« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mardi 18 octobre 2011

L'"immunité" du Président de la République... et de ses collaborateurs ?

La question de l'immunité du Président de la République est au coeur d'une affaire judiciaire, actuellement en délibéré devant la Cour d'Appel de Paris. Le cas d'espèce n'intéresse guère les libertés publiques mais bien davantage le droit des marchés publics. En 2007, l'Elysée a en effet passé contrat avec une société de conseil dirigée par M. Patrick Buisson pour la réalisation de sondages d'opinion. Cette convention a été signée par madame Emmanuelle Mignon, alors directrice du cabinet du Président, sans appel d'offres, sans mise en concurrence ni transparence, en écartant donc complètement les règles gouvernant les marchés publics. En juillet 2009, la Cour des comptes avait révélé que l'Elysée avait ainsi acheté pour 400 000 € d'enquêtes d'opinion, publiées par le Figaro et LCI. 

Le juge d'instruction, saisi d'une plainte pour favoritisme dans l'attribution du marché, demande évidemment communication des documents contractuels en cause, ce que l'Elysée refuse en invoquant l'immunité du Président de la République. Autrement dit, l'immunité présidentielle s'étendrait à l'ensemble des collaborateurs du Président. 

On notera d'emblée que c'est le parquet qui fait appel de la décision du juge d'instruction, le procureur ayant d'ailleurs déjà classé sans suite en 2010 une première plainte relative à ce marché au motif que l'immunité dont bénéficie le Chef de l'Etat durant son mandat "devait s'étendre aux actes effectués au nom de la Présidence de la République par ses collaborateurs". 

On voit d'abord dans cette affaire une nouvelle, et éclatante, illustration de la subordination du parquet à l'Exécutif. Mais son enjeu réside aussi dans cette volonté d'élargir le nombre des bénéficiaires de l'immunité. Les collaborateurs du Président pourraient ainsi prendre toutes sortes de décisions, y compris attentatoires aux libertés, sans avoir à en rendre compte devant les juges. Ils seraient, en quelque sorte, affranchis des contraintes de l'Etat de droit.

Les articles 67 et 68 de la Constitution

Dans l'état actuel du droit, la responsabilité du Chef de l'Etat est organisée par les articles 67 et 68 de la Constitution, dans une rédaction issue de la révision constitutionnelle du 23 février 2007, elle-même initiée par les travaux de la commission Avril. On doit observer qu'aucun des deux articles n'emploie le terme "immunité", et que les dispositions constitutionnelles organisent plutôt un système de privilège de juridiction. 


Le Président Nixon le 21 avril 1969, avec ses conseillers H.R. Haldeman et John D. Ehrlichman.
Le 3è est Donald Rumsfeld

L'article 68 organise une responsabilité politique qui prévoit la destitution du Président par le Parlement constitué en  Haute Cour. Elle ne peut intervenir qu'en cas de "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". Cette périphrase, préférée à l'ancienne notion de "haute trahison" permet de ne porter aucune appréciation sur l'acte éventuellement commis par le Président, pour se pencher sur la manière dont cet acte nuit à l'exercice de ses fonctions. On est alors assez proche de l'Impeachment à l'américaine. En tout cas, une loi organique doit être votée, précisant notamment les conditions de réunion de la Haute Cour. Un projet en ce sens a été présenté en Conseil des ministres le 22 décembre 2010. Il a été transmis à l'Assemblée nationale et un rapporteur a été nommé le 26 janvier 2011. Depuis cette date, on en a perdu la trace... 

L'article 67, quant à lui, rappelle l'irresponsabilité politique de principe du Président de la République. Il en tire la conséquence, sur le plan judiciaire, que le Chef de l'Etat "ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite". Il ne s'agit donc pas réellement d'immunité mais d'une suspension d'éventuelles poursuites. Le texte précise d'ailleurs que "tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu", et que les poursuites pourront être engagées ou reprises un mois après la fin du mandat présidentiel. 

C'est évidemment le privilège de juridiction de l'article 67 qui est invoqué par l'Elysée dans l'affaire en cours devant la Cour d'appel. 

Un privilège personnel du Chef de l'Etat

On serait tenté de s'étonner que les services de l'Elysée osent invoquer un élargissement de ce privilège aux collaborateurs du Président. En effet, l'article 67 commence par rappeler l'irresponsabilité politique du Président, qui ne cède que devant les dispositions de l'article 68 sur l'éventuelle saisine de la Haute Cour. Ce privilège trouve donc son origine dans la nécessité de préserver le principe de séparation des autorités, en interdisant toute  pression de l'autorité judiciaire sur le Chef de l'Exécutif. 

