Le procès de Christine Lagarde devant la Cour de justice de la République (CJR) a commencé le 12 décembre 2016. Elle est poursuivie pour détournement de fonds publics résultant de sa négligence et commis par un tiers, infraction prévue par l'article 432-16 du code pénal et punie d'un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende.
Ce procès ouvre le volet pénal de l'affaire Tapie, huit ans après un arbitrage qui lui avait accordé plus de 403 millions d'euros, dont 45 au titre de préjudice moral, pour solder son litige avec le Crédit Lyonnais sur la revente d'Adidas. Le 17 février 2015, la Cour d'appel de Paris a annulé cet arbitrage au motif qu'il était frauduleux pour différents motifs, notamment la proximité de Bernard Tapie avec l'un des arbitres. Cette décision a été confirmée par la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation le 30 juin 2016. En même temps, une décision au fond rendue par la Cour d'appel de Paris le 3 décembre 2015 estimait que Bernard Tapie n'avait aucunement été lésé par le Crédit Lyonnais et condamnait donc l'intéressé à restituer les 403 millions d'euros indûment perçus.
Aujourd'hui, la question posée est celle des responsabilités pénales, dès lors que le caractère frauduleux de l'arbitrage est attesté par la justice. La plupart de ceux qui ont organisé cet arbitrage sont poursuivis pour escroquerie en bande organisée ou complicité de détournement de fonds publics. Figurnt parmi les personnes mises en examen Bernard Tapie, Maurice Lantourne sont avocat, Pierre Estoup, l'un des trois arbitres, Stéphane Richard ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde avant de prendre la direction d'Orange. Ils seront jugés par le tribunal correctionnel.
Christine Lagarde, quant à elle, est poursuivie devant la CJR parce qu'elle était, à l'époque, ministre des finances. L'article 68-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle de 1993, énonce que "les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis". Les ministres sont donc poursuivis devant la CJR pour les infractions commises durant leurs fonctions.
Le partage des compétences se trouve précisément dans l'appréciation de l'exercice des fonctions. Christine Lagarde est poursuivie devant la CJR pour des fait liés à ses fonctions ministérielles, dès lors qu'elle est accusée d'avoir, par négligence, laissé organiser un arbitrage frauduleux et terriblement onéreux pour les deniers de l'Etat. En revanche, les faits détachables des fonctions ministérielles relèvent des tribunaux de droit commun. C'est la raison pour laquelle Jérôme Cahuzac, jugé pour fraude et blanchiment à des fins personnelles a été poursuivi et condamné par le tribunal correctionnel.
Ce partage des compétences a été clairement explicité par la Cour de cassation, dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 16 février 2000. A propos de l'affaire Elf, elle a jugé que les poursuites contre Roland Dumas n'avaient "aucun lien direct avec la détermination et la conduite de la Nation et des affaires de l'Etat". Elles pouvaient donc être diligentées devant les tribunaux ordinaires.
Ce privilège de juridiction a pour objet d'empêcher l'impunité des actes des ministres liés à leur fonction, sans pour autant les placer sous la menace de la vindicte politique. Le problème est que la CJR ne parvient pas réellement à assurer l'équilibre recherché.
Ô ministres intègres. Ruy Blas. Victor Hugo. Gérard Philipe. 1954
Observons d'emblée l'une des caractéristiques essentielles de la CJR : si toute personne s'estimant lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut engager un recours devant une commission des requêtes rattachée à la Cour, il lui est interdit de se porter partie civile.
En l'espèce, ce sont des parlementaires socialistes qui sont à l'origine de la saisine de la CJR. Par des courriers d'avril 2011 adressés au procureur général près la Cour de cassation, ils ont fait état des nombreuses anomalies qui ont entouré l'arbitrage et qui peuvent faire soupçonner que Christine Lagarde ait commis diverses infractions. Le procureur a donc saisi pour avis la Commission des requêtes de la CJR en mai 2011. Composée de sept magistrats (Conseillers à la Cour de cassation, Conseillers d'Etats et conseillers-maîtres à la Cour des comptes), cette commission a pour fonction de filtrer le recours. Le 4 août 2011, elle a rendu un avis favorable à la saisine de la Cour.
