« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


jeudi 13 octobre 2011

Evaluation et décèlement précoce des enfants de 5 ans

Le ministre de l'Education annonce pour le mois de novembre la mise en place d'une évaluation des enfants dès l'école maternelle, en fonction de leurs capacités d'apprentissage et de leurs comportements. Ils seront ensuite classés en 3 catagories : "RAS" pour rien à signaler, "risque" et "haut risque". Un document, qui circule largement dans la presse et sur internet, propose déjà un système d'évaluation très élaboré, a priori applicable immédiatement. 

Le "décèlement précoce"

Cette initiative a un air de "déjà vu". Elle repose sur le "décèlement précoce", concept essentiel de l'approche sécuritaire de la société. En réalité, la notion vient directement des Etats Unis, par l'intermédiaire d'Alain Bauer, conseiller du Président de la République en matière de sécurité, et de son ami Xavier Raufer qui revendique le titre de "Directeur des études du département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines". 

Pour Alain Bauer, dans son rapport le décèlement précoce est un "concept intégrateur qui permet"
-"d'abord, de repérer, puis d'écarter les apparences, donc d'accéder au réel ; 
- ensuite, de poser rapidement et efficacement des diagnostics ; 
- enfin, d'agir tôt, de prévenir, avec précision et autorité". 

L'idée est "d'intervenir avant de graves ruptures, sur les premiers symptômes d'un désordre à venir (...)". Au-delà de l'imprécision du discours, il s'agissait surtout de mettre en place des systèmes d'alerte destinés à prévenir les crises internationales.. Mais pourquoi pas l'utiliser au plan interne, pour lutter contre la criminalité, voire contre les "comportements déviants" ?  

Le pas avait été franchi, dès 2004, par le rapport le rapport Bénisti rédigé par la Commission "Prévention" du groupe d'études parlementaires sur la sécurité intérieur présidé par ce député du Val de Marne. Il publie une courbe tout à fait révélatrice de sa démarche : 

Source : rapport Bénisti sur la prévention de la délinquance. 2004


De la lecture de ce graphique, on peut déduire que le comportement déviant commence vers 3 ans. L'enfant de cet âge qui a des difficultés dans le maniement de la langue et adopte de surcroît un comportement indiscipliné... doit tout de suite être perçu comme ayant de solides chances de terminer dans la vol à main armée. Bien entendu, ce graphique ne repose sur aucune analyse scientifique, et on observe que le "parcours déviant" n'est défini que par une abscisse mentionnant l'âge de l'enfant... mais on ignore l'unité permettant de lire l'ordonnée, censée montrer l'accroissement de cette délinquance enfantine. En 2004 ce rapport avait donc été heureusement oublié par les dirigeants de l'époque, mais on observe que dans un nouveau rapport, beaucoup plus récent puisqu'il date de décembre 2010, M. Bénisti revient sur cette idée, en précisant qu'il "faut repérer et agir dès les premiers troubles comportementaux de l'enfant". 


Bill Watterson. Calvin & Hobbes


Evaluer quoi ? 

Le projet actuel prend garde de ne pas apparaître comme uniquement destiné à prévenir la délinquance. Une partie non négligeable du document diffusé montre un projet destiné à mesurer la maîtrise des apprentissages fondamentaux, comme la reconnaissance des lettres, la capacité d'écrire son nom, la maîtrise du vocabulaire ou la résolution de problèmes numériques. Rien ne s'oppose à une évaluation dans ces domaines, dès lors qu'il s'agit seulement d'apprécier le niveau scolaire,  dans le but sans doute d'accroître l'efficacité des méthodes d'enseignement qui seront appliquées l'année suivante, lorsque l'enfant commencera effectivement l'apprentissage de la lecture et de l'écriture. 

En revanche, d'autres évaluations sont plus inquiétantes. On va ainsi apprécier l'aptitude de l'enfant à fixer son attention, son aptitude à respecter les usages (courtoisie, respect de la parole des autres...) mais aussi "la compréhension de consignes"... autrement dit l'obéissance. En clair, l'enfant qui rêve dans un coin de la cour sera considéré comme asocial, tout comme celui qui tire les cheveux de sa petite camarade.. ou qui veut faire de la peinture quand la maîtresse propose la pâte à modeler...

Ce n'est donc pas seulement le niveau d'acquisition des apprentissages qui est apprécié, mais aussi l'aptitude de l'enfant à un certain conformisme social, voire à la docilité. L'enfant de cinq ans qui n'entre pas dans ce moule sera ainsi qualifié d'enfant "à risque", voire "à haut risque". 

Evaluer pourquoi ? 

L'annonce du ministre ne peut manquer de surprendre dans la mesure où elle ne dit rien des finalités de cette évalution. 

