L'avis publié par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) le 27 juin 2017 porte sur "les demandes sociétales de recours à l'assistance médicale à la procréation". Cette référence aux demandes "sociétales" pourrait surprendre mais le Comité veut ainsi montrer que sa réflexion n'est pas de nature médicale.
Son objet est de réfléchir sur la réponse qu'il convient de donner aux différentes pressions sociales qui s'exercent en faveur de certaines techniques de procréation. Elles ont toujours existé dans en matière de procréation. On sait que la loi Neuwirth de 1967 est le produit d'une revendication en faveur de la contraception comme la loi Veil celui d'une demande très forte de libéralisation de l'IVG. Il en a été de même des revendications en faveur de l'insémination avec donneur (IAD) et de la fécondation in vitro avec réimplantation (Fivette). Dans tous les cas, on a souvent présenté ces techniques comme étant de nature médicale, alors qu'elles n'avaient pas pour objet de soigner une pathologie et de guérir un patient. Leur but était soit de permettre aux femmes de gérer leur propre fécondité en planifiant les naissances, soit d'offrir à un couple confronté à des des problèmes de fécondité la possibilité de donner naissance à un enfant.
Aujourd'hui, le CCNE assume parfaitement cette distinction et affirme que son avis n'a pas pour objet de réfléchir sur des techniques médicales nouvelles, mais de répondre, positivement ou négativement, à une demande sociale en faveur de l'accès à l'assistance médicale à la procréation (AMP). Les réponses données sont très nuancées selon les demandes identifiées et le CCNE oscille entre libéralisme, statu quo, et rigueur.
Libéralisme : l'ouverture de l'IAD aux homosexuelles
Libéralisme tout d'abord, et les
médias retiennent surtout de l'avis du CCNE qu'il ouvre l'AMP aux femmes seules
et aux homosexuelles, en couple ou seules. La
demande sociale était très forte, en faveur d'un accès des
femmes homosexuelles et des femmes seules à l'insémination avec donneur (IAD). Elle permet
en effet de procréer avec les gamètes d'un
donneur anonyme.
La lecture de l'avis montre que le Comité est parfaitement conscient du caractère sensible de cette demande, à un moment où des lobbies issus de La Manif pour Tous ou de Sens Commun s'efforcent d'empêcher l'accès des homosexuels à l'AMP. Il reprend donc toutes les critiques d'ordre général adressées à l'assistance médicale à la procréation : rupture avec les origines, risque de grandir sans père, coût du traitement et rareté des dons de gamètes, risque de marchandisation du corps humain etc.
Ces arguments sont tous écartés par le CCNE. Il fait observer que les études portant sur les enfants élevés par des femmes seules, ou d'une manière générale par des familles mono-parentales ne permettent pas de déceler des effets négatifs pour les enfants. Au demeurant, le CCNE fait observer qu'il n'est pas interdit à une femme seule de concevoir un enfant qu'elle entend élever seule. De même, s'il est vrai que les dons de gamètes sont insuffisants, les interdire aux couples d'homosexuelles ou aux femmes seules revient à favoriser la création d'un marché de la procréation qui se développerait en dehors de tout cadre juridique. Déjà 2000 à 3000 femmes seules se rendent à l'étranger chaque année pour bénéficier d'une IAD. In fine, le Comité s'appuie sur l'autonomie des femmes : la décision de concevoir un enfant seule ou au sein d'un couple homosexuel est un projet réfléchi, programmé, concerté. Dès lors, la loi doit tenir compte de la diversification des formes de vie de famille et éviter de stigmatiser les couples homosexuels en leur refusant l'accès à l'AMP.
Certes, mais ce libéralisme du CCNE ne porte que sur l'insémination avec donneur (IAD) et non pas sur l'assistance médicale à la procréation en général, contrairement à ce qui est affirmé dans la presse. Or l'IAD n'est qu'une technique parmi d'autres, technique déjà ancienne et très facile à mettre en oeuvre. C'est si vrai que, jusqu'à présent, les femmes seules ou les couples d'homosexuelles se rendaient tout simplement dans un pays proche, par exemple la Belgique, pour obtenir une IAD. Elles rentraient ensuite tranquillement en France pour faire suivre leur grossesse et accoucher dans les conditions du droit commun. D'une certaine manière, le CCNE valide ce qui existe déjà depuis bien longtemps.
