Nicolas Sarkozy s'est entretenu "longuement" au téléphone avec le président du Conseil national syrien, Abdel Basset Sayda, sans que l'on sache lequel a pris l'initiative de cet appel. Quoi qu'il en soit, les deux interlocuteurs ont publié un communiqué commun. Ils y constatent "la complète convergence de leurs analyses sur la gravité de la crise syrienne et sur la nécessité d'une action rapide de la communauté internationale pour éviter des massacres". La presse commente largement cette intervention de l'ancien président de la République. Les uns s'en félicitent, car ils estiment que la politique étrangère française ne saurait se passer de son point de vue. Les autres s'en amusent. D'une part, ils se souviennent qu'il avait annoncé, au lendemain du 6 mai, son retrait de la vie politique. D'autre part, il font observer que sa sévérité à l'égard du président Assad était bien récente. Ce dernier n'était il pas l'invité d'honneur du défilé du 14 juillet 2008 ?
Les médias ne s'interrogent pas, en revanche, sur la manière dont Nicolas Sarkozy conçoit ses fonctions au Conseil constitutionnel. Souvenons nous que, comme ancien président de la République, il est membre de droit du Conseil. Il a choisi d'y siéger, et perçoit son traitement. Jusqu'à aujourd'hui cependant, il n'a effectivement siégé qu'une seule fois, le 19 juin 2012, dans une audience de QPC portant sur le droit au mariage des majeurs sous curatelle.
Les incompatibilités
Cette décision de siéger suscitait déjà des questions relatives au régime d'incompatibilité auquel sont soumis les membres du Conseil. Nicolas Sarkozy a en effet décidé de reprendre son métier d'avocat, alors même que l'usage veut que les avocats membres du Conseil restent éloignés de leur cabinet. C'était du moins la pratique de Robert Badinter et de Roland Dumas.
Le manquement à l'obligation de réserve
Aujourd'hui, la question de son intervention sur la Syrie suscite une autre question, relative cette fois à l'obligation de réserve qui pèse sur les membres du Conseil constitutionnel. L'article 7 de l'ordonnance de 1958 leur interdit en effet de prendre une position publique "sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet de décisions du Conseil constitutionnel". La question qui se pose est donc de savoir si Nicolas Sarkozy a, ou non, violé son obligation de réserve.
On pourrait penser que la politique de la France vis à vis de la Syrie a assez peu de chances de susciter le vote d'une loi. Mais si la France décidait d'intervenir dans ce pays, comme semble le souhaiter l'ancien Président, il faudrait bien que la dépense suscitée par cette opération extérieure apparaisse dans le budget. Et la loi de finances sera, bien entendu, déférée au Conseil par les propres amis de Nicolas Sarkozy... qui sera donc appelé à en juger. Son intervention entre donc dans le champ de l'article 7 de l'ordonnance de 1958.
On pourrait aussi invoquer quelques précédents fâcheux. Simone Veil n'a t elle pas appelé à voter "oui" au référendum sur la Constitution européenne, en 2005, alors qu'elle était membre du Conseil ? Et Valéry Giscard d'Estaing n'a t il appelé publiquement à voter en faveur de Nicolas Sarkozy aux dernières présidentielles ? Sans doute, mais les violations de l'obligation de réserve déjà commises n'ont pas pour effet de rendre licites celles qui interviennent aujourd'hui.
Vers une réforme de la composition du Conseil constitutionnel ?
De manière plus générale, la malencontreuse intervention de Nicolas Sarkozy a surtout pour effet de mettre en lumière la nécessité de remettre en cause l'existence même de ces "membres de droit". Alors que le Conseil constitutionnel est désormais saisi par n'importe quel justiciable pour exercer un contrôle de la loi promulguée, il doit bénéficier des garanties d'indépendance et d'impartialité qui sont celles des autres juridictions. Comment son contrôle de constitutionnalité peut il être crédible, s'il est exercé par ceux là mêmes qui, lorsqu'ils étaient président de la République, ont suscité et défendu le projet de loi qui revient devant eux lors d'une QPC ?
Nicolas Sarkozy, membre du Conseil, met ainsi en évidence les erreurs de Nicolas Sarkozy, Président. En effet, la révision de 2008, qui a mis en place la Question prioritaire de constitutionnalité, aurait dû s'accompagner d'une réforme globale du Conseil constitutionnel.
