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lundi 18 novembre 2013

Sanctions disciplinaires : les faux-semblants du Conseil d'Etat

L'arrêt rendu le 13 novembre par le Conseil d'Etat va certainement susciter bon nombre de commentaires élogieux. La Haute Juridiction n'affirme-t-elle pas elle-même, sur son site que, par cette décision, elle entend "exercer désormais un entier contrôle sur le caractère proportionné de la sanction disciplinaire infligée à un agent public par rapport aux faits fautifs qui l’ont justifié". L'arrêt est donc présenté comme l'un de ceux que l'on fait admirer à la doctrine, pour qu'elle n'oublie pas que la juridiction administrative est là pour garantir les droits des citoyens, administrés ou fonctionnaires. Le passage au contrôle normal en matière de sanctions disciplinaires est donc présenté comme l'instrument d'une meilleure protection des agents publics.

Après avoir fait l'objet d'une "évaluation à 360°" qui ne lui a sans doute pas été favorable, M. B., haut fonctionnaire du Quai d'Orsay exerçant les fonctions d'ambassadeur, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire. Il était accusé d'avoir tenu des propos inappropriés au personnel féminin de son ambassade et d'avoir "fait preuve d'acharnement" en tenant, "de façon répétée, des propos humiliants" à l'égard de l'une de ses subordonnées. Inutile d'ajouter que le  Conseil d'Etat affirme que la réalité de ces actes est attestée par les "pièces du dossier" et de "nombreux témoignages concordants".

Ces éléments à charge ont conduit le Conseil de discipline à prononcer une sanction grave, la mise à la retraite d'office de l'intéressé. 

Pour la première fois, le Conseil d'Etat exerce donc un contrôle normal, tout à fait nouveau, tout à fait protecteur des fonctionnaires sanctionnés, sauf de M. B. Il est vrai que les étudiants en droit administratif savent que la Haute Juridiction fait généralement évoluer sa jurisprudence en deux temps. Dans un premier arrêt, elle énonce sa nouvelle position, mais elle rejette le recours. Dans un second arrêt, des mois ou des années plus tard, elle se réfère à cette jurisprudence nouvelle et la met en oeuvre de manière positive, en annulant l'acte qui lui est déféré. D'une certaine manière, M. B. est la victime de ce mode de revirement, ayant la malchance d'être le premier requérant, et non pas le second. 

Mais l'arrêt semble comporter des vices plus graves, car ils touchent le coeur même des droits des personnes objets d'une procédure disciplinaire. 

Le principe d'impartialité

Le premier d'entre eux est sans doute le droit d'être entendu et jugé par une instance impartiale. Dans la décision, le Conseil observe que M. D., directeur général de l'administration (DGA) du ministère a pris l'ensemble des actes concernant le retrait des fonctions de M. B., qu'il s'agisse de son rappel à Paris après l'évaluation à 360°, ou de la nomination de son successeur. Ensuite, il a établi et signé le rapport, entièrement à charge, demandant la saisine du conseil de discipline et, pour faire bonne mesure, il l'a lui-même présidé.

Pour le Conseil d'Etat, cette absence de distinction entre l'autorité qui saisit le conseil et celle qui juge ne constitue pas une violation du principe d'impartialité, dès lors qu'"il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait, dans la conduite des débats, manqué à l'impartialité requise ou manifesté une animosité particulière à l'égard de l'intéressé". Cette formule est directement issue d'un arrêt Laniez du 15 mai 1960, tellement oublié qu'il ne figure même plus dans les bases de données recensant le droit en vigueur.

De cette jurisprudence antique, on doit déduire qu'une seule personne peut prendre toutes les décisions administratives concernant l'intéressé, saisir le conseil de discipline et le présider, à la seule condition qu'elle ne tienne aucun propos public qui pourrait révéler une animosité à son égard. Cela serait d'ailleurs difficile car les membres d'un conseil de discipline sont soumis au secret professionnel, principe rappelé par le Conseil d'Etat lui-même dans un arrêt Paillaud du 4 novembre 1992.

