Liberté Libertés Chéries invite régulièrement ses lecteurs à retrouver les Pères Fondateurs des libertés publiques. Pour comprendre le droit d'aujourd'hui, pour éclairer ses principes fondamentaux et les crises qu'il traverse, il est en effet nécessaire de lire ou de relire ceux qui en ont construit le socle historique et philosophique. Les courts extraits qui seront proposés n'ont pas d'autre objet que de susciter une réflexion un peu détachée des contingences de l'actualité, et de donner envie de lire la suite.
Les
choix des textes ou citations sont purement subjectifs, détachés de
toute approche chronologique. Bien entendu, les lecteurs de Liberté
Libertés Chéries sont invités à participer à cette opération de
diffusion de la pensée, en faisant leurs propres suggestions de
publication. Qu'ils en soient, à l'avance, remerciés.
Nous
recevons aujourd'hui Henri IV. Bien entendu, l'Édit de Nantes de 1598 ne peut être reproduit dans son intégralité, car il contient 92 articles auxquels il faudrait ajouter 60 autres dispositions, à l'époque demeurées secrètes. Le texte complet peut être consulté sur le site du Musée virtuel du protestantisme.
Nous reproduisons ici de larges extraits du Préambule et les trois premiers articles qui invitent les anciens ennemis des guerres de religion à "se contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens". Un texte qui éclaire le présent.
HENRY par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre
A tous présents et à venir
Salut
Enregistrement de l'Édit de Nantes par le parlement de Paris
Entre les grâces infinies qu'il a plu à Dieu nous
départir, celle est bien des plus insignes et remarquables de nous avoir donné
la vertu et la force de ne céder aux effroyables troubles, confusions et
désordres qui se trouvèrent à notre avènement à ce royaume, qui était divisé en
tant de parts et de factions que la plus légitime en était quasi la moindre, et
de nous être néanmoins tellement roidis contre cette tourmente que nous l'ayons
enfin surmontée et touchions maintenant le port de salut
et repos de cet État.
De quoi à lui seul en soit la gloire
tout entière et à nous la grâce
et l'obligation qu'il se soit voulu servir de notre labeur pour parfaire ce bon
oeuvre.
Auquel il a été visible
à tous si nous avons
porté ce qui était
non seulement de notre devoir et
pouvoir, mais quelque chose de plus qui n'eût peut-être pas été en autre temps
bien convenable à la dignité que nous tenons, que nous n' avons plus eu crainte
d'y exposer puisque nous y avons tant de fois et si librement exposé notre propre
vie. Et en cette grande concurrence de si grandes et
périlleuses affaires ne se pouvant toutes composer tout à la fois et en même
temps, il nous a fallu tenir cet ordre d'entreprendre premièrement celles qui ne se pouvaient terminer que par la force et plutôt remettre et suspendre pour quelque temps les
autres qui se devaient et pouvaient traiter par la raison et la justice, comme
les différends généraux d'entre nos bons sujets et les maux particuliers des
plus saines parties de l'État que nous estimions pouvoir bien plus aisément
guérir, après en avoir ôté la cause principale qui était en la continuation de
la guerre civile. En quoi nous étant, par la grâce de Dieu, bien et heureusement succédé, et les armes et hostilités
étant du tout cessées en tout
le dedans du royaume, nous espérons qu'il nous succédera aussi bien aux autres
affaires qui restent à y composer et que, par ce moyen, nous parviendrons à
l'établissement d'une bonne paix et tranquille repos qui a toujours été le but
de tous nos voeux et intentions et le prix que nous désirons de tant de peines
et travaux auxquels nous avons passé ce cours de notre âge.
Entre les affaires auxquelles il a fallu donner patience
et l'une des principales ont été les plaintes que nous avons reçues de
plusieurs de nos provinces et villes catholiques de ce que l'exercice de la
religion catholique n'était pas universellement rétabli comme il est porté par les édits
ci-devant faits pour la pacification des troubles à
l'occasion de la religion. Comme aussi les supplications et remontrances qui
nous ont été faites par nos sujets de la religion prétendue réformée, tant sur
l'inexécution de ce qui leur est accordé par ces édits que sur ce qu'ils
désireraient y être ajouté pour l'exercice de leur dite religion, la liberté de
leurs consciences, et la sûreté de leurs personnes et fortunes, présumant avoir
juste sujet d'en avoir nouvelles et plus grandes appréhensions à cause de ces
derniers troubles et mouvements dont le principal prétexte et fondement a été
sur leur ruine.
Mais maintenant qu'il
plaît à Dieu commencer
à nous faire jouir de quelque meilleur repos, nous avons estimé ne le pouvoir
mieux employer qu'à vaquer
à ce qui peut concerner la gloire de son saint
nom et service et à
pourvoir qu'il puisse être adoré et prié par tous nos sujets et s' il ne lui a
plu permettre que ce soit pour encore en une même forme et religion, que ce
soit au moins d'une même intention et avec telle règle qu'il n'y ait point pour
cela de trouble et de tumulte entre eux, et que nous et ce royaume puissions
toujours mériter et conserver le titre glorieux de Très chrétiens qui a été par
tant de mérites et dès si longtemps acquis, et par même moyen ôter la cause du
mal et troubles qui peut advenir sur le fait de la religion
qui est toujours
le plus glissant
et pénétrant de tous
les autres.
