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vendredi 10 août 2012

Le harcèlement sexuel, en attente de QPC ?

La loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a été adoptée à l'unanimité, tant il était urgent de ne pas laisser un vide juridique après la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai qui avait abrogé cette infraction. Les débats au parlement ont été menés tambour battant, et toute personne estimant qu'il conviendrait peut être de prendre quelques jours pour réfléchir était immédiatement suspectée de vouloir assurer l'impunité des auteurs de harcèlement. Cette unanimité a évidemment empêché la loi d'être déférée au Conseil constitutionnel, et elle est aujourd'hui en vigueur, accompagnée d'une circulaire censée expliquer les nouvelles infractions à ceux qui devront assurer leur mise en oeuvre. 

Harcèlement, tout est harcèlement

Aux yeux de la loi, tout est harcèlement. Son article 1er envisage deux infractions distinctes, qui constituent désormais la nouvelle rédaction de l'article 222-33 du code pénal.

La première consiste dans "le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant". Le texte est à peine modifié par rapport au projet de loi déposé par le gouvernement, se bornant à supprimer la référence aux "gestes", sans doute pour éviter une redondance dès lors qu'un geste peut être considéré comme un "comportement". Ce dernier terme a, en outre, été préféré à la formulation initiale qui évoquant "tous autres actes". Ces deux modifications mineures n'enlèvent rien, cependant, à l'incertitude des termes. Comment définir un "comportement à connotation sexuelle", ou un "environnement intimidant", ou "offensant" ?

La circulaire offre sur ces points une réponse, qui n'en est pas une.  C'est ainsi qu'un "comportement à connotation sexuelle" ne présente pas nécessairement "un caractère explicitement et directement sexuel". Au juge de se débrouiller pour distinguer les deux notions.

Pour les rédacteurs de la loi, l'élément constitutif du délit qu'il conviendra de prendre en considération réside essentiellement dans l'absence de consentement de la victime. Ils ajoutent cependant que cette absence de consentement pourra être apprécié à partir du contexte de l'affaire, par exemple lorsque la victime s'est plainte auprès de ses supérieurs hiérarchiques ou de ses collègues. Tout reposera donc, comme par le passé, sur le témoignage de la victime et, le cas échéant, sur celui de son entourage. Dans ces conditions, la loi n'est pas réellement en mesure d'empêcher que le harcèlement sexuel soit invoqué à l'encontre d'un chef de service dont ses subordonnés voudraient se débarrasser.

Quant à la condition de répétition exigée par la loi, elle impose seulement que l'acte prohibé se soit produit "à deux reprises", ce qui constitue, on en conviendra, le minimum en matière de "répétition".


L'Ange Gabriel harcelant la Vierge Marie
Botticelli. Annonciation. 1489



Le harcèlement, sans harcèlement

Il est vrai que la seconde infraction prévue par la loi envisage "un harcèlement  sexuel résultant d'un acte unique", notion qui constitue la négation même de la définition du harcèlement donnée par tous les bons dictionnaires. Le second alinéa de l'article 222-33 dispose : "Est assimilé à un harcèlement sexuel" le fait, "même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers". Cette notion de pression renvoie, on s'en doute, à l'idée de ce que l'on appelle généralement un "chantage sexuel", par exemple lorsqu'une personne tente d'imposer un acte sexuel à la victime, en lui promettant un emploi... ou en la menaçant d'un licenciement.

Le chantage sexuel doit évidemment être sanctionné, et même lourdement sanctionné. Le problème est qu'il sera bien délicat d'apporter la preuve de ce "but réel ou apparent". Ce type de pression s'exerce généralement sans témoin.. et la preuve de l'infraction résidera dans l'appréciation de l'intention de l'auteur de l'acte. Pour apprécier s'il a agi "dans le but réel" d'obtenir un acte de nature sexuelle, le juge devra pénétrer dans sa psychologie. Pour évaluer s'il a agi dans le "but apparent", le juge devra apprécier les circonstances de l'affaire, et voir si l'accusé exerçait ces pressions pour obtenir des faveurs sexuelles, ou dans une toute autre finalité, par exemple pour obtenir la démission de la victime. Dans ce dernier cas, la notion de harcèlement sexuel deviendra bien difficile à distinguer du harcèlement moral.

De la concision à la dilution

Dans sa décision du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel avait sanctionné une définition purement tautologique du harcèlement sexuel. Etait alors considéré comme "harcèlement" le "fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle". De manière très logique, le Conseil avait censuré cette définition pour violation du principe de légalité des délits et des peines, qui impose la précision des incriminations. A la concision a succédé la dilution, qui conduit à une égale insécurité juridique. On peut penser qu'une personne poursuivie pour harcèlement sexuel sur le fondement de ce nouveau texte ne manquera pas de déposer une QPC.





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