- S'il s'agit seulement d'évaluer le niveau d'apprentissage des enfants pour améliorer l'enseignement dispensé au CP... pourquoi envisager le comportement social de l'enfant ? Pourquoi surtout choisir de soumettre tous les enfants de 5 ans à cette évaluation ? Un test portant sur un échantillon représentatif de cette classe d'âge serait largement suffisant. 

- S'il s'agit de mettre en place le "décèlement précoce" que certains adeptes du discours sécuritaire appellent de leurs voeux, chaque enfant doit alors faire l'objet d'un suivi personnel... Dans ce cas, il est nécessaire de ficher les enfants, de créer des outils informatiques de modélisation, et la CNIL doit alors être saisie. 

Or, à ce jour, il ne semble pas que ce projet ait été soumis à la CNIL.. Et s'il l'était, rien ne dit qu'elle l'accepterait en l'état. Dans une autorisation du 17 mars 2011,  elle a en effet posé des conditions rigoureuses à la création d'un fichier des "informations préoccupantes" transmises aux services chargés de la protection de l'enfance. Elle a interdit à la fois toute interconnexion avec d'autres fichiers, ainsi que la création de traitements opérant des "présélections de catégories d'enfants".  Or distinguer des enfants "à risque" ou "à haut risque" relève manifestement de la catégorisations justement prohibée par la CNIL.

On entre alors dans un schéma orwellien visant à produire des gamins parfaitement conformistes, identiques et normalisés par un quelconque standard ISO, des enfants dociles qui deviendront des électeurs dociles... le genre de ceux qui ne votent pas aux primaires...


mercredi 12 octobre 2011

Le droit de retrait à la SNCF

Les usagers de la SNCF ont connu ces derniers jours les suppressions de train, les retards, les attentes interminables sur des quais de gare ou dans les voitures elles-mêmes. Situation caractéristique d'un mouvement de grève dont les usagers connaissent bien les inconvénients et qu'ils supportent, selon les cas,  avec irritation ou fatalisme.. 

Mais les apparences sont quelquefois trompeuses. Cette rupture dans la continuité du service public n'était pas le résultat d'une grève, mais de l'exercice par les agents de la SNCF de leur droit de retrait. C'est du moins ce qui était invoqué, les agents ayant interrompu leur service à la suite de l'agression dont fut victime un contrôleur, gravement blessé pendant son service, dans la région de Besançon. 

Définition

Le droit de retrait est susceptible de s'exercer aussi bien dans l'entreprise (article L 4131-1 du code du travail) que dans la fonction publique (article 5 al. 6 du décret du 28 mai 1982). Dans les deux cas, il autorise le salarié ou l'agent public à se retirer d'une situation de travail, lorsqu'elle présente "un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé". Si cela lui paraît nécessaire, l'intéressé peut même quitter les lieux pour garantir sa sécurité. 

Ce droit ne peut donner lieu à aucune restriction et le Conseil d'Etat a estimé, dans un arrêt de 1987, que l'inspecteur du travail pouvait légitimement enjoindre à une entreprise de modifier un règlement intérieur imposant le respect d'une procédure écrite préalable à l'exercice du droit de retrait. Autant dire que ce droit de retrait peut s'exercer de manière informelle, d'autant qu'il intervient le plus souvent en situation d'urgence. Les textes contraignent seulement les intéressés à avertir l'employeur ou son représentant du danger de la situation.

Une nature différente du droit de grève

De cette définition, on doit déduire que le droit de retrait est d'une nature différente du droit de grève : 
  • Il s'agit d'un droit individuel et non pas d'un droit collectif. En effet, il repose sur le sentiment, de nature plus psychologique qu'objective qu'il existe un danger grave et imminent. Plusieurs personnes peuvent avoir un sentiment identique, mais cela n'a pas pour effet de transformer ce droit individuel en droit collectif. 
  • Le droit de retrait, contrairement au droit de grève, n'a pas pour objet de faire pression sur l'employeur mais de garantir l'intégrité physique du salarié. 
  • Il cesse de s'exercer, non pas par la volonté du salarié, mais lorsque prend fin la situation dangereuse. 
  • Le droit de retrait ne peut entraîner ni sanction, ni retenue sur salaire. 
La légitimité du droit de retrait ne saurait évidemment être contestée, et la jurisprudence offre de nombreux exemples de salariés mis dans des situations dangereuses ayant exercé leur droit de retrait. Il est donc parfaitement licite de refuser de conduire un véhicule dont les freins sont défectueux, ou de suspendre dans les rues des illuminations de Noël en prenant place sur une échelle, elle même posée sur la plate forme d'un tracteur levée à 4 mètres du sol...