Par la suite, la procédure a suivi son cours et la formation d'instruction, composée de trois magistrats de la Cour de cassation élus par leurs pairs, a décidé le renvoi de Christine Lagarde devant la CJR. Conformément à l'article 24 de la loi organique du 23 novembre 2016, celle-ci a fait un pourvoi en cassation qui a été rejeté par un arrêt du 22 juillet 2016.
Le problème est que, dans cette affaire, personne ne porte l'accusation. En effet, le procureur général Jean-Claude Marin avait requis un non-lieu. Certes, il n'a pas été suivi lors de la décision de renvoi, mais c'est également lui qui est chargé de l'accusation durant l'audience qui vient de s'ouvrir. Autrement dit, le procureur va oeuvrer pour que l'innocence de l'accusée soit reconnue par la CJR. La situation n'est pas banale et on peut penser que les autres accusés de l'affaire Tapie, ceux qui seront jugés devant le tribunal correctionnel, ne bénéficieront pas du même avantage. Dans l'affaire Lagarde, le procureur joue, en pratique, le rôle d'un avocat supplémentaire de l'accusée.
Les premiers compte-rendu d'audience parus dans la presse montrent que la Présidente de la Cour de justice de la République, Martine Ract-Madoux s'efforce de remédier à l'absence d'accusation et se montre particulièrement pugnace dans ses interrogatoires. Il n'empêche que la composition de la Cour est conçue pour limiter le rôle des magistrats professionnels.
La formation de jugement est composée de quinze juges, six députés, six sénateurs et seulement trois magistrats de la Cour de cassation, dont la présidente. Il est vrai que les parlementaires prêtent serment devant leur assemblée d'origine de "se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats" (art. 2 de la loi organique). Ils sont ainsi soumis au secret des délibérations, et le sénateur Autain a été condamné par le tribunal correctionnel, le 14 novembre 2000, pour l'avoir enfreint lors de l'affaire du sang contaminé.
On peut penser néanmoins que les parlementaires sont plus enclins à pardonner les faiblesses des personnalités politiques que les magistrats professionnels. Les peines prononcées par la CJR sont généralement modestes, sauf quand il est vraiment impossible de faire autrement. Ainsi, en 2004, Michel Gillibert a-t-il été condamné à une peine d'emprisonnement de trois années avec sursis et à une amende de 20 000 € pour avoir détourné des fonds publics. En 2010, Charles Pasqua a également été condamné à un an de prison avec sursis pour complicité et recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire de la SOFREMI. Jusqu'à aujourd'hui, même dans ses verdicts les plus sévères, la CJR n'a donc envoyé personne en prison.
Dans le cas de l'affaire Lagarde, les partisans de l'indulgence ont déjà fait connaître leur argumentaire. Ils estiment que l'ancienne ministre ne devrait pas être jugée avant que le tribunal correctionnel se soit prononcé sur le cas des autres personnes mises en examen dans l'affaire Tapie. Patrick Maisonneuve, son avocat, estime ainsi que "ce n'est pas la CJR qui peut arbitrer l'existence d'un détournement de fonds publics, alors que c'est l'objet de l'instruction en cours". Verrait-il des arbitrages partout ? La décision à venir n'a pas pour objet d"arbitrer l'existence d'un détournement de fond", notion étrange qui ne relève pas du droit pénal. Comme n'importe quelle juridiction pénale, la CJR doit seulement décider si Christine Lagarde est l'auteur d'une négligence ayant permis un détournement de fonds. Elle a juste à qualifier des faits et n'est pas liée par une éventuelle décision, passée ou à venir, d'un tribunal correctionnel. L'argument vise en réalité à présenter l'ancienne ministre comme la malheureuse victime d'une procédure inique.
Il ne fait aucun doute que la Cour de justice de la République va se heurter à bien des difficultés dans l'affaire Lagarde. L'accusation n'existe pas et les juges sont largement issus d'un milieu politique peu enclin à l'auto-flagellation. Surtout, ces juges risquent d'être sensibles à un autre argument, si puissant qu'il n'a même pas besoin d'être explicitement formulé. L'éventuelle condamnation de Christine Lagarde remettrait évidemment en cause la présidence française du FMI, raison d'Etat sans aucun rapport avec sa culpabilité ou son innocence, mais argument auquel certains pourraient ne pas être insensibles.
