Henri Cartier-Bresson. Rue Mouffetard. 1954 |
Pages
« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
vendredi 23 août 2013
La fermeture des commerces de Saint Denis : quelques précisions
mardi 20 août 2013
A vot' bon coeur : la mendicité et les libertés
dimanche 18 août 2013
Le report d'audience devant la Cour européenne des droits de l'homme
Nicolas Poussin. Danse de la musique du temps. 1640 |
Le refus de renvoi sera désormais motivé et contrôlé, avancée peu spectaculaire des droits du justiciable, mais avancée réelle. On peut tout de même déplorer que les juges français n'aient pas cru bon d'engager cette évolution avant d'y être contraints par la jurisprudence de la Cour européenne.
mercredi 14 août 2013
La recherche sur les cellules souches embryonnaires enfin autorisée
La puissance des cellules-souches
A dire vrai, le débat sur la question des cellules-souches est presque aussi ancien que le premier bébé éprouvette, Amandine, née en 1982 d'une fécondation in vitro réalisée par le Docteur René Frydman. La fécondation in vitro est utilisée pour aider les couples qui rencontrent des difficultés de fécondation, mais dont la femme peut, sans difficultés particulières, porter un enfant. On va donc créer un embryon en éprouvette avant de le réimplanter dans l'utérus de la femme du couple demandeur, et c'est elle qui mènera la grossesse à son terme. Sur le plan génétique, toutes les combinaisons sont possibles : l'enfant peut être biologiquement celui du couple demandeur, mais il peut aussi être le résultat d'un don de sperme ou d'ovule, voire d'un double don. Quoi qu'il en soit, cette technique se traduit souvent par la création d'embryons en nombre supérieur par rapport à ceux qui seront effectivement réimplantés. Ces "embryons surnuméraires" sont donc congelés et réutilisés par le couple, s'il désire d'autres enfants. Lorsque le couple renonce à son projet parental, ces embryons font quelquefois l'objet d'un don à un couple infertile. Si tel n'est pas le cas, ils doivent, en principe, être détruits à l'issue d'un délai de cinq ans (art L 2141-4 csp).
Les chercheurs s'intéressent beaucoup à ces embryons qui ont, il convient de le préciser, entre cinq et sept jours. En effet, ils sont composés d'un ensemble de "cellules souches", particulièrement précieuses pour la recherche scientifique. En schématisant quelque peu, on peut définir la "cellule souche" comme une cellule non différenciée qui a pour fonction d'engendrer d'autres cellules. Cette capacité suscite de grands espoirs en matière médicale, notamment pour la thérapie génique. Si les cellules souches ne sont pas tout à fait absentes chez l'adulte, par exemple dans la moelle osseuse, elles y sont moins puissantes que chez l'embryon. Les cellules embryonnaires sont "pluripotentes", ce qui signifie qu'elles sont susceptibles de former tous les tissus de l'organisme, sans pour autant aboutir à la formation d'un individu complet. Les chercheurs estiment ainsi que ces cellules embryonnaires devraient permettre de formidable progrès dans le traitement de certaines maladies, comme la dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA) ou la maladie d'Alzheimer.
Encore faut-il pour cela avoir le droit d'effectuer de telles recherches, et cette autorisation est précisément l'objet de la loi du 6 août 2013.
Génétique. Dessin de Puig Rosado |
Ce texte met fin à une certaine hypocrisie de la loi dans ce domaine. La loi de bioéthique du 6 août 2004 posait en effet un principe d'interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Mais elle l'accompagnait de la possibilité d'y déroger, "à titre exceptionnel", avec l'accord du couple concerné, lorsque les recherches envisagées "sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs" et qu'aucune méthode alternative ne peut être envisagée, en l'état des connaissances scientifiques. Ce régime dérogatoire ne devait s'exercer que durant cinq années, mais la loi bioéthique du 7 juillet 2011 a maintenu ce statu quo sans susciter un réel débat sur le sujet.
La loi de 2013 inverse totalement le principe. On passe de l'interdiction, sauf exception, à l'autorisation étroitement encadrée. Il ne s'agit évidemment pas d'autoriser n'importe quelle recherche, et le législateur maintient la condition imposée en 2004, selon laquelle seules seront autorisées les recherches qui ne peuvent pas être développées par d'autres moyens. De même, l'accord du couple à l'origine de la création de ces embryons est toujours exigé par la loi. Ces conditions sont contrôlées par l'Agence de la biomédecine qui donne l'autorisation de recherche, en appréciant évidemment les objectifs de la recherche et les compétences de ceux qui l'entreprennent.
Ce régime d'autorisation présente l'avantage de mettre fin à une hypocrisie législative, qui reposait sur la recherche d'un équilibre entre les aspirations légitimes des chercheurs et les réticences des milieux catholiques qui considèrent qu'un embryon de cinq jours est déjà une personne humaine. Mais il s'agit là d'un argumentaire difficilement défendable devant le Conseil constitutionnel : par hypothèse, les embryons sur lesquels ces recherches sont autorisées ne donneront jamais lieu à un projet parental, soit parce que techniquement ils ne peuvent pas être réimplantés, soit parce que le couple ne le souhaite pas. Ils ne deviendront donc jamais des personnes humaines. Le recours s'est donc fondé sur des arguments plus classiques, facilement écartés par le Conseil. Il a ainsi observé que les garanties prévues par la loi lors de la délivrance des autorisations ne portent pas atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne. Elles sont en outre suffisamment claires pour répondre aux exigences de clarté et de lisibilité de la loi.