Hélas, les situations ne sont pas toujours aussi clairement et immédiatement dangereuses, et le droit de retrait est parfois utilisé comme un substitut du droit de grève.

Jean Renoir. La Bête humaine. 1938. Jean Gabin et Julien Carette
On peut comprendre les agents de la SNCF qui cessent le travail en cas de l'agression d'un des leurs. Un mouvement de grève, au sens formel du terme, pourrait d'ailleurs reposer sur la montée globale de l'insécurité dans les transports dont les agents sont les premières victimes.. mais qui frappe aussi les usagers. 

La question est de savoir si le droit de retrait peut être invoqué dans ce cas, et il convient donc de revenir sur les éléments constitutifs de cette prérogative. Inutile de s'attarder sur le "danger grave pour la vie ou la sécurité". La violence de l'agression et le dommage causé au contrôleur qui en a été victime suffisent à  démontrer son existence. 

Le caractère "imminent" du danger


En revanche, le caractère "imminent" du danger est loin d'être avéré, sauf pour les agents assurant leur service dans le train où a eu lieu l'agression. Ceux là sont évidemment directement menacés par la présence d'une personne particulièrement agressive. Les autres, ceux qui ont cessé le travail à Paris ou à Toulon, alors que l'agression s'était déroulée dans la région de Besançon, n'étaient pas menacés par un danger imminent. 

Le jurisprudence apprécie de manière très concrète ce caractère "imminent" du danger. Le Tribunal administratif de Cergy Pontoise, le 16 juin 2005 a ainsi confirmé la décision du recteur considérant comme grévistes les enseignants d'un lycée professionnel qui avaient fait valoir leur droit de retrait, en invoquant l'insécurité générale qui régnait dans l'établissement. Et le tribunal observe que des conditions de travail dégradées peuvent justifier l'exercice du droit de grève, mais pas celui du droit de retrait, dès lors que la menace pour la sécurité n'est pas immédiate. 

Tel est évidemment le cas à la SNCF où l'agression d'un contrôleur ne constitue un "danger imminent" que pour les agents qui sont au contact de l'agresseur. 

Insécurité ou sentiment d'insécurité ?

Reste à se poser la question de la perception psychologique de cette menace physique. Le juge estime en effet que le "danger grave et imminent" est d'abord apprécié par l'intéressé lui-même. Sur ce point, l'insécurité est d'abord définie comme le sentiment d'insécurité. Peu importe que le danger soit réel ou pas, il suffit que la crainte du salarié soit légitime, que sa bonne foi soit avérée. Le juge va ainsi apprécier la caractère raisonnable ou non de la crainte invoquée par le salarié, en tenant compte par exemple de son âge, de son expérience, de sa qualification ou de son état de santé.. (Cass. Sociale, 10 mai 2001). 

Si l'on considère l'action des cheminots, le critère tiré de l'imminence du danger est évidemment absent. Le sentiment d'insécurité ne peut pas davantage être considéré comme particulièrement intense, et l'arrêt de travail spontané s'analyse davantage comme un réflexe de solidarité avec le collègue agressé que comme le fruit d'une crainte pour la sécurité immédiate des agents. 

Si l'arrêt des travail des agents de la SNCF ne saurait être qualifié de droit de retrait, il révèle néanmoins une préoccupation liée à la sécurité. On ne peut donc que se réjouir que Monsieur Pépy n'ait pas adopté une position trop ferme visant à requalifier le mouvement en grève et qu'il ait préféré ouvrir la porte à une négociation sur les moyens de remédier à l'insécurité. 


lundi 10 octobre 2011

"L'imprimerie et la librairie sont libres". Les blogs aussi.


La 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, dans une décision du 6 octobre 2011 montre que les principes posés par la loi sur la presse du 29 juillet 1881 sont parfaitement adaptés aux litiges portant sur la diffusion d'informations sur internet.


L'affaire soumise à la Cour trouve son origine... dans une colère du maire d'Orléans. En mars 2008, en pleine campagne des municipales, le maire Serge Grouard, UMP, candidat à la réélection, s'irrite de voir surgir un blog baptisé "Les amis de Serge Grouard". Il s'agit d'une publication humoristique publiée par un militant socialiste, et faisant état de soutiens imaginaires à la candidature du maire, avec force jeux de mots et fautes d'orthographe. Blague de potache, et sans doute pas du meilleur goût, pensera-t-on.. Sans doute, mais le maire, une fois réélu, décider de porter l'affaire devant les tribunaux.

L'article 1382 ou la loi du 29 juillet 1881 ?

