« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


samedi 13 octobre 2012

Travail forcé et servitude : la Cour européenne sanctionne le droit français

La servitude, communément assimilée à l'esclavage, est souvent perçue, dans notre société, comme l'objet de ce devoir de mémoire, si souvent invoqué. Elle relève d'un passé coupable, d'une époque heureusement révolue, grâce au célèbre décret Schoelcher de 1848 qui l'a définitivement abolie. Le problème est que la servitude existe encore, et pas seulement dans quelques Etats défaillants. Elle existe sur le territoire français, de manière souterraine et dans une relative indifférence. La Cour européenne, dans un arrêt C.N. et V. du 11 octobre 2012 vient nous le rappeler. 

Esclavage ordinaire à Ville d'Avray

Mme C.N. et Mme V. sont deux soeurs, de nationalité française, nées au Burundi, respectivement en 1978 et 1984. Leurs parents ayant été tués durant  la guerre civile intervenue dans ce pays en 1993, un conseil de famille décide de les confier à leur oncle et tante, M. et Mme M. Ces derniers, de nationalité burundaise, résident en France, et M. M., ancien ministre du gouvernement burundais, est désormais fonctionnaire à l'Unesco. Arrivées en France, l'une en 1994 à l'âge de seize ans, et l'autre en 1995 à l'âge de dix ans, les deux soeurs logent dans la maison de leur oncle, à Ville d'Avray. Elles couchent dans une cave non aménagée et mal chauffée, n'ont pas accès à une salle de bain, et ne partagent pas les repas de la famille qui compte sept enfants. L'aînée est employée comme "bonne à tout faire" sans aucune rétribution ni jour de repos. La cadette était scolarisée, mais devait se rendre au collège à pied et ne pouvait manger à la cantine. En 1995, le service départemental d'action sociale des Hauts de Seine procède à un signalement d'enfants en danger auprès du procureur, dossier qui fut classé sans suite après enquête de la brigade des mineurs. Il est vrai que le statut diplomatique de M. M. faisait alors obstacle à une enquête sérieuse. 

Indulgence des juges 

C'est seulement en 1999 que les deux soeurs parviennent à s'enfuir, pour rejoindre l'association Enfance et Partage. Le parquet de Nanterre ouvre une enquête, et obtient du directeur général de l'Unesco la levée de l'immunité de juridiction de M. M. Après avoir multiplié les recours pendant six années, à la fois sur la question de l'immunité et sur une première ordonnance de non-lieu partiel, les époux M. sont enfin jugés par le tribunal correctionnel le 17 septembre 2007, pour avoir soumis des personnes vulnérables à des conditions de travail et d'hébergement indignes. M. M. est condamné à douze mois d'emprisonnement, Mme M. à quinze mois, car elle est aussi poursuivie pour violences aggravées. Tous deux bénéficient du sursis. A cela s'ajoute une amende de 10 000 € et 24 000 € de dommages intérêts. Cette condamnation, bien légère, est largement atténuée par la Cour d'appel de Versailles le 29 juin 2009. Elle estime que les conditions de vie des jeunes filles étaient certes "mauvaises, inconfortables et blâmables", mais qu'elle n'emportaient pas réellement d'atteinte à leur dignité. Ne subsiste donc que la condamnation pour violence aggravée à l'égard de Mme M., qui se traduit par une amende de 1500 €. Cette décision est ensuite confirmée par la Cour de cassation, le 23 juin 2010. 

Femmes esclaves chargées du lavage. Grèce. 


Victimes du principe de non rétroactivité

Observons que les jeunes requérantes sont les victimes directes des époux M., et indirectes du principe de non rétroactivité. A la suite de différentes affaires d'esclavage domestique, la loi du 18 mars 2003 a en effet ajouté au Code pénal un article 225-13 qui punit "le fait d'obtenir d'une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, la fourniture de services non rétribués ou en échange d'une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli". Cette infraction est assortie d'une peine particulièrement lourde, de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 Euros d'amende. 

Le problème est que les époux M. ne peuvent être condamnés sur ce fondement, puisque les faits de l'espèce sont antérieurs à 2003. On peut néanmoins s'étonner que les juges n'aient pas utilisé l'arsenal juridique à leur disposition  (atteinte à la dignité de la personne, abus de faiblesse...) pour prononcer des peines un peu en plus en rapport avec les exigences de la nouvelle législation. 

Heureusement pour l'Etat de droit, les jeunes victimes, soutenues par Enfance et Partage, n'ont pas abandonné le combat et son allées devant la Cour européenne. Celle-ci se fonde directement sur l'article 4 de la Convention européenne qui sanctionne "l'esclavage et le travail forcé" (al. 2) ainsi que la "servitude" (al. 1).

