« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mercredi 28 mars 2018

Violences sexuelles et harcèlement de rue : le projet de loi est déposé

On en parlait depuis longtemps sans savoir exactement ce que serait son contenu. Le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a enfin été déposé le 21 mars 2018, porté par Nicole Belloubet et Marlène Schiappa. Faisant l'objet d'une procédure accélérée, il fera l'objet d'un seul vote, d'abord devant l'Assemblée nationale, puis devant le Sénat. 

Observons d'emblée que le texte est extrêmement bref, cinq articles, dont un uniquement destiné à assurer son application dans les collectivités d'outre-mer. Il est éclairé par l'avis du Conseil d'Etat qui a été publié, et qui met discrètement en évidence quelques incertitudes juridiques. Si elles restent modérées dans le cas des dispositions portant sur le viol des mineurs, elles sont plus importantes dans la définition de la nouvelle contravention sanctionnant l'outrage sexiste.

Un régime doublement dérogatoire de prescription


L'article 1er du projet vise à prescrire l'action publique des crimes de nature sexuelle ou violente commis sur les mineurs par trente années révolues à compter de la majorité de la victime. Il s'agit donc d'établir une dérogation à l'article 7 du code de procédure pénale, qui prévoit un délai de prescription de vingt années en matière criminelle, "à compter du jour où l'infraction a été commise". Cette formulation reprend la proposition du rapport rédigé par Flavie Flament en avril 2017. La victime d'un crime commis sur mineur pourra ainsi porter plainte, jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'âge de quarante-huit ans. L'idée est de donner aux victimes le temps nécessaire à la dénonciation des faits, en particulier de tenir compte du phénomène d'amnésie traumatique propre aux agressions perpétrées contre des enfants. 

Le report du point de départ du délai de prescription dans le cas des violences dirigées contre des mineurs n'a rien de nouveau. La loi du 9 mars 2004 fixait déjà un régime doublement dérogatoire. D'une part, le point de départ du délai se situait à la majorité de la victime, alors que le droit commun le fixait au jour de la commission des faits. D'autre part, la durée de la prescription était allongée à vingt ans, alors que le droit commun en matière criminelle avait, au contraire, été réduit à dix ans. Or la loi du 27 février 2017 a réformé la prescription pour étendre le droit commun à vingt ans pour les crimes. Le présent projet a donc finalement pour objet de maintenir ce régime doublement dérogatoire, au prix d'un allongement de la durée de prescription à trente années. 

Ce régime dérogatoire repose sur des motifs louables, mais il convient tout de même de s'interroger sur sa conformité au principe d'égalité devant la loi. Le délai de prescription pour un viol sur mineur sera en effet largement plus long que celui appliqué aux personnes coupables d'un assassinat. A priori, le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 22 janvier 1999, estime qu'aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de fixer des délais de prescription dérogatoires ou de rendre un crime imprescriptible.  Encore faut-il cependant que cette dérogation n'entraine pas une différence de traitement injustifiée. Le Conseil constitutionnel contrôle ainsi, comme il l'a fait dans sa décision QPC du 12 avril 2013, la justification et la proportionnalité des délais de prescription, en particulier au regard du principe d'égalité devant la loi. Dans son avis sur l'actuel projet, le Conseil d'Etat mentionne ainsi qu'une "disposition qui viendrait à créer une différence de traitement injustifiée pourrait en revanche encourir une censure du Conseil constitutionnel". Certes, le Conseil d'Etat ajoute ensuite que le projet apporte des justifications à l'appui de ce régime dérogatoire, mais le risque d'inconstitutionnalité n'est tout de même pas totalement écarté.

Les abus sexuels sur mineurs de quinze ans


Différentes affaires récentes ont posé la question du consentement du mineur de moins de quinze ans à un acte sexuel avec une personne majeure. Des décisions d'acquittement ou de relaxe, reposant sur le consentement de jeunes filles de onze ans, ont suscité l'intervention de la ministre de la justice, annonçant un texte pour établir une présomption de non consentement du mineur. Heureusement, le projet de loi ne reprend pas cette étrange idée de présomption. Elle conduisait en effet à établir une présomption de culpabilité de la personne majeure, principe peu compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, surtout en matière criminelle.

L'article 222-23 du code pénal définit le viol comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise". Commis sur un mineur, ce crime peut valoir à son auteur une peine de vingt ans de prison et de 150 000 € d'amende. Pour écarter l'obstacle du consentement de l'enfant, le projet énonce que lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans, "la contrainte morale ou la surprise peuvent résulter de l'abus de l'ignorance de la victime ne disposant pas de la maturité ou du discernement nécessaire pour consentir à ces actes". La solution semble effectivement de nature à faciliter les poursuites, mais elle bute sur la question de l'élément intentionnel de l'infraction. Peut-on le ramener à la seule connaissance de l'âge de l'enfant par l'auteur de l'acte ? 

Dans son rapport, le Conseil d'Etat envisage l'hypothèse d'une relation sexuelle librement décidée entre un mineur de 17 ans et demi et une adolescente de 14 ans et qui se poursuivrait, de manière habituelle, pendant plusieurs mois. L'application de la disposition envisagée pourrait conduire le mineur ayant atteint ses dix-huit ans devant la cour d'assises pour un crime de viol, d'autant qu'il connaissait évidemment l'âge de l'adolescente. Une relation licite lorsqu'il avait 17 ans deviendrait criminelle lorsqu'il devient majeur. C'est bien entendu une hypothèse d'école, et le principe d'opportunité des poursuites peut permettre, au cas par cas, d'empêcher de telles poursuites.  Il n'en demeure pas moins que la question de l'élément intentionnel devra être évoquée durant les débats.

On m'suit. Mistinguett et Jean Gabin. 1928

La contravention d'outrage sexiste


L'élément le plus médiatisé du projet de loi réside dans la création d'une contravention d'outrage sexiste, contravention ordinairement de 4è classe mais qui pourrait monter à la 5è classe, lorsque l'outrage vise un mineur ou une personne vulnérable, lorsqu'il a lieu dans un moyen de transport collectif. Outre l'amende qui leur sera infligée, les auteurs pourront être condamnés à des peines complémentaires, parmi lesquelles "l'obligation d'accomplir, à leurs frais, un stage de lutte contre le sexisme (...)".

L'outrage sexiste renvoie à ce qu'il est convenu d'appeler le "harcèlement de rue". Il est défini par le projet comme  le fait d'"imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante". Pour le moment, la définition est entièrement psychologique, et l'outrage sexiste est celui que la victime considère comme "dégradant ou humiliant", ou la mettant en situation "intimidante, hostile ou offensante". Le problème est que tout le monde n'est pas humilié ou offensé par les mêmes propos ou par les mêmes attitudes. 