Au-delà de l'anecdote, qui a dû animer quelque peu la vie politique orléanaise, la question posée est celle du fondement juridique d'un tel recours. A l'appui de sa requête, le maire s'est appuyé très classiquement sur l'article 1382 du Code civil : "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". Le tribunal de grande instance comme la Cour d'appel lui ont donné raison. Le juge a donc admis la responsabilité de l'auteur du blog en utilisant trois critères cumulatifs : un fait générateur qui lui est imputable (le fait même de diffuser ces articles sur le Web), un préjudice causé au maire par une opération visant à discréditer un élu, et un lien de causalité entre ces éléments. Sur cette base, l'auteur du blog a été condamné à 11 000 € de dommages et intérêts, à la fermeture du site et à la publication de la décision dans la presse locale. 

L'auteur condamné a saisi la Cour de cassation, et celle-ci estime, dans sa décision du 6 octobre, que l'article 1382 n'est pas applicable en l'espèce. Pour la Cour, l'activité du bloggeur relève du droit de la presse, et "les abus de la liberté d'expression ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881". Ce texte de 1881 est donc la seule voie de droit possible pour mettre en cause les propos tenus sur un blog. Le demandeur doit donc invoquer l'injure, la diffamation, ou tout autre délit de presse, mais il ne peut se fonder sur les principes généraux de la responsabilité. Et la Cour de condamner l'élu procédurier au remboursement des frais engagés, depuis la première instance, et au versement de 3 000 € d'indemnités au bloggeur. 

Felix Vallotton. L'âge du papier. 1898

Le bloggeur protégé par la loi sur la presse

Le raisonnement est absolument imparable, car il ne fait qu'appliquer le principe selon lequel la loi spéciale l'emporte sur la loi générale. Il permet en outre de faire entrer l'expression sur le web dans un cadre juridique précis, celui, très protecteur, de la loi sur la presse. Que le blog soit diffusé nominativement ou sous pseudonyme importe peu, dès lors que la liberté d'expression est en cause. 

Cette assimilation d'un blog à un organe de presse présente évidemment beaucoup d'avantages. Sur le fond, puisque les délits de presse sont limitativement énumérés et définis de manière beaucoup plus étroite que les modes de droit commun d'engagement de la responsabilité. Dans la procédure aussi, car nul n'ignore que les poursuites sur la base de ces infractions sont toujours difficiles à mettre en oeuvre. 

On ne doit pas croire cependant que l'éventuel anonymat d'un blog met son auteur à l'abri de ce type de poursuites. En effet, même si beaucoup d'auteurs du web l'ignorent, les blogs n'ont pas à être déclarés à la CNIL, mais font l'objet d'un dépôt légal. Certes, il n'est pas réalisé à l'initiative de l'auteur ou de l'éditeur comme dans le droit commun de la presse. Il est en réalité effectué par un moteur de recherches mis en oeuvre par la BNF, et qui travaille à l'insu des responsables des blogs, exactement comme le robot indexeur d'un moteur de recherches. Il existe donc bien pour les sites internet des "formalités préalables" qui peuvent être considérées comme l'équivalent de celles qui figurent dans la loi de 1881 : "Tout imprimé rendu public doit porter l'indication du nom et du domicile de l'imprimeur de manière à permettre de retrouver le responsable en cas d'infraction". L'imprimeur n'est d'ailleurs pas le responsable premier des délits de presse, mais bien davantage le moyen de retrouver " les gérants ou les éditeurs, (ou) à leur défaut les auteurs"..

Dans le cas des blogs, la procédure est à la fois plus simple et plus compliquée. Plus simple, car le gérant est bien souvent l'éditeur et l'auteur.. Plus compliqué, car la personne qui s'estime diffamée ou injuriée va devoir rechercher l'auteur, s'il intervient sous pseudonyme. Dans la plupart des cas, une adresse courriel figure sur le blog, celle du Webmaster, qui permet d'engager une discussion amiable, par exemple de demander le retrait de certains propos, voire l'exercice du droit de réponse. Si ce n'est pas le cas, il appartient alors à la victime de porter plainte, afin de provoquer la recherche auprès du fournisseur d'accès. 

Tout repose donc sur la responsabilité des uns... et des autres. A la victime d'assumer une plainte devant un juge pénal. Au gestionnaire du blog d'assumer un anonymat qui peut lui coûter une plainte en justice. 

Jeunesse de la loi du 29 juillet 1881

130 ans après son vote, la loi du 29 juillet 1881 n'a donc pas besoin de la moindre modification textuelle pour étendre sa protection aux auteurs de blog. Une simple interprétation jurisprudentielle est suffisante, simplicité qui témoigne de la grande souplesse d'un texte voté à l'époque où l'on se réjouissait de la toute récente invention de la rotative. Ce texte, même s'il a été modifié à de multiples reprises, demeure le pur produit de cette IIIè République libérale qui fut le creuset de nos libertés, et qui offre encore aujourd'hui des garanties essentielles contre les atteintes susceptibles de leur être portées. 

