Un projet de loi devrait être déposé, courant octobre 2012, autorisant ce qu'il est convenu d'appeler "le mariage homosexuel". Un groupe de sénateurs socialistes menés par Esther Benbassa (Europe-Ecologie-Les Verts) ont, de leur côté, suscité une proposition parlementaire en ce sens. Le travail législatif est donc en cours et spéculer sur le contenu de la loi future est un exercice parfaitement vain. On voit cependant déjà apparaître les obstacles qui devront être surmontés, pour que la cohérence du nouveau droit du mariage soit assuré.
Egalité devant le mariage
Le premier obstacle réside dans l'élaboration d'un droit "communautaire", se bornant à reprendre la revendication de la communauté homosexuelle. Il apparaît, en filigrane, dans la proposition Benbassa, qui propose une nouvelle rédaction de l'article 144 du code civil : "Le mariage est l'union célébrée par un officier d'état civil entre deux personnes de même sexe ou de sexe différent, ayant toutes deux dix-huit ans révolus". Pourquoi cette référence au "même sexe" et au "sexe différent" ? Il suffirait de définir le mariage comme "l'union entre deux personnes", sans référence à leur sexe. Rien n'interdit ensuite, de poser certaines restrictions, et de rappeler notamment l'interdiction du mariage entre membres de la même famille. Le mariage des homosexuels était la revendication d'une communauté. Le droit positif, lui, doit se borner à assurer l'égalité devant le mariage, quel que soit le sexe des époux.
Une telle analyse est conforme au droit de la convention européenne. S'il est vrai que l'article 12 de la Convention consacre un "droit de se marier" dont sont titulaires "l'homme et la femme", il ne précise pas que les deux conjoints doivent être de sexe différent. La Cour européenne, depuis un arrêt Schalk et Kopf c. Autriche du 24 juin 2012, considère ainsi que le choix de considérer les homosexuels comme titulaires du droit au mariage relève de la compétence des Etats.
Mariage et famille
Le second obstacle réside dans une lecture trop étroite de la réforme législative en cours. L'égalité devant la loi exige, en effet, que les couples homosexuels mariés se trouvent dans la même situation juridique que les couples hétérosexuels au regard du droit de la famille. Une réflexion doit donc être engagée sur l'élargissement de la notion même de famille.
La question se pose d'abord pour l'adoption, car refuser aux couples homosexuels le droit d'adopter un enfant reviendrait à consacrer un droit au mariage "à deux vitesses". Rien n'est impossible, et le législateur est parfaitement compétent pour donner la définition actuelle de la famille. Il n'empêche que refuser aux couples homosexuels le droit d'adopter un enfant susciterait de nouvelles revendications, appuyées cette fois sur le principe d'égalité devant la loi et sur celui de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Au-delà de l'adoption, c'est évidemment l'assistance médicale à la procréation qui devient le coeur du débat. Pour les mêmes raisons d'égalité devant la loi, on ne voit pas pourquoi les couples de femmes homosexuelles se verraient refuser le recours à l'insémination avec donneur.
Guido Reni. Saint Joseph avec l'enfant Jésus. 1635 |
Un droit peut en cacher un autre
Dans ce cas, les couples d'hommes homosexuels risquent d'invoquer une discrimination s'ils ne peuvent recourir à la gestation pour autrui, c'est à dire en langage courant à une "mère porteuse". En effet, les femmes homosexuelles pourraient concrétiser leur désir d'enfant, alors que les hommes se verraient interdire de fonder une famille.
Le problème est que le droit français interdit purement et simplement la gestation pour autrui à tous les couples, quelle que soit leur orientation sexuelle. Le législateur risque donc de se trouver devant un choix difficile. Soit il persiste dans son refus de la gestation pour autrui, et les couples d'hommes homosexuels risquent de subir une discrimination par rapport aux femmes homosexuelles. Soit il refuse cette discrimination, et il autorise la gestation pour autrui à tous les couples, y compris hétérosexuels. Le débat sur le mariage homosexuel conduirait ainsi a étendre les droits de tous les couples, mariés ou non. Un droit peut en cacher un autre.
Merci pour cet article qui permet de dévoiler clairement certaines conséquences du mariage entre personnes de même sexe, que personne ne veut voir aujourd'hui. La GPA pour les hommes homosexuels deviendra incontournable quand l'AMP sera ouverte aux femmes homosexuelles, c'est une évidence qu'il faut mettre en lumière dans le débat sur l'adoption.
RépondreSupprimerLe Parti socialiste, qui pour l'instant s'est toujours prononcé contre la GPA, va avoir à assumer toutes les conséquences négatives de ce dispositif ! Pour en avoir une liste exhaustive, voir par exemple:http://www.alliancevita.org/2011/10/la-gestation-pour-autrui-pourquoi-s%e2%80%99opposer-a-la-legalisation/
Sur la précision du sexe dans la définition de l'union, c'est une nécessité technique. L'article 144 dans sa rédaction actuelle n'impose pas la différence de sexe : elle est liée à la définition traditionnelle du mariage. Pour bouleverser une telle institution, il faudra être clair !
RépondreSupprimerSur l'adoption qui pourrait ne pas être ouverte dans un premier temps, cela ne tiendra pas car la Cour EDH nous tombera dessus immédiatement (dans un délai raisonnable... bien sûr). Ce serait uniquement un manoeuvre pour calmer les opposants (dont moi pour être transparent).