Travail forcé et servitude

La Cour définit le travail forcé comme celui exigé "sous la menace d'une peine quelconque"et contraire à la volonté de l'intéressé. Tel est bien le cas en l'espèce, notamment pour l'aînée des deux soeurs, contrainte à des travaux dont la difficulté et le volume dépassent largement ceux qu'il est possible de demander à des enfants, dans le cadre d'une vie familiale. Les deux soeurs étaient d'ailleurs menacées d'être renvoyées au Burundi si elles n'exécutaient pas les corvées qui leur étaient imposées. 

Au-delà du simple "travail forcé" (al. 2) , la Cour européenne estime que la situation des deux soeurs s'analyse comme une "servitude" (al. 1). En effet, la servitude peut être définie comme une situation de travail forcé, dans laquelle l'intéressé se trouve dans l'impossibilité de changer sa condition. Tel était le cas en l'espèce, dès lors que les deux soeurs étaient convaincues qu'elles seraient en situation irrégulière si elles quittaient le domicile de M. M. et qu'elles ne pourraient jamais travailler à l'extérieur, faute d'une formation professionnelle adéquate. 

A partir de faits identiques, les juges français condamnaient pour violences, et la Cour européenne se fonde sur la servitude. 

Servitude et esclavage

Aux yeux de la Cour, la servitude se distingue néanmoins de l'esclavage. Dans un article Siliadin c. France du 25 juillet 2005, à propos d'une jeune Togolaise de quinze ans contrainte de travailler dans une famille sans aucun jour de congé, ses papiers lui ayant été confisqués, la Cour a estimé qu'il n'y avait pas esclavage, car ses employeurs n'exerçaient pas sur elle un véritable droit de propriété. En revanche, une relation de servitude lui était imposée, ce qui suffit à fonder une violation de l'article 4. 

Dès lors, le droit français de l'époque ne permettait pas de lutter efficacement contre la servitude, puisqu'aucune infraction spécifique ne figurait dans le Code pénal. La Cour fait d'ailleurs observer que le parquet n'a pas faire de recours en cassation contre la relaxe de M. M. par la Cour d'appel, ce qui montre, à ses yeux, une certaine négligence des autorités judiciaires françaises dans ce type d'affaire. C'est cette négligence qui est sanctionnée, par une satisfaction équitable évaluée à 30 000 €.

Satisfaction équitable, certes, et les deux requérantes sont justement indemnisée d'un préjudice incontestable. Reste que les auteurs des mauvais traitements ont bénéficié d'une réelle mansuétude, et ne seront plus poursuivis. Alors que bon nombre d'auteurs d'infractions sont cloués au pilori par la presse, ceux-là bénéficient d'un anonymat tout à fait exceptionnel. Et si les victimes révélaient le nom de ceux qui les ont tenues en servitude, en attendant ensuite, avec sérénité, une éventuelle plainte en diffamation ?




jeudi 11 octobre 2012

Lutte contre le terrorisme, ou comment incriminer le Djihad

Le Conseil des ministres a adopté le 3 octobre 2012 un nouveau projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme. Ce texte a un intérêt immédiat, qui est de proroger jusqu'à fin 2015 les dispositions de la loi du 22 juillet 2006, déja prorogées une fois par la loi du 1er décembre 2008, jusqu'au 31 décembre 2012. Ses dispositions concernent les contrôles d'identité à bord des trains internationaux, ainsi que l'accès des services chargés de la lutte contre le terrorisme aux fichiers de police administrative et aux données relatives aux communications électroniques. 

Renforcer les instruments judiciaires de lutte contre le terrorisme

Au-delà de cette préoccupation immédiate, le projet de loi vise à renforcer les instruments judiciaires de la lutte contre le terrorisme. Au regard de sa finalité, le projet présenté par le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, est parfois présenté comme la simple reprise des annonces faites par l'ancien Président Nicolas Sarkozy, à la suite de l'affaire Mérah. Trois infractions nouvelles étaient alors envisagées : un délit de consultation habituelle de sites faisants l'apologie du terrorisme, un délit de propagation d'apologie d'idéologie extrémiste, et un délit de voyage à l'étranger pour y suivre des travaux d'endoctrinement. Les deux premiers ont été abandonnés, en raison de leur imprécision et de l'impossibilité concrète de les mettre en oeuvre. Seule subsiste la volonté de pénaliser le séjour dans des camps d'entrainement situés à l'étranger, mais à travers un simple renforcement du dispositif judiciaire existant pour tenir compte de l'évolution de la menace terroriste.