Le problème est que cette analyse viole aussi bien la jurisprudence du Conseil constitutionnel que celle de la Cour européenne des droits de l'homme. 

Violation de la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 29 août 2002, rattache l'impartialité à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. A l'origine, il ne distinguait guère entre les principes d'indépendance et d'impartialité, également "indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles". Par la suite, il a précisé sa jurisprudence, jusqu'à une décision QPC du 8 juillet 2011 rendue à propos de la justice des mineurs. Précisément, cette dernière reposait sur l'intervention du juge des enfants également compétent pour instruire l'affaire et la juger.

Nous sommes là dans une situation très proche de celle de M. B., puisque le DGA a tout à la fois géré sa carrière, ou plus exactement l'interruption de sa carrière, avant de saisir le conseil de discipline qu'il a lui même présidé. Or, dans sa décision du 8 juillet 2011, le Conseil affirme clairement qu'en  "permettant au juge des enfants (...) qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines", la loi porte atteinte au principe d'impartialité qui a valeur constitutionnelle.

Certains objecteront peut-être qu'une sanction disciplinaire n'est pas une décision de la justice pénale. En quelque sorte, elle serait moins grave et pourrait tolérer une conception plus souple du principe d'impartialité. Là encore, le Conseil constitutionnel oppose une fin de non recevoir à une telle analyse. Dans sa décision rendue sur QPC du 25 novembre 2011, le Conseil constitutionnel énonce très clairement que les principes d'indépendance et d'impartialité garantis par l'article 16 de la Déclaration de 1789 doivent également être respectés, (...) "lorsqu'est en cause une sanction ayant le caractère d'une punition". On le constate, la jurisprudence Laniez ne résiste guère face à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Violation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

Elle ne résiste pas davantage face à celle de la Cour européenne. Celle-ci fait reposer l'exigence d'impartialité sur le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Dans sa décision Adamkiewicz c. Pologne du 2 mars 2010, la Cour définit l'impartialité à travers deux critères cumulatifs.

Le premier critère peut être qualifié de "subjectif" parce qu'il consiste à pénétrer dans la psychologie du juge, à rechercher s'il désirait favoriser un plaideur ou nuire à un justiciable. Dans ce cas, l'impartialité est présumée, jusqu'à preuve du contraire (CEDH, 1er octobre 1982, Piersack c. Belgique). La Cour européenne se montre très rigoureuse à cet égard et ne constate la violation du principe d'impartialité que lorsque la preuve est flagrante. Tel est le cas, dans l'arrêt Remli c. France du 23 avril 1996,  pour un jury de Cour d'assises jugeant un Français d'origine algérienne, dont l'un des jurés a tenu, hors de la salle d'audience mais devant la presse, des propos racistes. C'est sans doute à ce critère subjectif que se réfère le Conseil d'Etat lorsqu'il observe qu'aucun propos révélant une animosité à l'égard de M. B. n'a été relevé. 

Le Conseil d'Etat a sans doute oublié qu'il existe un second critère de l'impartialité, présenté comme   "objectif", parce qu'il s'agit de contrôler l'organisation même de l'institution, qui doit apparaître impartiale, et inspirer la confiance. Sur ce point, la Cour européenne a développé une jurisprudence qui interdit l'exercice de différentes fonctions juridictionnelles par un même juge, dans une même affaire (par exemple : CEDH, 22 avril 2010 Chesne c. France).

La Cour de cassation reprend exactement le même principe dans une décision de la Chambre criminelle du 8 avril 2009. Elle y rappelle l'importance de l'impartialité fonctionnelle, qui interdit notamment à un magistrat de connaître d'une affaire pénale, alors qu'il avait déjà eu à juger de son volet civil. Dans ce cas, ce n'est pas le juge qui est en cause, mais l'organisation judiciaire qui ne satisfait pas au principe d'impartialité. Il en est évidemment de même en matière de sanction disciplinaire, et il est clair qu'un conseil de discipline présidé par celui-là même qui a pris des actes décidant de lui retirer ses fonctions, avant de saisir le conseil, devait inspirer une confiance assez limitée au malheureux M. B.

