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« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.
mardi 21 août 2012
Cour européenne : le "préjudice important" ou la régulation du trafic contentieux
dimanche 19 août 2012
Les Pussy Riots devant la Cour européenne ?
jeudi 16 août 2012
Le drapeau et la liberté d'expression
Keith Haring. 1958-1990. Drapeau américain |
mardi 14 août 2012
Pas de mariage gay avant la prière du soir
On en reste sans voix. Monseigneur Barbarin voudrait réveiller l'anticléricalisme primaire qu'il n'agirait sans doute pas autrement. Appelle t il de ses voeux un choeur de Grands Prêtres pour surveiller la loi ? L'Eglise est elle supérieure à la loi, et fera t on monter sur les bûchers ceux qui refuseraient de voter les normes qu'elle entend imposer ? On imagine aisément les réactions hostiles que peuvent susciter de tels propos, comme si son auteur voulait ranimer de vieux conflits.
Loin de nous l'idée de donner des cours de théologie à Monseigneur Barbarin. Son analyse de la Bible ne regarde que lui, comme sa conception de la charité chrétienne et du respect des convictions d'autrui. Il semble, en revanche, qu'il ait grand besoin de connaître quelques notions de droit constitutionnel.
Le concept de souveraineté
dimanche 12 août 2012
Nicolas Sarkozy, la Syrie, et le Conseil constitutionnel
Les incompatibilités
Cette décision de siéger suscitait déjà des questions relatives au régime d'incompatibilité auquel sont soumis les membres du Conseil. Nicolas Sarkozy a en effet décidé de reprendre son métier d'avocat, alors même que l'usage veut que les avocats membres du Conseil restent éloignés de leur cabinet. C'était du moins la pratique de Robert Badinter et de Roland Dumas.
Le manquement à l'obligation de réserve
Aujourd'hui, la question de son intervention sur la Syrie suscite une autre question, relative cette fois à l'obligation de réserve qui pèse sur les membres du Conseil constitutionnel. L'article 7 de l'ordonnance de 1958 leur interdit en effet de prendre une position publique "sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet de décisions du Conseil constitutionnel". La question qui se pose est donc de savoir si Nicolas Sarkozy a, ou non, violé son obligation de réserve.
On pourrait penser que la politique de la France vis à vis de la Syrie a assez peu de chances de susciter le vote d'une loi. Mais si la France décidait d'intervenir dans ce pays, comme semble le souhaiter l'ancien Président, il faudrait bien que la dépense suscitée par cette opération extérieure apparaisse dans le budget. Et la loi de finances sera, bien entendu, déférée au Conseil par les propres amis de Nicolas Sarkozy... qui sera donc appelé à en juger. Son intervention entre donc dans le champ de l'article 7 de l'ordonnance de 1958.
On pourrait aussi invoquer quelques précédents fâcheux. Simone Veil n'a t elle pas appelé à voter "oui" au référendum sur la Constitution européenne, en 2005, alors qu'elle était membre du Conseil ? Et Valéry Giscard d'Estaing n'a t il appelé publiquement à voter en faveur de Nicolas Sarkozy aux dernières présidentielles ? Sans doute, mais les violations de l'obligation de réserve déjà commises n'ont pas pour effet de rendre licites celles qui interviennent aujourd'hui.
De manière plus générale, la malencontreuse intervention de Nicolas Sarkozy a surtout pour effet de mettre en lumière la nécessité de remettre en cause l'existence même de ces "membres de droit". Alors que le Conseil constitutionnel est désormais saisi par n'importe quel justiciable pour exercer un contrôle de la loi promulguée, il doit bénéficier des garanties d'indépendance et d'impartialité qui sont celles des autres juridictions. Comment son contrôle de constitutionnalité peut il être crédible, s'il est exercé par ceux là mêmes qui, lorsqu'ils étaient président de la République, ont suscité et défendu le projet de loi qui revient devant eux lors d'une QPC ?
Nicolas Sarkozy, membre du Conseil, met ainsi en évidence les erreurs de Nicolas Sarkozy, Président. En effet, la révision de 2008, qui a mis en place la Question prioritaire de constitutionnalité, aurait dû s'accompagner d'une réforme globale du Conseil constitutionnel.
La menace de la Cour européenne
Dans l'état actuel des choses, rien n'interdirait à un requérant, débouté devant un juge du fond à cause du résultat d'une QPC, de saisir la Cour européenne. Il aurait, en effet, par hypothèse, épuisé les voies de recours internes. Et on peut penser que la Cour se demanderait très sérieusement si un ancien Président de la République chargé de juger d'une loi, dont son gouvernement fut le promoteur quelques années auparavant, est bien un "magistrat" au sens de la Convention européenne. La réponse sera, sans doute, intéressante.