Le principe de clarté et de lisibilité de la loi est-il en cause ? Ce n'est pas impossible, et on se souvient que, dans une décision du 4 mai 2012, Gérard D., rendue sur QPC, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à ce principe une disposition législative définissant le harcèlement sexuel comme "le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle". Définir le harcèlement comme le fait de harceler relèvait de la tautologie, et on peut se demander s'il n'en est pas de même d'une définition de l'outrage comme "tout propos ou comportement" susceptible d'humilier, d'offenser ou d'intimider la victime.

L'avis du Conseil d'Etat est muet sur ce problème, tout simplement parce qu'il considère que ces dispositions n'ont rien à faire dans le projet de loi. Aux termes de l'article 34 de la Constitution, "la loi fixe les règles concernant (...) la détermination des crimes et des délits". La création d'une contravention nouvelle relève donc, et ce n'est vraiment pas une nouveauté, du pouvoir réglementaire. Certes, une disposition législative relevant du domaine réglementaire n'est pas pour autant inconstitutionnelle, dès lors que l'Exécutif n'a pas utilisé les instruments juridiques à sa disposition pour empêcher l'ingérence. Mais le Conseil d'Etat est, quant à lui, lié par le partage des compétences défini par la Constitution. Il "suggère" donc "au Gouvernement de lui présenter pour avis un projet de décret créant cette nouvelle contravention".

Il intervient cependant sur le "stage de lutte contre le sexisme", dès lors que les peines complémentaires sont listées dans l'article 131-16 du code pénal. Et il n'est pas tendre sur cet ajout, précisant qu'il "doute de sa nécessité". Il fait observer que la liste des peines complémentaires est déjà fort longue et que la lutte contre le sexisme pourrait parfaitement être intégrée aux stages de citoyenneté qui existent déjà.

La contravention d'outrage sexiste est donc, mais il fallait s'y attendre, le maillon faible du projet de loi. Le choix de la voie parlementaire s'explique par la volonté de médiatiser une infraction censée répondre à une demande de l'opinion. Mais la définition de l'infraction manque de clarté, et nul n'ignore que les preuves seront difficiles à apporter, et les auteurs difficiles à retrouver. Il ne restera qu'à espérer quelques cas de flagrant délit pour que la contravention devienne quelque peu dissuasive. Pour le moment, on doit plutôt se réjouir qu'il y ait un débat parlementaire, car il permettra peut-être d'améliorer la qualité du texte.
 



dimanche 25 mars 2018

Inspection générale de la Justice : un décret pour rien

Dans un arrêt du 23 mars 2018, le Conseil d'Etat, saisi par différents syndicats dont FO et l'USM, admet la légalité du décret du 5 décembre 2016 créant l'Inspection générale de la Justice. Il annule cependant l'article 2 de ce texte, faisant ainsi sortir le contrôle de la Cour de cassation du champ de sa mission. 

Cette annulation partielle vide de son contenu le décret de 2016. On se souvient qu'il fut le dernier texte signé par Manuel Valls, alors Premier ministre, avant de quitter ses fonctions. Son objet était précisément de soumettre la Cour de cassation à un contrôle de gestion auquel étaient déjà soumises les juridictions de l'ordre judiciaire par l'Inspection générale des services judiciaires. Avant 2016, les compétences de cette ancienne Inspection ne s'étendaient pas aux juges suprêmes. L'annulation de l'article 2 a donc pour conséquence immédiate un retour à la situation antérieure.

Le décret de 2016 avait suscité une opposition ouverte du Premier président Bertrand Louvel et du procureur général Jean-Claude Marin qui avaient co-signé une lettre officielle de protestation. A l'époque, ils s'étonnaient d'apprendre cette création par la lecture du Journal officiel et contestaient la nouvelle Inspection, au nom du principe de séparation des pouvoirs. Ce moyen a été repris par les syndicats requérants.

La séparation des pouvoirs, entre l'article 16 et l'article 64


Celui-ci figure dans l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui affirme que "toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution". Dans une décision Mme Ekaterina B. rendue sur QPC le 10 novembre 2011, le Conseil constitutionnel affirme clairement que cette disposition "implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement". L'article 16 interdit ainsi l'ingérence des agents placés sous l'autorité de l'Exécutif dans la fonction juridictionnelle. 

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Inspection générale de la Justice se rattache à l'Exécutif. L'article 1er du décret affirme qu'elle est "placée auprès du garde des sceaux, ministre de la justice". Ses membres, inspecteurs généraux et inspecteurs, peuvent certes être recrutés parmi les magistrats, mais aussi dans d'autres corps, greffiers, services pénitentiaires, ou directement à la sortie de l'ENA. En d'autres termes, les magistrats recrutés à l'Inspection deviennent membres d'un corps d'inspection et ils n'exercent donc plus une fonction juridictionnelle.

L'article 16 de la Déclaration de 1789 ne figure pas dans les visas de la décision du 23 mars 2018. Cette absence, que l'on ne peut pas ne pas remarquer, montre que le Conseil d'Etat écarte tout simplement l'article 16 de son raisonnement, comme s'il n'existait pas. Il préfère l'article 64 de la Constitution, qui, lui, figure dans les visas. Il fait du Président de la République le "garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire", formulation qui est celle du titre VIII. Il est clair que l'"autorité judiciaire" n'est pas le "pouvoir judiciaire". Le constituant de 1958 l'a voulu ainsi, pour maintenir la subordination du Parquet à l'Exécutif. Mais cette terminologie conduit à constater que le régime actuel ne repose pas vraiment sur la "séparation des pouvoirs", dès lors qu'il n'existe pas réellement de "pouvoir judiciaire".

La Cour européenne des droits de l'homme se montre pleinement consciente des limites du système français de séparation des pouvoirs, lorsqu'elle affirme que les magistrats du parquet, placés sous l'autorité hiérarchique du ministre de la justice, ne constituent pas des "magistrats indépendants" au sens de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, 23 novembre 2010, Moulin c. France).

Devant une telle situation, le Conseil d'Etat aurait pu, s'il l'avait voulu, s'appuyer sur l'article 16 pour renforcer l'indépendance des juridictions judiciaires et déclarer inconstitutionnelle l'Inspection générale de la Justice. Précisément, il ne l'a pas voulu.  

 
Inspecteur Gadget. Générique
Bruno Bianchi, Andy Hayward et Jean Chalopin. 1983

Contrôle de gestion et séparation des pouvoirs


Il affirme au contraire que la création de l'Inspection n'emporte aucune atteinte à la séparation des pouvoirs, dès lors celle-ci "apporte, par sa composition, le statut de ses membres, son organisation ainsi que les conditions et les modalités de son intervention, les garanties nécessaires au respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire et que ses investigations ne le conduisent pas à porter une appréciation sur un acte juridictionnel déterminé". Rien n'interdit donc la présence d'inspecteurs extérieurs à la magistrature, dès lors que les investigations portant sur le comportement d'un magistrat sont conduites par un inspecteur ayant aussi la qualité de magistrat. Cette condition est d'ailleurs posée par les articles 14 et 15 du décret. Le Conseil d'Etat insiste ensuite sur le fait que les enquêtes peuvent être diligentées soit à la demande du Garde des Sceaux, soit à l'initiative de l'Inspection elle-même, argument étrange si l'on considère que cette initiative n'a pas pour effet de supprimer celle du ministre. 