Ses collaborateurs en revanche ne sont mentionnés nulle part dans la Constitution, et ne sont donc pas des autorités constitutionnelles. Ce sont des agents administratifs, quel que soit leur statut, fonctionnaires ou non, qui sont soumis au pouvoir hiérarchique. Ils ne bénéficient d'aucun privilège au titre de la séparation des pouvoirs. Les considérer comme bénéficiant d'une quelconque immunité serait aussi ridicule qu'estimer que les agents administratifs travaillant dans les assemblées parlementaires participent directement au pouvoir législatif...

On doit d'ailleurs s'interroger sur les collaborateurs concernés. S'agit-il seulement des membres du Cabinet ou de tous ceux, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, dont l'activité s'exerce au profit du Chef de l'Etat ? Verra-t-on bientôt le cuisinier de l'Elysée bénéficier d'une immunité juridictionnelle ? 

L'existence même de ce contentieux témoigne ainsi d'une volonté affirmée de se placer en dehors des règles de la responsabilité pénale,  d'un sentiment d'impunité vécu comme une sorte de privilège attribué à une classe dirigeante... On a du mal à imaginer que la Cour d'appel puisse donner crédit à une telle dérive. 

Décision le 7 novembre. 

dimanche 16 octobre 2011

CopWatch et la liberté d'expression sur le net

Le juge des référés ordonne aux fournisseurs d'accès de bloquer le site CopWatch. Cette décision rendue le 14 octobre 2011 à la demande du ministre de l'intérieur a évidemment pour effet immédiat de faire une publicité très grande à ce site militant, se donnant pour objet de dénoncer toutes les formes de violences policières. Dans ce but, il publie des témoignages, des photographies souvent accompagnées de commentaires, et même de l'identité des membres des forces de l'ordre.

Rappelons d'emblée qu'il ne s'agit que d'une mesure provisoire prononcée jusqu'à ce que la plainte du ministre soit jugée au fond.  Cette mesure va néanmoins au-delà de la demande du ministre, qui ne demandait que le blocage de 11 pages de ce site, celles qui précisément contenaient des propos considérés comme injurieux ou diffamatoires envers les forces de police. Les fournisseurs d'accès ont cependant fait savoir à l'audience qu'il leur était techniquement difficile de faire un tri entre les pages d'un même site. Le juge a donc choisi le blocage de l'ensemble du site, en attendant la décision au fond.

Droit de la presse ou droit de la sécurité

Une semaine après la décision de la Cour de cassation du 6 octobre 2011 soumettant l'activité des bloggeurs au droit de la presse, la position du juge des référés ne saurait réellement surprendre. Nul n'ignore que la liberté d'expression s'exerce en France dans le cadre des lois qui l'organisent, et notamment de la célèbre loi du 29 juillet 1881 sur la presse. Il serait donc bien difficile de se réjouir de cette soumission au droit de la presse lorsqu'il s'agit de bloquer un site tenant des propos racistes ou antisémites... et de le déplorer lorsque le ministre de l'intérieur l'invoque au profit des forces de l'ordre.

La législation française est, à cet égard, beaucoup plus restrictive que le droit américain. Pour ce dernier, la liberté d'expression est garantie par le 1er Amendement, et s'étend à toutes les opinions, quel que soit leur contenu, considéré ou non comme scandaleux, quelle que soit aussi la forme que prend l'expression. C'est ainsi que le fait de brûler le drapeau national, y compris de manière virtuelle sur internet, relève du "Symbolic Speech" et doit être garanti par le 1er Amendement. Les sites militants de type "CopWatch" peuvent donc se multiplier aux Etats Unis, à l'abri du 1er Amendement, à la condition toutefois de ne pas violer des secrets protégés par la loi, et de ne pas engager la responsabilité civile de ses responsables. 

Le ministre aurait pu se placer sur un autre fondement, celui de l'atteinte à la sécurité des personnes ainsi mises à l'index par CopWatch. Les membres des forces de l'ordre doivent en effet exercer une partie de leurs missions dans la discrétion, sans être reconnus par les délinquants qu'ils poursuivent. La diffusion de leur photo, voire de leur identité, risque à l'évidence de les mettre en danger, comme d'ailleurs la mission qu'ils remplissent.

Le juge se place de manière implicite sur ce terrain, lorsqu'il demande au ministre de l'intérieur d'indemniser les fournisseurs d'accès. Cette décision s'inscrit de toute évidence dans une jurisprudence qui reconnaît ce droit à indemnisation pour les personnes privées qui prêtent leur concours à une activité de police. Dans sa décision du 10 mars 2011 sur la Loppsi 2, le Conseil constitutionnel a estimé que les surcoûts imposés aux opérateurs par les nécessités de la lutte contre la pédopornographie, et notamment la communication d'adresses URL des contrevenants, devaient être indemnisés. Il est en donc de même pour les surcoûts causés par le blocage d'un site.