On le constate, la jurisprudence Laniez, invoquée par le Conseil d'Etat, est en quelque sorte balayée à la fois par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par celle de la Cour européenne des droits de l'homme.

Joan Miro. L'oeil noir

Le contrôle normal

Sur le fond, le Conseil affirme, et c'est ce que retiendra la doctrine, qu'il "appartient au juge de l'excès de pouvoir (...) de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction, et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes". 

Dès lors que le Conseil d'Etat affirme l'exactitude des faits reprochés à M. B., il en déduit qu'ils justifient une sanction. Et la gravité de cette dernière, une mise à la retraite d'office, apparaît au juge parfaitement proportionnée aux faits qui l'ont motivée.

Pour affirmer cette proportionnalité, le juge s'appuie sur deux éléments. Le premier réside dans  "les responsabilités éminentes" de M.B. lui imposant une obligation de ne pas porter atteinte à la dignité de ses fonctions. Le second réside dans le fait que M. B. n'a, "à aucun moment, mesuré la gravité" de ces faits. Autrement dit, le requérant a nié les accusations formulées contre lui. Il a refusé de battre sa coulpe et d'exprimer ses regrets. C'est évidemment un cas grave pour le Conseil d'Etat, qui valide en outre la décision de rendre publique la sanction, en mentionnant le nom de l'intéressé. Pour la Haute Juridiction, cette forme nouvelle de pilori est parfaitement proportionnée aux faits. Reste évidemment à s'interroger sur l'avenir de cette jurisprudence et à se demander dans quels cas le juge considérera une sanction comme disproportionnée.

Certes, le Conseil interdit au requérant toute comparaison avec la situation d'autres fonctionnaires sanctionnés. La proportionnalité ne s'apprécie que par rapport aux faits qui ont motivé la sanction, et non par rapport à d'autres procédures disciplinaires. On ne peut s'empêcher tout de même de faire certains rapprochements. N'a-t-on pas vu récemment un autre ambassadeur auteur d'un détournement de fonds publics sanctionné par un simple blâme, et le décret le rappelant à Paris indiquer seulement qu'il était "appelé à d'autres fonctions" ? De toute évidence, M. B. n'a pas bénéficié d'une indulgence identique.

Le saucissonnage de la procédure

Cette rigueur, tant de l'administration que de son juge, s'explique en partie par une sorte de saucissonnage de la procédure engagée contre M. B., découpage qui n'a jamais permis de l'envisager dans sa globalité. Rappelons tout de même qu'à l'origine des déboires du requérant se trouve cette "évaluation à 360°" qui n'a été institutionnalisée au Quai d'Orsay que par un arrêté du 26 décembre 2011. M. B. en est sans doute la première victime, ayant été "évalué" en juillet 2010, à une époque où la procédure était encore expérimentale. 

Or, M. B. n'a pas obtenu l'ensemble des pièces liées à cette procédure d'évaluation. Il a donc dû s'adresser au tribunal administratif de Paris qui, dans un jugement du 1er février 2013, a fait injonction au Quai d'Orsay de lui communiquer ces documents. La confrontation des dates est fort éclairante : la sanction que conteste M.B. a été prise en juillet 2011, et les pièces de son dossier d'évaluation n'ont été transmises qu'après février 2013. 

On peut en déduire que M.B. a été sanctionné sans avoir eu communication de l'intégralité de son dossier devant le conseil de discipline, alors qu'il s'agit d'une garantie fondamentale des droits du fonctionnaire, et plus largement du principe du contradictoire. Mais le Conseil d'Etat ne raisonne pas ainsi. Il contourne la question, en affirmant que le décret sanctionnant M. B. n'est pas "un acte pris pour l'application de l'évaluation (...) laquelle ne constitue pas davantage sa base légale". Cette affirmation trouve son origine dans un arrêt précédent du 17 juillet 2013, dans lequel il avait déjà rejeté le recours de M.B. contre la procédure d'évaluation.