Ce libéralisme disparaît cependant si l'on considère les deux autres techniques d'AMP étudiées dans l'avis.
La lecture de l'avis montre que le Comité est parfaitement conscient du caractère sensible de cette demande, à un moment où des lobbies issus de La Manif pour Tous ou de Sens Commun s'efforcent d'empêcher l'accès des homosexuels à l'AMP. Il reprend donc toutes les critiques d'ordre général adressées à l'assistance médicale à la procréation : rupture avec les origines, risque de grandir sans père, coût du traitement et rareté des dons de gamètes, risque de marchandisation du corps humain etc.
Ces arguments sont tous écartés par le CCNE. Il fait observer que les études portant sur les enfants élevés par des femmes seules, ou d'une manière générale par des familles mono-parentales ne permettent pas de déceler des effets négatifs pour les enfants. Au demeurant, le CCNE fait observer qu'il n'est pas interdit à une femme seule de concevoir un enfant qu'elle entend élever seule. De même, s'il est vrai que les dons de gamètes sont insuffisants, les interdire aux couples d'homosexuelles ou aux femmes seules revient à favoriser la création d'un marché de la procréation qui se développerait en dehors de tout cadre juridique. Déjà 2000 à 3000 femmes seules se rendent à l'étranger chaque année pour bénéficier d'une IAD. In fine, le Comité s'appuie sur l'autonomie des femmes : la décision de concevoir un enfant seule ou au sein d'un couple homosexuel est un projet réfléchi, programmé, concerté. Dès lors, la loi doit tenir compte de la diversification des formes de vie de famille et éviter de stigmatiser les couples homosexuels en leur refusant l'accès à l'AMP.
Certes, mais ce libéralisme du CCNE ne porte que sur l'insémination avec donneur (IAD) et non pas sur l'assistance médicale à la procréation en général, contrairement à ce qui est affirmé dans la presse. Or l'IAD n'est qu'une technique parmi d'autres, technique déjà ancienne et très facile à mettre en oeuvre. C'est si vrai que, jusqu'à présent, les femmes seules ou les couples d'homosexuelles se rendaient tout simplement dans un pays proche, par exemple la Belgique, pour obtenir une IAD. Elles rentraient ensuite tranquillement en France pour faire suivre leur grossesse et accoucher dans les conditions du droit commun. D'une certaine manière, le CCNE valide ce qui existe déjà depuis bien longtemps.
Ce libéralisme disparaît cependant si l'on considère les deux autres techniques d'AMP étudiées dans l'avis.
Voutch, les joies du monde moderne, 2015
Statu quo : l'autoconservation des ovocytes
L'autoconservation des ovocytes est demandée par des femmes jeunes qui souhaitent repousser une grossesse. Il s'agit très concrètement de prévenir d'éventuels problèmes de fertilité qui, selon l'état des connaissances médicales, sont susceptibles d'apparaître après l'âge de trente-cinq ans. Pour le moment, la conservation des gamètes n'est licite que dans deux cas. D'une part, et cela concerne aussi bien les hommes que les femmes, elle est autorisée depuis la loi du 6 août 2004 au profit des personnes qui suivent un traitement médical susceptible d'altérer leur fécondité. D'autre part, la loi du 7 juillet 2011 offre aux donneurs de sperme et aux donneuses d'ovocytes qui n'ont pas encore procréé la possibilité de recueil et de conservation de leurs gamètes, pour qu'ils puissent ultérieurement les utiliser s'ils rencontrent, plus tard, des difficultés à procréer.
Convient-il d'offrir cette autoconservation des ovocytes "de précaution" à toutes les femmes qui la souhaitent ? Le CCNE estime qu'une telle généralisation est "difficile à défendre".