Les Incorruptibles. Série américaine de Quin Martin. 1959-1963

Quand la contrainte technique pose un problème constitutionnel

Reste à s'interroger sur un problème technique, qui n'est pas sans conséquence juridique. En décidant le blocage du site, et non pas des seules pages considérées comme injurieuses ou diffamatoires, le juge a suivi l'argumentaire technique des fournisseurs d'accès qui déclaraient ne pas pouvoir réaliser un tel tri. Ils ajoutaient d'ailleurs, non sans saveur, que les seuls à disposer des moyens techniques pour le faire (les Deep Packet Inspections) étaient... les Chinois.

Ce problème technique engendre pourtant une question juridique. Dans sa décision Hadopi 1 du 10 juin 2009, le Conseil constitutionnel énonce très clairement que la liberté d'accéder aux services de communication sur internet est une modalité de la liberté d'expression. Exerçant son contrôle de proportionnalité, il affirme en conséquence que les juges du fond ne peuvent lui porter atteinte que par "les mesures strictement nécessaires à la préservation des droits en cause". En prononçant le blocage de l'ensemble du site CopWatch, le juge ne se livre pas à cette appréciation, et accepte l'interdiction de pages qui ne portaient atteinte aux droits des tiers. Ces impératifs techniques font obstacle à la diffusion de certaines pages du site... mais aussi à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Bien entendu, la décision du juge des référés a d'abord pour conséquence de faire une formidable publicité à CopWatch, déjà repris dans une bonne vingtaine de sites miroirs.

La simple existence de l'affaire CopWatch doit cependant inciter à une réflexion sur l'Etat de droit. Le développement de ce type de site témoigne à l'évidence d'une sorte de crise de confiance. Des policiers sont emprisonnés pour leurs liens avec la grande délinquance, ou des réseaux de prostitution, des enquêtes judiciaires sont interrompues par un parquet soumis à l'Exécutif... tous ces éléments conduisent certains citoyens à penser que les procédures de contrôle institutionnelles et judiciaires sont bloquées et inefficaces. Ils investissent alors leur énergie dans des sites de "dénonciation" qui offrent encore moins de garanties... 

A cet égard, CopWatch n'est que l'illustration du manque de confiance des citoyens dans le système policier et judiciaire. 

jeudi 13 octobre 2011

Evaluation et décèlement précoce des enfants de 5 ans

Le ministre de l'Education annonce pour le mois de novembre la mise en place d'une évaluation des enfants dès l'école maternelle, en fonction de leurs capacités d'apprentissage et de leurs comportements. Ils seront ensuite classés en 3 catagories : "RAS" pour rien à signaler, "risque" et "haut risque". Un document, qui circule largement dans la presse et sur internet, propose déjà un système d'évaluation très élaboré, a priori applicable immédiatement. 

Le "décèlement précoce"

Cette initiative a un air de "déjà vu". Elle repose sur le "décèlement précoce", concept essentiel de l'approche sécuritaire de la société. En réalité, la notion vient directement des Etats Unis, par l'intermédiaire d'Alain Bauer, conseiller du Président de la République en matière de sécurité, et de son ami Xavier Raufer qui revendique le titre de "Directeur des études du département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines". 

Pour Alain Bauer, dans son rapport le décèlement précoce est un "concept intégrateur qui permet"
-"d'abord, de repérer, puis d'écarter les apparences, donc d'accéder au réel ; 
- ensuite, de poser rapidement et efficacement des diagnostics ; 
- enfin, d'agir tôt, de prévenir, avec précision et autorité". 

L'idée est "d'intervenir avant de graves ruptures, sur les premiers symptômes d'un désordre à venir (...)". Au-delà de l'imprécision du discours, il s'agissait surtout de mettre en place des systèmes d'alerte destinés à prévenir les crises internationales.. Mais pourquoi pas l'utiliser au plan interne, pour lutter contre la criminalité, voire contre les "comportements déviants" ?  

