Pierre Choderlos de Laclos n'est pas seulement l'auteur des "Liaisons dangereuses". Secrétaire du duc d'Orléans, il fut aussi le rédacteur principal, jusqu'à la fin 1791 du Journal des Amis de la Constitution, publication du Club des Jacobins. En août 1791, l'Assemblée débat du texte qui allait devenir la loi Thouret du 22 août 1791. Ce texte institue un certain nombre de délits de presse : provocation à la désobéissance aux lois, à la résistance aux pouvoirs publics, calomnies contre les fonctionnaires et les personnes privées. Laclos défend alors une liberté de presse absolue, comparable à celle que consacre le Premier Amendement le Constitution Américaine, ratifié précisément en 1791.
Pierre Choderlos de Laclos 1741-1803
Maurice Quentin de La Tour
"C'est une grande question, en ce moment, dans une assemblée de gens d'esprit, de savoir s'il faut, à l'exemple de Numa Pompilius, faire fustiger les libellistes ou leur couper les oreilles, suivant la gravité du méfait. Nous avouons que tout cela n'est pas une question pour nous ; que nous persistons à penser que la liberté de la presse doit être indéfinie ; et qu'une loi même contre les libelles et les libellistes ous paraît plus dangereuse qu'utile, en ce qu'elle deviendrait trop facilement l'occasion ou le prétexte de détruire le palladium de tous les libertés.
Est-il possible comme le département et la municipalité de Paris l'ont demandé, qu'il y ait un code sur la liberté de la presse ? (...) Ne conviendrait-il pas de placer au rang des crimes de lèse-nation, au premier chef, tout atteinte portée à la liberté de la presse ?".
(...)
De la liberté des opinions reconnues par la Déclaration des droits naît, comme une conséquence nécessaire, la liberté indéfinie de la presse, le droit de vendre, donner, publier, colporter, afficher sa pensée, ses projets, ses spéculations. On a beaucoup parlé contre les placards. Mais le seul homme qui ait le droit de m'empêcher de coller ma pensée sur un mur, c'est le propriétaire de la maison. Ce droit, cette liberté indéfinie, tient à la souveraineté du peuple, qui ne peut être aliénée et qui existe dans chaque individu. L'Assemblée nationale elle-même ne peut pas y porter atteinte. Les mandataires de peuple, lorsqu'ils ont provoqué une loi pénale et inquisitoriale contre la presse, ont été infidèles à leurs devoirs et traîtres aux droits de leurs commettants (...)".
Un grand merci pour la mise en ligne de ce texte dont j'ignorais totalement l'existence (Errare humanum est ...). Il nous rappelle fort à propos que tout a été dit, écrit sur ce sujet brûlant des limites à la liberté d'expression.
RépondreSupprimerForce est de constater que, plus l'on proclame un principe, plus on l'affaiblit par l'extension indéfinie du champ de ses exceptions pour protéger la sensibilité de tel (telle) ou tel (telle) dans notre pays des Lumières pour "copier" ce qui se fait Outre-Atlantique et suivre la mode des "réseaux sociaux". La liste des sujets sur lesquels l'émission d'une opinion dissidente est interdite, punie du bûcher médiatique ne cesse de s'allonger au fil du temps. Où sont nos droits de l'hommiste de salon ou de carnaval, les rentiers de l'indignation à géométrie variable, censés se battre pour défendre l'intangibilité des principes sacrés, des "Libertés chéries" ? Nous vivons à une époque que certains qualifient très justement de "diagonale du flou".
La fatalité n'est que l'alibi de la lâcheté. Le prix de la résistance peut paraître exorbitant mais ô combien plus louable.