D'une manière générale, l'analyse du Conseil repose sur l'idée que la mission de l'Inspection réside dans l'audit, le contrôle de gestion, et non pas celui de l'activité juridictionnelle. Le texte du décret manque pourtant de clarté sur ce point. Il affirme en effet que l'Inspection "apprécie l'activité, le fonctionnement et la performance des juridictions". La formule n'interdit pas un contrôle sur la manière dont les arrêts sont rendus, voire sur leur contenu.

La concession faite à la Cour de cassation


C'est peut-être pour cette raison que le Conseil d'Etat préfère annuler l'article 2 du décret, et ainsi sortir la Cour de cassation de la compétence de la nouvelle Inspection. Juridiction suprême placée au sommet de l'ordre judiciaire, la Cour a en effet un rôle particulier. Son Premier président et son procureur général ont un rôle particulier à la tête du Conseil supérieur de la magistrature, et assistent donc le Président de la République dans son rôle de garant de l'autorité judiciaire. Le Conseil d'Etat estime ainsi que des garanties particulières auraient dû être définies pour les inspections portant sur la Cour de cassation ou sur ses membres. 

Cette annulation ponctuelle a toutes les apparences d'une concession faite à la juridiction suprême de l'ordre judiciaire dans le but de calmer les esprits après l'opposition ouverte de décembre 2016. La décision est-elle pour autant satisfaisante au fond ? Certainement pas. D'abord, il faut bien constater que le Conseil d'Etat ignore superbement les juges du fond de l'ordre judiciaire, comme s'ils ne devaient pas, eux aussi, être protégés par le principe de séparation des pouvoir. On ne voit pas sur quoi repose cette distinction entre la juridiction suprême et les juridictions inférieures. Ensuite, le raisonnement tenu par le Conseil d'Etat repose sur une contradiction. En précisant que le décret ne peut s'appliquer à la Cour de cassation, il reconnaît que le contrôle de l'Inspection pourrait menacer son indépendance, ce qui le conduit à se fonder implicitement sur la séparation des pouvoirs... qu'il vient pourtant d'écarter.

Le contrôle de gestion du Conseil d'Etat


Il reste à se poser une question quelque peu impertinente : l'arrêt aurait-il été identique si le décret avait créé une Inspection générale de la justice administrative ? Imaginons ses inspecteurs recrutés parmi les membres des tribunaux administratifs, les greffiers ou les agents de la sécurité sociale... Ce n'est pas une idée absurde, si l'on considère que le contrôle de gestion du Conseil d'Etat est actuellement exercé par une mission permanente d'inspection exclusivement composée de conseillers d'Etat. Un système confortable qui conduit à faire en sorte que le Conseil d'Etat soit inspecté par lui-même... Dès lors qu'il reconnaît qu'une inspection générale composée d'inspecteurs recrutés dans différents corps ne porte pas atteinte à la séparation des pouvoirs, aucun obstacle juridique ne s'oppose plus à ce que le Conseil d'Etat applique sa jurisprudence ... à lui-même.



Sur l'indépendance et l'impartialité des juges : Chapitre 4 Section 1 § 1 D du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.

mardi 20 mars 2018

Veut-on fermer l'Open Data ?

La loi Lemaire du 7 octobre 2016 pour une République numérique confère un fondement législatif au principe d'Open Data des données publiques. En matière d'accès au droit, l'Open Data se définit comme un droit d'accès et de réutilisation des normes juridiques, qu'il s'agisse des règles juridiques comme la loi et les actes réglementaires, ou des décisions rendues par les différentes juridictions. Mis en oeuvre comme un service public gratuit, ce qui n'interdit pas une réutilisation des données à des fins commerciales, l'Open Data s'est développé à partir du site Legifrance.

Si l'accès aux normes législatives et réglementaires est désormais entré à la fois dans le droit et dans les moeurs, il n'en est pas tout à fait de même de l'accès à la jurisprudence, c'est-à-dire à l'ensemble des décisions de justice. Legifrance ne diffuse de manière exhaustive que les décisions des juridictions suprêmes que sont le Conseil d'Etat et la Cour de cassation. L'Open Data peine à s'imposer dans ce domaine et de nombreuses réticences se font jour. En témoignent deux initiatives discrètes, visant à restreindre sa portée.

L'article 18 du projet de loi de programmation pour la justice prévoit ainsi de modifier tant le code de la justice administrative que celui de l'organisation judiciaire, en précisant que "les tiers peuvent se faire délivrer copie des décisions, sous réserve que leur demande ne soit pas abusive ou n'ait pas pour objet ou pour effet la délivrance d'un nombre important de décisions. La délivrance de la copie de la décision est précédée d'une occultation des éléments d'identification des parties et des tiers mentionnés dans la décision, lorsqu'elle est de nature à porter atteinte à la sûreté des personnes ou à l'intimité de la vie privée".

De son côté, Madame Joissains, rapporteur au Sénat du projet de loi sur la protection des données personnelles a déposé un amendement  précisant que les modalités de mise à disposition des décisions de justice "préviennent tout risque de ré-identification des magistrats, des avocats, des parties et de toutes les personnes citées dans les décisions, ainsi que tout risque, direct ou indirect, d'atteinte à la liberté d'appréciation des magistrats et à l'impartialité des juridictions".

Ces deux initiatives révèlent une double préoccupation, d'une part empêcher la communication en masse des décisions de justice, d'autre part imposer des contraintes d'anonymisation extrêmement lourdes, si lourdes qu'elles risquent de se révéler impossibles à mettre en pratique, au moins dans un avenir proche.

La communication en masse des décisions


Si l'on en croit l'article 18, l'accès à la jurisprudence peut s'exercer, sous la réserve que les tiers ne fassent pas de "demandes abusives" ou visant à la "délivrance d'un nombre important de décisions". Les notions employées frappent par leur incertitude. Comment définir une demande abusive ? A partir de combien le nombre de décisions dont la communication est sollicitée devient-il important ? Ces incertitudes sont loin d'être neutres, car elles conduisent à laisser à la juridiction elle-même, voire au greffe, le soin d'apprécier le bien-fondé de la demande.

On ne peut s'empêcher de penser qu'une telle mesure vise avant tout la Legal Tech, c'est à dire les entreprises qui proposent des services de mise à disposition des décisions de jurisprudence, avec l'aide de moteurs de recherches très élaborés apportant à l'utilisateur des résultats aussi adaptés que possibles à la spécificité de sa demande. Comment serait-il matériellement possible  de mettre en oeuvre de tels systèmes en accédant aux décisions une par une, ou deux par deux, selon les choix définis par juridictions elles-mêmes, c'est-à-dire le plus souvent par les greffes ? Il est évident qu'une entreprise qui propose un traitement de masse des décisions de justice voit son activité entravée par une telle restriction.

