes chargées de sa tutelle ou de sa garde (art. L 1186 du code de procédure civile). De la même manière, il peut faire appel de toute décision prise par le juge des enfants en matière d'assistance éducative. On peut s'interroger sur l'efficacité de telles dispositions pour un mineur qui éprouve parfois des difficultés à comprendre l'objet même des mesures d'assistance éducative dont il fait l'objet. 

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale prévoit en outre que "l'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prises en charge par des établissements (...) et notamment le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité" Ces dispositions, codifiées dans l'article L 311-13 du code de l'action sociale et des familles, pourraient sembler superfétatoires. Ces droits n'appartiennent-ils pas à l'ensemble des individus, majeurs ou mineurs ? Le fait qu'un enfant bénéficie d'une mesure d'assistance éducative n'a évidemment pas pour effet de le priver de ses droits. Leur mise en oeuvre reste cependant délicate et le législateur a cru bon de rappeler cette exigence aux services concernés.

Le Défenseur des droits note qu'il est parfois difficile d'obtenir qu'un établissement d'accueil assure un espace d'intimité aux enfants et adolescents. De la même manière, le filtrage des correspondances et communications, même s'il trouve généralement son origine dans une décision du juge visant à le mettre à l'écart d'une situation familiale dégradée, est souvent mal perçu par l'intéressé. 

Le rapport montre ainsi que les droits des enfants placés dans des établissements d'accueil sont effectivement consacrés, mais que les contraintes matérielles entravent leur mise en oeuvre. L'enfant est écouté lorsqu'il s'agit de choisir l'établissement, mais, in fine, il sera placé là où on trouvera une place. L'enfant a droit au respect de sa vie privée, mais il ne comprend pas pourquoi on lui interdit d'appeler au téléphone la famille d'accueil à laquelle il a été retiré dans des conditions qui lui échappent encore plus.. 

Ces dysfonctionnements incitent le Défenseur des droits à formuler des propositions qui n'ont rien d'original mais qui méritaient sans doute d'être rappelées. La première est d'engager un dialogue systématique et de longue durée avec la famille de l'enfant, à chaque fois que c'est possible. La seconde est de mieux préparer ces jeunes à la fin des mesures d'aide sociale à l'enfance, qui s'achèvent nécessairement à leur dix-huitième anniversaire. Le "contrat jeune majeur" doit donc être développé pour mieux anticiper la sortie du placement. 

La nécessité d'assurer ce passage à l'âge adulte semble être la préoccupation essentielle du Défenseur des droits. A cet égard, son rapport a quelque chose de rassurant. A ceux qui aujourd'hui veulent aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs, il nous rappelle que l'enfant a des droits comme n'importe quel citoyen, mais que sa protection impose à la société des devoirs particuliers. 


1 commentaire:

  1. il est facile d'étaler de beau texte sur la liberté des jeunes ados en famille d'acceuil malheureusement la réalité est tout autre,ces enfants non seulement sont coupés de toute communication et d'affection mais en plus n'ont meme pas le droit d'avoir des amis !!! Pour preuve m'étant récemment lié d'amitié avec un jeune ados de 15ans dans le train(c'est lui qui est venu me parler) une grande et sincère amitié c'est forgé entre nous,il me disait sans cesse qu'il avait besoin de moi et de ne pas le laisser tomber si bien qu'au bout de 3semaines l'ASE l'a du jour au lendemain sortie du train et disparu !!!! Ou est le respect de l'enfant dans tout sa ? ou est le respect de sa vie privé ? un enfant qui était si seule dans sa tete,si malheureux abandonné de tous.....Ce dispositif c'est la honte meme de la république,dirigé par des gens sans coeur et sans auqun respect pour les enfants prenant des mesures restrictives comme bon leur semble sans en rendre compte à personne !! Et en plus les assistantes social mon traité de pédophile en disant ''monsieur une amitié entre un gamin de 15ans et un adulte de 45ans sa n'existe pas'' !! alors meme que l'ados ne cessait de leur dire que j'était super gentil,et que des temoins pouvais nous observer tous les jours dans le train ! LIBERTE ? LA BONNE BLAGUE....OU C EST DE L HUMOUR NOIR ?

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