Avant de suspendre ses travaux, l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, une proposition de loi réformant une nouvelle fois le traitement des patients psychiatriques sans leur consentement. Certes, la procédure législative ne fait que commencer et les sénateurs ne se prononceront qu'après les vacances. Il a cependant le soutien du gouvernement et il trouvera d'autant mieux une majorité pour le voter que ses dispositions les plus importantes ont pour objet de répondre aux exigences posées par le Conseil constitutionnel le 20 avril 2012.
De l'immobilisme à l'instabilité juridique
Durant bien des années, le droit dans ce domaine a été marqué par un surprenant immobilisme. La loi du 18 juin 1838, adoptée sous le règne de Louis Philippe, n'a été abrogée qu'en 1990. Jusqu'à cette date, le droit positif traitait donc des "aliénés" et se préoccupait surtout de leur enfermement, dans le but de mettre la population à l'abri du danger qu'ils pouvaient représenter. La loi du 27 juin 1990 a mis fin à cette législation d'un autre âge en ouvrant aux personnes hospitalisées sans leur consentement, soit à la demande de leur famille, soit sur le fondement d'une décision de l'autorité de police, le droit de saisir le juge judiciaire pour faire reconnaître le caractère abusif de leur internement et ordonner leur libération.
Par deux décisions rendues sur QPC le 26 novembre 2010 et le 9 juin 2011, le Conseil constitutionnel a brutalement mis fin à cette période de stabilité. Il a censuré les dispositifs d'hospitalisation sans le consentement du patient pour violation de l'article 66 de la Constitution. La privation de liberté qu'autorisaient ces procédures pouvait en effet se prolonger au-delà de quinze jours, sans intervention du juge judiciaire, par simple décision administrative. Le Conseil ayant repoussé l'abrogation des dispositions litigieuses au 1er août 2011, le législateur est donc intervenu, non sans précipitation. La loi du 5 juillet 2011 impose désormais l'intervention du juge des libertés et de la détention de manière systématique, dès qu'une personne est soumise à des soins psychiatriques sans son consentement. Sa décision doit être rendue à l'issue d'une période d'hospitalisation complète, puis tous les six mois si le traitement doit être prolongé.
On pouvait penser que le régime juridique des soins sans le consentement des patients était enfin établi. La présente proposition de loi montre le contraire, même si elle n'a pas pour objet de modifier l'ensemble du texte de juillet 2011. C'est ainsi qu'elle ne met pas en cause l'évolution qui a permis de passer de la notion d'"hospitalisation" à celle de "soins" sans consentement. L'idée est désormais acquise que la prise en charge de la maladie mentale ne passe pas nécessairement par l'enfermement du patient. Sans doute, mais il n'en demeure pas moins que les trois modifications introduites par la proposition de loi actuellement en débat portent précisément sur les conditions d'enfermement. Si les deux premières seront sans doutes relativement consensuelles dans la mesure où elles trouvent leur origine dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la troisième, celle portant sur l'autorisation des sorties d'essai, sera sans doute davantage débattue.
Par deux décisions rendues sur QPC le 26 novembre 2010 et le 9 juin 2011, le Conseil constitutionnel a brutalement mis fin à cette période de stabilité. Il a censuré les dispositifs d'hospitalisation sans le consentement du patient pour violation de l'article 66 de la Constitution. La privation de liberté qu'autorisaient ces procédures pouvait en effet se prolonger au-delà de quinze jours, sans intervention du juge judiciaire, par simple décision administrative. Le Conseil ayant repoussé l'abrogation des dispositions litigieuses au 1er août 2011, le législateur est donc intervenu, non sans précipitation. La loi du 5 juillet 2011 impose désormais l'intervention du juge des libertés et de la détention de manière systématique, dès qu'une personne est soumise à des soins psychiatriques sans son consentement. Sa décision doit être rendue à l'issue d'une période d'hospitalisation complète, puis tous les six mois si le traitement doit être prolongé.
On pouvait penser que le régime juridique des soins sans le consentement des patients était enfin établi. La présente proposition de loi montre le contraire, même si elle n'a pas pour objet de modifier l'ensemble du texte de juillet 2011. C'est ainsi qu'elle ne met pas en cause l'évolution qui a permis de passer de la notion d'"hospitalisation" à celle de "soins" sans consentement. L'idée est désormais acquise que la prise en charge de la maladie mentale ne passe pas nécessairement par l'enfermement du patient. Sans doute, mais il n'en demeure pas moins que les trois modifications introduites par la proposition de loi actuellement en débat portent précisément sur les conditions d'enfermement. Si les deux premières seront sans doutes relativement consensuelles dans la mesure où elles trouvent leur origine dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la troisième, celle portant sur l'autorisation des sorties d'essai, sera sans doute davantage débattue.
