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mardi 11 février 2020

Reconnaissance paternelle de l'enfant né sous X

Le 7 février 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré constitutionnelles les dispositions figurant dans l'article 351 du code civil : "Lorsque la filiation de l'enfant n'est pas établie, il ne peut y avoir de placement en vue de l'adoption pendant un délai de deux mois à compter du recueil de l'enfant". Ces dispositions doivent être lues à la lumière de l'article 352 qui énoncé que "le placement en vue de l'adoption met obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille d'origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance".

En l'espèce, le Conseil était saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par M. Justin A., père biologique d'une petite fille sous X.

L'accouchement sous X



L'article 326 du code civil autorise la mère, lors de l'accouchement à "demander que le secret de son admission et de son identité soit préservé". L'enfant fait alors l'objet d'une procédure d'abandon, condition pour qu'il puisse ensuite bénéficier d'une adoption plénière. La possibilité d'anonymat de l'accouchement a été introduite dans le droit en 1793, succédant à l'usage du "tour", sorte de niche creusée dans le mur des hospices, permettant de déposer un enfant dans la plus grande discrétion. Il s'agissait alors de lutter contre les infanticides et les avortements clandestins, pratiques fréquentes à l'époque.

Aujourd'hui, l'accouchement sous X n'a plus la même finalité. Il a pour objet de permettre à des femmes, et souvent à des très jeunes femmes, de remettre pour adoption un enfant qu'elles ne sont pas en mesure d'accueillir. 

La procédure, en tant que telle, n'est pas inconstitutionnelle. Dans une décision du 16 mai 2012, le Conseil s'est en effet refusé à consacrer l'existence d'un droit d'accès aux origines, dépourvu de tout fondement textuel. Elle ne viole pas davantage la Convention européenne des droits de l'homme. L'arrêt Odièvre c. France  du 13 février 2003 estime en effet que le droit à l'anonymat de la mère qui accouche sous X est un élément de sa vie privée.


La reconnaissance paternelle



En l'espèce, le Conseil était saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par M. Justin A., père biologique d'une petite fille sous X. La procédure d'abandon s'est traduite par son admission comme pupille de l'Etat à titre définitif le 24 décembre 2016. Elle a ensuite été remise à ses parents adoptifs, M. et Mme A., le 15 février 2017. Le père biologique a vainement cherché  à s'opposer à l'adoption plénière par le couple A. La Cour d'appel de Riom a en effet confirmé la régularité de l'adoption de l'enfant le 5 mars 2019, et Justin A. pose la présente QPC à l'occasion de son pourvoi en cassation. 

Il estime inconstitutionnel ce délai de deux mois après l'accueil de l'enfant par les services de l'aide à l'enfant, délai à l'issue duquel il ne peut plus faire l'objet d'une reconnaissance paternelle. Le problème juridique consiste, pour le Conseil, à trouver un équilibre entre les droits du père et ceux de l'enfant.

Le chemin de papa, Joe Dassin, 1969


Le droit de mener une vie familiale



Le requérant estime que le droit positif, en interdisant au père de reconnaître l'enfant à l'issue du délai de deux mois après son admission dans les services de la DDASS, privilégie la filiation adoptive sur la filiation biologique, et porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant qui est d'avoir une vie privée et familiale avec ses parents biologiques, ou au moins l'un d'entre eux. 

Le moyen tiré de la vie privée est toujours apprécié par un contrôle de proportionnalité. Depuis sa décision du 23 juillet 1999, jamais remise en cause, le Conseil considère que le droit au respect de la vie privée et familiale trouve son fondement dans l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, c'est-à-dire comme un droit de la personnalité. Il n'a rien d'absolu et droit être concilié avec les droits d'autrui et avec les considérations d'ordre public.

En l'espèce, le Conseil observe que, en interdisant toute reconnaissance à l'issue d'un délai de deux mois à compter du recueil de l'enfant, le législateur a entendu concilier l'intérêt des parents de naissance à disposer d'un délai raisonnable pour reconnaître l'enfant et en obtenir la restitution et celui de l'enfant dépourvu de filiation à ce que son adoption intervienne dans un délai qui ne soit pas de nature à compromettre son développement. En effet, l'allongement de la durée de reconnaissance aurait évidemment pour conséquence, d'empêcher ou de retarder l'adoption, privant l'enfant d'un environnement stable pour une durée indéterminée.

Au demeurant, le père n'est pas dans une position si défavorable. D'une part, il ne dispose pas de deux mois pour reconnaître mais de onze mois, puisqu'il peut procéder à cette reconnaissance dès la conception. D'autre part, selon l'article 62-1 du code civil, le père, si ses recherches se heurtent à l'anonymat de la mère, peut demander l'aide du procureur de la République pour retrouver l'enfant. Enfin, le principe d'égalité est respecté, dans la mesure où la mère dispose également d'un délai de deux mois pour se rétracter et reprendre son enfant. Pour toutes ces raisons, le Conseil estime que la conciliation opérée par le législateur entre les droits de l'enfant et ceux du père n'est pas manifestement déséquilibrée

La filiation biologique n'est donc pas une valeur en soi qui doit prévaloir, en toutes situations, sur la filiation adoptive. En l'espèce, ce n'est pas le droit des parents adoptifs qui est pris en considération, mais exclusivement l'intérêt de l'enfant. Celui-ci n'a pas à attendre une reconnaissance paternelle, qui peut intervenir ou pas, et dont la seule hypothèse le priverait de grandir dans une famille prête à l'accueillir. La leçon est dure pour Justin A., qui doit regretter de ne pas avoir utilisé les procédures à sa disposition pour retrouver et reconnaitre son enfant dans le délai légal.


Sur l'accouchement sous X : Chapitre 8 , Section 2 § 2 du manuel de Libertés publiques sur internet.



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