Aujourd'hui, la question posée est celle des responsabilités pénales, dès lors que le caractère frauduleux de l'arbitrage est attesté par la justice. La plupart de ceux qui ont organisé cet arbitrage sont poursuivis pour escroquerie en bande organisée ou complicité de détournement de fonds publics. Figurnt parmi les personnes mises en examen Bernard Tapie, Maurice Lantourne sont avocat, Pierre Estoup, l'un des trois arbitres, Stéphane Richard ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde avant de prendre la direction d'Orange. Ils seront jugés par le tribunal correctionnel.
Une infraction liée à l'exercice des fonctions ministérielles
Christine Lagarde, quant à elle, est poursuivie devant la CJR parce qu'elle était, à l'époque, ministre des finances. L'article 68-1 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle de 1993, énonce que "les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis". Les ministres sont donc poursuivis devant la CJR pour les infractions commises durant leurs fonctions.
Le partage des compétences se trouve précisément dans l'appréciation de l'exercice des fonctions. Christine Lagarde est poursuivie devant la CJR pour des fait liés à ses fonctions ministérielles, dès lors qu'elle est accusée d'avoir, par négligence, laissé organiser un arbitrage frauduleux et terriblement onéreux pour les deniers de l'Etat. En revanche, les faits détachables des fonctions ministérielles relèvent des tribunaux de droit commun. C'est la raison pour laquelle Jérôme Cahuzac, jugé pour fraude et blanchiment à des fins personnelles a été poursuivi et condamné par le tribunal correctionnel.
Ce partage des compétences a été clairement explicité par la Cour de cassation, dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 16 février 2000. A propos de l'affaire Elf, elle a jugé que les poursuites contre Roland Dumas n'avaient "aucun lien direct avec la détermination et la conduite de la Nation et des affaires de l'Etat". Elles pouvaient donc être diligentées devant les tribunaux ordinaires.
Ce privilège de juridiction a pour objet d'empêcher l'impunité des actes des ministres liés à leur fonction, sans pour autant les placer sous la menace de la vindicte politique. Le problème est que la CJR ne parvient pas réellement à assurer l'équilibre recherché.
Ô ministres intègres. Ruy Blas. Victor Hugo. Gérard Philipe. 1954
Les limites de l'accusation
Observons d'emblée l'une des caractéristiques essentielles de la CJR : si toute personne s'estimant lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut engager un recours devant une commission des requêtes rattachée à la Cour, il lui est interdit de se porter partie civile.
En l'espèce, ce sont des parlementaires socialistes qui sont à l'origine de la saisine de la CJR. Par des courriers d'avril 2011 adressés au procureur général près la Cour de cassation, ils ont fait état des nombreuses anomalies qui ont entouré l'arbitrage et qui peuvent faire soupçonner que Christine Lagarde ait commis diverses infractions. Le procureur a donc saisi pour avis la Commission des requêtes de la CJR en mai 2011. Composée de sept magistrats (Conseillers à la Cour de cassation, Conseillers d'Etats et conseillers-maîtres à la Cour des comptes), cette commission a pour fonction de filtrer le recours. Le 4 août 2011, elle a rendu un avis favorable à la saisine de la Cour.
Par la suite, la procédure a suivi son cours et la formation d'instruction, composée de trois magistrats de la Cour de cassation élus par leurs pairs, a décidé le renvoi de Christine Lagarde devant la CJR. Conformément à l'article 24 de la loi organique du 23 novembre 2016, celle-ci a fait un pourvoi en cassation qui a été rejeté par un arrêt du 22 juillet 2016.
Le problème est que, dans cette affaire, personne ne porte l'accusation. En effet, le procureur général Jean-Claude Marin avait requis un non-lieu. Certes, il n'a pas été suivi lors de la décision de renvoi, mais c'est également lui qui est chargé de l'accusation durant l'audience qui vient de s'ouvrir. Autrement dit, le procureur va oeuvrer pour que l'innocence de l'accusée soit reconnue par la CJR. La situation n'est pas banale et on peut penser que les autres accusés de l'affaire Tapie, ceux qui seront jugés devant le tribunal correctionnel, ne bénéficieront pas du même avantage. Dans l'affaire Lagarde, le procureur joue, en pratique, le rôle d'un avocat supplémentaire de l'accusée.
Les limites du jugement
Les premiers compte-rendu d'audience parus dans la presse montrent que la Présidente de la Cour de justice de la République, Martine Ract-Madoux s'efforce de remédier à l'absence d'accusation et se montre particulièrement pugnace dans ses interrogatoires. Il n'empêche que la composition de la Cour est conçue pour limiter le rôle des magistrats professionnels.