Une nouvelle génération de terroristes

Chacun s'accorde aujourd'hui pour constater l'émergence d'une nouvelle génération de terroristes. Souvent nés en France, voire convertis à l'Islam, ils vont basculer dans la violence terroriste, après des itinéraires qui font intervenir la délinquance, la prison, parfois le séjour dans des camps d'endoctrinement et d'entraînement situés le plus souvent en Afghanistan ou au Pakistan, au coeur des zones tribales. Le problème est que la liberté de circulation, dont est titulaire chaque citoyen français, implique le droit de se rendre à l'étranger, y compris en Afghanistan et au Pakistan. Aucune disposition législative n'interdit d'entreprendre ce type de voyage, y compris pour y séjourner dans de tels camps. Dans l'état actuel des choses, les services de renseignement peuvent détecter ce type de parcours, mais aucune poursuite ne peut être engagée, jusqu'à ce que l'irréparable soit commis, ou, au moins, jusqu'à ce qu'un projet terroriste soit suffisamment avancé, sur le territoire français, pour justifier une mise en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (art 421-2-1 c. pén.).

Allah Akbar : Les Aigles de Khéops.
 OSS 117, Le Caire nid d'espions. 2006. Michel Hazanavicius


Un changement dans la compétence territoriale

Pour tenter de remédier à cette situation, le projet de loi prévoit d'ajouter un article 113-13 au Code pénal, rédigé en ces termes : "La loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'actes de terrorisme (...), commis par un Français hors du territoire de la République". Une telle disposition permet de poursuivre les Français ayant suivi un entraînement au terrorisme dans des camps situés à l'étranger, alors même qu'ils n'auraient commis aucune infraction liée au terrorisme sur le territoire français. Ce type de compétence n'est pas ignoré du droit français, notamment lorsqu'il s'agit de poursuivre des Français qui se sont rendus dans des pays étrangers à des fins de tourisme sexuel, et plus précisément de pédophilie (art. 227-27-1 c. pén.). 

En l'espèce, seule la compétence est étendue, et les incriminations demeurent identiques. Les jeunes Français partis s'entraîner au Jihad pourront ainsi être poursuivis pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, et condamnés à une peine de dix années d'emprisonnement et 225 000 € d'amende. Reste évidemment que la preuve de l'infraction sera difficile à apporter, et que cette incrimination repose sur une coopération des services de renseignement, dès lors qu'il est bien peu probable que les pays qui tolèrent ces camps d'entraînement sur leur territoire communiquent des informations sur ceux qui viennent y séjourner. 

Ce projet de loi est certainement moins ambitieux que les annonces de l'ancien Président Sarkozy, après l'affaire Mérah. Mais ces dernières conduisaient à la création d'infractions nouvelles dont il était pratiquement impossible d'apporter la preuve. Le présent projet de loi demeure dans l'approche pénale traditionnelle du terrorisme, défini comme relevant du droit commun. Pour notre code pénal, l'acte de terrorisme est d'abord un crime ou un délit de droit commun, atteinte à la vie, vol, destruction, voire infraction en matière d'informatique ou détention d'explosifs. La peine est simplement lourde lorsque l'infraction est commise "dans le but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". Il n'est donc pas utile de multiplier les infractions pour disposer d'un système judiciaire efficace dans la lutte contre le terrorisme. Il suffit de donner aux juges les moyens de mettre en oeuvre les outils judiciaires existants. Modestement, mais efficacement, le projet va dans ce sens. 





mardi 9 octobre 2012

Que faire du secret des affaires ?

Le ministre de l'économie et des finances, Pierre Moscovici, annonce qu'une réflexion nouvelle est engagée sur la protection législative du secret des affaires. De manière très concrète, la question est celle de la survie, ou non, de la proposition de loi Carayon adoptée par l'Assemblée nationale en janvier 2012 dans un but très largement électoraliste. Il s'agissait alors de donner satisfaction à des chefs d'entreprise, agacés par les articles de quelques journalistes d'investigation considérés comme trop prompts à dénoncer les cadeaux faits aux entreprises par le pouvoir en place, voire les actes de corruption. Rien de tel qu'un secret des affaires protégé par la loi et réprimé par le juge pénal pour dissuader les révélations intempestives, qu'elles proviennent de la stagiaire chinoise ou du Canard Enchaîné. Dans sa grande sagesse, le Sénat avait tout simplement "oublié" la proposition de loi, et ce n'est plus l'intéressé qui pouvait s'en plaindre, puisque Bernard Carayon a été battu aux dernières élections législatives.