La première réserve formulée par le CCNE est d'ordre psychologique. Aux yeux du Comité, proposition l'autoconservation à toutes les femmes jeunes pourrait leur faire croire qu'elles souscrivent une sorte d'assurance leur garantissant de pouvoir mener à bien une grossesse, plus tard. Le problème est que précisément cette assurance n'existe pas. D'abord, parce qu'elles auront aussi besoin de gamètes masculins lorsqu'elles solliciteront une Fivete, technique qui suppose l'existence d'un couple demandeur et non pas d'une femme seule. Ensuite, parce que le succès n'est pas garanti. Les statistiques montrent qu'en l'état actuel de ces techniques, seulement 60 à 70 % des couples qui y recourent parviennent à mettre un enfant au monde. Aux yeux du CCNE, l'autoconservation est donc trompeuse car elle laisse croire qu'il sera facile de réutiliser ces ovocytes.
La second réserve réside précisément dans la pression sociale qui risque de s'exercer sur les jeunes femmes, pression sociale à double tranchant. D'une part, à un âge où elles sont plus préoccupées par leurs études et leur premier emploi, l'autoconservation de leurs ovocytes risque de présenter la maternité comme une fin en soi, sorte de nécessité sociale sans lien avec un désir d'enfant qui ne s'est pas encore manifesté. D'autre part, et c'est un risque plus grand, les entreprises risquent de faire pression sur les jeunes femmes pour qu'elles recourent à l'autoconservation de leurs ovocytes. Celles qui s'y refuseraient risqueraient ainsi d'être écartées des postes les plus élevés. En 2014, NBC annonçait ainsi que Facebook et Apple envisageaient de subventionner la congélation des ovocytes de leurs employées dans le but affiché qu'elles "n'aient plus à choisir entre la carrière et les enfants". En réalité, le choix appartenait surtout à l'entreprise qui pouvait ainsi effectuer une pression sur ses salariées et limiter les congés-maternité.
A ces considérations psychologiques et sociales s'en ajoutent d'autres,
financières. L'autoconservation implique un traitement contraignant et
pénible pour celles qui s'y soumettent. C'est aussi un traitement
onéreux. Le CCNE pose alors la question de sa prise en charge et se
déclare opposé à ce qu'il soit financé par la solidarité nationale. En
effet, l'autoconservation se situe hors de tout contexte de don ou de
pathologie. Alors que la maîtrise des dépenses de santé est de plus en
plus une nécessité, il ne fait guère de doute que cet élément a été
déterminant dans l'avis du CCNE.
Observons cependant que, sur ce point, le CCNE se démarque de la position de l'Académie de médecine, formulée le 19 juin 2017, c'est à dire une semaine avant son propre avis. Elle s'était déclarée favorable à l'autoconservation des ovocytes. Derrière les motifs liés aux droits des femmes peut-être peut-on cependant entrevoir une autre préoccupation. La généralisation de cette technique n'empêcherait pas, en effet, celles qui y ont eu recours de concevoir un enfant "à l'ancienne", sans avoir besoin d'une fivete. De nombreux ovocytes seraient alors inutilisés, mais potentiellement réutilisables à titre de don au profit de couples stériles. L'autoconservation aurait donc pour avantage de permettre la création d'une sorte de gisement d'ovocytes.
Rigueur : La GPA
La plus grande rigueur du CCNE s'exerce à l'égard de la gestation pour autruit (GPA). Dans son avis n° 110 du 1er avril 2010, il avait déjà refusé son introduction dans le droit français. On parlait alors de l'ouverture de la GPA aux couples hétérosexuels, dont la femme est victime d'une infertilité liée à l'impossibilité de porter un enfant. A l'époque, le Comité avait estimé que la GPA portait atteinte à l'intégrité des mères porteuses, et que le désir d'enfant ne saurait emporter la consécration d'un véritable "droit à l'enfant". Il avait également insisté la marchandisation du corps humain entrainée par cette pratique.