De fait, la Haute Juridiction prend soin d'affirmer que les témoignages "concordants" ne sont pas ceux qui ont été recueillis lors de la procédure d'évaluation, mais ceux qui ont été effectués durant la procédure disciplinaire. Le fait que la première procédure ait provoqué la seconde n'est pas pris en considération. Et pourtant, cette évaluation a directement suscité une décision de mettre fin aux fonctions de M. B., à une époque où, rappelons-le, il n'avait pas accès à l'intégralité du dossier. Mais le Conseil d'Etat, dans cette même décision du 17 juillet 2013, a décidé qu'il ne s'agissait pas là d'une sanction déguisée.

L'arrêt du 13 novembre 2013 est donc le dernier épisode d'une sorte de feuilleton contentieux durant lequel chaque décision en entraîne une autre, sans que jamais le requérant puisse contester de manière globale la procédure dont il est l'objet. Dans cet échec contentieux, le principe d'impartialité comme les droits de la défense ont été malmenés, et l'élargissement du contrôle prend alors une allure cosmétique. Cette affirmation de principe, ce libéralisme affiché, n'ont-ils pas pour effet de masquer les vices juridiques d'une décision qui peut sembler si étrange que l'on s'interroge sur ses fondements réels ?

8 commentaires:

  1. Excellent : cristal clear et un brin irrévérencieux :-)

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  2. Sans parler, du consul général à Hong-Kong rappelé à paris pour avoir glissé une bouteille de vin de prix dans son pantalon pour la voler dans un club chic de la cité, rappelé Paris et immédiatement promu après une suspension symbolique: il est notoire au Quai que cette procédure n'est utilisée que pour éliminer les opposants aves des reproches montés de toutes pièces.

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  3. En retard sur le Conseil constitutionnel et sur la Cour EDH, le Conseil d'Etat ne le serait-il pas également sur ... lui-même ? Il n'hésite pas, en effet, à sanctionner les décisions disciplinaires notamment prises par des autorités administratives indépendantes lorsque le rapporteur, qui a instruit l'affaire, participe à la prise de décision. Il est vrai qu'il n'aime pas les AAI.

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  4. Votre billet appelle une petite remarque de ma part. Dans l'item de l'impartialité, vous écrivez que "on doit déduire qu'une seule personne peut prendre toutes les décisions administratives concernant l'intéressé, saisir le conseil de discipline et le présider, à la seule condition qu'il ne tienne aucun propos public qui pourrait révéler".

    Seule la saisine du conseil est une décision réelle. La CAP disciplinaire n'est que consultative et ne lui incombe dans cette matière, aucune décision. Et j'imagine que le CE n'aurait pas laissé un PV de proposition de sanction signé par X, dont l'avis favorable ou non de retour soit également signé par ce même X.
    C'est exactement là que votre parallèle avec le système judiciaire ne tient pas la route.
    Vous vous étonnez d'un rapport uniquement à charge : c'est somme toute normal, le rapport à charge est nuancé par les observations que l'agent peut fournir, et surtout, le débat contradictoire. Si on devait tenter un parallèle douteux, le procureur instruit bien à charge. Évidemment, il retire de lui-même les éléments les moins démontrables ; ce que fait également le rédacteur du rapport.

    Sur l'évaluation. Les évaluations (au sens large) ne font jamais partie du dossier disciplinaire. AU mieux, du dossier administratif. Elles ne sont qu'un élément de contexte permettant d'apprécier le comportement général de l'agent, mais ne justifient jamais d'une sanction, quand bien même, des éléments qu'elles comportent, sont ré-utilisés dans les pièces disciplinaires par celui qui sollicite la sanction. Je prends un exemple : sur une évaluation sont mentionnées de nombreuses absences injustifiées d'un agent. Elle ne sera pas retenue comme pièce disciplinaire. En revanche, les relevés de pointage, éventuels témoignages concordants eux le seront.