Le pas avait été franchi, dès 2004, par le rapport le rapport Bénisti rédigé par la Commission "Prévention" du groupe d'études parlementaires sur la sécurité intérieur présidé par ce député du Val de Marne. Il publie une courbe tout à fait révélatrice de sa démarche : 

Source : rapport Bénisti sur la prévention de la délinquance. 2004


De la lecture de ce graphique, on peut déduire que le comportement déviant commence vers 3 ans. L'enfant de cet âge qui a des difficultés dans le maniement de la langue et adopte de surcroît un comportement indiscipliné... doit tout de suite être perçu comme ayant de solides chances de terminer dans la vol à main armée. Bien entendu, ce graphique ne repose sur aucune analyse scientifique, et on observe que le "parcours déviant" n'est défini que par une abscisse mentionnant l'âge de l'enfant... mais on ignore l'unité permettant de lire l'ordonnée, censée montrer l'accroissement de cette délinquance enfantine. En 2004 ce rapport avait donc été heureusement oublié par les dirigeants de l'époque, mais on observe que dans un nouveau rapport, beaucoup plus récent puisqu'il date de décembre 2010, M. Bénisti revient sur cette idée, en précisant qu'il "faut repérer et agir dès les premiers troubles comportementaux de l'enfant". 


Bill Watterson. Calvin & Hobbes


Evaluer quoi ? 

Le projet actuel prend garde de ne pas apparaître comme uniquement destiné à prévenir la délinquance. Une partie non négligeable du document diffusé montre un projet destiné à mesurer la maîtrise des apprentissages fondamentaux, comme la reconnaissance des lettres, la capacité d'écrire son nom, la maîtrise du vocabulaire ou la résolution de problèmes numériques. Rien ne s'oppose à une évaluation dans ces domaines, dès lors qu'il s'agit seulement d'apprécier le niveau scolaire,  dans le but sans doute d'accroître l'efficacité des méthodes d'enseignement qui seront appliquées l'année suivante, lorsque l'enfant commencera effectivement l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. 

En revanche, d'autres évaluations sont plus inquiétantes. On va ainsi apprécier l'aptitude de l'enfant à fixer son attention, son aptitude à respecter les usages (courtoisie, respect de la parole des autres...) mais aussi "la compréhension de consignes"... autrement dit l'obéissance. En clair, l'enfant qui rêve dans un coin de la cour sera considéré comme asocial, tout comme celui qui tire les cheveux de sa petite camarade.. ou qui veut faire de la peinture quand la maîtresse propose la pâte à modeler...

Ce n'est donc pas seulement le niveau d'acquisition des apprentissages qui est apprécié, mais aussi l'aptitude de l'enfant à un certain conformisme social, voire à la docilité. L'enfant de cinq ans qui n'entre pas dans ce moule sera ainsi qualifié d'enfant "à risque", voire "à haut risque". 

Evaluer pourquoi ? 

L'annonce du ministre ne peut manquer de surprendre dans la mesure où elle ne dit rien des finalités de cette évalution. 

- S'il s'agit seulement d'évaluer le niveau d'apprentissage des enfants pour améliorer l'enseignement dispensé au CP... pourquoi envisager le comportement social de l'enfant ? Pourquoi surtout choisir de soumettre tous les enfants de 5 ans à cette évaluation ? Un test portant sur un échantillon représentatif de cette classe d'âge serait largement suffisant. 

- S'il s'agit de mettre en place le "décèlement précoce" que certains adeptes du discours sécuritaire appellent de leurs voeux, chaque enfant doit alors faire l'objet d'un suivi personnel... Dans ce cas, il est nécessaire de ficher les enfants, de créer des outils informatiques de modélisation, et la CNIL doit alors être saisie. 

Or, à ce jour, il ne semble pas que ce projet ait été soumis à la CNIL.. Et s'il l'était, rien ne dit qu'elle l'accepterait en l'état. Dans une autorisation du 17 mars 2011,  elle a en effet posé des conditions rigoureuses à la création d'un fichier des "informations préoccupantes" transmises aux services chargés de la protection de l'enfance. Elle a interdit à la fois toute interconnexion avec d'autres fichiers, ainsi que la création de traitements opérant des "présélections de catégories d'enfants".  Or distinguer des enfants "à risque" ou "à haut risque" relève manifestement de la catégorisations justement prohibée par la CNIL.

On entre alors dans un schéma orwellien visant à produire des gamins parfaitement conformistes, identiques et normalisés par un quelconque standard ISO, des enfants dociles qui deviendront des électeurs dociles... le genre de ceux qui ne votent pas aux primaires...


mercredi 12 octobre 2011

Le droit de retrait à la SNCF

Les usagers de la SNCF ont connu ces derniers jours les suppressions de train, les retards, les attentes interminables sur des quais de gare ou dans les voitures elles-mêmes. Situation caractéristique d'un mouvement de grève dont les usagers connaissent bien les inconvénients et qu'ils supportent, selon les cas,  avec irritation ou fatalisme.. 

Mais les apparences sont quelquefois trompeuses. Cette rupture dans la continuité du service public n'était pas le résultat d'une grève, mais de l'exercice par les agents de la SNCF de leur droit de retrait. C'est du moins ce qui était invoqué, les agents ayant interrompu leur service à la suite de l'agression dont fut victime un contrôleur, gravement blessé pendant son service, dans la région de Besançon. 