Le problème est que cette restriction heurte directement le droit à la réutilisation des informations publiques à d'autres fins que celles pour lesquelles elles sont détenues ou élaborées, droit consacré par l'ordonnance du 6 juin 2005 et qui fait partie intégrante du principe d'Open Data.

Le poison. René Magritte. 1939

Anonymisation ou pseudonymisation


Aux termes Les articles 20 et 21 de la loi Lemaire, les "jugements sont mis à la disposition du public à titre gratuit dans le respect de la vie privée des personnes concernées. Cette mise à disposition du public est précédée d'une analyse du risque de ré-identification des personnes". Les bornes de l'Open Data se trouvent dans la vie privée des personnes, principe d'ailleurs conforme tant à la législation française qu'au règlement général sur la protection des données (RGPD) qui entrera en vigueur le 25 mai 2018. Pour assurer l'exercice des droits d'accès et de réutilisation, il convient ainsi d'élaborer des outils, c'est-à-dire des algorithmes, qui exploiteront les décisions de justice, en livreront le contenu sans porter atteinte à la vie privée des personnes. L'exigence est élevée, car l'anonymisation ou la pseudonymisation doit s'accompagner d'une analyse visant à prévenir le risque de ré-identification. 

Il est vrai que, dans ce domaine, la réflexion est bien loin d'être achevée. L'intelligence artificielle permet aujourd'hui d'envisager un traitement quantitatif des données qui pourrait avoir de lourdes conséquences. Le justiciable pourrait savoir si un magistrat est plus indulgent qu'un autre au sein d'un même tribunal, ou s'il accorde des réparations plus élevées, ou pire, si l'avocat qu'il a choisi gagne ses causes, ou s'il les perd. A l'inverse, l'anonymisation complète risquerait peut-être de conduire à une justice irresponsable ? Par ailleurs, à qui doit-on confier cette anonymisation ? La solution la plus évidente serait de la confier au service public lui-même, mais il a peu de moyens financiers et techniques. Le choix de la confier au secteur privé, à ceux là mêmes qui demandent accès ne pourrait se justifier que s'il s'accompagnait d'un véritable contrôle des algorithmes et d'accords de confidentialité assez proches de ceux qui existent, par exemple, dans le domaine de l'armement. Toutes ces questions doivent être posées et des règles doivent être définies.

Pour le moment, les deux initiatives prises dans le projet de loi de programmation comme dans celui sur la protection des données ne vont pas dans le sens de la réflexion mais dans celui d'un accroissement de la contrainte. L'article 18 de la loi de programmation prévoit ainsi une occultation systématique de tout élément d'identification "lorsqu'il est de nature à porter atteinte à la sûreté des personnes ou à l'intimité de la vie privée". L'impératif de sûreté est ainsi ajouté à celui de vie privée. Le problème est que la sûreté désigne juridiquement la situation de la personne qui n'est ni arrêtée ni détenue, ce qui semble bien peu en rapport avec la diffusion des décisions de justice. S'agit-il d'une rédaction un peu trop hâtive ou de la recherche d'une notion permettant d'occulter l'ensemble des décisions ?

Le débat d'intérêt général


L'amendement Joissains va encore plus loin, puisqu'il imposerait de prévenir "tout risque de ré-identification", non seulement des magistrats, des avocats, des parties mais aussi de toute personne citée dans les décisions. Mais comment peut-on prévenir un tel risque ?  Comment empêcher, par exemple, la "ré-identification" du maire de Ploërmel dans le contentieux de la statue du Pape Jean-Paul II installée au milieu de sa ville ? Il faudrait occulter le nom de l'élu, mais aussi celui la ville, celui de l'artiste qui a créé l'oeuvre, et enfin... le nom du pape. Tout cela manque de sérieux car les commentateurs, comme avant eux les magistrats qui ont rendu la décision, ont besoin de connaître les faits à l'origine du litige pour pouvoir mener à bien leur analyse.

Surtout, la question de la liberté d'accès à l'information est posée. Imaginons un instant qu'un homme politique soit condamné pour un détournement de fonds publics, ou pour des propos injurieux ou diffamatoires. Les citoyens se verront-ils refuser l'accès à une décision de justice qui participe à l'exercice du débat public sous le seul motif que l'on peut reconnaître l'homme politique en question ? Depuis un arrêt Dupuis et autres c. France de 2007, la Cour européenne des droits de l'homme affirme régulièrement que l'on "ne saurait penser que les questions dont connaissent les tribunaux ne puissent, auparavant ou en même temps, donner lieu à discussion ailleurs, que ce soit dans des revues spécialisées, la grande presse ou le public en général. A la fonction des médias consistant à communiquer de telles informations et idées s'ajoute le droit, pour le public, d'en recevoir. » L'actualité judiciaire s'analyse comme un élément du débat d'intérêt général, susceptible d'être protégé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Une pratique qui consisterait à empêcher toute identification des personnes dans les décisions de justice pourrait ainsi constituer une atteinte à cet article 10. 

Ces deux dispositions ont pour caractéristique commune de vouloir freiner l'Open Data des décisions de justice. Les causes d'une telle méfiance sont certainement multiples. D'une part, l'idée est solidement ancrée que la jurisprudence est un outil à disposition de ceux qui savent, magistrats, avocats etc. Les citoyens n'ont qu'à s'adresser aux experts qui leur expliqueront ce qu'ils doivent comprendre et ne pas chercher à comprendre par eux-mêmes. D'autre part, les juridictions suprêmes entendent conserver leur maîtrise de l'information, y compris dans l'accès aux décisions des juges du fond. Le rapport Cadiet suggère ainsi de placer l'Open Data sous leur pilotage, proposition de nature à les rassurer. Enfin, on affirme souvent que la communication en masse des décisions, en vue de leur réutilisation, est surtout demandée par les Legal Tech, au premier rang desquelles figure Doctrine.fr. Or, l'idée dominante est que ces données publiques ne doivent pas être réutilisées à des fins mercantiles.