Cet exemple de vitalité législative doit être médité, à une époque où les législations se succèdent à grande vitesse pour suivre aussi bien les caprices de l'opinion que ceux de nos dirigeants. 


samedi 8 octobre 2011

QPC : hospitalisation psychiatrique et "notoriété publique"


Le Conseil constitutionnel a rendu le 6 octobre 2011 une nouvelle décision sur QPC portant sur l'hospitalisation des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, et plus précisément de celles qui sont internées sans leur consentement. Tel fut le cas de Mme Oriette P. Elle conteste devant le juge judiciaire une décision d'hospitalisation d'office qui la concernait. Sa requête était antérieure à la loi du 5 juillet 2011 qui a réorganisé le régime juridique de ces hospitalisations.

On sait que la rédaction de cette loi de 2011 a été influencée par le Conseil constitutionnel. Dans deux décisions du 26 novembre 2010 et du 9 juin 2011, il avait affirmé que toute hospitalisation effectuée sans le consentement du patient, soit à la demande d'un tiers, soit à celle de l'autorité administrative ayant pour mission de protéger le patient et/ou l'ordre public, devait donner lieu à l'intervention du juge judiciaire dans un délai aussi rapide que possible. De fait, le Sénat avait adopté, dans l'urgence, en seconde lecture, des amendements visant à donner satisfaction au juge constitutionnel grâce à l'intervention du Juge des libertés et de la détention. Celui-ci peut désormais être saisi dans les 24 h après l'internement, en particulier lorsque les certificats médicaux établis obligatoirement par deux médecins psychiatres produisent des conclusions divergentes, ou lorsque ces médecins s'opposent à l'autorité administrative, le plus souvent le préfet.

L'"hospitalisation d'office" devenue hospitalisation "sans le consentement" de la personne donne désormais lieu à un double contrôle du corps médical et du juge judiciaire. La présente QPC porte cependant sur l'état du droit antérieur.

Une QPC portant sur des dispositions abrogées

Cette nouvelle QPC n'a qu'un intérêt direct assez limité, puisque les dispositions contestées, c'est à dire les articles L 3213-2 et 3 du Code de la santé publique ont été abrogés par la loi du 5 juillet 2011. Le Conseil constitutionnel est néanmoins compétent, car il s'agit d'un contentieux objectif, ce qui signifie que le Conseil apprécie une disposition législative, indépendamment de toute appréciation des faits qui sont à l'origine du litige. Sa seule mission consiste à dire si la disposition législative qui a été appliquée à Mme Oriette P. est, ou non, conforme à la Constitution. 

En l'espèce, la requérante conteste une décision d'internement prise sur le fondement de la loi  Evin du 17 juin 1990, qui était le droit applicable jusqu'au 1er août 2011, date d'entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011. La QPC a été transmise au Conseil par la Cour de cassation dans une décision du 6 juillet 2011, soit trois semaines avant cette entrée en vigueur. Cette QPC peut donc avoir un impact direct sur les contentieux en cours, ceux qui précisément ont été engagés avant l'entrée en vigueur du texte nouveau. 

La "notoriété publique" ne peut pas fonder une hospitalisation sans le consentement

La QPC porte sur les article L 3213- 2 et 3 du Code de la santé publique, c'est à dire sur le régime d'hospitalisation d'office des personnes atteintes de troubles mentaux. 

La question de l'article L 3213-3 est rapidement écartée. La requérante soutient en effet qu'il permet de prolonger l'hospitalisation durant plus de quinze jours sans intervention du juge, alors que son seul objet est de prévoir un examen régulier du patient par un psychiatre de l'établissement, qui doit ensuite transmettre un certificat médical circonstancié au préfet. En soi, cette procédure n'est pas contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution, affirme le Conseil. 

Reste l'article L 3213-2 du Code de la santé publique. Dans sa rédaction issue de la loi Evin, il permettait à l'autorité administrative de décider une hospitalisation d'office en urgence, sur le fondement d'un simple avis médical, ou de la "notoriété publique". 

Van Gogh. Couloir dans l'asile. 1889


On sait que l'urgence, de la manière la plus traditionnelle en droit administratif, justifie un allègement des procédures. De fait, le Conseil constitutionnel ne considère pas comme attentatoire aux libertés qu'une personne puisse être hospitalisée dans un service psychiatrique sur la base d'un avis médical. Dans ses deux décisions de novembre 2010 et de juin 2011, il avait d'ailleurs déjà admis une telle procédure, que la loi de 2011 n'a pas sensiblement modifiée, sous la réserve toutefois que ces mesures provisoires ne soient prises qu'à l'égard des personnes "dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes". Il est vrai que nous sommes finalement dans l'hypothèse de l'exercice du pouvoir de police générale, qui doit pouvoir s'exercer sans contrainte excessive en cas de danger imminent. 