Le Monde aujourd'hui annonce qu'une première réunion des responsables concernés des différents ministères a eu lieu le 1er octobre, afin de réfléchir sur l'éventuelle nécessité de reprendre la procédure légisative. Rien n'est moins certain, car l'intérêt de consacrer un nouveau "secret des affaires" ne saute pas aux yeux. Le droit positif est loin d'être inexistant en ce domaine. Il n'ignore pas les besoins qu'ont les entreprises de garantir la confidentialité de certaines de leurs activités. 

Secret de fabrication

Le secret de fabrication figure dans les articles L 621-1 du code de la propriété intellectuelle et L 1227 du code de travail. Il peut être défini comme un secret professionnel propre aux salariés d'une entreprise, et qui a pour objet de protéger les secrets de fabrication, dès lors qu'ils présentent un caractère innovant ou original susceptible d'intéresser la concurrence. Dans une décision du 21 janvier 2003, la Cour de cassation estime ainsi, a contrario, qu'un procédé déjà usité dans le milieu professionnel concerné, ne saurait être qualifié de secret de fabrique. Lorsque l'infraction est caractérisée, le coupable peut être condamné à deux années d'emprisonnement et une amende de 30 000 €.  Ces dispositions peuvent permettre d'incriminer une large partie des comportements d'espionnage industriel, dont les auteurs sont le plus souvent des salariés de l'entreprise. Le fait qu'elles soient peu utilisées nous renseigne surtout sur les pratiques des entreprises. Celle-ci préfèrent contraindre leurs salariés à la confidentialité par la voie contractuelle. Lorsqu'elles n'y parviennent pas, et se font voler des données confidentielles, elles préfèrent généralement se taire plutôt que reconnaître une faille dans leur système de sécurité. 

Concorde


Secret industriel et commercial

Le "secret en matière industrielle et commerciale" figure, quant à lui, dans la loi du 17 juillet 1978 sur l'accès aux documents administratifs. Il est présenté comme une exception au principe de libre communication (art. 6), qui permet de garantir la confidentialité de toutes les pièces relatives à la situation économique et financière de l'entreprise, subventions, montages financiers, stratégies industrielles etc. Certes, il n'est pas de nature pénale, mais il permet néanmoins de protéger les informations de l'entreprises, notamment celles qui sont communiquées à l'administration. 

Au-delà de ces deux notions, les secrets de l'entreprise peuvent également être protégés par le droit commun, la législation sur les brevets, ou tout simple le code pénal, dans sa partie relative aux biens. Car le vol d'information est, avant tout, un vol. 

Secret des affaires ? 

Aller plus loin dans la protection revient à créer un "secret des affaires", sur le modèle du "secret défense". C'était d'ailleurs l'idée même développée par Bernard Carayon. Mais ce rapprochement est purement cosmétique, car les deux types de secret se distinguent profondément au regard de leur opposabilité. Le secret défense est opposable au juge, ce qui nuit considérablement aux investigations, comme en témoigne la difficile enquête sur l'affaire de Karachi. Le secret industriel et commercial, si l'on en croit l'actuelle proposition de loi, ne serait pas opposable au juge, mais à toute autre personne, y compris les journalistes. Derrière le "patriotisme économique" se cachent ainsi des intérêts privés qui préfèrent rester dans l'ombre. 

Tupolev 144


La place de l'intelligence économique

D'une manière plus générale, la relance, ou non, de cette proposition de loi, pose la question de la place qu'il convient d'attribuer à l'intelligence économique. Celle-ci peut être définie, de manière sommaire comme comprenant à la fois la collecte et l'analyse des informations utiles à l'entreprise, ainsi que sa protection contre les intrusions. Le plus souvent, ce que nous appelons "intelligence économique" est la simple recension de comportements de nature à garantir la sécurité des informations, et c'est d'ailleurs l'objet des formations existantes dans ce domaine.

Dans nombre de pays, l'intelligence économique relève du management de l'entreprise. Il lui appartient alors de garantir sa sécurité, notamment par des moyens techniques. L'Etat n'intervient alors qu'exceptionnellement, lorsqu'il est directement concerné, par exemple si les entreprises ont des contrats publics. 

La France, quant à elle, considère l'intelligence économique comme une politique publique, sans d'ailleurs que le parlement se soit jamais prononcé sur la question. Un tel choix remonte à 2003, lorsque Alain Juillet été nommé Haut Responsable à l'intelligence économique (HRIE), rattaché au Secrétariat général de la Défense nationale (SGDN), devenu ensuite Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales (SGDSN). En 2009, Bercy a ensuite préempté l'intelligence économique,  le "Haut Responsable" Alain Juillet a été poussé vers la sortie, et lui a succédé Olivier Buquen,  ramené au rang de "Délégué interministériel". Pour le moment en tout cas, cette approche de l'intelligence économique ne semble pas remise en cause, puisque M. Moscovici, ministre des finances, demeure compétent en ce domaine. 