    Cordialement,

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    1. Cher lecteur Anonyme,

      Merci pour votre lecture et pour vos commentaires qui révèlent une excellente connaissance de la procédure disciplinaire, mais une connaissance théorique, de sorte que vos propos semblent décalés par rapport à l'affaire en cause.

      Vous semblez en effet considérer cette procédure comme parfaite, non susceptible d'être entachée d'illégalité. Hélas, cet arrêt montre que tout n'est pas toujours parfait, ni dans la procédure disciplinaire, ni dans la jurisprudence du Conseil d'Etat.

      Je persiste dans ce que j'affirme. En l'espèce, une seule et même personne a diligenté l'évaluation à 360°, construit un dossier à charge, décidé la saisine du conseil discipline, et, pour faire bonne mesure, l'a finalement présidé. Ni la décision, ni les conclusions du rapporteur public ne contestent la réalité de ces faits. Le Conseil d'Etat se borne au contraire à affirmer que le principe d'impartialité est respecté, dès lors que cette personne n'a tenu aucun propos public témoignant d'une quelconque animosité à l'égard du requérant. C'est une conception du principe d'impartialité qui remonte à un arrêt Laniez de 1960, mais qui semble tout ignorer de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme comme de celle du Conseil constitutionnel.

      A vos yeux, il est "normal" que le rapport soit uniquement à charge, et vous faites, comme moi, un parallèle avec l'ordre judiciaire. Vous affirmez en effet qu'un "procureur instruit à charge", affirmation surprenante, si l'on considère que notre système judiciaire repose sur une procédure inquisitoire et non pas accusatoire, et que le procureur n'est pas compétent pour instruire une affaire, cette mission étant généralement confiée au juge d'instruction.

      Sur l'évaluation, vous énoncez que les évaluations ne font pas partie du dossier disciplinaire, si ce n'est qu'en l'espèce la procédure disciplinaire a été engagée sur la base d'accusations formulées durant l'évaluation à 360°. Et ce sont ces mêmes accusations qui ont justifié la sanction. Vous dites, et c'est vrai, que les éléments de cette évaluation font partie du dossier administratif, si ce n'est que certains éléments ont été supprimés et que tous les documents du dossier administratif n'ont pas été transmis au requérant. Ce dernier a été contraint de s'adresser à la CADA, puis au juge administratif, pour obtenir communication de son dossier. Encore n’en a t il pas obtenu communication complète alors qu’il s’agit d’une garantie fondamentale des droits du fonctionnaire... et le contentieux sur ce point n'est toujours pas clos.

      Bien entendu, le conseil de discipline fait une proposition de sanction au ministre. Mais quels sont donc les éléments dont dispose le ministre pour prendre finalement la sanction... si ce n'est les éléments à charge qui ont alimenté le dossier du conseil de discipline ? Quant aux éléments à décharge, le requérant n'en a pas eu communication, et n'a même pas pu utiliser les données de l'évaluation, en principe anonymes. Ceci étant, le requérant se réjouira sans doute de savoir que ses relevés de pointage pourront être utilisés. Dans le cas d'une sanction visant un ambassadeur, c'est évidemment fort utile.

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    2. Bonjour,

      J'apprécie votre longue réponse et d'une manière général cet échange. Sans pouvoir entrer dans les détails, si ma connaissance du monde judiciaire est légère et théorique, celle de la procédure disciplinaire est tout à fait pratique. Il est en revanche entendu que je ne connais pas au fond les évènements de cette affaire. Dès lors, je n'oserais la considérer comme non entachée d'illégalité, mais commentais votre développement.

      Sur le premier point, il me semble que l'impartialité est définitivement remise en cause par l'apparence. En revanche, le report de la question de l'impartialité au fond me semble bien traité par le CE, toute chose étant égale par ailleurs et sans oublier que la CAP n'est que consultative. (Je n'aurais pas eu la même analyse si une sanction du premier groupe avait été prise par M. X alors même qu'il avait engagé la procédure et signé le rapport).