Contrôle de proportionnalité

En revanche, le Conseil se montre plus sévère à l'égard d'une privation de liberté fondé sur la notion de "notoriété publique". Dès les débats parlementaires précédant le vote de la loi Evin, cette disposition avait suscité beaucoup d'opposition, au motif que le maire ou le préfet pouvait établir la "notoriété publique" par n'importe quel moyen, et notamment par des témoignages dont il n'est pas obligatoire de révéler les auteurs. La porte était donc ouverte à des internements fondés sur des rumeurs malveillantes et la volonté de nuire. 

Il est vrai que le gouvernement français avait fait savoir, lors d'une enquête diligentée par le Conseil de l'Europe en 2000, que cette disposition était tombée en désuétude. Ce n'était pourtant pas l'avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui avait examiné en 2008 le cas du Centre hospitalier d'Auxerre. A l'époque, dans ce seul établissement, 14, 2 % des hospitalisations d'office étaient décidées sur le fondement de la "notoriété publique" (soit 12 personnes).

Le Conseil estime donc, fort logiquement, que cette disposition n'est pas assortie de garanties suffisantes pour la personne internée. Le contrôle du juge a lieu en effet a posteriori, une fois que cette décision d'urgence a produit ses effets. Surtout, la notion même de "notoriété publique" ne permet pas de s'assurer que l'hospitalisation est effectivement "une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade ainsi qu'à la sureté des personnes et à la préservation de l'ordre public". De fait, le Conseil décide de l'abrogation de cette disposition, sa décision prenant effet immédiatement, et étant donc applicable à tous les contentieux non encore définitivement jugés. 

Cette décision témoigne évidemment de l'étendue du contrôle de proportionnalité exercé par le juge, contrôle qu'il avait d'ailleurs déjà exercé dans ses deux décisions des 26 novembre 2010 et 9 juin 2011. 


jeudi 6 octobre 2011

Système d'alerte et délation

Une décision de la Cour d'appel de Caen rendue le 23 septembre 2011 vient enfin de définir les limites aux "systèmes d'alerte" qui tendant à se développer dans le monde du travail, aussi dans la fonction publique que dans l'entreprise. 

La société B. G., dont le siège est situé à Hérouville Saint Clair est une filiale du groupe américain Stryker. Or le droit américain impose aux société cotées en bourse le respect des règles de transparence comptable et financière fixées par la loi Sarbanes-Oxley de 2002. Parmi celles-ci figurent la création d'un système de contrôle interne destiné à lutter contre la fraude, à assurer la sincérité des comptes, et à developper une organisation plus efficace et plus performante. 

L'entreprise B.G., spécialisée dans la fabrication de matériel médical, a donc mis en place un "dispositif d'alerte professionnelle", formule pudique pour désigner un système de communication  permettant aux salariés de dénoncer les fraudes ou malversations dont ils auraient connaissance. Imposé chez Skyper, dans la pure tradition américaine du "Wistleblower", ce "dispositif d'alerte professionnelle", a donc également été mis en oeuvre dans ses filiales françaises. 

Ce greffon américain pose cependant quelques problèmes au regard du droit français, en raison des très grandes divergences entre les deux systèmes juridiques. Aux Etats-Unis,  le droit de l'informatique et de l'internet est dominé par le principe de libre circulation de l'information. Les contraintes juridiques qui pèsent sur l'entreprise sont donc extrêmement légères dans ce domaine, et rien ne lui interdit de mettre en place un véritable système de délation. En France, les notions de vie privée et de protection des données sont plus exigeantes, ce qui va donc permettre à la CNIL et au juge de poser des limites à ces "systèmes d'alerte"

De l'alerte à la délation

La Cour d'appel de Caen confirme une décision de référé rendue par le TGI le 5 novembre 2009, ordonnant la suspension du "système d'alerte" mis en place dans l'entreprise en juillet 2008, en dépit de trois avis défavorables du comité d'entreprise. En l'espèce, la Cour aurait pu ordonner cette suspension, dès lors que le champ d'application de ce dispositif d'alerte avait été élargi subrepticement, sans que le comité d'entreprise ni le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) aient été consultés. Le juge précise que "cette absence de consultation sur un sujet particulièrement sensible et suscitant l'inquiétude des salariés caractérise le trouble manifestement illicite justifiant, au premier chef, la suspension du dispositif d'alerte". 