Sept ans plus tard, le CCNE estime opportun de s'interroger une nouvelle fois sur la demande sociale en faveur de la GPA. Il parvient à une conclusion identique, en mettant cette fois l'accent sur le caractère inégalitaire du contrat de gestation pour autrui, notamment lorsque la gestatrice est recrutée dans un pays particulièrement pauvre, ce qui est souvent le cas.
Le CCNE cherche donc des moyens pour lutter contre le "tourisme procréatif" qui consiste à aller chercher une mère porteuse dans un pays dont le système juridique accepte la GPA. Certes, il recommande "l'élaboration d'une convention internationale pour l'interdiction de la GPA", posture juridique dont il n'ignore pas qu'elle sera sans effet. On ne voit pas pourquoi les pays qui acceptent actuellement la GPA accepteraient brutalement d'y renoncer... En revanche, le CCNE se montre très sévère sur les conséquences d'une GPA pratiquée à l'étranger. Il suggère de refuser l'adoption plénière à la mère d'intention, c'est-à-dire à l'épouse du père biologique. Il préfère une simple délégation de l'autorité parentale qui ne rompt pas le lien avec la gestatrice. Cette solution est également celle envisagée par la mission d'information du Sénat en février 2016. En cas de doute sur la filiation biologique d'un enfant né à l'étranger, le CCNE propose de faire un test avant de décider de la transcription de son état civil sur les registres français.
Sur le seul plan de la GPA, le Comité d'éthique se montre donc d'une rigueur particulière. On peut d'ailleurs s'interroger sur la conformité de ces recommandations à la jurisprudence Mennesson issue d'un arrêt de la CEDH rendu le 26 juin 2014. La Cour estimait alors que l'intérêt supérieur de l'enfant exigeait que les jumelles des requérants, nées au Texas, disposent d'un état-civil français, élément de leur identité au sein de la société de notre pays. Après bien des difficultés, la Cour de cassation s'était ralliée à cette position dans une décision du 3 juillet 2015. La circulaire Taubira du 25 janvier 2013 avait, sur les mêmes motifs, autorisé la délivrance d'un certificat de nationalité française à ces enfants. La situation s'était donc peu à peu normalisée. Si la GPA demeurait interdite dans notre pays, les enfants nés à l'étranger d'une mère porteuse n'étaient plus victimes d'un ostracisme juridique lié aux conditions de leur naissance. Le Comité d'éthique souhaite-t-il déterrer la hache de guerre ? On peut au moins se poser la question et on se la pose avec d'autant plus d'acuité qu'il est un peu surprenant de constater que les seuls professeurs de droit entendus par le Comité sont bien connus pour leur hostilité envers la GPA. Ils ont parfaitement le droit de faire connaître leur position, mais le CCNE pourrait peut-être, de son côté, mettre en oeuvre le principe du contradictoire.
La lecture de l'avis donne finalement une impression contrastée. Libéralisme pour l'IAD, statu quo pour l'autoconservation des ovocytes, et attaque contre la GPA pratiquée à l'étranger. Ce traitement différencié semble semble pour le moins surprenant, d'autant que l'objet de l'avis était d'étudier la demande sociétale. Or rien n'est proposé pour répondre à la demande des couples infertiles qui ne peuvent pas porter un enfant. La lecture de l'avis va certainement susciter un sentiment d'injustice ou, à tout le moins, d'atteinte à l'égalité devant la loi. Si l'on a un problème d'ovocytes, on peut le résoudre. Si l'on a un problème d'utérus, on ne peut rien faire. Il en est de même des couples homosexuels. Le CCNE reconnait que les femmes homosexuelles ont le droit de "faire famille" comme elles l'entendent, le droit d'engendrer un enfant par IAD, individuellement ou en couple. En revanche, les hommes homosexuels, qui auraient besoin d'une GPA, n'ont droit à rien si ce n'est à toute une série d'ennuis s'ils vont chercher une mère porteuse à l'étranger. L'analyse de la "demande sociétale" fonctionne décidément comme un couperet.
Sur la GPA : chapitre 7, section 2 § 3-B du manuel de libertés publiques sur internet.