On se souvient qu'en juin 2011, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait transmis au Conseil constitutionnel une QPC posée par la société Locawatt, portant sur la constitutionnalité de l'article 530-1 du code de procédure pénale. Celui-ci fixe un minimum de peine, une peine plancher, que le juge doit prononcer lorsqu'il condamne une personne qui conteste une amende forfaitaire ou une amende forfaitaire majorée.
LLC avait alors attiré l'attention de ses lecteurs sur le dilemme auquel se trouvait confronté le Conseil constitutionnel. Soit il faisait prévaloir le principe constitutionnel d'individualisation de la peine, et, dans ce cas, il mettait en question le principe même des peines plancher. Soit il écartait le principe d'individualisation de la peine, admettait la constitutionnalité des peines plancher... au risque de malmener quelque peu l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
C'est cette seconde option qui a été choisie par le Conseil, à partir d'un argumentation à la fois juridique et pragmatique.
Le principe d'individualisation interprété a minima
Selon une jurisprudence constante, le principe d'individualisation des peines est déduit de l'article 8 de la Déclaration de 1789 : "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires". Dans sa décision du 22 juillet 2005 portant sur la loi mettant en oeuvre le "plaider-coupable", le Conseil a même consacré "le principe d'individualisation des peines qui découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen".
Il est vrai, et nous entrons dans le coeur du raisonnement du Conseil, que le principe d'individualisation des peines est loin d'être absolu. Dans une première décision sur les peines planchers, rendue sur la loi relative à la lutte contre la récidive le 9 août 2007, il considère que, compte tenu de la gravité de l'état de récidive légale, "l'instauration de peines minimales d'emprisonnement prononcées par la juridiction ne méconnait pas le principe de nécessité et d'individualisation des peines".
Surtout, le Conseil considère que le principe d'individualisation est garanti de manière suffisante lorsque le juge conserve une possibilité, même minime, de moduler l'exécution de la peine. Dans une décision QPC du 29 septembre 2010, M. Thierry B., il est conduit à se prononcer sur la constitutionnalité de l'article L 234-13 du code de la route qui contraint le juge à prononcer l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis, lorsque les contrevenants sont récidivistes, auteurs d'infractions graves au code de la route. Le Conseil estime en l'espèce que le principe d'individualisation est respecté, dans la mesure où le juge peut librement apprécier la durée de l'interdiction dans la limite de trois ans.
Dans l'affaire Locawatt, la situation juridique est à peu près identique. La disposition contestée n'établit pas une peine obligatoire ni une peine automatique, mais un seuil de peine. Le juge ne peut prononcer une peine inférieure au montant de l'amende forfaitaire ou de l'amende forfaitaire majorée. Rien ne lui interdit, en revanche, de dispenser l'intéressé de peine, si les trois conditions posées par l'article 132-59 du code pénal sont réunies (si le reclassement du coupable est acquis, le dommage causé réparé, et si le trouble résultant de l'infraction a cessé). Il n'est pas davantage interdit au juge de moduler la peine entre le seuil ainsi imposé et le maximum encouru.
Le principe d'individualisation est donc interprété a minima... mais il n'a pas disparu.
L'argument pragmatique : la bonne administration de la justice
Disons le franchement. Le Conseil aurait sans doute été critiqué s'il avait déclaré inconstitutionnelle une loi prévoyant des peines-plancher pour sanctionner les chauffards, alors que, quelques années auparavant, il avait admis ces mêmes peines-plancher à l'encontre de multirécidivistes de droit commun..
On sait que la sécurité routière est considérée comme une priorité nationale, et que toute mesure visant à adoucir les peines infligées aux mauvais conducteurs est toujours mal perçue par les pouvoirs publics, et notamment par les services qui ont en charge cette sécurité. On se souvient de la levée de boucliers de septembre 2010, lorsque les sénateurs ont voté un amendement à la Loppsi 2, visant à réduire la durée de récupération des points perdus sur le permis de conduire..Nul doute que le Conseil ne souhaitait pas apparaître à son tour comme le protecteur des chauffards.
Une petite phrase de la décision témoigne de ce pragmatisme du Conseil. Il affirme en effet que "le législateur a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective des infractions, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestation dilatoires". Les peines plancher ont donc pour objet de dissuader les recours dilatoires.
Le principe de bonne administration de la justice est certes sollicité pour justifier une préoccupation très pragmatique visant à ne pas encombrer les prétoires. Cette "bonne administration de la justice" est un "objectif de valeur constitutionnelle" surtout utilisé, sans fondement textuel bien défini, lorsqu'il s'agit d'unifier les règles de compétence juridictionnelle pour faciliter les démarches contentieuses du requérant, voire pour alléger certaines formes afin d'accélérer les procédures. Il est donc généralement invoqué dans l'intérêt de l'administré ou du requérant. Dans l'affaire Locawatt, le Conseil s'y réfère cependant dans l'intérêt de des autorités chargées de gérer un contentieux particulièrement abondant.
Cette décision illustre la difficulté pour le Conseil constitutionnel de concilier des intérêts contradictoires, ceux des pouvoirs publics qui veulent, à juste titre, des sanctions exemplaires en matière de sécurité routière, mais aussi ceux des justiciables qui doivent pouvoir contester la sanction qui les frappe.
On sait que la sécurité routière est considérée comme une priorité nationale, et que toute mesure visant à adoucir les peines infligées aux mauvais conducteurs est toujours mal perçue par les pouvoirs publics, et notamment par les services qui ont en charge cette sécurité. On se souvient de la levée de boucliers de septembre 2010, lorsque les sénateurs ont voté un amendement à la Loppsi 2, visant à réduire la durée de récupération des points perdus sur le permis de conduire..Nul doute que le Conseil ne souhaitait pas apparaître à son tour comme le protecteur des chauffards.
Une petite phrase de la décision témoigne de ce pragmatisme du Conseil. Il affirme en effet que "le législateur a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et pour assurer la répression effective des infractions, retenu un dispositif qui fait obstacle à la multiplication des contestation dilatoires". Les peines plancher ont donc pour objet de dissuader les recours dilatoires.
Le principe de bonne administration de la justice est certes sollicité pour justifier une préoccupation très pragmatique visant à ne pas encombrer les prétoires. Cette "bonne administration de la justice" est un "objectif de valeur constitutionnelle" surtout utilisé, sans fondement textuel bien défini, lorsqu'il s'agit d'unifier les règles de compétence juridictionnelle pour faciliter les démarches contentieuses du requérant, voire pour alléger certaines formes afin d'accélérer les procédures. Il est donc généralement invoqué dans l'intérêt de l'administré ou du requérant. Dans l'affaire Locawatt, le Conseil s'y réfère cependant dans l'intérêt de des autorités chargées de gérer un contentieux particulièrement abondant.
Cette décision illustre la difficulté pour le Conseil constitutionnel de concilier des intérêts contradictoires, ceux des pouvoirs publics qui veulent, à juste titre, des sanctions exemplaires en matière de sécurité routière, mais aussi ceux des justiciables qui doivent pouvoir contester la sanction qui les frappe.
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