La formation de jugement est composée de quinze juges, six députés, six sénateurs et seulement trois magistrats de la Cour de cassation, dont la présidente. Il est vrai que les parlementaires prêtent serment devant leur assemblée d'origine de "se conduire en tout comme dignes et loyaux magistrats" (art. 2 de la loi organique). Ils sont ainsi soumis au secret des délibérations, et le sénateur Autain a été condamné par le tribunal correctionnel, le 14 novembre 2000, pour l'avoir enfreint lors de l'affaire du sang contaminé.
On peut penser néanmoins que les parlementaires sont plus enclins à pardonner les faiblesses des personnalités politiques que les magistrats professionnels. Les peines prononcées par la CJR sont généralement modestes, sauf quand il est vraiment impossible de faire autrement. Ainsi, en 2004, Michel Gillibert a-t-il été condamné à une peine d'emprisonnement de trois années avec sursis et à une amende de 20 000 € pour avoir détourné des fonds publics. En 2010, Charles Pasqua a également été condamné à un an de prison avec sursis pour complicité et recel d'abus de biens sociaux dans l'affaire de la SOFREMI. Jusqu'à aujourd'hui, même dans ses verdicts les plus sévères, la CJR n'a donc envoyé personne en prison.
Dans le cas de l'affaire Lagarde, les partisans de l'indulgence ont déjà fait connaître leur argumentaire. Ils estiment que l'ancienne ministre ne devrait pas être jugée avant que le tribunal correctionnel se soit prononcé sur le cas des autres personnes mises en examen dans l'affaire Tapie. Patrick Maisonneuve, son avocat, estime ainsi que "ce n'est pas la CJR qui peut arbitrer l'existence d'un détournement de fonds publics, alors que c'est l'objet de l'instruction en cours". Verrait-il des arbitrages partout ? La décision à venir n'a pas pour objet d"arbitrer l'existence d'un détournement de fond", notion étrange qui ne relève pas du droit pénal. Comme n'importe quelle juridiction pénale, la CJR doit seulement décider si Christine Lagarde est l'auteur d'une négligence ayant permis un détournement de fonds. Elle a juste à qualifier des faits et n'est pas liée par une éventuelle décision, passée ou à venir, d'un tribunal correctionnel. L'argument vise en réalité à présenter l'ancienne ministre comme la malheureuse victime d'une procédure inique.
Il ne fait aucun doute que la Cour de justice de la République va se heurter à bien des difficultés dans l'affaire Lagarde. L'accusation n'existe pas et les juges sont largement issus d'un milieu politique peu enclin à l'auto-flagellation. Surtout, ces juges risquent d'être sensibles à un autre argument, si puissant qu'il n'a même pas besoin d'être explicitement formulé. L'éventuelle condamnation de Christine Lagarde remettrait évidemment en cause la présidence française du FMI, raison d'Etat sans aucun rapport avec sa culpabilité ou son innocence, mais argument auquel certains pourraient ne pas être insensibles.
=== LA FRANCE MALADE DE SA JUSTICE (SUITE) ===
RépondreSupprimerLes semaines se suivent et se ressemblent. Vos analyses sont toujours aussi remarquables. La Justice y apparait parfois juste, souvent injuste. Avec votre post consacré au procès de la directrice générale du FMI (sur laquelle il ne nous appartient pas de nous prononcer, Christine Lagarde étant présumée innocente), vous levez un peu plus le voile sur les singularités de la Justice française, et plus spécifiquement, à cette occasion, sur celles concernant la Cour de justice de la République (CJR). Elles sont de quatre ordres.
1. Une singularité tenant à l'existence même de la CJR
Même si les raisons de son existence ne sont pas discutables sur le plan du droit positif (octroyer au ministre un minimum de protection juridique contre l'arbitraire), on peut toutefois s'interroger sur cette exception française. Sur un plan déontologique et politique, ce privilège de juridiction n'apparait-il pas de plus en plus anachronique au moment où nos dirigeants n'ont que les termes d'exemplarité et de normalité à la bouche ? La situation doit-elle rester figée ou doit-elle évoluer à l'avenir ? Si oui, dans quel sens ?