Sur ce point, l'avenir de la proposition Carayon pourrait permettre de susciter une réflexion plus générale sur l'intelligence économique et la place que nous souhaitons lui attribuer, ou ne pas lui attribuer, dans notre système juridique.


dimanche 7 octobre 2012

Le chasseur sachant chasser et la Cour européenne

Voilà déjà bien longtemps que le droit de chasse bouscule les libertés publiques, qu'il s'agisse du droit de propriété ou de la liberté d'association. Dans la décision Chabauty c. France du 4 octobre 2012, le requérant conteste devant la Cour européenne les dispositions de la loi Verdeille du 10 juillet 1964. Celles-ci contraignent les propriétaires de terrains dont la superficie est inférieure à vingt hectares, à adhérer à une association de chasse agréée, sauf si leurs convictions personnelles s'opposent à la pratique de la chasse. Le requérant, lui-même petit propriétaire et peu désireux d'intégrer ses terres dans une telle association, ne peut s'appuyer sur des considérations éthiques puisqu'il est lui même chasseur. La Cour refuse de lui donner satisfaction, faisant prévaloir l'intérêt général poursuivi par la loi Verdeille sur des intérêts purement patrimoniaux. 

La loi Verdeille

La loi Verdeille organise la création d'associations communales, ou intercommunales, de chasse agrées (ACCA et AICA). Ces associations, régies par la loi du 1er juillet 1901, donnent lieu à un agrément préfectoral. Elles sont obligatoires dans vingt-neuf départements, sans doute les plus giboyeux, et facultatives dans les autres. Dans l'hypothèse où elles sont facultatives, leur création est alors subordonnée à l'existence d'une demande émanant d'au moins 60 % des propriétaires représentant 60 % des terrains situés sur le territoire de la commune. Une fois l'association créée, tous les chasseurs membres de l'ACCA ou de l'AICA perdent l'exclusivité du droit de chasse sur le terrain dont ils sont propriétaires, mais ils gagnent le droit de chasser sur l'ensemble du territoire de l'association. Il s'agit de favoriser une meilleure gestion des ressources cynégétiques, de lutter contre le braconnage, de garantir le caractère démocratique de la chasse puisqu'elle n'est pas réservée aux seuls propriétaires de terrains, mais aussi, et surtout, d'offrir aux chasseurs une zone de chasse plus étendue.

Ces principes ont servi de justification à d'importantes restrictions aux libertés publiques, prévues par la loi Verdeille elle-même. 

A la liberté d'association tout d'abord, puisque les propriétaires des terrains d'une superficie inférieure à vingt hectares sont tenus d'adhérer à l'ACCA. Or, la liberté d'association implique le droit d'adhérer, ou de ne pas adhérer à une association, principe confirmé par la Cour européenne elle même dans son arrêt du 30 juin 1993, Sigurjonsson c. Islande. Au droit de propriété ensuite, dans la mesure où les propriétaires contraints d'adhérer à une ACCA ne sont plus entièrement libres d'affecter leur bien à l'usage de leur choix.

Le droit de refuser la chasse

La Cour européenne, dans une décision Chassagnou et autres c. France du 29 avril 1999, a reconnu l'existence d'une double atteinte à la liberté d'association et au droit de propriété, respectivement garantis par l'article 11 de la Convention et l'article 1 du Protocole n°1. Pour la liberté d'association comme pour le droit de propriété, elle a estimé que les contraintes imposées aux propriétaires de terrains étaient disproportionnées par rapport aux objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur, particulièrement lorsque les intéressés refusent d'adhérer à une ACCA pour des motifs liés à leurs convictions personnelles, c'est à dire lorsqu'ils sont hostiles à la chasse et veulent faire de leurs terres un refuge pour les animaux. 

Sous l'influence de cette jurisprudence, le parlement a voté la loi du 5 juillet 2000 qui modifie la loi Verdeille. Elle prévoit que les terrains dont les propriétaires ont clairement manifesté leur opposition à la chasse par conviction personnelle ne seront pas intégrés dans le territoire de l'association, quelle que soit leur superficie. C'est donc un véritable droit de refuser la chasse qui est établi, pour des motifs liés aux convictions du propriétaire des lieux.

