Le Conseil constitutionnel a rejeté le 17 mai 2019 la question prioritaire de constitutionnalité posée par Nicolas S., portant sur la conformité à la Constitution d'un alinéa de l'article L 113- du code électoral et de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. Ces deux dispositions ont en commun de sanctionner le dépassement des dépenses électorales. Comme beaucoup de requérants objets à la fois de sanctions pénales et de sanctions fiscales, douanières, disciplinaires, ou administratives, Nicolas S. invoque le non-respect principe "Non bis in idem", principe souvent invoqué à des fins dilatoires, dans le but de retarder autant que possible un procès pénal.
Le côté quelque peu surréaliste de cette QPC ne peut manquer de frapper. Elle illustre d'abord le caractère illusoire de la règle de l'anonymat que l'on souhaite désormais imposer aux décisions de justice, comme si personne n'était en mesure de reconnaître Nicolas Sarkozy derrière Nicolas S. Elle met ensuite en lumière, et c'est plus grave, le caractère joyeusement délirant des règles gouvernant la composition du Conseil constitutionnel. On voit ainsi Alain Juppé, nouveau membre du Conseil constitutionnel et ancien ministre de Nicolas Sarkozy, contraint de se déporter. On voit également ce même Nicolas Sarkozy déposer une nouvelle requête devant le Conseil, dont il est et demeure membre de droit, même s'il a, pour le moment, décidé de ne pas siéger. Il avait en effet déjà contesté devant le Conseil le rejet de son compte de campagne en 2014. Et le Conseil constitutionnel est ainsi conduit à apprécier la constitutionnalité d'une disposition qu'il avait alors lui-même mise en oeuvre en confirmant ce rejet.
Quant au représentant du secrétariat général du gouvernement, qui a pour mission de défendre à l'audience les textes contestés, il se borne à déclarer au Conseil : "Le Gouvernement me charge de s'en remettre à la sagesse du Conseil". La formule montre bien qu'il n'y a vraiment rien, mais alors rien de personnel dans ce choix de ne pas défendre les textes. Le Premier ministre souhaiterait-il ne pas gêner le recours de Nicolas Sarkozy ? Ou au contraire estime-t-il qu'il n'a pas besoin de défendre ces deux textes, la QPC n'ayant aucune chance de conduire à une abrogation ? C'est sans doute la seconde réponse la plus probable, la QPC n'ayant que peu de chances de prospérer.
Le côté quelque peu surréaliste de cette QPC ne peut manquer de frapper. Elle illustre d'abord le caractère illusoire de la règle de l'anonymat que l'on souhaite désormais imposer aux décisions de justice, comme si personne n'était en mesure de reconnaître Nicolas Sarkozy derrière Nicolas S. Elle met ensuite en lumière, et c'est plus grave, le caractère joyeusement délirant des règles gouvernant la composition du Conseil constitutionnel. On voit ainsi Alain Juppé, nouveau membre du Conseil constitutionnel et ancien ministre de Nicolas Sarkozy, contraint de se déporter. On voit également ce même Nicolas Sarkozy déposer une nouvelle requête devant le Conseil, dont il est et demeure membre de droit, même s'il a, pour le moment, décidé de ne pas siéger. Il avait en effet déjà contesté devant le Conseil le rejet de son compte de campagne en 2014. Et le Conseil constitutionnel est ainsi conduit à apprécier la constitutionnalité d'une disposition qu'il avait alors lui-même mise en oeuvre en confirmant ce rejet.
Quant au représentant du secrétariat général du gouvernement, qui a pour mission de défendre à l'audience les textes contestés, il se borne à déclarer au Conseil : "Le Gouvernement me charge de s'en remettre à la sagesse du Conseil". La formule montre bien qu'il n'y a vraiment rien, mais alors rien de personnel dans ce choix de ne pas défendre les textes. Le Premier ministre souhaiterait-il ne pas gêner le recours de Nicolas Sarkozy ? Ou au contraire estime-t-il qu'il n'a pas besoin de défendre ces deux textes, la QPC n'ayant aucune chance de conduire à une abrogation ? C'est sans doute la seconde réponse la plus probable, la QPC n'ayant que peu de chances de prospérer.
Le principe Non bis in idem
Déjà connu du droit romain, le principe Non bis in idem énonce que nul ne peut être poursuivi ni condamné deux fois pour les mêmes faits. Cette règle figure dans l'article 368 du code de procédure pénale, le Protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme (art. 4), l'article 15 § 7 du Pacte international sur les droits civils et politiques et enfin l'article 50 de la Charte européenne des droits fondamentaux.
Sa valeur constitutionnelle est moins claire. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 février 2010, se réfère ainsi à "la règle Non bis in idem", sans davantage de précision, et notamment sans la dissocier clairement
du principe de nécessité de la peine, lui-même rattaché à l'article 8
de la Déclaration de 1789. Dans sa décision du 18 mars 2015, il invoque cette fois le "principe Non bis in idem", sans toutefois lui accorder formellement une valeur constitutionnelle. Il est cependant plus clairement rapproché des "principes de
nécessité des
délits et des peines et de proportionnalité des peines
et du droit au maintien des situations légalement acquises", principes également garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
En l'espèce, le Conseil aurait pu considérer qu'il avait déjà examiné les dispositions de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, dans leur rédaction issue de la loi du 5 avril 2006. Dans sa décision du même jour, le Conseil avait en effet déclaré conforme à la Constitution la disposition aujourd'hui contestée "La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire (...)".
