Les séries américaines nous montrent aujourd'hui des enquêtes menées par de belles jeunes femmes ultra-diplômées, où les suspects sont identifiés et finalement arrêtés grâce aux ressources des ordinateurs et aux connaissances infinies de spécialistes de police scientifique et technique. De manière souvent caricaturale, ces feuilletons témoignent cependant du développement des nouvelles technologies qui interviennent à tous les stades de l'enquête et de l'instruction.
Deux affaires récentes ont mis en lumière l'utilisation par les services de police de balises de géolocalisation. Placées par exemple sous le véhicule d'un suspect, elles permettent de le suivre à la trace sans courir le risque, inhérent à toute filature traditionnelle, d'être repéré. De même, la balise va donner aux forces de police l'opportunité de choisir le moment et le lieu d'une éventuelle arrestation, avantage appréciable lorsqu'il s'agit d'assurer un flagrant-délit, voire tout simplement de garantir la sécurité des riverains. Il ne viendrait à l'idée de personne de contester aux autorités de police l'utilisation de technologies qui présentent tant d'avantages pour des enquêtes criminelles.
Dans son édition des 10 et 11 septembre, Libération rappelle que la police avait placé une balise GPS sous la Mercedes du militant autonome Julien Coupat de Tarnac. Cette balise avait révélé un premier arrêt à coté de la voie du TGV, puis un second arrêt près d'une rivière dans le lit de laquelle on retrouva ensuite plusieurs objets susceptibles d'être utilisés pour saboter une caténaire (novembre 2008). De son côté, France Soir revient sur la mort de la jeune policière municipale de Villiers-sur-Marne, Aurélie Fouquet (mai 2010). Un GPS placé par la police sous un fourgon volé aurait en effet permis l'arrestation d'un membre du commando à l'origine de son décès.
Dans les deux cas, les avocats des prévenus invoquent l'illégalité de l'utilisation de ces balises GPS pour contester l'ensemble des procédures diligentées contre leurs clients. Et les malheureux policiers ou gendarmes chargés des enquêtes sont contraints d'utiliser ces technologies en catimini, sans les mentionner sur les procès verbaux.. Le résultat est que dans l'affaire Coupat, l'avocat n'hésite pas à porter plainte pour "faux en écriture publique". N'est-ce pas le rôle de l'avocat de faire feu de tout bois pour défendre son client... sans état d'âme ?
Quoi qu'il en soit, en l'espèce, les avocats ont raison. L'utilisation des balises de localisation dans l'enquête judiciaire se trouve placée à peu près dans la même situation que les écoutes téléphoniques... avant la loi de 1991. C'est dire qu'elles relèvent du non-droit.
L'analogie se précise si l'on examine la conformité de cette utilisation aux dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme. Comme nous le rappelions récemment, la loi française du 10 juillet 1991 sur les interceptions de sécurité a été votée sous la pression bienfaisante de la Cour européenne. Celle-ci avait en effet annulé des procédures reposant sur des preuves apportées par des écoutes. A ses yeux, toute interception des communications doit être "prévue par la loi", dès lors qu'il y avait atteinte à la vie privée des personnes.
La Cour a développé une jurisprudence absolument identique en matière d'utilisation des balises GPS. Dans une décision du 2 septembre 2010, Uzun c. Allemagne, la Cour a en effet été saisie de la conformité à la Convention de l'utilisation d'une balise pour repérer et appréhender deux hommes qui furent ensuite condamnés pour leur participation à divers attentats terroristes en 1995. Certes, la Cour reconnaît que le recours au GPS entraîne une atteinte à la vie privée moins importante que l'écoute téléphonique car "elle donne moins d'informations sur la conduite, les opinions ou les sentiments de la personne qui en fait l'objet". En l'espèce, elle admet donc l'ingérence dans la vie privée qu'elle considère comme relative bénigne au regard de l'intérêt de la poursuite et de l'arrestation d'individus soupçonnés de crimes graves. Elle exonère donc les autorités allemandes de toute responsabilité.
La Cour a reconnu la possibilité d'utiliser le GPS pour la localisation de suspects dans une enquête criminelle et on pourrait donc penser que tout va pour la mieux, et que la France peut se prévaloir de cette sympathique jurisprudence. Il n'en rien, car la Cour précise que l'utilisation des balises GPS, tout comme l'écoute téléphonique, doit être "prévue par la loi". C'est le cas en Allemagne... mais ce n'est pas le cas en France.
Si les autorités françaises souhaitent échapper à des nouvelles condamnations par la Cour européenne, il est urgent de légiférer dans ce domaine. Il suffirait de modifier la loi du 10 juillet 1991 pour étendre son champ d'application au repérage par balise de géolocalisation. Et les avocats se verraient contraints de chercher d'autres moyens à l'appui de leur défense..
C'est bien, Meuf. Mais tu aurais pu noter que, balises ou pas, nous sommes déjà repérables par un ensemble de signaux et réseaux qui portent atteinte - involontaire sans doute - à la discrétion de notre vie privée et à l'anonymat de la liberté d'aller et venir : cartes bleues, téléphones portables et autres ... La toile d'araignée informatique nous enserre comme des moucherons. Il y a certes une différence avec ces instruments ciblés et personnels qui suivent intentionnellement certains suspects. Tu aurais cependant pu noter ce contexte. J'ai dit. Gnouf. LNE
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