Pour cette occasion, ayant reconnu cette affaire de très
grande importance et digne de très bonne considération, après avoir repris les cahiers
des plaintes de nos sujets catholiques, ayant aussi permis à
nos sujets de la religion prétendue réformée de s'assembler par députés pour
dresser les leurs et mettre ensemble toutes leurs remontrances et, sur ce fait,
conféré avec eux par diverses fois, et revu les édits précédents, nous avons jugé nécessaire de donner maintenant sur le tout à tous nos sujets une loi générale, claire, nette et absolue, par laquelle
ils soient réglés sur tous les différends qui sont ci-devant
sur ce survenus entre eux, et y pourront encore survenir ci-après, et dont les
uns et les autres aient sujet de se contenter, selon que la qualité du temps le
peut porter. N'étant pour notre regard entrés en cette délibération que pour le
seul zèle que nous avons au service de Dieu et qu'il se puisse dorénavant faire
et rendre par tous nos dits sujets et établir entr'eux une bonne et perdurable
paix.
Sur quoi nous implorons et attendons de sa divine bonté
la même protection et faveur qu'il a toujours visiblement départie à ce
royaume, depuis sa naissance et pendant tout ce long âge qu'il a atteint et
qu'elle fasse la grâce à nos dits sujets de bien comprendre qu'en l'observation
de cette notre ordonnance consiste, après ce qui est de leur devoir envers Dieu
et envers nous, le principal fondement de leur union et concorde, tranquillité
et repos, et du rétablissement de tout cet État en sa première splendeur, opulence et force. Comme de notre part nous
promettons de la faire exactement observer sans souffrir qu'il y soit
aucunement contrevenu.
Pour ces causes, ayant avec l'avis des princes de notre
sang, autres princes et officiers de la Couronne et autres grands et notables
personnages de notre Conseil
d'État étant près de nous,
bien et diligemment pesé et considéré toute cette affaire, avons, par cet Édit perpétuel et
irrévocable, dit, déclaré et ordonné, disons, déclarons et ordonnons :
1 - Premièrement, que la mémoire de toutes choses passées
d'une part et d'autre, depuis le commencement du mois de mars 1585 jusqu'à
notre avènement à la couronne et durant les autres troubles précédents et à leur occasion, demeurera éteinte et assoupie, comme de chose non advenue. Et ne
sera loisible ni permis à nos procureurs généraux, ni autres personnes quelconques, publiques ni privées, en quelque temps, ni pour quelque
occasion que ce soit, en faire mention, procès ou poursuite en aucunes cours ou
juridictions que ce soit.
2 - Défendons à tous nos sujets,
de quelque état et qualité qu'ils soient, d'en renouveler la mémoire,
s'attaquer, ressentir, injurier,
ni provoquer l'un l'autre par reproche de ce
qui s'est passé, pour quelque cause et prétexte que ce soit, en disputer,
contester, quereller ni s'outrager ou s'offenser de fait ou de parole, mais se
contenir et vivre paisiblement ensemble comme frères, amis et concitoyens, sur
peine aux contrevenants d'être punis comme infracteurs de paix et perturbateurs
du repos public
3 - Ordonnons que la religion catholique, apostolique et
romaine sera remise et rétablie en tous les lieux et endroits de cestui notre
royaume et pays de notre obéissance où l'exercice d'icelle a été intermis pour
y être paisiblement et librement exercé sans aucun trouble ou empêchement.
Défendant très expressément à toutes personnes, de quelque état, qualité ou
condition qu'elles soient, sur les peines que dessus, de ne troubler, molester ni inquiéter les ecclésiastiques en la
célébration du divin service, jouissance et perception des dîmes, fruits et
revenus de leurs bénéfices, et tous autres droits et devoirs qui leur
appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des
églises, maisons, biens et revenus appartenant auxdits ecclésiastiques et qui
les détiennent et occupent, leur en délaissent l'entière possession et paisible
jouissance, en tels droits, libertés et sûretés qu'ils avaient auparavant qu'ils en fussent
dessaisis. Défendant aussi très expressément à ceux de ladite religion prétendue réformée de
faire prêches ni aucun exercice de ladite religion ès églises, maisons et
habitations desdits ecclésiastiques.
(...)
Encore un immense merci pour ce retour sur l'Histoire qui explique le présent et permet d'anticiper le futur.
RépondreSupprimerDe multiples exemples tirés de l'actualité la plus récente et la plus brûlante démontrent, s'il en était encore besoin, l'inculture et le mépris des enseignements de l'Histoire de notre président de la République. A titre d'exemple, nous apprenons qu'il envoie au Proche-Orient en tournée, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu pour clarifier la position de la France après ses propos controversés (Cf. Le Monde, 16 novembre 2023, p. 3).
Où va-t-on à trop mépriser les leçons du passé ? Vers une France inaudible sur la scène internationale. Bravo à Jupiter qui est la risée de toutes les chancelleries !