Sans doute, mais depuis cette date, la jurisprudence du Conseil a évolué, avec deux décisions intervenues le 24 juin 2016, dont l'une était initiée par Jérôme C. Il avait alors considéré que le principe de nécessité des délits et des peines peut, dans certains cas, faire obstacle à des cumuls de poursuites. Trois critères doivent alors être réunis. D'abord, les faits doivent être qualifiés de manière identique dans les deux textes. Ensuite, les sanctions doivent être de même nature. Enfin, ces sanctions doivent poursuivre des intérêts sociaux identiques. Cette évolution jurisprudentielle a été considérée par la Cour de cassation, dans sa décision de renvoi, comme un changement de circonstances de droit justifiant un réexamen par le Conseil constitutionnel.
Deux critères sur les trois exigés par la jurisprudence de 2016 ne sont pas réunis. Le Conseil en déduit donc que le principe de nécessité ne saurait, en l'espèce, faire obstacle au cumul des poursuites. Nicolas Sarkozy s'est déjà acquitté, grâce au Sarkoton, de la sanction financière. Il doit maintenant répondre du manquement à la probité, et cette sanction ne sera pas payée par les militants du parti. La situation est évidemment délicate, car la pénalité financière a été payée à une époque où le dépassement du plafond était encore modeste, avant la découverte de l'affaire Bygmalion. L'affaire pénale porte évidemment sur des montants de fraude bien plus élevés.
Comme bien souvent, trop souvent, une QPC fondée sur Non bis in idem se retourne contre son auteur. Plus rien ne s'oppose désormais à ce que Nicolas Sarkozy soit renvoyé devant le tribunal correctionnel. Surtout, les poursuites contre l'ancien Président de la République sont encore plus solides, maintenant que la constitutionnalité des textes qui les fondent a, une nouvelle fois, été affirmée par le Conseil. Et il est plutôt satisfaisant de constater que c'est la jurisprudence Cahuzac qui permet le renvoi de Sarkozy en correctionnelle.
Sur la composition du Conseil constitutionnel : Chapitre 3 section 2 § 1 A du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.
Un changement de circonstances de droit
En l'espèce, le Conseil aurait pu considérer qu'il avait déjà examiné les dispositions de l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962, dans leur rédaction issue de la loi du 5 avril 2006. Dans sa décision du même jour, le Conseil avait en effet déclaré conforme à la Constitution la disposition aujourd'hui contestée "La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire (...)".
Sans doute, mais depuis cette date, la jurisprudence du Conseil a évolué, avec deux décisions intervenues le 24 juin 2016, dont l'une était initiée par Jérôme C. Il avait alors considéré que le principe de nécessité des délits et des peines peut, dans certains cas, faire obstacle à des cumuls de poursuites. Trois critères doivent alors être réunis. D'abord, les faits doivent être qualifiés de manière identique dans les deux textes. Ensuite, les sanctions doivent être de même nature. Enfin, ces sanctions doivent poursuivre des intérêts sociaux identiques. Cette évolution jurisprudentielle a été considérée par la Cour de cassation, dans sa décision de renvoi, comme un changement de circonstances de droit justifiant un réexamen par le Conseil constitutionnel.
Moi Nico Sarko. Les Guignols de l'Info, octobre 2016
Les critères exigés par les décisions de 2016
Il ne faisait toutefois guère de doute que ces trois critères cumulatifs n'étaient pas remplis. Certes, et le Conseil le reconnaît de bonne grâce, les faits sont qualifiés en termes identiques par les deux textes contestés. Mais les sanctions ne sont pas de même nature. Devant la Commission nationale des comptes de campagne, le candidat est tenu de s'acquitter d'une pénalité égale au dépassement du plafond. La sanction financière est donc "systématique", car elle s'applique de manière uniforme à tout dépassement. En revanche, la sanction pénale, comme toute sanction pénale, est appréciée par le juge en fonction de la gravité de faits et des circonstances de l'infraction. Et précisément, ces deux types de sanctions ne sont pas de même nature parce qu'elles poursuivent des intérêts sociaux bien différents. La Commission des comptes de campagne a pour mission de sanctionner un manquement au bon déroulement de l'élection, manquement entrainant une rupture d'égalité entre les candidats. Le juge pénal, quant à lui, sanctionne un manquement à la probité.
Deux critères sur les trois exigés par la jurisprudence de 2016 ne sont pas réunis. Le Conseil en déduit donc que le principe de nécessité ne saurait, en l'espèce, faire obstacle au cumul des poursuites. Nicolas Sarkozy s'est déjà acquitté, grâce au Sarkoton, de la sanction financière. Il doit maintenant répondre du manquement à la probité, et cette sanction ne sera pas payée par les militants du parti. La situation est évidemment délicate, car la pénalité financière a été payée à une époque où le dépassement du plafond était encore modeste, avant la découverte de l'affaire Bygmalion. L'affaire pénale porte évidemment sur des montants de fraude bien plus élevés.
Comme bien souvent, trop souvent, une QPC fondée sur Non bis in idem se retourne contre son auteur. Plus rien ne s'oppose désormais à ce que Nicolas Sarkozy soit renvoyé devant le tribunal correctionnel. Surtout, les poursuites contre l'ancien Président de la République sont encore plus solides, maintenant que la constitutionnalité des textes qui les fondent a, une nouvelle fois, été affirmée par le Conseil. Et il est plutôt satisfaisant de constater que c'est la jurisprudence Cahuzac qui permet le renvoi de Sarkozy en correctionnelle.
Sur la composition du Conseil constitutionnel : Chapitre 3 section 2 § 1 A du manuel de Libertés publiques sur internet , version e-book, ou version papier.
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