Il est vrai que la Legal Tech tire bénéfice de données en principe gratuites. Mais force est de constater qu'elle n'est pas la seule et que cela n'a rien d'illicite.  La Cour de cassation elle-même, peu suspecte de vouloir tirer des bénéfices indus de son activités, gère la base de données JuriCa réunissant les décisions des cours d'appel. Or, si l'accès est gratuit pour les magistrats, il est payant pour les éditeurs juridiques. Ces derniers donnent également accès à leurs bases de données, moyennement paiement d'un abonnement. Ni les uns ni les autres ne sont des philanthropes et tous exercent une activité commerciale parfaitement légitime. Mais, dans l'état actuel des choses, force est de constater que les éditeurs juridiques traditionnels exercent leur activité au sein d'un marché protégé, fruit d'une longue tradition de proximité avec les juridictions suprêmes. Le principe d'égalité exigerait aujourd'hui que les entreprises de la Legal Tech soient traitées de la même manière. Considérées sous cet angle, les deux initiatives déployées au parlement peuvent apparaître comme des instruments de nature à maintenir un statu quo. Des esprits chagrins ou taquins pourraient même y voir l'expression d'un certain lobbying...





mercredi 14 mars 2018

Bertrand Cantat : "Jamais au criminel son crime ne pardonne"

"Jamais au criminel son crime ne pardonne"... Bertrand Cantat pourrait méditer ce vers de Victor Hugo. En effet, la mémoire d'un crime ne disparaît pas avec l'épuisement de ses conséquences pénales, et il est en train de l'apprendre.

L'ancien chanteur de Noir Désir veut reprendre sa carrière de chanteur, interrompue après le meurtre de Marie Trintignant commis à Vilnius en juillet 2003. Condamné à huit ans d'emprisonnement par les tribunaux lituaniens, il purge sa peine en France et obtient sa liberté conditionnelle en 2007, puis sa liberté totale en 2011. Après quelques apparitions plus ou moins discrètes dans les médias, quelques albums plus ou moins confidentiels, il veut désormais revenir sur le devant de la scène et une tournée est envisagée pour l'été 2018. 

Bertrand Cantat a plutôt mal choisi le moment de son retour. Depuis l'affaire Weinstein et les hashtags #dénoncetonporc et #Metoo, la question des violences faites aux femmes se trouve au coeur de l'actualité. Après les réseaux sociaux, ce sont les pouvoirs publics qui se sont emparés de la question pour développer des politiques publiques de lutte contre les violences, faire adopter des textes sur le harcèlement etc. Dans un tel contexte, le retour de Bertrand Cantat suscite des débats passionnés. D'un côté, le chanteur estime qu'il a payé sa dette à la société et il revendique droit de reprendre son métier. De l'autre côté, une opinion souvent hostile et des élus locaux qui menacent de supprimer les subventions des festivals qui accueilleraient le chanteur. Celui-ci se voit donc contraint d'annuler les spectacles faisant l'objet d'un financement public, mais il proteste hautement en s'appuyant sur un certain nombre de libertés et de droits dont il s'estime titulaire. 

La liberté d'expression


Betrand Cantat affirme d'abord que sa liberté d'expression est atteinte et qu'il fait l'objet d'une censure. Il s'appuie donc implicitement sur l'article 11 de la Déclaration de 1789 et sur l'article 10 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui la consacrent. 

L'analyse ne résiste pas à l'examen, même sommaire. En effet, aucune mesure de police administrative n'a été prise et aucun spectacle n'a été interdit. La situation de Bertrand Cantat est donc bien différente de celle de Dieudonné, dont le spectacle avait fait l'objet d'une interdiction préalable dans plusieurs villes. Ces interdictions, prononcées par une autorité administratives, invoquaient une atteinte au principe de dignité, composante de l'ordre public. On sait que, dans un premier temps, en janvier 2014, le juge des référés du Conseil d'Etat avait refusé de suspendre une telle interdiction. Il était ensuite revenu  à une jurisprudence plus traditionnelle en février 2015, estimant que l'interdiction du spectacle de Dieudonné constituait une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression. Les pouvoirs publics étaient en effet parfaitement en mesure de garantir un ordre public qui d'ailleurs n'était pas sérieusement menacé.

Dans le cas de Bertrand Cantat, les spectacles se déroulent normalement, tout au moins ceux qui ne sont pas financés par des capitaux publics. Les élus locaux n'ont rien interdit, mais se sont bornés à annoncer le retrait d'une subvention. Cette décision s'inscrit dans le cadre d'une relation contractuelle, qu'il s'agisse d'une délégation de service public, d'un marché public, voire d'un autre type de contrat. Dans tous les cas, la collectivité publique conserve un pouvoir discrétionnaire de modifier les termes de la convention. Betrand Cantat l'a d'ailleurs parfaitement compris, puisqu'il a annoncé son retrait de l'ensemble des festivals auxquels il devait participer durant l'été 2018. En revanche, ses concerts prévus dans des théâtres privés comme l'Olympia sont maintenus. Sa liberté d'expression est donc intacte, et ceux qui le souhaitent peuvent aller l'entendre.

Le droit à la réinsertion


Dans un message diffusé sur Facebook, Bertrand Cantat invoque son "droit à la réinsertion". L'idée vient sans doute d'un spécialiste de la communication, mais pas d'un juriste. Car le droit à la réinsertion n'existe pas. 

On peut définir la réinsertion comme un processus de réintégration dans la société des personnes condamnées, dans le but notamment d'éviter la récidive. La réinsertion est donc un devoir de l'Etat, un objectif à atteindre. La Cour européenne des droits de l'homme ne l'entend pas autrement. Dans l'arrêt Vinter et autres c. Royaume-Uni de 2013, elle observe que "si le châtiment demeure l’une des finalités de l’incarcération, les politiques pénales en Europe mettent dorénavant l’accent sur l’objectif de réinsertion de la détention ». Il est donc clair que l'objectif de réinsertion n'a des conséquences que pendant l'incarcération, lorsqu'il s'agit de donner au détenu les moyens de réinsérer à sa sortie, par exemple avec la possibilité de suivre une formation ou de prendre contact avec un futur employeur. La loi française du 22 juin 1987 s'inscrit dans cette perspective, et affirme que "le service public pénitentiaire a pour mission de favoriser la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire".

Une fois sorti de prison, l'intéressé a purgé sa peine et payé sa dette à la société. Il n'est pas pour autant titulaire d'un droit à la réinsertion qui lui permettrait d'exiger qu'elle lui offre un emploi ou un quelconque statut particulier.

Assez. Marie-Paule Belle. 2011

Le droit à l'oubli


S'il ne peut invoquer un droit à la réinsertion, Bertrand Cantat peut-il invoquer le droit à l'oubli ? Il ne s'en est pas privé, mais force est de constater que sa définition du droit à l'oubli n'est pas celle du droit positif. 