Définition

Le droit de retrait est susceptible de s'exercer aussi bien dans l'entreprise (article L 4131-1 du code du travail) que dans la fonction publique (article 5 al. 6 du décret du 28 mai 1982). Dans les deux cas, il autorise le salarié ou l'agent public à se retirer d'une situation de travail, lorsqu'elle présente "un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé". Si cela lui paraît nécessaire, l'intéressé peut même quitter les lieux pour garantir sa sécurité. 

Ce droit ne peut donner lieu à aucune restriction et le Conseil d'Etat a estimé, dans un arrêt de 1987, que l'inspecteur du travail pouvait légitimement enjoindre à une entreprise de modifier un règlement intérieur imposant le respect d'une procédure écrite préalable à l'exercice du droit de retrait. Autant dire que ce droit de retrait peut s'exercer de manière informelle, d'autant qu'il intervient le plus souvent en situation d'urgence. Les textes contraignent seulement les intéressés à avertir l'employeur ou son représentant du danger de la situation.

Une nature différente du droit de grève

De cette définition, on doit déduire que le droit de retrait est d'une nature différente du droit de grève : 
  • Il s'agit d'un droit individuel et non pas d'un droit collectif. En effet, il repose sur le sentiment, de nature plus psychologique qu'objective qu'il existe un danger grave et imminent. Plusieurs personnes peuvent avoir un sentiment identique, mais cela n'a pas pour effet de transformer ce droit individuel en droit collectif. 
  • Le droit de retrait, contrairement au droit de grève, n'a pas pour objet de faire pression sur l'employeur mais de garantir l'intégrité physique du salarié. 
  • Il cesse de s'exercer, non pas par la volonté du salarié, mais lorsque prend fin la situation dangereuse. 
  • Le droit de retrait ne peut entraîner ni sanction, ni retenue sur salaire. 
La légitimité du droit de retrait ne saurait évidemment être contestée, et la jurisprudence offre de nombreux exemples de salariés mis dans des situations dangereuses ayant exercé leur droit de retrait. Il est donc parfaitement licite de refuser de conduire un véhicule dont les freins sont défectueux, ou de suspendre dans les rues des illuminations de Noël en prenant place sur une échelle, elle même posée sur la plate forme d'un tracteur levée à 4 mètres du sol...

Hélas, les situations ne sont pas toujours aussi clairement et immédiatement dangereuses, et le droit de retrait est parfois utilisé comme un substitut du droit de grève.

Jean Renoir. La Bête humaine. 1938. Jean Gabin et Julien Carette
On peut comprendre les agents de la SNCF qui cessent le travail en cas de l'agression d'un des leurs. Un mouvement de grève, au sens formel du terme, pourrait d'ailleurs reposer sur la montée globale de l'insécurité dans les transports dont les agents sont les premières victimes.. mais qui frappe aussi les usagers. 

La question est de savoir si le droit de retrait peut être invoqué dans ce cas, et il convient donc de revenir sur les éléments constitutifs de cette prérogative. Inutile de s'attarder sur le "danger grave pour la vie ou la sécurité". La violence de l'agression et le dommage causé au contrôleur qui en a été victime suffisent à  démontrer son existence. 

Le caractère "imminent" du danger


En revanche, le caractère "imminent" du danger est loin d'être avéré, sauf pour les agents assurant leur service dans le train où a eu lieu l'agression. Ceux là sont évidemment directement menacés par la présence d'une personne particulièrement agressive. Les autres, ceux qui ont cessé le travail à Paris ou à Toulon, alors que l'agression s'était déroulée dans la région de Besançon, n'étaient pas menacés par un danger imminent. 

Le jurisprudence apprécie de manière très concrète ce caractère "imminent" du danger. Le Tribunal administratif de Cergy Pontoise, le 16 juin 2005 a ainsi confirmé la décision du recteur considérant comme grévistes les enseignants d'un lycée professionnel qui avaient fait valoir leur droit de retrait, en invoquant l'insécurité générale qui régnait dans l'établissement. Et le tribunal observe que des conditions de travail dégradées peuvent justifier l'exercice du droit de grève, mais pas celui du droit de retrait, dès lors que la menace pour la sécurité n'est pas immédiate. 

Tel est évidemment le cas à la SNCF où l'agression d'un contrôleur ne constitue un "danger imminent" que pour les agents qui sont au contact de l'agresseur. 

Insécurité ou sentiment d'insécurité ?