Débarrassés d'entraves qui n'avaient pas d'autre origine que religieuse, les scientifiques français vont donc pouvoir développer des recherches dans des domaines porteurs de grands espoirs et reprendre la place qui est la leur dans un secteur extrêmement concurrentiel. Il est juste temps, car les chercheurs des autres pays, ont pu, quant à eux, avancer leurs travaux sans être entravés par la loi de leur propre pays et par les préjugés des uns ou des autres.
samedi 10 août 2013
Indépendance de la justice : l'avis de la CNCDH
Honoré Daumier. Les gens de justice. 1845 |
L'indépendance dans l'exercice de la fonction
D'un autre côté, les dix dernières années ont été marquées par une dénonciation constante d'un prétendu laxisme de la justice que la CNCDH qualifie de "mythe". Ce discours a été utilisé pour réduire les prérogatives des juges sans que l'opinion s'en inquiète réellement. L'institution des "peines planchers" a ainsi été considérée comme un moyen de lutte contre la récidive, alors que son caractère dissuasif n'apparait pas clairement. Mais elle réduit en même temps le pouvoir d'appréciation des juges. De même, la procédure de comparution immédiate accélère la procédure mais réduit aussi le temps laissé au juge pour prendre connaissance du dossier. La plupart des affaires pénales sont aujourd'hui jugées sans instruction, selon une logique purement quantitative.
Celle-ci est renforcée par la mise en place d'indicateurs de performance centrés sur le nombre de dossiers traités. Le bon juge est celui qui éponge le plus grand nombre d'affaires. Pour être bien noté, il doit "systématiser" son travail dit pudiquement la Commission, c'est à dire rendre une justice de masse. L'autorité politique n'y trouve que des avantages. D'une part, la justice est plus rapide. D'autre part, le contrôle des juges est renforcé par une centralisation de la gestion de leurs performances.
L'indépendance du parquet
Plus classique est sans doute l'analyse de la CNCDH déplorant l'absence d'indépendance du parquet. La Cour européenne, dans le célèbre arrêt Moulin du 23 novembre 2010, n'a t elle pas refusé de considérer le procureur comme une "autorité judiciaire", dès lors qu'il se trouve subordonné au ministre de la justice ?
La Commission aborde cependant la question de manière originale, à partir du droit comparé. Dans une recommandation 2000-19, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a observé que certains pays ont un ministère public indépendant, alors que d'autres ont choisi un système où il est hiérarchiquement soumis au ministre de la justice et est donc considéré comme un fonctionnaire ordinaire. Le problème est que le droit français hésite entre les deux options : les magistrats du parquet son rattachés à l'autorité judiciaire en principe indépendante, mais ils demeurent soumis au Garde des sceaux par un lien hiérarchique.
L'évolution récente interdit de considérer les procureurs comme des fonctionnaires ordinaires soumis au pouvoir hiérarchique. Leurs fonctions proprement juridictionnelles se sont élargies, notamment en matière d'orientation vers la procédure de comparution immédiate. Aux yeux de la Commission, ce choix a de telles conséquences pour les prévenus qu'il "peut être considéré comme un pré-jugement". Les membres du parquet sont désormais dotés d'une fonction juridictionnelle de plus en plus importante, qui rend indispensable l'octroi d'un statut d'indépendance réelle. Une telle réforme n'aurait pas nécessairement pour conséquence de priver le ministère de la justice de son pouvoir d'orientation de la politique pénale. Les "instructions générales de politique pénale" pourraient être abandonnées au profit de "circulaires d'orientation générale", que les procureurs généraux et procureurs de la République pourraient adapter en tenant compte du contexte dans lequel ils exercent leurs fonctions.
Le renforcement des pouvoirs du CSM, un voeu pieux
Une telle évolution devrait se traduire, aux yeux de la CNCDH, par une réforme globale du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Sur ce point, on sent que le projet actuellement en cour ne la satisfait pas totalement. Elle souhaiterait que lui soit confié l'ensemble de la gestion des carrières des magistrats, qu'ils soient du siège ou du parquet. Sur le plan constitutionnel, la Commission propose d'ailleurs une modification de la rédaction de l'article 64 : le CSM serait le seul garant de l'indépendance de la justice, et non plus le Président de la République.
Toute cette analyse ressemble terriblement à un voeu pieux, une idée d'autant plus audacieuse que les membres de la CNCDH ne peuvent ignorer qu'elle n'aura aucun effet. Le 4 juillet 2013, le gouvernement a en effet annoncé officiellement qu'il suspendait la réforme du CSM que le Sénat avait vidée de sa substance. Désormais certain de ne pas disposer de la majorité des 3/5è indispensable à la révision constitutionnelle, le gouvernement a préféré abandonner le projet.
Doit-on en déduire que l'avis de la CNCDH est un pur exercice de style, et qu'il finira sur une étagère poussiéreuse, à côté de nombreux rapports oubliés et d'études savantes jamais lues ? Peut être, dans l'immédiat. Mais la pression de la Cour européenne risque, à tout moment, de reposer certaines questions, notamment celle de l'indépendance des magistrats du parquet. Et cette réforme du CSM qui ne trouve pas de majorité pour la voter devra peut-être être adoptée dans l'urgence, d'ici quelques mois ou quelques années. Surtout, la réflexion engagée par la CNCDH pourrait connaître quelques prolongements. A t elle l'intention de rendre un avis sur l'indépendance de la juridiction administrative et plus particulièrement du Conseil d'Etat ? Le sujet mériterait certainement que l'on s'y attache.
mercredi 7 août 2013
DROIT DE REPONSE : Le professeur émérite et l’épouvantail : réponse à Serge Sur
L'article initial du Figaro, à l'origine de cette disputatio, est publié sous le présent droit de réponse, en commentaire. Les lecteurs de LLC sont donc ainsi en mesure de prendre connaissance de l'ensemble des documents utiles.
Consulté, le professeur Sur nous indique que, pour ce qui le concerne, le débat est clos.