Les UMD
Les UMD sont des services hospitaliers spécialisés dans le traitement des malades mentaux présentant un danger potentiel pour eux-mêmes ou pour autrui. Sur le plan thérapeutique, ils ne diffèrent guère des services de psychiatrie dans les hôpitaux ordinaires. Sur le plan de l'organisation en revanche, ce sont des espaces fermés destinés à prendre en charge la dangerosité des patients. Ces derniers y sont placés par une décision administrative, en l'occurrence un arrêté préfectoral, selon le mode SPDRE (soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat) qui a succédé à l'ancienne "hospitalisation d'office". Le Conseil constitutionnel avait sanctionné ce régime juridique comme dépourvu de "garanties légales suffisantes". Sur ce point, la proposition de loi replace simplement les UMD dans le droit commun, permettant ainsi aux patients qui y sont hospitalisés de bénéficier des mêmes garanties que ceux hospitalisés dans des services hospitaliers ordinaires.
Les irresponsables pénaux
Chacun sait qu'une personne peut être jugée pénalement irresponsable lorsque, au moment de l'infraction, elle se trouvait en un état de trouble mental si important qu'il emportait abolition de son discernement. Son dossier est ensuite transmis au représentant de l'Etat qui peut décider l'internement, soit dans un service ordinaire, soit en UMD. Là encore, le Conseil constitutionnel a estimé que ce régime juridique ne tenait pas suffisamment compte de la gravité de l'infraction commise. La proposition de loi limite donc ce type d'internement aux personnes ayant commis des actes passibles de cinq de prison pour les atteintes aux personnes et de dix ans pour les atteintes aux biens. Une telle restriction ne signifie pas qu'une personne considérée comme irresponsable à la suite d'un acte moins grave sera immédiatement relâchée. Elle pourra tout de même se voir imposer des soins, sur le fondement du droit commun, c'est à dire à partir de l'évaluation du danger qu'elle représente pour elle-même ou pour les tiers.
André Lanskoy. Journal d'un fou. 1973 |
Les sorties d'essai
A ces éléments destinés à modifier le droit positif conformément aux exigences posées par le Conseil constitutionnel s'ajoute une disposition de nature plus idéologique. La proposition rétablit en effet les sorties d'essai, qui avaient été supprimées dans le texte de 2011. Rappelons que ces sorties d'essai permettaient au patient de quitter l'hôpital pour quelques jours ou quelques semaines, dans le but de reprendre contact avec la vie sociale. A l'époque, un certain nombre de crimes graves commis par des patients en sortie d'essai avaient suscité une réaction du législateur qui avait privilégié la sécurité des tiers. Même si ces sorties d'essai étaient remplacées par des "sorties de courte durée", inférieures à douze heures et toujours accompagnées, les psychiatres estimaient le nouveau dispositif insuffisant. A leurs yeux, la sortie d'essai, reposant sur le retour à une certaine autonomie du patient, constitue un élément de la thérapie. La proposition de loi leur donne satisfaction.
Pour le moment, ce rétablissement des sorties d'essai passe inaperçu. Sans doute sera t il cependant évoqué durant la suite du débat parlementaire. Doit-on, comme la plupart du personnel soignant, faire confiance aux médicaments et privilégier la camisole chimique à l'enfermement ? Si l'avis des experts médicaux est certainement utile, ce ne sont pas eux qui font la loi, mais le parlement. Entre le risque pour la sécurité des personnes que représente un passage à l'acte violent et l'intérêt des patients, un équilibre doit être trouvé, et l'actuelle proposition de loi offre la possibilité d'un nouveau débat sur la question.
Pour le moment, ce rétablissement des sorties d'essai passe inaperçu. Sans doute sera t il cependant évoqué durant la suite du débat parlementaire. Doit-on, comme la plupart du personnel soignant, faire confiance aux médicaments et privilégier la camisole chimique à l'enfermement ? Si l'avis des experts médicaux est certainement utile, ce ne sont pas eux qui font la loi, mais le parlement. Entre le risque pour la sécurité des personnes que représente un passage à l'acte violent et l'intérêt des patients, un équilibre doit être trouvé, et l'actuelle proposition de loi offre la possibilité d'un nouveau débat sur la question.
La situation antérieure à 2010 présentait un cas de dualisme juridictionnel assez intéressant (pour le juriste en tout cas) mais assez complexe.
RépondreSupprimerLe nouveau dispositif bénéficie d'une réelle simplification, mais le publiciste qui sommeille en moi regrette la disparition du juge administratif du contentieux de l'"hospitalisation d'office"...
Gageons que le débat sera de qualité médiocre, et qu'au premier fait divers survenu dans le cadre d'une telle sortie d'essai, certains crieront au "laxisme" et à "l'angélisme" de la majorité.
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