Reste à se poser la question de la perception psychologique de cette menace physique. Le juge estime en effet que le "danger grave et imminent" est d'abord apprécié par l'intéressé lui-même. Sur ce point, l'insécurité est d'abord définie comme le sentiment d'insécurité. Peu importe que le danger soit réel ou pas, il suffit que la crainte du salarié soit légitime, que sa bonne foi soit avérée. Le juge va ainsi apprécier la caractère raisonnable ou non de la crainte invoquée par le salarié, en tenant compte par exemple de son âge, de son expérience, de sa qualification ou de son état de santé.. (Cass. Sociale, 10 mai 2001). 

Si l'on considère l'action des cheminots, le critère tiré de l'imminence du danger est évidemment absent. Le sentiment d'insécurité ne peut pas davantage être considéré comme particulièrement intense, et l'arrêt de travail spontané s'analyse davantage comme un réflexe de solidarité avec le collègue agressé que comme le fruit d'une crainte pour la sécurité immédiate des agents. 

Si l'arrêt des travail des agents de la SNCF ne saurait être qualifié de droit de retrait, il révèle néanmoins une préoccupation liée à la sécurité. On ne peut donc que se réjouir que Monsieur Pépy n'ait pas adopté une position trop ferme visant à requalifier le mouvement en grève et qu'il ait préféré ouvrir la porte à une négociation sur les moyens de remédier à l'insécurité. 


lundi 10 octobre 2011

"L'imprimerie et la librairie sont libres". Les blogs aussi.


La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, dans une décision du 6 octobre 2011 montre que les principes posés par la loi sur la presse du 29 juillet 1881 sont parfaitement adaptés aux litiges portant sur la diffusion d'informations sur internet.


L'affaire soumise à la Cour trouve son origine... dans une colère du maire d'Orléans. En mars 2008, en pleine campagne des municipales, le maire Serge Grouard, UMP, candidat à la réélection, s'irrite de voir surgir un blog baptisé "Les amis de Serge Grouard". Il s'agit d'une publication humoristique publiée par un militant socialiste, et faisant état de soutiens imaginaires à la candidature du maire, avec force jeux de mots et fautes d'orthographe. Blague de potache, et sans doute pas du meilleur goût, pensera-t-on.. Sans doute, mais le maire, une fois réélu, décider de porter l'affaire devant les tribunaux.

L'article 1382 ou la loi du 29 juillet 1881 ?

Au-delà de l'anecdote, qui a dû animer quelque peu la vie politique orléanaise, la question posée est celle du fondement juridique d'un tel recours. A l'appui de sa requête, le maire s'est appuyé très classiquement sur l'article 1382 du Code civil : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". Le tribunal de grande instance comme la Cour d'appel lui ont donné raison. Le juge a donc admis la responsabilité de l'auteur du blog en utilisant trois critères cumulatifs : un fait générateur qui lui est imputable (le fait même de diffuser ces articles sur le Web), un préjudice causé au maire par une opération visant à discréditer un élu, et un lien de causalité entre ces éléments. Sur cette base, l'auteur du blog a été condamné à 11 000 € de dommages et intérêts, à la fermeture du site et à la publication de la décision dans la presse locale. 

L'auteur condamné a saisi la Cour de cassation, et celle-ci estime, dans sa décision du 6 octobre, que l'article 1382 n'est pas applicable en l'espèce. Pour la Cour, l'activité du bloggeur relève du droit de la presse, et "les abus de la liberté d'expression ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881". Ce texte de 1881 est donc la seule voie de droit possible pour mettre en cause les propos tenus sur un blog. Le demandeur doit donc invoquer l'injure, la diffamation, ou tout autre délit de presse, mais il ne peut se fonder sur les principes généraux de la responsabilité. Et la Cour de condamner l'élu procédurier au remboursement des frais engagés, depuis la première instance, et au versement de 3 000 € d'indemnités au bloggeur. 

Felix Vallotton. L'âge du papier. 1898

Le bloggeur protégé par la loi sur la presse

Le raisonnement est absolument imparable, car il ne fait qu'appliquer le principe selon lequel la loi spéciale l'emporte sur la loi générale. Il permet en outre de faire entrer l'expression sur le web dans un cadre juridique précis, celui, très protecteur, de la loi sur la presse. Que le blog soit diffusé nominativement ou sous pseudonyme importe peu, dès lors que la liberté d'expression est en cause. 

Cette assimilation d'un blog à un organe de presse présente évidemment beaucoup d'avantages. Sur le fond, puisque les délits de presse sont limitativement énumérés et définis de manière beaucoup plus étroite que les modes de droit commun d'engagement de la responsabilité. Dans la procédure aussi, car nul n'ignore que les poursuites sur la base de ces infractions sont toujours difficiles à mettre en oeuvre. 

