Dans un arrêt Godelli c. Italie du 25 septembre 2012, la Cour européenne sanctionne la loi italienne qui interdit toute procédure d'accès aux origines au profit des enfants nés d'une femme "qui ne consentait pas à être nommée". Certains voient dans cette décision un premier pas vers la reconnaissance d'un droit d'accès aux origines, et une certaine forme de remise en cause de la jurisprudence Odièvre qui, en 2003, avait déclaré conforme à la Convention européen le dispositif français d'accouchement "sous X". Il est vrai que l'on croit aisément ce que l'on désire. En réalité, la décision Godelli, en condamnant la loi italienne, ne fait que renforcer la loi française.
Comment résoudre un conflit de normes ?
Comment résoudre un conflit de normes ?
La Cour européenne reconnaît que les origines biologiques font partie de l'histoire personnelle de chacun. A ce titre, elles relèvent de la vie privée et familiale, garantie par l'article 8 de la Convention européenne. Comme elle l'avait déjà affirmé dans les arrêts Mikulic c. Croatie de 2002 et Odièvre de 2003, la Cour reconnaît que l'article 8 "protège un droit à l'identité et à l'épanouissement personnel", droit à l'identité dont fait évidemment partie la connaissance de celle des parents biologiques.
Ce rattachement de l'accès aux origines à l'espace de la vie privée est parfaitement conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour européenne. Il n'est pas sans conséquence, puisqu'il permet au juge européen d'admettre la recevabilité de la requête. En revanche, dès lors que l'accès aux origines est un élément de la vie privée, il ne constitue pas un droit autonome et doit être concilié avec les autres facettes du droit à la vie privée. Sur ce point, la décision Godelli pose le délicat problème des conflits de normes. Entre la vie privée de la mère et celle de l'enfant, laquelle doit l'emporter ? La réponse à une telle question peut être confiée à des comités d'éthique, ou au juge. C'est précisément ce type d'arbitrage que doit rendre la Cour européenne dans l'affaire Godelli c. Italie.
Le caractère irréversible de l'anonymat
La Cour européenne sanctionne la loi italienne parce que l'équilibre entre les différents droits en présence n'est pas respecté. En effet, l'anonymat de la mère qui "ne consentait pas à être nommée" est irrréversible en droit italien. Aucune procédure n'est organisée pour qu'ultérieurement, et notamment lorsque l'enfant aura atteint l'âge adulte, cet anonymat soit levé. Aucune instance ne peut être saisie afin de prendre contact avec la mère biologique et lui demander si elle consentirait à une levée du secret des origines. Ce n'est donc pas l'anonymat qui est sanctionné, mais son caractère irréversible.
A contrario, le système français de l'"accouchement sous X" se trouve validé par la Cour européenne. Il est vrai que la décision Odièvre avait déjà affirmé que la loi française n'emportait aucune violation de l'article 8 de la Convention. Mais l'arrêt Gardelli permet de préciser que l'accouchement sous X ne peut exister que si le droit positif met en place une procédure permettant la levée de l'anonymat, en quelque sorte par consentement. C'est effectivement la mission du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP), créé par la loi du 22 janvier 2002. Cette autorité indépendante reçoit les demandes d'accès aux origines formulées par les enfants nés sous X. Elle prend alors contact avec la mère biologique, et lui demande si elle souhaite que son identité soit communiquée à l'enfant. Celle-ci peut refuser, ce qui montre que l'accès aux origines est une faculté, mais pas un droit.
Après l'arrêt Odièvre, après aussi la décision du Conseil constitutionnel rendue sur QPC le 16 mai 2012 qui consacrait la constitutionnalité de la loi française, la décision Gardelli renforce la procédure d'accouchement sous X. Alors même que celle-ci semblait devoir céder sous les pressions des partisans de la consécration d'un droit d'accès aux origines, elle est aujourd'hui considérée comme l'instrument d'un équilibre entre deux histoires également douloureuses, celle d'une mère, souvent très jeune ou dans une situation précaire, qui n'a pas pu assumer sa grossesse, et celle d'un enfant à la recherche de son identité.
Ce rattachement de l'accès aux origines à l'espace de la vie privée est parfaitement conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour européenne. Il n'est pas sans conséquence, puisqu'il permet au juge européen d'admettre la recevabilité de la requête. En revanche, dès lors que l'accès aux origines est un élément de la vie privée, il ne constitue pas un droit autonome et doit être concilié avec les autres facettes du droit à la vie privée. Sur ce point, la décision Godelli pose le délicat problème des conflits de normes. Entre la vie privée de la mère et celle de l'enfant, laquelle doit l'emporter ? La réponse à une telle question peut être confiée à des comités d'éthique, ou au juge. C'est précisément ce type d'arbitrage que doit rendre la Cour européenne dans l'affaire Godelli c. Italie.
France Gall. Si Maman si. 1977
La Cour européenne sanctionne la loi italienne parce que l'équilibre entre les différents droits en présence n'est pas respecté. En effet, l'anonymat de la mère qui "ne consentait pas à être nommée" est irrréversible en droit italien. Aucune procédure n'est organisée pour qu'ultérieurement, et notamment lorsque l'enfant aura atteint l'âge adulte, cet anonymat soit levé. Aucune instance ne peut être saisie afin de prendre contact avec la mère biologique et lui demander si elle consentirait à une levée du secret des origines. Ce n'est donc pas l'anonymat qui est sanctionné, mais son caractère irréversible.
A contrario, le système français de l'"accouchement sous X" se trouve validé par la Cour européenne. Il est vrai que la décision Odièvre avait déjà affirmé que la loi française n'emportait aucune violation de l'article 8 de la Convention. Mais l'arrêt Gardelli permet de préciser que l'accouchement sous X ne peut exister que si le droit positif met en place une procédure permettant la levée de l'anonymat, en quelque sorte par consentement. C'est effectivement la mission du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP), créé par la loi du 22 janvier 2002. Cette autorité indépendante reçoit les demandes d'accès aux origines formulées par les enfants nés sous X. Elle prend alors contact avec la mère biologique, et lui demande si elle souhaite que son identité soit communiquée à l'enfant. Celle-ci peut refuser, ce qui montre que l'accès aux origines est une faculté, mais pas un droit.
Après l'arrêt Odièvre, après aussi la décision du Conseil constitutionnel rendue sur QPC le 16 mai 2012 qui consacrait la constitutionnalité de la loi française, la décision Gardelli renforce la procédure d'accouchement sous X. Alors même que celle-ci semblait devoir céder sous les pressions des partisans de la consécration d'un droit d'accès aux origines, elle est aujourd'hui considérée comme l'instrument d'un équilibre entre deux histoires également douloureuses, celle d'une mère, souvent très jeune ou dans une situation précaire, qui n'a pas pu assumer sa grossesse, et celle d'un enfant à la recherche de son identité.