Chapiteau dit "de la calomnie". Eglise de Mareuil sur Lay. Vendée
Le juge refuse cependant de se fonder sur ce seul manquement à la procédure. Il fait observer que la délibération de la CNIL du 8 décembre 2005 portant autorisation des traitements automatisés d'alerte professionnelle limite avec précision les domaines dans lesquels ces dénonciations peuvent intervenir : comptabilité, finances, banque, lutte contre la corruption. Or, s'il est vrai que le dispositif prévoyait la destruction de dénonciations portant sur un autre sujet, la page d'accueil du site informait le salarié de la possibilité de "rapporter (...) à la société tout mauvais comportement soupçonné ou d'autres problèmes". En outre, toute dénonciation était nécessairement transmise aux services de l'entreprise américaine Skyper... avant d'être officiellement détruite. En clair, la destruction des données était limitée au territoire français, et les dénonciations étaient finalement conservées aux Etats Unis, pays doté d'un système juridique beaucoup plus compréhensif. Le juge en déduit, à juste titre, que le système "favorise les dénonciations de toutes sortes". 

De la délation à la dénonciation anonyme

La délibération de la CNIL de 2005 n'autorise ces traitements d'alerte professionnelle qu'à la condition, énoncée dans son article 2, que les salariés qui envoient ces courriels d'alerte s'identifient clairement. Certes, il n'est pas interdit à l'entreprise d'assurer ensuite la confidentialité de ces alertes, mais cette confidentialité du texte a posteriori ne saurait emporter l'anonymat de son auteur. 

En l'espèce, la page d'accueil du site précisait pourtant que chaque salarié pouvait rapporter "de manière anonyme" tout "mauvais comportement soupçonné", formulation qui incite au contraire à l'anonymat, mais aussi à la communication de simples soupçons. Il est dès lors impossible les détournements de finalité de ce système d'alerte, qui devient un système de délation, de communication de rumeurs malveillantes, voire de pur et simple règlement de compte. 

Cet anonymat a pour effet de rendre inopérante en pratique la procédure contradictoire. La CNIL prévoit en effet qu'une personne mise en cause par ce type d'"alerte" doit être informée de l'accusation portée contre elle (art. 9 de la délibération). Mais il est bien difficile de se défendre lorsque l'on ignore qui vous accuse. Et il est tout aussi difficile de mettre en oeuvre la procédure contradictoire puisque celle ci ne se déroule qu'entre le salarié "accusé" et l'entreprise. Toute confrontation directe est donc impossible, et l'accusateur demeure dans le confort de l'anonymat. 

En décidant la suspension de ce système d'alerte, la Cour d'appel de Caen a rendu une décision qui rétablit une certaine forme d'état de droit dans l'entreprise. Surtout, elle a mis un frein à ces greffes de plus en plus nombreuses de procédures directement inspirées d'un droit américain bien peu respectueuses des droits individuels des salariés. 

Et les fonctionnaires ?

Cette décision aura-t-elle un impact sur le droit de la fonction publique ? Théoriquement non, puisque les fonctionnaires sont soumis à un statut légal qui n'a rien à voir avec la situation de l'employé d'une entreprise privée. On observe cependant que les administrations tendent à se doter de systèmes d'alerte à peu près identiques, censés améliorer le fonctionnement du service. 

Dès son rapport 2007-2088 sur l'état de la fonction publique, le ministère du Budget se réjouissait du développement de "bonnes pratiques concernant les modalités de gestion de l'encadrement supérieur". Et il citait en exemple l'organisation par le Quai d'Orsay d'entretiens d'évaluation à 360° pour les ambassadeurs. Ces "entretiens d'évaluation" sont précédés d'une enquête qui permet aux employés des ambassades, c'est à dire à leurs subordonnés, de pratiquer la délation en restant assurés d'un anonymat confortable. La personne "évaluée" se voit ainsi confrontée à des rumeurs, à des ragots certainement davantage fondés sur la rancoeur, l'animosité personnelle de tel ou tel employé, voire l'esprit de vengeance, que sur la volonté d'améliorer le service. Le ministère des affaires étrangères refuse systématiquement des communiquer  à l'intéressé les rapports élaborés à la suite de ces entretiens. Des procédures disciplinaires sont donc engagées, des sanctions sont prononcées, à l'issue d'une procédure qui repose parfois sur le témoignage d'une seule personne. 