Création doctrinale, il apparaît avec la très célèbre affaire Landru, en 1965, sous la plume critique du Professeur Gérard Lyon-Caen. A l'époque, l'ancienne maîtresse du célèbre criminel demandait, devant le juge civil, réparation du préjudice que lui causait la sortie d'un film de Claude Chabrol, relatant une période de sa vie qu'elle aurait préféré enfouir dans le passé. Le juge a alors évoqué une "prescription du silence", pour finalement rejeter la demande au motif que la requérante avait elle même publié ses mémoires, et que le film reprenait des faits relatés dans des chroniques judiciaires parfaitement accessibles (TGI Seine, 14 octobre 1965. Mme S. c. Soc. Rome Paris Film, confirmé en appel : CA Paris 15 mars 1967). Le terme de "prescription du silence " était l'objet même de la critique de Gérard Lyon-Caen, car elle cette notion laissait supposer une certaine automaticité. Or, le juge apprécie ce type d'affaire au cas par cas, en fonction des intérêts en cause, et de la réelle volonté de discrétion affirmée par l'intéressé. C'est sans pour cette raison que le TGI de Paris, dans une décision Madame M. c. Filipacchi et Cogedipresse du 20 avril 1983, va finalement consacrer la notion nouvelle : "Attendu que toute personne qui a été mêlée à des évènements publics peut, le temps passant, revendiquer le droit à l'oubli (...) ; Attendu que ce que droit à l'oubli qui s'impose à tous, y compris aux journalistes, doit également profiter à tous, y compris aux condamnés qui ont payé leur dette à la société et tentent de s'y réinsérer". 

Cette jurisprudence ancienne n'a guère été modifiée. Tout au plus, le droit positif a t il élargi le droit à l'oubli en élargissant son champ de la responsabilité civile à la responsabilité pénale. L'intéressé peut donc l'invoquer devant le tribunal correctionnel, dès lors que la violation du droit à l'oubli s'analyse comme une violation de la vie privée, voire comme une diffamation. De la même manière, une décision du CSA du 10 janvier 2010 rappelle à France 2 que l'émission "Faites entrer l'accusé" doit s'abstenir de donner à l'antenne des informations relatives à la vie présente de la personne condamnée. Lorsque celle-ci s'exprime dans l'émission, elle doit également pouvoir obtenir le floutage de son image et la transformation de sa voix.

Un élément du droit à l'oubli n'a jamais changé : l'intéressé doit avoir manifesté, après sa condamnation, une réelle volonté de discrétion, un désir de se fondre dans la population, de se mettre à l'abri de la curiosité des médias. Bertrand Cantat peut donc difficilement invoquer le droit à l'oubli, dès lors qu'il recherche la médiatisation, non seulement en participant à des spectacles, mais aussi en donnant des interviews, par exemple aux Inrockuptibles. 

Bertrand Cantat aura sans doute la satisfaction d'obtenir une  réhabilitation, dix ans après la fin de sa peine, procédure qui a pour seule conséquence l'effacement de sa condamnation sur la partie de casier judiciaire communicable aux tiers. Mais il demande en réalité une autre forme de réhabilitation, sociale cette fois, sorte d'effacement de sa condamnation qui sortirait ainsi de la mémoire collective. Mais l'oubli de sa condamnation supposerait l'oubli des faits qui l'ont suscitée, et c'est précisément ce qui semble insupportable à beaucoup. Or ils ont le droit de manifester, comme Bertrand Cantat a le droit de chanter.

Il va sans doute devoir prendre conscience des limites du droit. Ce dernier ne peut pas imposer le silence sur une condamnation lorsque l'intéressé recherche lui-même la notoriété médiatique. Il ne peut pas davantage imposer le pardon, qui n'appartient qu'aux victimes et ne saurait être décidé par décret. De toute évidence, Bertrand Cantat n'a pas encore tiré toutes les leçons de sa triste expérience, et il doit apprendre que "jamais au criminel son crime ne pardonne".

Sur la liberté d'expression : Chapitre 9 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.


dimanche 11 mars 2018

Les Chantiers de la Justice ou la démolition des cours d'assises

Les Chantiers de la Justice, ouverts le 6 octobre 2017 à Nantes par le premier ministre et la ministre de la justice avaient pour objet de développer une "concertation avec les acteurs de terrain" (...) pour que l'institution judiciaire réponde "efficacement aux attentes des justiciables et de ceux qui rendent la justice chaque jour". Cinq mois plus tard, le premier ministre, dans un discours prononcé à Reims, s'est voulu rassurant. "Pas de grand soir de la carte judiciaire", a-t-il affirmé, en précisant qu'aucun tribunal ne serait fermé. Il s'agit évidemment de rassurer des magistrats encore traumatisés par l'autoritarisme de la réforme Sarkozy. 

De fait, le premier ministre affirme son désir de continuer la concertation avec les acteurs du secteur, même si la plupart des syndicats de magistrats affirment qu'elle n'a pas sérieusement commencé. L'idée demeure tout de même de leur laisser une certaine autonomie. C'est ainsi que la proposition de fusionner les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance s'accompagne d'une volonté de confier aux présidents et aux procureurs généraux le soin de proposer la création de pôles spécialisés qui traiteront d'un contentieux civil ou pénal pour l'ensemble d'un département. 

En l'état actuel d'avancement de la réforme, la lecture des différentes propositions accessibles sur le site du ministère de la justice donne une impression d'empilement, ensemble disparate mélangeant questions de fond et points de détail. L'élément le plus inattendu est évidemment la création d'un tribunal criminel qui récupérerait l'essentiel des compétences des cours d'assises. Certes l'évolution est envisagée sous forme d'une expérimentation dans un seul département, mais le projet frappe les esprits car il porte en germe la marginalisation des cours d'assises, et peut-être, à terme, leur suppression. A côté de ce coup de tonnerre, les autres mesures sont plus prévisibles et suivent une tendance déjà amorcée depuis longtemps, visant à lutter contre la surpopulation carcérale et à remédier à l'abandon dans lequel le service public a été laissé depuis des décennies.

Démolir les cours d'assises

 
Dans le document présentant la réforme, l'annonce tient dans cette seule phrase : "l'expérimentation d'un tribunal criminel département composé de magistrats professionnels pour accélérer le jugement des affaires criminelles". Edouard Philippe a précisé à Reims qu'il "s'agit de désengorger les cours d'assises et de limiter la détention provisoire". Les crimes susceptibles d'une peine égale ou inférieure à vingt années de prison seraient donc jugés par ces nouveaux tribunaux criminels, alors que ceux justifiant un emprisonnement plus long, comme les meurtres ou les assassinats, demeureraient du ressort des cours d'assises.

Les réformes de la justice se suivent et ne se ressemblent pas. En 2010, Nicolas Sarkozy avait initié une expérimentation radicalement opposée, consistant à désigner des citoyens comme assesseurs dans les tribunaux correctionnels. Il a été finalement mis fin à l'expérimentation en 2013, au motif qu'une telle réforme n'apportait aucun avantage mesurable et qu'elle coûtait trop cher à l'Etat, les jurés assesseurs étant indemnisés. La suppression du jury populaire pour le plus grand nombre de crimes fait donc rigoureusement le contraire et une telle réforme serait plus économe des deniers de l'Etat. Le premier ministre ne mentionne cependant pas cet aspect purement financier, mais les motifs invoqués n'en sont pas moins cyniques. Il ne s'agit pas de rendre une meilleure justice. Il s'agit de la rendre plus rapidement, ce qui est bien différent. 

