Dans un arrêt du 21 juin 2021, le Conseil d'État a écarté le recours dirigé contre l'arrêté du Garde des Sceaux daté du 18 août 2016, portant approbation de la politique ministérielle de défense et de sécurité au sein du ministère de la justice. Ce texte, pris sur le fondement des articles L 1332-1 et R 1332-1 du code de la défense impose, pour chaque secteur d'importance vitale dont la justice, au ministre compétent d'adopter des directives de sécurité et de vigilance destinées à protéger contre toute menace.
Au coeur de ce texte en apparence anodin, avait été particulièrement contestée la disposition prévoyant la construction de boxes sécurisés dans les salles d'audience, espaces fermés destinés à accueillir les prévenus retenus sous escorte.
Deux types de sécurisation du box détenus étaient recommandés : le premier à vitrage complet du box, le second à barreaudage en façade avec un vitrage sur les faces latérales côté public et coté magistrat. Ce second système a été enterré par une instruction du 22 décembre 2017, par laquelle le Garde des sceaux, à interrompu le déploiement des boxes à barreaudage, et ordonné le démontage de ceux déjà installés. L'arrêt du 21 juin 2021 ne porte donc que sur les boxes vitrés.
La compétence du Conseil d'État
Le recours initié par le Syndicat des avocats de France s'est heurté à quelques difficultés liées à la recherche de l'ordre juridictionnel compétent pour trancher le litige, l'acte contesté étant un refus d'abrogation de l'arrêté du 18 août 2016. Il est vrai que le juge judiciaire est généralement compétent pour connaître des décisions qui relèvent du fonctionnement du service public de la justice et à la fonction juridictionnelle. Mais le tribunal des conflits, dans sa décision du 8 février 2021, a néanmoins estimé que le litige portait sur la légalité d'un acte réglementaire portant non pas sur le fonctionnement mais sur l'organisation du service public de la justice. Il appartenait donc au Conseil d'État de se prononcer sur ce recours.
Cette compétence de la juridiction administrative n'interdit pas toute intervention du juge judiciaire dans ce domaine. Depuis une décision du 15 mai 1985, la Cour de cassation estime que des accusés peuvent comparaître dans un "enclos de verre", dès lors qu'ils sont libres de leurs mouvements, et que des aménagements sont prévus pour qu'ils puissent communiquer librement et secrètement avec leur conseil. Sa jurisprudence a aujourd'hui évolué, et elle renvoie désormais la décision au président de la Cour d'assises qui exerce la police de l'audience, précision qu'elle avait déjà mentionnée dans un arrêt du 28 novembre 2018. Il appartient donc au président "de choisir les aménagements de sécurité les plus appropriés à une affaire donnée, en tenant compte de la nécessité de préserver une bonne administration de la justice, l'apparence d'une procédure équitable ainsi que la présomption d'innocence", compte tenu des nécessités liées à la sécurité de l'audience.
Les lauriers de César. René Goscinny et Albert Uderzo. 1972
La police de l'audience
En l'espèce, le Conseil d'État s'appuie également sur la police de l'audience détenue par le président selon l'article 309 du code de procédure pénale. Il mentionne également l'article 318 du même code qui énonce que "l'accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l'empêcher de s'évader". De ces deux dispositions, il déduit qu'aucune disposition législative ne fait obstacle à ce que des mesures de contrainte soient prises à l'égard de la personne prévenue ou accusée, à la condition qu'elles soient justifiées par la sécurité des personnes présentes à l'audience ou la nécessité de l'empêcher de fuir ou de communiquer avec des tiers. En revanche, ces mesures doivent être prises dans les respect des droits de la défense, ce qui implique une libre communication avec l'avocat.
Précisément, il appartient donc au président de s'assurer que le placement de l'intéressé dans un box vitré ne l'expose pas à un traitement inhumain et dégradant, au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il doit également faire en sorte que le droit à un procès équitable protégé par l'article 6 soit respecté, notamment au regard de la communication avec l'avocat.
De manière très claire, le Conseil d'Etat considère donc que le recours à ces boxes vitrés ne constitue pas, en soi, un traitement inhumain et dégradant, pas plus qu'il ne porte atteinte au droit au procès équitable. Sur ce point, il se réfère directement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Sa décision Yaroslav Belousov c. Russie du 4 octobre 2016 affirme ainsi qu'il est possible de prévoir un box de verre, à la condition qu'il n'ait pas pour conséquence d'entraver le procès équitable et la présomption d'innocence. Plus récemment, à propos de l'affaire Ioukos, dans un arrêt rendu le 14 janvier 2020 Khodorkovskiy et Lebedev c. Russie, elle précise quels sont les critères gouvernant l'usage d'un tel équipement, pour qu'il réponde à ces conditions. Elle affirme ainsi que la communication confidentielle avec l'avocat doit toujours être sauvegardée. C'est exactement ce qu'affirme le Conseil d'État dans l'arrêt du 21 juin 2021, lorsqu'il affirme que l'accusé "est en mesure de participer de manière effective aux débats et de communiquer librement et secrètement avec son avocat (...).
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