2. Une singularité tenant à la composition de la CJR
Le citoyen demeure perplexe en prenant connaissance de sa composition hybride : mi juridiction de droit commun, mi commission de discipline. C'est le mélange de la carpe et du lapin. On devine que les magistrats professionnels n'ont pas la même approche ("Le terrible aveu de Lagarde", Le Canard enchaîné, 14 décembre 2016, page 1) que les parlementaires, sorte de pairs du prévenu. Alors que les premiers sont censés juger en droit, les seconds seraient tentés de juger en équité avec une pointe de mansuétude pour un des plus hauts fonctionnaires internationaux français. Le débat est loin d'être clos.
3. Une singularité tenant au rôle du procureur de la CJR
Elle est à la fois structurelle (inutile de revenir sur la position de la CEDH sur le parquet à la française) et conjoncturelle (l'actuel procureur général près la Cour de cassation n'est pas à l'abri de tout reproche). On renverra le lecteur à la présentation qu'est faite de l'affaire par Médiapart : "Christine Lagarde devant la Cour d'injustice de la République", Laurent Mauduit, 12 décembre 2016, pages 2 et 3). Il n'est pas rare que certains procureurs, oubliant le sens profond de leur mission, se transforment ainsi en avocat de l'une des parties. On croit rêver mais, parfois, la réalité dépasse la fiction.
4. Une singularité tenant au coeur du litige tranché par la CJR
Même si, une fois encore, votre raisonnement juridique est fort, la conduite de plusieurs procédures différentes pour une seule et même affaire (l'arbitrage Tapie) pourrait soulever certaines difficultés à l'avenir. En un mot, ce litige met en lumière les dysfonctionnements du processus de concertation interministérielle (relevant en principe du premier ministre dans la plus grande transparence) sous le précédent quinquennat (tout se passait au château en toute opacité). Il est facile pour le prévenu de prétendre avoir "été abusée" par des fonctionnaires ("Affaire Tapie : Christine Lagarde n'exclut pas d'avoir 'été abusée'", Pascale Robert-Diard, Le Monde, 14 décembre 2016, page 15).
"L'erreur judiciaire est la plus sûre alliée de la justice d'exception" (Pierre Desproges).
Depuis que l’arrêt a été rendu, je m’interroge sur la légalité de cette dispense de peine accordée à Christine Lagarde.
RépondreSupprimerL’article 68-1 de la Constitution prévoit que « la Cour de justice de la République est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu'elles résultent de la loi ». Ainsi, ce sont les dispositions du droit commun qui s’appliquent quant à la détermination de la peine.
Or, la dispense de peine est prévue à l’article 132-59 du Code pénal, lequel prévoit qu'elle est accordée "lorsqu'il apparaît que le reclassement du coupable est acquis, que le dommage causé est réparé et que le trouble résultant de l'infraction a cessé ». Trois conditions cumulatives sont donc nécessaires pour que les juges octroient une dispense de peine : le reclassement du coupable, la réparation du dommage, et la fin du trouble né de l’infraction.
Dans le cas de Christine Lagarde, il paraît invraisemblable de considérer que les deux dernières conditions sont remplies ! Certes, on peut admettre son « reclassement », sa promotion au FMI l’ayant sans doute guidée sur la voie de la réinsertion… Mais comment considérer que « le dommage causé est réparé » et « que le trouble résultant de l’infraction a cessé », alors même que l’Etat n’a pas encore récupéré les sommes perdues à cause de l’arbitrage ? La motivation de la Cour que vous évoquez n’explique d’ailleurs rien sur ce point…
Doit-on en conclure que devant la Cour de justice, les peines sont arbitraires en cette République ?
Rien de plus à ajouter à cette excellente exégèse de la décision de la Cour de justice de la République, exégèse qui frappe par sa rigueur, sa distance et son objectivité ! On ne peut que partager sa conclusion désabusée. Que pouvait attendre d'autre de la part de cette Cour d'injustice de la République qu'une décision injuste ? (lire à ce sujet parmi d'autres" : "Les leçons de l'affaire Christine Lagarde" de Michel Deléan, www.mediapart.fr). Formons le voeu que la liste des membres de la CJR fasse date dans l'histoire des procès indignes de la "patrie des droits de l'homme" !
RépondreSupprimerComme disait Woody Allen : "La dictature, c'est ferme ta gueule, la démocratie, c'est cause toujours".