Le respect de tout être humain dès le commencement de la vie
Les juges du fond ont, quant à eux, toujours refusé de considérer que l'IVG emportait une violation de l'article 2 de la Convention. Le Conseil d'Etat l'a affirmé dès sa décision d'assemblée du 21 décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques et association pour l'objection de conscience à toute participation à l'avortement. La Chambre criminelle de la Cour de cassation a fait de même avec sa décision du 27 novembre 1996.
En matière d'IVG, le Conseil constitutionnel a toujours considéré que le législateur, dans le domaine de sa compétence, devait conserver un pouvoir d'appréciation particulièrement étendu. La seule contrainte, posée par la décision du 17 juin 2001, est que la loi ne doit pas rompre l'équilibre entre la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et la liberté de la femme, qui trouve son origine dans l'article 2 de la Déclaration de 1789. Dans la décision de 2001, le Conseil a estimé que l'allongement de la durée d'autorisation de l'IVG de dix à douze semaines ne portait pas atteinte à cet équilibre. Il en est de même pour la suppression de la référence à la condition de détresse.
La condition de détresse, appréciée par la femme elle même
On ne doit pas s'en étonner car cette condition de détresse n'a jamais été perçue comme une condition objective, qui serait évaluée par un tiers et non pas par la femme enceinte. Il est vrai que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 janvier 1975, avait affirmé que le législateur n'entendait autoriser l'IVG qu'en "cas de nécessité". Certains commentateurs avaient alors cru voir dans cette mention une référence à l'état de nécessité, notion juridique qui renvoie à l'idée qu'une personne peut se voir contrainte de commettre un acte illicite si elle se trouve en état de péril imminent. Cette interprétation étroite n'a cependant rencontré aucun écho dans le droit positif.
Dès les débats précédant le vote de la loi Veil, le parlement a expressément refuser de soumettre la reconnaissance de l'état de détresse à l'appréciation d'un tiers, médecin ou travailleur social.
Saisi d'un recours en indemnité engagé par un mari dont l'épouse avait subi une IVG sans qu'il en soit informé, le Conseil d'Etat a ensuite précisé très clairement que cette condition de détresse "n'a ni pour objet, ni pour effet, de priver la femme majeure du droit d'apprécier elle-même si sa situation justifie l'interruption de grossesse". Depuis cette décision d'assemblée du 31 octobre 1980, l'IVG est considérée par la jurisprudence comme un droit dont la femme est le titulaire exclusif.
La survivance anachronique d'une société disparue
La condition de détresse est donc appréciée par la femme elle-même et ce principe n'a pas changé depuis 1980. Sur ce point, le recours déposé contre le texte de 2014 fait revivre les débats qui ont précédé ou immédiatement suivi la loi Veil. Sur ce point, la loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes apparaît ainsi comme une simple réécriture, un toilettage qui ne modifie en rien le droit positif.
Ce recours n'est cependant pas entièrement sans intérêt car il apporte un éclairage sur ses auteurs. Depuis 1975, c'est à dire presque quarante ans, ils contestent l'IVG à chaque modification de la loi Veil. Ils produisent les mêmes arguments puisés plus souvent dans les convictions religieuses que dans la norme juridique. Et plus le temps passe, plus ils apparaissent comme la survivance anachronique d'une société disparue, le refus d'un présent qu'ils ne comprennent pas. Pendant qu'ils demeuraient ancrés dans le passé, la liberté femmes est devenue une réalité. Chut !... il ne faut pas leur dire. Cela leur ferait trop de peine.
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