      Au premier abord, il est certain que le fait que le CE passe outre la non connaissance de l'ensemble des pièces est étonnant. Encore faut-il que cet élément est pour objet d'y figurer légalement. Qui plus est, si l'évaluation a servi comme base d'accusations, j'imagine qu'elles se retrouvaient dans le dossier disciplinaire, par d'autres documents. Il est entendu qu'au fond, l'ambassadeur connaissait les griefs reprochés.

      Enfin, le ministre ne dispose pas uniquement des éléments à charge lorsqu'il décide, puisqu'est joint le PV des débats. Il décide par conséquent avec la connaissance entière de la situation. J'imagine mal un ministre ou son délégataire prendre une telle décision en ayant pas le sentiment d'en connaître les tenants et aboutissants, a fortiori lorsqu'il s'agit d'un haut fonctionnaire.

      Je ne comprends pas votre remarque sur les éléments à décharge ; c'est à l'individu faisant l'objet d'une procédure disciplinaire de les fournir, au premier chef après consultations des pièces, puis bien évidemment lors de la CAP où il peut notamment faire appel à un défenseur et/ou un ou plusieurs témoin(s) et fournir des pièces complémentaires.

      Sur les pointages, je me vois obligé de vous rappeler avoir explicitement introduit le propos comme exemple et n'avoir jamais eu l'idée de l'associer à la situation de cet ambassadeur.

      Enfin, le parallèle avec le monde judiciaire alors même que je vous le "reprochais" est évidemment provocateur et visait à confirmer ce que je soulevais dans votre propos.

      Enfin le choix de l'anonymat est tout simplement lié au caractère public de cet échange. Je n'aurais autrement aucune difficulté à m'identifier.

      Enfin, le parallèle avec le monde judiciaire alors même que je vous le "reprocher" est évidemment provocateur et visait à confirmer ce que je soulevais dans votre propos.

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    3. Merci pour ce nouveau commentaire.
      Chacun a pu clairement exprimer sa position. Pour ma part, je n'ai rien à ajouter, et je considère que le débat est clos.

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  5. Bonjour,

    La procédure devant le conseil de discipline semble contraire à la Constitution, mais est-elle contraire à la CEDH ?

    En effet, dans l'arrêt Albert et Le Compte c. Belgique (1983), la Cour européene des droits de l'homme a dit que "Toutefois, celle-ci [la CEDH] commande alors, pour le moins, l’un des deux systèmes suivants: ou bien lesdites juridictions remplissent elles-mêmes les exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1), ou bien elles n’y répondent pas mais subissent le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction présentant, lui, les garanties de cet article (art. 6-1).".

    Et dans Aktas c. France (2009), elle dit "qu'aucune violation de l'article 6 § 1 de la Convention ne saurait être constituée si une décision de justice rendue contrairement aux prescriptions dudit article a été soumise au contrôle subséquent d'un organe judiciaire doté de la plénitude de juridiction et offrant toutes les garanties de cette disposition (voir sur ce point mutatis mutandis Albert et Le Compte c. Belgique, 10 février 1983, § 29, série A no 58)."

    La décision du conseil de discipline a eu l'occasion d'être contrôlée par des juridictions administratives (au moins le Conseil d'État) qui satisfont au principe d'impartialité posé par la CEDH. Il me semble donc que la procédure, in fine, était conforme à la CEDH.

    Quant à la conformité à la Constitution de la procédure, je me demande pourquoi le Conseil d'État a pris une décision manifestement contraire à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.

    Est-ce que le requérant a soulevé un moyen tiré de la non-conformité du décret à la Constitution ? (une lecture rapide de la décision du CE semble indiquer que la décision a été prise sur la simple base d'un décret, donc le CE peut en contrôler la constitutionnalité)

    La décision 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 dont vous parlez a-t-elle même été mentionnée devant le CE ?

    La jurisprudence du CC quant à la constitutionnalité d'une loi lie-t-elle le CE quant à la constitutionnalité d'un décret ?

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