On ne doit pas croire cependant que l'éventuel anonymat d'un blog met son auteur à l'abri de ce type de poursuites. En effet, même si beaucoup d'auteurs du web l'ignorent, les blogs n'ont pas à être déclarés à la CNIL, mais font l'objet d'un dépôt légal. Certes, il n'est pas réalisé à l'initiative de l'auteur ou de l'éditeur comme dans le droit commun de la presse. Il est en réalité effectué par un moteur de recherches mis en oeuvre par la BNF, et qui travaille à l'insu des responsables des blogs, exactement comme le robot indexeur d'un moteur de recherches. Il existe donc bien pour les sites internet des "formalités préalables" qui peuvent être considérées comme l'équivalent de celles qui figurent dans la loi de 1881 : "Tout imprimé rendu public doit porter l'indication du nom et du domicile de l'imprimeur de manière à permettre de retrouver le responsable en cas d'infraction". L'imprimeur n'est d'ailleurs pas le responsable premier des délits de presse, mais bien davantage le moyen de retrouver " les gérants ou les éditeurs, (ou) à leur défaut les auteurs"..

Dans le cas des blogs, la procédure est à la fois plus simple et plus compliquée. Plus simple, car le gérant est bien souvent l'éditeur et l'auteur.. Plus compliqué, car la personne qui s'estime diffamée ou injuriée va devoir rechercher l'auteur, s'il intervient sous pseudonyme. Dans la plupart des cas, une adresse courriel figure sur le blog, celle du Webmaster, qui permet d'engager une discussion amiable, par exemple de demander le retrait de certains propos, voire l'exercice du droit de réponse. Si ce n'est pas le cas, il appartient alors à la victime de porter plainte, afin de provoquer la recherche auprès du fournisseur d'accès. 

Tout repose donc sur la responsabilité des uns... et des autres. A la victime d'assumer une plainte devant un juge pénal. Au gestionnaire du blog d'assumer un anonymat qui peut lui coûter une plainte en justice. 

Jeunesse de la loi du 29 juillet 1881

130 ans après son vote, la loi du 29 juillet 1881 n'a donc pas besoin de la moindre modification textuelle pour étendre sa protection aux auteurs de blog. Une simple interprétation jurisprudentielle est suffisante, simplicité qui témoigne de la grande souplesse d'un texte voté à l'époque où l'on se réjouissait de la toute récente invention de la rotative. Ce texte, même s'il a été modifié à de multiples reprises, demeure le pur produit de cette IIIè République libérale qui fut le creuset de nos libertés, et qui offre encore aujourd'hui des garanties essentielles contre les atteintes susceptibles de leur être portées. 

Cet exemple de vitalité législative doit être médité, à une époque où les législations se succèdent à grande vitesse pour suivre aussi bien les caprices de l'opinion que ceux de nos dirigeants. 


samedi 8 octobre 2011

QPC : hospitalisation psychiatrique et "notoriété publique"


Le Conseil constitutionnel a rendu le 6 octobre 2011 une nouvelle décision sur QPC portant sur l'hospitalisation des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, et plus précisément de celles qui sont internées sans leur consentement. Tel fut le cas de Mme Oriette P. Elle conteste devant le juge judiciaire une décision d'hospitalisation d'office qui la concernait. Sa requête était antérieure à la loi du 5 juillet 2011 qui a réorganisé le régime juridique de ces hospitalisations.

On sait que la rédaction de cette loi de 2011 a été influencée par le Conseil constitutionnel. Dans deux décisions du 26 novembre 2010 et du 9 juin 2011, il avait affirmé que toute hospitalisation effectuée sans le consentement du patient, soit à la demande d'un tiers, soit à celle de l'autorité administrative ayant pour mission de protéger le patient et/ou l'ordre public, devait donner lieu à l'intervention du juge judiciaire dans un délai aussi rapide que possible. De fait, le Sénat avait adopté, dans l'urgence, en seconde lecture, des amendements visant à donner satisfaction au juge constitutionnel grâce à l'intervention du Juge des libertés et de la détention. Celui-ci peut désormais être saisi dans les 24 h après l'internement, en particulier lorsque les certificats médicaux établis obligatoirement par deux médecins psychiatres produisent des conclusions divergentes, ou lorsque ces médecins s'opposent à l'autorité administrative, le plus souvent le préfet.

L'"hospitalisation d'office" devenue hospitalisation "sans le consentement" de la personne donne désormais lieu à un double contrôle du corps médical et du juge judiciaire. La présente QPC porte cependant sur l'état du droit antérieur.

