Les contrôles
La transparence financière
Le secret des sources
L'essentiel de la loi réside cependant dans ce qui n'y figure pas, ou plus dans ce qui n'y figure plus. En effet, la loi du 14 novembre 2016 a été publiée, amputée de son article 4 relatif au secret des sources des journalistes, annulé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 novembre 2016.
Les insuffisances de la loi Dati
Il n'en demeure pas moins que la loi Dati n'est pas parvenue à empêcher d'empêcher l'espionnage des communications des journalistes par les services de renseignement lors de l'affaire Woerth-Bettencourt. La jurisprudence s'est pourtant vaillamment efforcée de lui donner un contenu, donnant une définition étroite de l'impératif prépondérant d'intérêt public susceptible de justifier une atteinte au secret des sources. Dans une décision du 25 février 2014, la Chambre criminelle de la Cour de cassation reproche ainsi à la chambre de l'instruction de n'avoir pas suffisamment démontré que des investigations et perquisitions effectuées chez un journaliste dans le seul but de démontrer une violation du secret professionnel relevaient d'un tel impératif.
Les amendements introduits dans la loi du 14 novembre 2016 n'amélioraient pas sensiblement le droit positif et la simplification annoncée était purement cosmétique.
Les atteintes licites au secret des sources
En 2016, le législateur a renoncé à la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public, largement contestée par les journalistes. Il a préféré énumérer les infractions au nom desquelles il est possible de porter atteinte au secret des sources. En matière criminelle, l'atteinte pouvait ainsi être justifiée par le double intérêt de la prévention et de la répression de l'infraction. En matière délictuelle en revanche, une atteinte au secret des sources ne pouvait reposer que sur la nécessité de prévenir l'infraction. Il était donc interdit de porter atteinte à ce secret dans le but d'assurer la répression d'un délit, quelle que soit sa gravité. Pour ne prendre qu'un exemple, la loi interdisait de porter atteinte au secret des sources dans le but de réprimer des faits constitutifs d'une association de malfaiteurs en vue d'actes de terrorisme.
Pour le Conseil, le législateur n'a pas assuré "une conciliation équilibrée entre la liberté d'expression et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, la recherche des auteurs d'infractions et la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle".
L'immunité pénale
Le contrôle de proportionnalité est d'une intensité identique lorsque le Conseil examine les personnes bénéficiant de l'immunité pénale au nom du secret des sources. Dans ce domaine, le législateur affirmait, de manière quelque peu surprenante, que le secret ne concernait pas seulement les journalistes mais aussi "les collaborateurs de la rédaction", notion faisant l'objet d'une définition extrêmement large. Etaient ainsi titulaire du secret des sources "toutes les personnes qui, par leur fonction au sein de la rédaction (...) sont amenées à prendre connaissance d'informations permettant de découvrir une source (...)". La personne chargée du standard téléphonique se trouvait protégée par le secret des sources, dès lors qu'elle avait mis en communication une personne identifiable avec un journaliste. Il en était de même du pigiste, voire du stagiaire s'il avait entendu parler d'investigations en cours en distribuant les cafés. C'est donc un principe d'irresponsabilité générale des employés de l'entreprise de presse ou de médias audiovisuels qui était posé.
Il n'est pas surprenant que le Conseil ait estimé, une nouvelle fois, que la conciliation était déséquilibrée entre la liberté d'expression et le secret des correspondances d'un côté, et la recherche des auteurs d'infractions ainsi que les exigences des intérêts de la Nation de l'autre côté.
De toute évidence, il n'a pas échappé au Conseil que ces dispositions étaient le résultat d'un lobbying efficace des différents syndicats et associations chargés de défendre les intérêts des journalistes. L'annulation ainsi prononcée impose désormais une nouvelle intervention du législateur et sans doute une plus grande modération des lobbys lors des futurs débats. Tous sont clairement avertis que le Conseil exercera sur le futur texte un contrôle de proportionnalité exigeant. N'a t il pas rappelé que la protection des sources des journalistes n'est pas un droit de valeur constitutionnelle, principe qu'il avait déjà affirmé dans sa décision QPC du 24 juillet 2015, mais que le législateur avait feint d'oublier ? Il serait sans doute utile de préciser, dans les débats à venir, que le secret des sources est indispensable, précisément parce qu'il n'est pas une prérogative des journalistes mais un instrument de protection d'un tiers, cette "source" dont finalement on parle bien peu.
Sur le secret des sources : Chap 9, section 1 § 2, B du manuel de libertés publiques.
Comme toujours, vous fournissez un éclairage intéressant sur une problématique traitée de façon anecdotique, caricaturale si ce n'est manichéenne (les bons et les mauvais) par les médias. Deux maux français y sont parfaitement décrits.
RépondreSupprimer- Le culte de la norme
Pour répondre à un problème, c'est toujours ce train de dispositions législatives empilées au fil des années et des mois, redondantes, parfois surréalistes. Redondance, intérêt marginal, fausse transparence, contrôle excessif et souvent inefficace : tel est le dénominateur commun à toutes ces approches. Au final, le problème traité demeure entier.
- Le culte de l'excès
Traiter efficacement un problème, c'est d'abord et avant tout en prendre la juste mesure. Porter le bon diagnostic pour y apporter le meilleur remède. Or, nous n'avons ni l'un, ni l'autre. Le plus souvent, nous frisons l'absurde. De quoi parle-t-on ? Aujourd'hui, un journaliste est mieux protégé qu'un fonctionnaire des services de renseignement. Il peut, presque en toute impunité, diffuser en direct des procès-verbaux d'audition de témoins par un juge d'instruction (couverts par le secret de l'instruction ?), juger médiatiquement un citoyen avant même tout jugement judiciaire au mépris de la présomption d'innocence sans en subir les conséquences. Un site d'information s'est transformé au fil des ans en site de dénonciation en ligne. Vichy a encore de beaux restes. Est-ce acceptable ? Est-ce admissible ?
Secret des sources, oui mais pas à n'importe quel prix et surtout pas à celui de la défense des intérêts supérieurs de la Nation et des droits fondamentaux des citoyens !
"Toutes les solutions sont possibles dans une époque diaboliquement confuse" (Pablo Neruda).