Le droit des homosexuels au mariage est il encore un sujet conflictuel ? On pourrait en douter, si l'on considère l'ampleur des critiques à l'égard des prières organisées par l'Eglise lors de la fête religieuse de l'Assomption, prières qui avaient pour objet de promouvoir l'image de la famille traditionnelle, composée de deux parents de sexes différents. Devant l'ampleur de la contestation, les autorités religieuses se sont vues contraintes à un exercice délicat de communication en retropédalage. Non, elles n'avaient pas voulu stigmatiser les homosexuels. Elles voulaient seulement susciter le débat et ne pas en être exclues.
Le droit au mariage homosexuel s'appuie, par ailleurs, sur bon nombre d'exemples étrangers, notamment les Pays Bas, la Belgique, l'Espagne, le Portugal ou le Danemark, au sein de l'Union européenne. Mais, le plus souvent, c'est l'exemple américain qui est invoqué. Vus de France, les Etats Unis apparaissent comme le pays le plus tolérant, celui dans les homosexuels ont pu s'organiser en une communauté structurée, susceptible de faire valoir efficacement leurs revendications.
Un droit des Etats fédérés
Il ne faudrait cependant pas se tromper d'exemple. Le mariage des homosexuels n'est pas une chose totalement acquise dans la société américaine. Observons tout d'abord que le droit du mariage relève des Etats fédérés. Le mariage gay a été voté par le Vermont en 2009, le Connecticut, le Massachussetts, l'Iowa, le New Hampshire et New York en 2011, enfin Washington DC, l'Etat de Washington et le Maryland en 2012. La liste des Etats qui acceptent l'union homosexuelle est donc relativement courte, et on note que n'y figure aucun Etat du Sud. Par ailleurs, l'évolution idéologique avec notamment le renouveau d'un certain fondamentalisme chrétien, suscite une remise en cause de ces réformes. La Californie a ainsi abrogé par référendum, en 2008, un mariage homosexuel que la Cour suprême de cet Etat venait d'admettre.
Le mariage des homosexuel n'est donc pas un
Constitutional Right garanti par le droit fédéral. Le
Defense of Marriage Act (DOMA) de 1996 définit, au contraire, le mariage comme l'union légale d'un homme et d'une femme, et interdit la reconnaissance, par le droit fédéral, des unions homosexuelles autorisées par les Etats fédérés. Ce texte a évidemment des conséquences considérables, puisque le droit fédéral empêche ainsi les conjoints homosexuels de bénéficier des droits garantis par les lois fédérales, par exemple les droits accordés au conjoint survivant en matière d'assurance maladie ou de pension de retraite.
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Thierry Le Luron et Coluche. 25 septembre 1985 |
Le DOMA
Le DOMA, adopté en 1996, est évidemment le fruit d'une initiative des Républicains, qui dominaient alors le Congrès. Bill Clinton, pourtant démocrate, n'a pas envisagé de mettre son veto au texte, tout simplement parce que l'élection présidentielle approchait et qu'il ne voulait pas faire du mariage homosexuel un sujet de campagne. A l'époque en effet, l'électorat démocrate lui-même n'était pas réellement favorable à une telle évolution, et Clinton voulait, avant tout, assurer son second mandat.
Par la suite, les esprits ont lentement évolué, et l'abrogation du DOMA figurait dans le programme électoral de Barack Obama. Cette abrogation n'est pas intervenue, mais l'Attorney Général, Eric Holder, a
officiellement annoncé que le gouvernement fédéral renonçait à défendre devant les tribunaux la disposition du DOMA définissant le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme (art. 3). A ses yeux, elle est discriminatoire et donc non conforme à la Constitution.
Reste que le DOMA demeure dans l'ordre juridique, et que différentes affaires pendantes devant les tribunaux montrent que l'administration fédérale répugne toujours à conférer au conjoint homosexuel les mêmes droits qu'au conjoint hétérosexuel. L'American Civil Liberties Union (ACLU) a donc saisi la Cour Suprême pour lui demander de déclarer l'inconstitutionnalité de ces dispositions.
Trois affaires sont ainsi déférées,
Karen Golinski,
Nancy Gill et
Edith Windsor. Dans les deux premiers cas, il s'agit de deux femmes qui souhaitent que leur conjointe puisse bénéficier de leur assurance santé. Dans le troisième, celui d'Edith Windsor, il s'agit d'une femme qui, à la mort de sa compagne qu'elle avait épousée au Canada, a dû régler un impôt sur la propriété, dont elle n'aurait pas dû s'acquitter si son mariage avait été reconnu par les autorités fédérales américaines. La juge fédérale de New York a déjà déclaré, dans cette affaire, que le DOMA était contraire à la Constitution parce que discriminatoire.
La Cour Suprême a désormais le choix. Elle peut examiner les trois affaires, ou seulement l'une d'entre elles. Dans tous les cas, la question du maintien du DOMA dans l'ordre juridique est désormais posée. C'est seulement s'il est déclaré inconstitutionnel que les mariages contractés dans les Etats de l'Union pourront être reconnus au niveau fédéral. Mais cette évolution n'interdit toujours pas aux Etats les plus conservateurs de persévérer dans leur refus du mariage homosexuel. Sur ce point, l'"exemple" américain mérite d'être largement nuancé.
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