Quelle est la nature de cette procédure de soutien ? Se rattache-t-elle au droit de pétition ou au droit de vote ? L'enjeu de cette distinction est essentiel, car elle conditionne le caractère public ou non de ces soutiens.
Le droit de pétition et la publicité
Il existe un droit de pétition d'initiative purement privée. L'usage d'internet a ainsi suscité la création de sites sur lesquels n'importe qui peut ouvrir une pétition sur n'importe quoi. La pétition n'a alors qu'une fonction militante, finalement assez proche de la liberté de manifester : on affirme ses convictions en utilisant cette nouvelle forme d'espace public qu'est le web.
Il existe aussi un droit de pétition juridiquement organisé. Il était déjà réclamé dans les carnets de doléances, et il fut consacré par la Constitution de 1791 qui considère comme "droit naturel et civil (...) la liberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement". Aujourd'hui, certaines pétitions font l'objet d'une reconnaissance juridique, telles celles qui sont présentées au parlement européen par "tout citoyen de l'Union", en vertu de l'article 227 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ou celui prévu par l'article 4 de l'ordonnance du 17 novembre 1958. Il permet aux citoyens d'adresses des pétitions individuelles ou collectives à l'Assemblée nationale, à condition toutefois de ne pas "les apporter à la barre", délicieuse réminiscence des pratiques de la Convention. Enfin, depuis la révision de 2008, les citoyens peuvent adresser des pétitions au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Si le seuil de 500 000 signatures est franchi, le CESE rend un avis sur la question posée, et le transmet au gouvernement qui en fait ensuite.. exactement ce qu'il veut.
Quelles que soient ses modalités et son encadrement ou non par le droit positif, le droit de pétition se définit d'abord par sa fonction de protestation. Il repose donc sur la publicité : comment protester efficacement si votre nom n'apparaît pas dans la liste des protestataires, de préférence en bonne place, en haut de la liste ? Il existe même des signataires compulsionnels, qui adhèrent à toutes les causes, ou presque, tant ils veulent afficher leurs convictions.
Certes, mais précisément le soutien apporté par les citoyens à une proposition de loi visant à l'organisation d'un référendum peut témoigner d'une protestation, mais pas nécessairement de son affichage. Le but essentiel est de transformer une protestation stérile en une démarche positive. Le soutien des citoyens est la première étape vers une procédure qui deviendra peut-être parlementaire puis, les signataires l'espèrent, référendaire.
Le droit de vote et le secret
Il est vrai qu'à ce stade, le référendum n'est encore qu'une hypothèse quelque peu lointaine. Il n'aura lieu en effet que si deux conditions successives sont réunies. Dans un premier temps, les soutiens doivent atteindre le seuil de 4 717 396 dans un délai inférieur ou égal à neuf mois. Ensuite la proposition revient au Parlement qui bénéficie d'un véritable droit d'évocation ou de rejet. Dans l'hypothèse où il ne l'a pas examinée dans un délai de six mois, le Président de la République est alors tenu de la soumettre à référendum. Le parlement constitue donc un second obstacle à franchir avant de parvenir à cette consultation.
Cette dissociation entre les deux opérations, les soutiens et la procédure référendaire, a quelque chose d'artificiel, si l'on s'interroge sur la fonction que remplit le principe du secret du vote.
Sur la liberté d'expression politique : Chapitre 9 section 1 du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.
La question est traitée par le II de l'art. 4 du décret n° 2014-1488 du 11 décembre 2014 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Soutien d'une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution » :
RépondreSupprimer" La liste des électeurs soutenant une proposition de loi et dont le soutien est réputé valide est publiée par ordre alphabétique des noms des électeurs sur le site internet du ministère de l'intérieur à compter du début de la période de recueil des soutiens et jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de la décision du Conseil constitutionnel prévue à l'article 45-6 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée. Cette liste, publiée aux seules fins de consultation, précise pour chaque électeur soutenant la proposition de loi son nom, son ou ses prénoms et sa commune, son village pour l'électeur des îles Wallis et Futuna ou son consulat d'inscription sur les listes électorales, tels que saisis par l'électeur ou l'agent mentionné à l'article 3 sur le site internet au moment du dépôt ou de l'enregistrement du soutien. "
Par ailleurs, cette publication permet à tout électeur d'exercer son droit de réclamation. On peut d'ailleurs lire ceci sur le site du Conseil constitutionnel :
RépondreSupprimer"Le site internet dédié au recueil des soutiens permet de déposer une réclamation dans les cas de figure suivants :
L'électeur a déposé un soutien à une proposition de loi référendaire mais ne voit pas apparaître son nom dans la liste publique des soutiens au terme du délai de cinq jours (au terme de sept jours, en cas d'enregistrement par l'intermédiaire d'un agent de mairie ou de consulat) entre l'enregistrement sur le site internet et la validation ou le rejet du soutien ;
L'électeur n'a pas déposé de soutien à une proposition de loi référendaire mais voit apparaître son nom dans la liste publique des soutiens ;
L'électeur estime qu'une tierce personne figure à tort dans la liste publique des soutiens à une proposition de loi référendaire ;"
Il m'a semblé que l'auteur de cet article questionnait la pertinence de ne pas appliquer le principe du secret du vote aux pétitions de soutien du projet de loi résultant de l'article 11 de la Constitution, je n'arrive pas à comprendre en quoi le II. de l'article 4 du décret de 2014 traiterait de la question puisque celui ci se borne à affirmer que le principe du secret du vote ne s'appliquait pas à ce cas, il n'explique pas pourquoi..
SupprimerSi je comprends votre argument tenant à rendre possible les réclamations des dépositaires de soutien qui (ne) se retrouveraient (pas) dans la liste (encore que j'ai des réserves à ce sujet puisqu'il est tout à fait envisageable de rendre l'exercice de ces réclamations possible tout en les anonymisant, comme par exemple via l'utilisation des numéros attribués aux signataires lors de leur contribution), j'avoue avoir du mal à visualiser dans quelles hypothèses un électeur serait en position d'estimer qu'une "tierce personne figure à tort dans la liste publique des soutiens"?..
Enfin, il me parait quelque peu cynique d'évoquer la protection des droits des électeurs lorsque les mentions présentes sur le site du RIP s'épanchent au fil des pages sur les sanctions possibles dans le cadre du RIP, alors que les mentions relatives au traitement des données personnelles des signataires, lacunaires, ne respectent même pas le cadre posé par le RGPD et la Loi Informatique et Liberté (alors oui, les informations utiles se retrouvent, en partie, dans la loi organique n°2013-1114 du 6 décembre 2013, mais je me dois de rappeler que Google a été condamnée du fait que les mentions "RGPD" étaient éparpillées en différents endroits, donc l'information des citoyens à ce sujet me parait plus qu'insuffisant).
Au plaisir de vous lire.
L'auteur de l'article reprochait au décret du 11 juin 2019 de ne rien dire sur la publicité des soutiens. Je fais donc simplement remarquer que cette question a déjà été traitée dans un décret permanent qu'elle semble ignorer, de même que d'autres informations disponibles sur le site du Conseil constitutionnel.
SupprimerCela dit, la légalité du décret du 11 décembre 2014 peut toutefois être discutée, encore qu'il ait été pris après avis du Conseil constitutionnel qu'on voit mal le Gouvernement ne pas avoir suivi, même s'il le peut toujours juridiquement.