Le droit de propriété

Dans l'affaire Chabauty c. France, la situation est un peu différente, car le requérant n'a pas de convictions hostiles à la chasse. Au contraire, il est titulaire d'un permis de chasse et veut conserver le contrôle entier de ses terres, afin de les louer à d'autres chasseurs, opération plus lucrative que l'adhésion à une ACCA. Il appuie donc son recours sur le non respect de l'article 1er du Protocole n° 1 et  de l'article 14 de la Convention, c'est à dire sur une discrimination qui entraverait sur l'exercice de son droit de propriété.


En effet, la loi de 2000, issue de la jurisprudence Chassignou, a autorisé tous les propriétaires à opposer une certaine forme de "clause de conscience" pour refuser de participer à une ACCA. Mais pour ceux qui ne peuvent s'appuyer sur des motifs d'ordre éthique, comme M. Chabauty, la distinction entre grands et petits propriétaires subsiste. Ceux qui possèdent plus de vingt hectares peuvent se soustraire à l'obligation d'adhérer à l'association de chasse, les autres y demeurent contraints, conformément au principe traditionnel de la loi Verdeille. Pour le requérant, cette distinction entraine une discrimination dans l'exercice de son droit de propriété. 

Bill Watterson. Calvin et Hobbes

La Cour rappelle qu'une distinction est discriminatoire si elle "manque de justification objective et raisonnable", c'est à dire si elle dépourvue de "but légitime", ou si les moyens employés ne sont pas proportionnés au but poursuivi. En l'espèce, elle se réfère à la jurisprudence française du Conseil d'Etat qui estime que la création des associations de chasse repose sur un "motif d'intérêt général, visant à prévenir une pratique désordonnée de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique". La condition du "but légitime" est donc acquise. Quant aux moyens employés, ils ne sont pas disproportionnés, puisque le petit propriétaire peut toujours invoquer des considérations éthiques pour refuser d'intégrer ses terrains dans l'ACCA. 

L'arrêt Chabauty c. France refuse un élargissement de la jurisprudence Chassignou, élargissement qui reposerait sur motifs pour le moins personnels. Le requérant, en effet, n'est pas mû par son refus éthique de la chasse et la volonté de faire de ses terres un havre de tranquillité pour les animaux. Il refuse d'intégrer ses terres à l'association de chasse pour mieux les louer à des chasseurs. Il recherche simplement le plus grand profit, et la Cour européenne a sans doute ressenti quelque répugnance à l'idée de donner satisfaction à une revendication faisant prévaloir, non sans cynisme, l'intérêt privé sur l'intérêt général. 


vendredi 5 octobre 2012

La Kafala, pluralisme culturel ou intégration ?

La Kafala est institution propre aux pays musulmans, qui s'analyse comme une sorte de tutelle légale exercée sur un mineur, dans des sociétés dans lesquelles l'adoption n'existe pas. La décision Harroudji c. France rendue par la Cour européenne des droits de l'homme le 4 octobre 2012 concerne précisément la question de l'articulation entre la Kafala et l'adoption. La requérante, de nationalité française a obtenu une Kafala des tribunaux algériens, c'est à dire le droit de "recueil légal" d'une enfant née sous X et de père inconnu en 2003. Elle souhaite obtenir des tribunaux français un jugement d'adoption plénière de la fillette.  

Un tutorat renforcé

Cette procédure de  "Kafala", figure dans l'article 46 du code de la famille algérien, qui  précise que l'adoption "est interdite par la Charia et la loi"(art. 46). L'adulte qui en est le titulaire dispose de l'autorité parentale et de la possibilité de transmettre son nom de famille à l'enfant. En revanche, aucun lien de filiation n'est établi par la Kafala, et c'est précisément ce que voudrait obtenir Mme Harroudji, qui a déposé une requête en adoption plénière devant les tribunaux français. Ces derniers ont rejeté sa demande, en s'appuyant sur l'article 370-3 du code civil, qui énonce que "l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France". Ce texte est issu de la loi du 6 février 2001 sur l'adoption internationale, et met fin à une jurisprudence libérale de la Cour de cassation, qui acceptait depuis une décision du 10 mai 1995 de transformer la Kafala en adoption, dès lors que la demande émanait du représentant du mineur.