"Désengorger les cours d'assises et limiter la détention provisoire", ce sont donc là les deux objectifs avoués de la réforme. Or la cause de l'engorgement des cours d'assises n'est pas dans leur organisation, mais dans ce qu'il convient désormais d'appeler la réponse pénale. Les cours sont engorgées parce que la criminalité est importante, et aussi, heureusement, parce que les juges et les forces de police font leur travail pour arrêter les criminels et les déférer à la justice. Quant à la durée excessive de la détention provisoire dans notre pays, elle n'est pas davantage liée à l'organisation de la cour d'assises mais au nombre insuffisant de magistrats, en particulier ceux chargés de l'instruction. Sur ce point, l'objet de la réforme est donc de réduire la population carcérale par la réduction du nombre de prévenus.

Est-on bien certain qu'une telle réforme serait simplificatrice ? Imaginons un instant, et cela risque de ne pas être rare, qu'un tribunal criminel requalifie en meurtre des poursuites pour violences ayant entraîné la mort. Dans ce cas, l'accusé sera renvoyé aux assises par le tribunal criminel, renvoi à une date hypothétique et lointaine. La situation risque de ne satisfaire personne, et surtout pas les parties civiles. 

Surtout, la question de l'égalité devant la justice est posée. La cour d'assises rend une justice de qualité, une justice qui prend le temps de connaître les faits, de s'attacher à la personnalité de l'accusé, d'entendre tous les témoins utiles. Depuis quelques années, les droits de l'accusé ont été renforcés avec l'appel contre les décisions des cours d'assises et leur motivation qui concerne désormais aussi bien la culpabilité que la peine.

Les tribunaux criminels, quant à eux, risquent de rendre une justice criminelle dans la forme correctionnelle, avec les mêmes contraintes de temps et probablement d'engorgement. Une justice à deux vitesses en quelque sorte. La cour d'assises qui est probablement l'institution judiciaire la plus respectueuse des droits de l'accusé se trouve ainsi écartée au profit d'une justice plus rapide, sorte de prêt-à-porter judiciaire. Le problème est que nous sommes en matière criminelle et que rien ne saurait justifier une atteinte à la qualité de la justice dans ce domaine.

 Léo Ferré. Merde à Vauban. 1960

La lutte contre la surpopulation carcérale


Rien ne saurait justifier, en effet, que la qualité de la justice soit sacrifiée dans le seul but de désengorger les prisons. Or l'unique fil conducteur décelable dans l'ensemble des propositions diffusées par Edouard Philippe réside précisément dans la lutte contre la surpopulation carcérale.

On retrouve cette préoccupation dans la proposition visant à supprimer la prison pour les peines inférieures à un an d'emprisonnement.  Certes, on nous dit qu'il s'agit de "redonner du sens à la peine", formule creuse qui recouvre des justifications déjà bien connues. L'idée est qu'une courte peine effectuée dans un établissement surpeuplé ne permet pas un vrai travail de prévention de la récidive, surtout dans le cas des primo-délinquants. De fait, Edouard Philippe propose de développer les peines autonomes et alternatives : détention à domicile, bracelet électronique, travaux d'intérêt général. En revanche, toute peine égale ou supérieure à un an devrait être intégralement exécutée, sans aménagement possible. 

Pourquoi pas ? Les conséquences d'une telle réforme ne sont cependant pas envisagées et elle pourrait se révéler contre-productive. Le parquet pourrait être tenté d'alourdir ses réquisitions pour être certain que le condamné purgera sa peine en prison, en quelque sorte pour mettre la société à l'abri de ses méfaits. Quant aux victimes de ces délits, elles pourraient s'irriter de ce qu'elles qualifieront de laxisme. 

Cette proposition relance ainsi un débat extrêmement ancien sur le rôle de la prison : a-t-elle pour finalité principale de préparer la réinsertion d'un condamné, de le punir, d'offrir aux victimes une satisfaction psychologique, ou encore d'écarter de la vie sociale une personne considérée comme dangereuse pour ses semblables ?  Faute d'être posées maintenant, ces questions risquent de resurgir lors débat parlementaire et de donner lieu à diverses exploitations politiques. Certains ne manqueront pas de dire en effet qu'il suffirait de construire des prisons pour lutter contre la surpopulation carcérale.

L'état d'abandon du service public

 

La situation des prisons n'est cependant qu'un débat dans un ensemble plus vaste. Les propositions informent, en creux, sur la situation matérielle des juridictions. Comment ne pas être consterné lorsque le premier ministre propose de déployer le haut débit dans les cours d'appel et les quarante-quatre plus grands tribunaux de grande instance, de développer la visio-conférence, de mettre en place une plateforme d'échange de documents volumineux, ou encore un système de prise de rendez-vous en ligne ? L'absence de ces technologies les plus élémentaires témoigne de l'abandon du service public de la justice, laissé dans la misère depuis bon nombre d'années. Sur ce point, on ne peut que se réjouir de l'annonce d'un plan de 530 millions d'euros sur cinq ans, car cette modernisation a évidemment un coût.

L'acquisition de ces technologies permettra peut-être de rattraper les retards du passé, mais l'intérêt pour l'avenir semble étrangement absent. Tout au plus apprend-on qu'il s'agit désormais de "s'inscrire dans une vision prospective, en s'appuyant de manière raisonnée sur les Legal Tech, notamment dans le domaine de la médiation en ligne", formulation qui cultive soigneusement l'ambiguïté. Il n'est pas question de politique volontariste dans le domaine de l'Open Data des décisions de justice, alors même qu'il s'agit désormais d'une obligation imposée par la loi et que les décrets d'application se font attendre. A fortiori, la justice prédictive est-elle purement et simplement ignorée, comme si elle relevait de la science fiction. Sur ce point, on ne peut qu'être frappé du décalage entre les propositions du premier ministre et la réalité des préoccupations des magistrats, à un moment où se multiplient colloques et études sur la justice prédictive.

Ces propositions seront discutées, amendées et peut-être expérimentées, ou non. Derrière l'ensemble du projet transparaît cependant une certaine méfiance à l'égard du peuple, l'idée selon laquelle le jury populaire est moins compétent que des magistrats professionnels. Pourquoi ne pas écarter cette intervention populaire d'un autre âge ? Pourquoi ne pas gagner du temps en renonçant à tirer au sort des citoyens qui vont devoir prendre la lourde responsabilité de juger leurs semblables ? Pourquoi ne pas leur épargner une charge contraignante ? Cela ne changerait rien puisque la justice serait toujours rendue au nom du peuple français. Mais au contraire, cela changerait tout, car le peuple français n'est pas une fiction juridique, c'est le souverain Et il ne doit pas être écarté d'une justice rendue en son nom.