Peut être serait il temps de mettre en oeuvre la réforme de la composition du Conseil constitutionnel, avant que ce scénario se produise ?
vendredi 10 août 2012
Le harcèlement sexuel, en attente de QPC ?
Aux yeux de la loi, tout est harcèlement. Son article 1er envisage deux infractions distinctes, qui constituent désormais la nouvelle rédaction de l'article 222-33 du code pénal.
La première consiste dans "le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant". Le texte est à peine modifié par rapport au projet de loi déposé par le gouvernement, se bornant à supprimer la référence aux "gestes", sans doute pour éviter une redondance dès lors qu'un geste peut être considéré comme un "comportement". Ce dernier terme a, en outre, été préféré à la formulation initiale qui évoquant "tous autres actes". Ces deux modifications mineures n'enlèvent rien, cependant, à l'incertitude des termes. Comment définir un "comportement à connotation sexuelle", ou un "environnement intimidant", ou "offensant" ?
La circulaire offre sur ces points une réponse, qui n'en est pas une. C'est ainsi qu'un "comportement à connotation sexuelle" ne présente pas nécessairement "un caractère explicitement et directement sexuel". Au juge de se débrouiller pour distinguer les deux notions.
Pour les rédacteurs de la loi, l'élément constitutif du délit qu'il conviendra de prendre en considération réside essentiellement dans l'absence de consentement de la victime. Ils ajoutent cependant que cette absence de consentement pourra être apprécié à partir du contexte de l'affaire, par exemple lorsque la victime s'est plainte auprès de ses supérieurs hiérarchiques ou de ses collègues. Tout reposera donc, comme par le passé, sur le témoignage de la victime et, le cas échéant, sur celui de son entourage. Dans ces conditions, la loi n'est pas réellement en mesure d'empêcher que le harcèlement sexuel soit invoqué à l'encontre d'un chef de service dont ses subordonnés voudraient se débarrasser.
Quant à la condition de répétition exigée par la loi, elle impose seulement que l'acte prohibé se soit produit "à deux reprises", ce qui constitue, on en conviendra, le minimum en matière de "répétition".
L'Ange Gabriel harcelant la Vierge Marie Botticelli. Annonciation. 1489 |
Le harcèlement, sans harcèlement
Il est vrai que la seconde infraction prévue par la loi envisage "un harcèlement sexuel résultant d'un acte unique", notion qui constitue la négation même de la définition du harcèlement donnée par tous les bons dictionnaires. Le second alinéa de l'article 222-33 dispose : "Est assimilé à un harcèlement sexuel" le fait, "même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers". Cette notion de pression renvoie, on s'en doute, à l'idée de ce que l'on appelle généralement un "chantage sexuel", par exemple lorsqu'une personne tente d'imposer un acte sexuel à la victime, en lui promettant un emploi... ou en la menaçant d'un licenciement.
Le chantage sexuel doit évidemment être sanctionné, et même lourdement sanctionné. Le problème est qu'il sera bien délicat d'apporter la preuve de ce "but réel ou apparent". Ce type de pression s'exerce généralement sans témoin.. et la preuve de l'infraction résidera dans l'appréciation de l'intention de l'auteur de l'acte. Pour apprécier s'il a agi "dans le but réel" d'obtenir un acte de nature sexuelle, le juge devra pénétrer dans sa psychologie. Pour évaluer s'il a agi dans le "but apparent", le juge devra apprécier les circonstances de l'affaire, et voir si l'accusé exerçait ces pressions pour obtenir des faveurs sexuelles, ou dans une toute autre finalité, par exemple pour obtenir la démission de la victime. Dans ce dernier cas, la notion de harcèlement sexuel deviendra bien difficile à distinguer du harcèlement moral.
De la concision à la dilution
Dans sa décision du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel avait sanctionné une définition purement tautologique du harcèlement sexuel. Etait alors considéré comme "harcèlement" le "fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle". De manière très logique, le Conseil avait censuré cette définition pour violation du principe de légalité des délits et des peines, qui impose la précision des incriminations. A la concision a succédé la dilution, qui conduit à une égale insécurité juridique. On peut penser qu'une personne poursuivie pour harcèlement sexuel sur le fondement de ce nouveau texte ne manquera pas de déposer une QPC.