Une QPC portant sur des dispositions abrogées

Cette nouvelle QPC n'a qu'un intérêt direct assez limité, puisque les dispositions contestées, c'est à dire les articles L 3213-2 et 3 du Code de la santé publique ont été abrogés par la loi du 5 juillet 2011. Le Conseil constitutionnel est néanmoins compétent, car il s'agit d'un contentieux objectif, ce qui signifie que le Conseil apprécie une disposition législative, indépendamment de toute appréciation des faits qui sont à l'origine du litige. Sa seule mission consiste à dire si la disposition législative qui a été appliquée à Mme Oriette P. est, ou non, conforme à la Constitution. 

En l'espèce, la requérante conteste une décision d'internement prise sur le fondement de la loi  Evin du 17 juin 1990, qui était le droit applicable jusqu'au 1er août 2011, date d'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011. La QPC a été transmise au Conseil par la Cour de cassation dans une décision du 6 juillet 2011, soit trois semaines avant cette entrée en vigueur. Cette QPC peut donc avoir un impact direct sur les contentieux en cours, ceux qui précisément ont été engagés avant l'entrée en vigueur du texte nouveau. 

La "notoriété publique" ne peut pas fonder une hospitalisation sans le consentement

La QPC porte sur les article L 3213- 2 et 3 du Code de la santé publique, c'est à dire sur le régime d'hospitalisation d'office des personnes atteintes de troubles mentaux. 

La question de l'article L 3213-3 est rapidement écartée. La requérante soutient en effet qu'il permet de prolonger l'hospitalisation durant plus de quinze jours sans intervention du juge, alors que son seul objet est de prévoir un examen régulier du patient par un psychiatre de l'établissement, qui doit ensuite transmettre un certificat médical circonstancié au préfet. En soi, cette procédure n'est pas contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, affirme le Conseil. 

Reste l'article L 3213-2 du Code de la santé publique. Dans sa rédaction issue de la loi Evin, il permettait à l'autorité administrative de décider une hospitalisation d'office en urgence, sur le fondement d'un simple avis médical, ou de la "notoriété publique". 

Van Gogh. Couloir dans l'asile. 1889


On sait que l'urgence, de la manière la plus traditionnelle en droit administratif, justifie un allègement des procédures. De fait, le Conseil constitutionnel ne considère pas comme attentatoire aux libertés qu'une personne puisse être hospitalisée dans un service psychiatrique sur la base d'un avis médical. Dans ses deux décisions de novembre 2010 et de juin 2011, il avait d'ailleurs déjà admis une telle procédure, que la loi de 2011 n'a pas sensiblement modifiée, sous la réserve toutefois que ces mesures provisoires ne soient prises qu'à l'égard des personnes "dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes". Il est vrai que nous sommes finalement dans l'hypothèse de l'exercice du pouvoir de police générale, qui doit pouvoir s'exercer sans contrainte excessive en cas de danger imminent. 

Contrôle de proportionnalité

En revanche, le Conseil se montre plus sévère à l'égard d'une privation de liberté fondé sur la notion de "notoriété publique". Dès les débats parlementaires précédant le vote de la loi Evin, cette disposition avait suscité beaucoup d'opposition, au motif que le maire ou le préfet pouvait établir la "notoriété publique" par n'importe quel moyen, et notamment par des témoignages dont il n'est pas obligatoire de révéler les auteurs. La porte était donc ouverte à des internements fondés sur des rumeurs malveillantes et la volonté de nuire. 

Il est vrai que le gouvernement français avait fait savoir, lors d'une enquête diligentée par le Conseil de l'Europe en 2000, que cette disposition était tombée en désuétude. Ce n'était pourtant pas l'avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui avait examiné en 2008 le cas du Centre hospitalier d'Auxerre. A l'époque, dans ce seul établissement, 14, 2 % des hospitalisations d'office étaient décidées sur le fondement de la "notoriété publique" (soit 12 personnes).

Le Conseil estime donc, fort logiquement, que cette disposition n'est pas assortie de garanties suffisantes pour la personne internée. Le contrôle du juge a lieu en effet a posteriori, une fois que cette décision d'urgence a produit ses effets. Surtout, la notion même de "notoriété publique" ne permet pas de s'assurer que l'hospitalisation est effectivement "une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade ainsi qu'à la sureté des personnes et à la préservation de l'ordre public". De fait, le Conseil décide de l'abrogation de cette disposition, sa décision prenant effet immédiatement, et étant donc applicable à tous les contentieux non encore définitivement jugés. 

Cette décision témoigne évidemment de l'étendue du contrôle de proportionnalité exercé par le juge, contrôle qu'il avait d'ailleurs déjà exercé dans ses deux décisions des 26 novembre 2010 et 9 juin 2011.