Le "respect du pluralisme culturel"

La décision de la Cour européenne se borne donc à considérer que le droit français ne comporte aucune violation de la Convention. Pour la Cour, le droit au respect de la vie privée et familiale n'est pas en cause, dès lors que l'enfant a une vie normale, et que l'autorité parentale est exercée à son égard. La Cour fait d'ailleurs remarquer que la position des Etats membres du Conseil de l'Europe à l'égard de la Kafala est très diversifiée. Dans certains pays, la Kafala n'est pas un obstacle à l'adoption (Belgique, Danemark, Finlande, Grèce, Irlande, Pays Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse). En France,  comme en Albanie, en Allemagne, en Arménie, en Géorgie et dans une dizaine d'autres, le droit positif considère la Kafala comme une sorte de tutelle ou de curatelle qui empêche l'adoption. Faute de pouvoir reconnaître un consensus en ce domaine, la Cour européenne laisse donc chaque Etat libre d'apprécier la place qu'il entend donner à cette pratique. Elle observe d'ailleurs que la loi française présente l'avantage de "favoriser l'intégration d'enfants d'origine étrangère sans les couper immédiatement des règles de leur pays d'origine" et "respecte le pluralisme culturel".

Jeune Orientale. Ecole française. XXè siècle. Collection particulière

On comprend évidemment, et les autorités françaises ne s'en cachent pas que cette rigueur repose d'abord sur la volonté d'éviter les conflits de loi en matière d'adoption, dès lors que le statut d'adopté de l'enfant risque de ne pas être reconnu dans son pays d'origine. Il n'en demeure pas moins que ce "pluralisme culturel" suscite d'autres difficultés juridiques. 

La Cour estime en effet que l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas réellement violé par la loi française, dans la mesure où l'enfant n'est pas privé d'une vie familiale. C'est vrai, mais la loi du 6 février 2001, met néanmoins les familles dans des situations parfois très difficiles. Dans plusieurs avis, le Défenseur des enfants a lui-même insisté sur les difficultés administratives qu'elles rencontrent, par exemple en matière de droits sociaux ou d'obtention d'un visa. Plus grave encore, l'enfant ne bénéficie d'aucun droit sur la succession et sa situation, en cas de décès de ses parents titulaires de la Kafala, risque de se révéler extrêmement précaire.

La nationalité, ou comment contourner la Kafala 

Pour pallier ces inconvénients, et contourner l'obstacle de la Kafala, on peut se demander si l'intégration n'est pas préférable au "pluralisme culturel". L'article 21-12 du code civil prévoit qu'un enfant qui, depuis au moins cinq années, est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française, peut réclamer la nationalité française jusqu'à sa majorité. Certes, ce délai est très long, alors que l'acquisition de la nationalité est immédiate pour l'enfant qui fait l'objet d'une adoption plénière. Mais cette acquisition de la nationalité aura au moins pour effet de rendre l'enfant adoptable. Une réponse ministérielle du Garde des Sceaux, en date du 21 août 2008, confirme cette interprétation. Madame Harroudji a donc tout intérêt à inverser les procédures. Au lieu d'obtenir l'adoption avant la nationalité, il est préférable d'obtenir la nationalité avant l'adoption. Reste que ce délai de cinq années avant l'obtention de la nationalité place l'enfant dans une situation juridiquement précaire. Le "respect du pluralisme culturel" revendiqué par la Cour européenne conduit ainsi à une situation discriminatoire.


mardi 2 octobre 2012

QPC : Le statut des gens du voyage devant le Conseil constitutionnel

La QPC sur laquelle le Conseil constitutionnel devrait se prononcer le 5 octobre 2012 constitue une justification exemplaire de la procédure de QPC. Les dispositions contestées sont les articles 2 à 11 de la loi du 3 janvier 1969 organisant le régime juridique applicable aux gens du voyage, texte qui est lui même l'héritage d'une loi du 16 juillet 1912 relative aux "nomades et aux vagabonds". En 1969, le Conseil ne s'était pas prononcé sur ce texte, puisque, à l'époque, il ne pouvait être saisi que par le Président de la République et les présidents des deux assemblées parlementaires. Or, après son entrée en vigueur, des doutes de plus en plus importants sont apparus sur sa constitutionnalité. A l'occasion d'un recours dirigé contre un décret d'application de la loi de 1969, le Conseil d'Etat, dans une décision du 17 juillet 2012, a donc fort logiquement transmis la QPC, permettant enfin le contrôle de la constitutionnalité de ce texte. 

Un statut dérogatoire

La loi de 1969 comporte deux éléments, qui constituent l'essentiel d'un statut dérogatoire imposé aux gens du voyage, alors même que l'écrasante majorité d'entre eux est de nationalité française. Le premier consiste à imposer une commune de rattachement à "toute personne n'ayant ni domicile ni résidence fixe de plus de six mois dans un Etat membre de l'Union européenne". Le second impose la détention d'un carnet de circulation qui mentionne cette commune de rattachement et doit être visé tous les trois mois par les autorités de police. En cas de manquement à cette obligation, une peine de trois mois à une année de prison peut être prononcée. 