La menace de la Cour européenne
Dans l'état actuel des choses, rien n'interdirait à un requérant, débouté devant un juge du fond à cause du résultat d'une QPC, de saisir la Cour européenne. Il aurait, en effet, par hypothèse, épuisé les voies de recours internes. Et on peut penser que la Cour se demanderait très sérieusement si un ancien Président de la République chargé de juger d'une loi, dont son gouvernement fut le promoteur quelques années auparavant, est bien un "magistrat" au sens de la Convention européenne. La réponse sera, sans doute, intéressante.
Peut être serait il temps de mettre en oeuvre la réforme de la composition du Conseil constitutionnel, avant que ce scénario se produise ?
Les incompatibilités
Cette décision de siéger suscitait déjà des questions relatives au régime d'incompatibilité auquel sont soumis les membres du Conseil. Nicolas Sarkozy a en effet décidé de reprendre son métier d'avocat, alors même que l'usage veut que les avocats membres du Conseil restent éloignés de leur cabinet. C'était du moins la pratique de Robert Badinter et de Roland Dumas.
Le manquement à l'obligation de réserve
Aujourd'hui, la question de son intervention sur la Syrie suscite une autre question, relative cette fois à l'obligation de réserve qui pèse sur les membres du Conseil constitutionnel. L'article 7 de l'ordonnance de 1958 leur interdit en effet de prendre une position publique "sur des questions ayant fait ou susceptibles de faire l'objet de décisions du Conseil constitutionnel". La question qui se pose est donc de savoir si Nicolas Sarkozy a, ou non, violé son obligation de réserve.
On pourrait penser que la politique de la France vis à vis de la Syrie a assez peu de chances de susciter le vote d'une loi. Mais si la France décidait d'intervenir dans ce pays, comme semble le souhaiter l'ancien Président, il faudrait bien que la dépense suscitée par cette opération extérieure apparaisse dans le budget. Et la loi de finances sera, bien entendu, déférée au Conseil par les propres amis de Nicolas Sarkozy... qui sera donc appelé à en juger. Son intervention entre donc dans le champ de l'article 7 de l'ordonnance de 1958.
On pourrait aussi invoquer quelques précédents fâcheux. Simone Veil n'a t elle pas appelé à voter "oui" au référendum sur la Constitution européenne, en 2005, alors qu'elle était membre du Conseil ? Et Valéry Giscard d'Estaing n'a t il appelé publiquement à voter en faveur de Nicolas Sarkozy aux dernières présidentielles ? Sans doute, mais les violations de l'obligation de réserve déjà commises n'ont pas pour effet de rendre licites celles qui interviennent aujourd'hui.
De manière plus générale, la malencontreuse intervention de Nicolas Sarkozy a surtout pour effet de mettre en lumière la nécessité de remettre en cause l'existence même de ces "membres de droit". Alors que le Conseil constitutionnel est désormais saisi par n'importe quel justiciable pour exercer un contrôle de la loi promulguée, il doit bénéficier des garanties d'indépendance et d'impartialité qui sont celles des autres juridictions. Comment son contrôle de constitutionnalité peut il être crédible, s'il est exercé par ceux là mêmes qui, lorsqu'ils étaient président de la République, ont suscité et défendu le projet de loi qui revient devant eux lors d'une QPC ?
Nicolas Sarkozy, membre du Conseil, met ainsi en évidence les erreurs de Nicolas Sarkozy, Président. En effet, la révision de 2008, qui a mis en place la Question prioritaire de constitutionnalité, aurait dû s'accompagner d'une réforme globale du Conseil constitutionnel.
La menace de la Cour européenne
Dans l'état actuel des choses, rien n'interdirait à un requérant, débouté devant un juge du fond à cause du résultat d'une QPC, de saisir la Cour européenne. Il aurait, en effet, par hypothèse, épuisé les voies de recours internes. Et on peut penser que la Cour se demanderait très sérieusement si un ancien Président de la République chargé de juger d'une loi, dont son gouvernement fut le promoteur quelques années auparavant, est bien un "magistrat" au sens de la Convention européenne. La réponse sera, sans doute, intéressante.
Peut être serait il temps de mettre en oeuvre la réforme de la composition du Conseil constitutionnel, avant que ce scénario se produise ?
Concernant la réforme du Conseil Constitutionnel, laquelle préconisez vous ?
RépondreSupprimer"Uniquement" la suppression des membres de droit ? Une réforme plus en profondeur ?