Sur le procès équitable : Chapitre 4 section 1 § 1 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.


jeudi 8 mars 2018

Cour d'assises : motivation de la peine

Dans une décision rendue sur question prioritaire de constitutionnalité (QPC) le 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel déclare non conformes à la Constitution les dispositions qui ne prévoyaient pas la motivation de la peine dans les décisions des Cours d'assises. Cette décision peut s'analyser comme le point d'aboutissement d'une évolution engagée avec la loi du 10 août 2011 qui impose la motivation explicite de la décision de culpabilité (art. 365-1 code de procédure pénale (cpp). A la motivation de la culpabilité s'ajoute désormais celle de la peine, ultime étape d'un processus qui aura duré sept années.

La distinction entre la culpabilité et la peine


Cette distinction entre la motivation de la culpabilité et celle de la peine n'est pas, en soi, surprenante. A l'issue des débats d'une cour d'assises, les magistrats et le jury se retirent pour délibérer. La délibération, si elle forme un tout indivisible, est cependant acquise à l'issue de deux phases successives clairement identifiées par le code de procédure pénale.

La Cour délibère d'abord, par des scrutins successifs, sur le fait principal, puis sur les éventuelles circonstances aggravantes et questions subsidiaires. Concrètement, elle répond par oui ou non à des questions posées, toute décision défavorable à l'accusé ne pouvant être acquise qu'à une majorité de six voix sur neuf membres de la Cour, ou huit voix sur douze en appel.

Si elle a conclu à la culpabilité, la Cour délibère ensuite "sans désemparer sur l'application de la peine", dans des conditions fixées par l'article 362 cpp. Elle doit alors l'individualiser "en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale". Le vote intervient au scrutin secret pour chaque accusé. La majorité absolue des votants est exigée pour que soit prononcée la peine maximum encourue. Si cette majorité absolue n'est pas atteinte au premier tour, une peine moins forte est proposée, à son tour écartée si la majorité absolue n'est toujours pas atteinte... et ainsi de suite jusqu'à ce qu'une majorité absolue soit atteinte.

La motivation de la déclaration de culpabilité a mis beaucoup de temps à s'imposer. L'article 15 de la loi des 16-24 août 1789 fixait les principes gouvernant la rédaction des décisions de justice en affirmant que "les motifs qui auront déterminé le jugement, seront exprimés". Mais cette expression des motifs, définition même de la motivation, ne s'appliquait pas aux cours d'assises. Leurs décisions reposaient en effet sur l'intime conviction des jurés, considérée comme impossible à traduire dans une motivation.

Motivation de la culpabilité


Ce régime dérogatoire a d'abord été remis en cause par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Dans un arrêt Taxquet concernant un système belge très proche du système français, la Grande Chambre, en novembre 2010, n'a pas sanctionné le recours au jury populaire et à l'intime conviction. Elle a néanmoins affirmé que la décision devait permettre à l'intéressé de comprendre sa condamnation, et a exigé que les questions posées aux jurés soient suffisamment précises. Cette jurisprudence a conduit à la condamnation de la France dans plusieurs décisions du 10 janvier 2013, dont le célèbre arrêt Agnelet

De son côté, le Conseil constitutionnel, dans une QPC Xavier P. et autres du 1er avril 2011, a adopté sur la question une position pour le moins embarrassée. D'un côté, il affirmé que l'absence de motivation des arrêts d'assises n'était pas, en soi, inconstitutionnel. De l'autre, il a reconnu que ce principe de non motivation était dépourvu de fondement constitutionnel et que le législateur pouvait y déroger. C'est donc ce qui a été fait avec la loi du 10 août 2011. Une "feuille de motivation" signée du président doit donc être rédigée dans les trois jours suivant la fin du procès et transmise au condamné.

Il est important de rappeler ces débats et ces évolutions, ne serait-ce que pour remarquer qu'ils ont concerné exclusivement la motivation de la culpabilité, celle de la peine n'étant jamais évoquée. Michel Huyette, dans une chronique au Dalloz, résumait en ces termes la situation : "La décision sur la peine n'étant pas une réponse à une question posée, comment la motiver autrement que par un nombre d'années de prison" ? Dès lors, constatant l'absence de fondement juridique de la motivation de la peine, la Cour de cassation l'a exclue dans trois arrêts du 8 février 2017. Cette jurisprudence a été mal comprise par une partie de la doctrine, dès lors qu'une semaine auparavant, le 1er février 2017, cette même Cour de cassation avait imposé aux tribunaux correctionnels une motivation de l'ensemble des peines prononcées, principales et complémentaires.

J'ai tant de peine. Annie Philippe. 1966

La motivation du Conseil constitutionnel

 
La présente QPC offrait une excellente opportunité de remettre en cause cette jurisprudence. Le premier requérant a été condamné à 20 ans d'emprisonnement, peine portée à 22 ans en appel, le deuxième a été acquitté en première instance puis condamné à 15 ans en appel, le troisième enfin a vu sa peine de 15 années d'emprisonnement confirmée en appel. Maître Dupont-Moretti, plaidant la QPC pour deux des requérants, a ainsi pris l'exemple d'une personne d'abord acquittée puis condamnée successivement à 30 ans, puis à 12 en appel, puis à 16 et à 22 ans, après une décision de la CEDH sanctionnant la première procédure.. Et de conclure "0 - 30 - 12 - 16 - 22, n° complémentaire le 4".

Il ne fait guère de doute que le Conseil constitutionnel entendait étendre l'obligation de motivation à la peine, et il ne s'est guère attardé sur sa propre motivation. Il cite rapidement les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui énoncent les principes de sûreté, de nécessité de la peine et de présomption d'innocence. Mais au sein de cet ensemble, c'est surtout l'individualisation des peines, conséquence du principe de nécessité, qui est invoquée. Elle implique qu'une sanction pénale ne peut être appliquée que si le juge l'a prononcée en tenant compte des circonstances propres à l'espèce. Cette exigence constitutionnelle impose donc la motivation des arrêts d'assises, tant pour la culpabilité que pour la peine.

Le raisonnement semble simple, mais l'apport est essentiel. La QPC du 2 mars 2018 confère ainsi à l'obligation du motiver les jugements une valeur constitutionnelle. Elle s'impose à toutes les décisions de justice et concerne à la fois la culpabilité et la peine. Il appartiendra évidemment au législateur de définir les conditions matérielles de la mise en oeuvre de cette exigence nouvelle. C'est la raison pour laquelle le Conseil a repoussé l'abrogation de la disposition contestée au 1er mars 2019, le temps de voter une loi organisant la motivation des peines.

 La décision du Conseil s'intègre parfaitement dans un mouvement général qui vise à rendre une justice à la fois plus transparente et plus pédagogique. L'idée générale est qu'une peine ne peut être comprise et acceptée que si elle est expliquée. Reste que, comme en matière de culpabilité, il est désormais nécessaire de formuler l'intime conviction, et que ce n'est pas un exercice facile.

Sur la nécessité de la peine : Chapitre 4 section 1 § 1 D du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.