Mis en oeuvre dans la fonction publique, ces systèmes conduisent à une remise en cause des garanties du statut des fonctionnaires. On peut espérer que le juge administratif, un jour ou l'autre saisi de la régularité de ces procédures, suivra l'exemple de la Cour d'appel de Caen et mettra fin à cette nouvelle forme de management par la délation. 


mardi 4 octobre 2011

Eloge du juge d'instruction : les Pieds Nickelés face à l'Etat de droit


Chaque jour apporte son scandale,  relayé par la presse sous forme de feuilleton. Des épouses divorcées "balancent" leur ancien mari, pour reprendre l'heureuse formule d'un ancien ministre de l'Intérieur, des proches du Président de la République sont auditionnés ou mis en examen, des magistrats enquêtent sur d'autres magistrats, des policiers arrêtent d'autres policiers.  On serait tenté de sourire à cette évocation de scénarios qui semblent directement inspirés des aventures des Pieds Nickelés.  


La réaction la plus fréquente, la plus présente dans les médias, la plus exploitée aussi dans la campagne électorale déjà engagée, est une certaine consternation, un sentiment de déliquescence, l'idée que la corruption atteint désormais le niveau le plus élevé de l'Etat. Bien sur, notre histoire récente, ou plus ancienne, a déjà connu des contrats d'armement accompagnés de rétrocommissions, des enveloppes ou des valises d'argent circulant pour financer quelque campagne électorale, des arrestations de policiers ripoux ou de politiciens corrompus. Le problème est que ces évènements, jadis exceptionnels, semblent aujourd'hui banalisés. Au moment précis où la crise financière peut devenir catastrophique, la classe politique apparaît davantage animée par l'instinct de prédation que par la recherche de l'intérêt général et le sens de l'Etat.





Cette analyse pessimiste, de nature politique, fait cependant écran à l'étude juridique du phénomène. On peut le regretter car, sur ce plan, on peut davantage se montrer optimiste, comme si l'Etat de droit, lorsqu'il se sent agressé, trouvait toujours les moyens de réagir. 

Souvenons nous qu'en janvier 2009 le Président de la République, s'appuyant sur le désastre de l'affaire d'Outreau, proposait une révision du Code pénal destinée à introduire dans notre pays un système judiciaire directement inspirée du droit américain. A la procédure inquisitoire mise en oeuvre par un juge d'instruction qui instruit à charge et à décharge aurait succédé une procédure accusatoire opposant un procureur aux avocats de la défense. C'était d'ailleurs le sens des préconisations du rapport Léger remis au Président de la République le 1er septembre 2009. Cette procédure, bien connue grâce aux séries américaines, avait évidemment la faveur des avocats auxquels elle offrait un rôle accru dans le procès pénal, avocats par ailleurs bien représentés au plus haut sommet de l'Etat. 

La réforme n'a cependant pas pu voir le jour, du fait de la résistance opiniâtre des magistrats, notamment d'un certain Renaud van Ruymbeke, qui publia alors dans le Journal du Dimanche un entretien dans lequel il dénonçait ce projet comme une "reprise en main par le pouvoir". 

Si l'on examine les "affaires" actuelles, on peut se demander si elles ne constituent pas l'illustration du caractère indispensable du juge d'instruction, magistrat indépendant, dont l'impartialité ne peut être suspectée. Ces deux éléments, indépendance et impartialité, sont des principes fondamentaux de notre procédure pénale, mais ils apparaissent encore plus nécessaires pour traiter de cette délinquance particulière des milieux politiques, économiques ou financiers. 

Supposons un instant, mais seulement un instant, que la réforme voulue par le Président de la République ait été votée, et que les juges d'instruction aient aujourd'hui disparu. Pense-t-on sérieusement qu'un procureur soumis à l'autorité du Garde des Sceaux aurait pu traiter d'affaires mettant en cause des proches du pouvoir en place ? Le simple exemple de l'affaire Woerth Bettencourt suffit à l'illustrer, puisque le procureur de Nanterre  s'est opposé durant plusieurs mois à la désignation d'un juge d'instruction, faisant même la sourde oreille  aux recommandations du procureur général près la Cour de cassation. C'est finalement le dépaysement de l'enquête à Bordeaux par la Cour de cassation elle-même qui a permis de relancer l'instruction.

Ce rôle du juge d'instruction n'est pas seulement positif pour l'accusation, il l'est aussi pour la défense. L'instruction qui se déroule à charge, mais aussi à décharge, permet aux avocats d'exercer les droits de la défense dans toute leur plénitude. Ils ont accès au dossier et peuvent contester les décisions prises, à toutes les étapes de l'instruction. 

On dira bien sûr que ces juges d'instruction, dont l'existence même a été menacée, ne sont pas fâchés aujourd'hui de mettre en examen ceux qui précisément souhaitaient leur disparition. Sans doute, mais le meilleur moyen de ne pas être mis en examen n'est-il pas, somme toute, de mener une politique tout entière tournée vers l'intérêt général...  une "République irréprochable" ?