Le choix d'une commune de rattachement

Pour les avocats des requérants, ce caractère dérogatoire suffit, en quelque sorte, à caractériser une atteinte à l'égalité devant la loi, garantie par les articles 1 et 6 de la Déclaration de 1789. Encore faut-il cependant que l'atteinte au principe d'égalité s'applique à des personnes en situation identique, et qu'elle soit disproportionnée par rapport au but poursuivi. Ce n'est pas si simple dans le cas de la loi de 1969, car les personnes concernées sont évidemment dans une situation juridique particulière. En l'absence de domicile, elles ne peuvent exercer les droits et obligations qui imposent une condition de résidence. La commune de rattachement permet aux gens du voyage de payer leurs impôts certes, mais aussi de voter, de se marier, ou de bénéficier des droits sociaux. Imposer une commune de rattachement emporte effectivement une atteinte à l'égalité devant la loi, mais elle s'applique à des personnes dans des situations juridiques différentes, et rien ne dit que le Conseil l'estimera excessive, dès lors qu'elle a pour objet de lutter contre l'exclusion.

Le quota de 3 % 

En revanche, la disposition de la loi de 1969 selon laquelle la proportion de gens du voyage rattachés à une commune ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale (art. 8) pose un problème de constitutionnalité beaucoup plus immédiat. Elle porte atteinte en effet à la liberté du choix du domicile, dont le Conseil rappelle qu'elle constitue l'une des composantes du droit au respect de la vie privée (par exemple, dans la décision du 13 janvier 2005). Dès lors que le quota de 3% est dépassé, l'intéressé ne peut pas s'installer dans la commune de son choix, même s'il est vrai que des dérogations sont possibles lorsqu'il y a déjà des attaches familiales.

Hergé. Les bijoux de la Castafiore. 1963

Discrimination dans l'exercice du droit de vote

L'exercice des droits de la citoyenneté est également sérieusement entravé par la dispositif mis en place par la loi de 1969. En effet, une fois choisie sa commune de rattachement, la personne doit attendre trois  années pour pouvoir s'inscrire sur les listes électorales (art. 10). Cette disposition est cette fois directement discriminatoire. Tout citoyen français qui s'installe sur le territoire d'une commune peut en effet s'inscrire sans délai sur les listes électorales, et les gens du voyage se voient ainsi exclus du droit de vote durant trois années, sans aucune justification. La situation est particulièrement grave pour les jeunes gens. En effet, ils doivent choisir leur commune de rattachement à l'âge de seize ans, ce qui signifie que, compte tenu du délai de trois années qui leur est imposé avant leur inscription sur les listes, ils ne pourront exercer leur droit de vote qu'à l'âge de dix neuf ans. Or, l'article 3 de la Constitution précise que le droit de vote est exercé par "tous les nationaux français majeurs (...)". L'âge de dix-huit est donc constitutionnalisé, ce qui rend  la loi de 1969 directement inconstitutionnelle. 

Le carnet de circulation

Le carnet de circulation que les gens du voyage doivent détenir dès l'âge de seize ans, constitue l'instrument de mise en oeuvre de cette politique. A son égard, le Conseil constitutionnel pourrait exercer son contrôle de proportionnalité. Car s'il admet la nécessité d'une commune de rattachement, on ne voit pas pourquoi ce choix se traduirait par des contraintes de nature policière. La situation des gens du voyage ressemble étrangement, sur ce point, à celle des personnes placées en résidence surveillée. Or, ce carnet de circulation, visé trimestriellement par la police, est un document purement civil et non pas pénal. La fréquence des contrôles ne saurait donc reposer sur des motifs d'ordre public, et elle apparaît disproportionnée par rapport à l'objectif de ce carnet de circulation qui est, tout simplement, de permettre l'exercice des droits du citoyen par les gens du voyage. Ce carnet de circulation ne devrait-il pas être tout simplement supprimé, dès lors que l'intéressé est dûment inscrit sur les différents fichiers qui le concernent, qu'il s'agisse du rôle fiscal ou des listes électorales ?

Le Conseil constitutionnel devrait donc, du moins on peut l'espérer, imposer une réforme de la loi de 1969. Peut-être prononcera-t-il son abrogation globale ? C'est une hypothèse possible, si l'on considère qu'une proposition de loi avait été déposée le 15 décembre 2010 devant l'assemblée nationale demandait précisément cette abrogation. Elle avait alors été initiée par le député Jean-Marc Ayrault, et la majorité de l'époque ne lui avait donné aucune suite.