Libération du 22 décembre 2017 publie une tribune portant sur le droit de réponse dans la presse, sujet finalement peu étudié, sauf lorsqu'il fâche. C'est précisément le cas, car il s'agit, pour ses auteurs, de voler au secours d'une collègue professeure de droit injustement agressée par... un droit de réponse. En l'espèce, les faits sont résumés en ces termes : "Un maire, mécontent de l'analyse rédigée par une professeure de droit dans une revue juridique, a obtenu d'y publier un droit de réponse venimeux et diffamatoire. Une nouvelle manière d'intimider les universitaires et de brider leur expression".
On apprend ensuite que l'article commentait un jugement du tribunal administratif de Dijon annulant la décision du maire de Châlon-sur-Saône de mettre fin aux menus de substitution dans les cantines scolaires de sa ville. Dans son droit de réponse, l'élu accuse l'auteur de "faire un amalgame malhonnête et hâtif", de "défaut de neutralité", "de militantisme affiché".
On apprend ensuite que l'article commentait un jugement du tribunal administratif de Dijon annulant la décision du maire de Châlon-sur-Saône de mettre fin aux menus de substitution dans les cantines scolaires de sa ville. Dans son droit de réponse, l'élu accuse l'auteur de "faire un amalgame malhonnête et hâtif", de "défaut de neutralité", "de militantisme affiché".
La liberté d'expression des enseignants chercheurs
Peu importe le fond du débat. Un professeur de droit est fondé à commenter le droit, mais aussi à donner son opinion sur la manière dont il pourrait évoluer. Il bénéficie d'une protection particulière dans ce domaine, puisque le Conseil constitutionnel a fait de l'indépendance des enseignants chercheur un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cette indépendance suppose, à l'évidence, le droit de s'exprimer librement. La Cour d'appel de Paris, dans sa décision du 28 septembre 2017, affirme ainsi que l'auteur d'une note de jurisprudence doit se sentir libre de critiquer l'arrêt , "y compris sous forme de parti pris". Elle ajoute, rendant ainsi un bel hommage à la doctrine : "Cette
liberté d'expression intéresse un professionnel du droit dont
l'activité, pour une part importante, tient à l'analyse de décisions
judiciaires qui n'a pas pour objet d'être seulement didactique, mais
doit encore nourrir le débat sur les orientations de la jurisprudence,
qu'il s'agisse d'y adhérer ou de proposer des évolutions souhaitées.
C'est de cette confrontation entre la doctrine et la jurisprudence que
se nourrit le droit positif". La liberté d'expression des enseignants chercheurs est donc largement garantie par le droit et protégée par les juges. La Rédaction de l'AJDA a, de son côté, affirmé son attachement à ce principe lors de la publication du droit de réponse du maire de Châlon.
Le droit de réponse
Dès lors que les professeurs expriment leur opinion dans des notes de jurisprudence, ils doivent s'attendre à ce que les personnes éventuellement désignées dans l'article exercent le droit de réponse. Celui-ci trouve son origine dans l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 qui énonce : "le directeur de la publication sera tenu d'insérer dans les trois jours
de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée
dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3 750 euros
d'amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels
l'article pourrait donner lieu". En l'espèce, saisie d'une demande de droit de réponse par le maire de Châlon, l'AJDA n'a fait qu'appliquer la loi en publiant cette réponse.
Ce droit permet à une "personne nommée ou désignée, de faire connaître ses explications ou ses protestations sur les circonstances et dans les conditions mêmes qui ont provoqué sa désignation". Le contenu de la mise en cause est parfaitement indifférent et le simple désaccord avec l'analyse du professeur de droit suffit à justifier son exercice. La seule condition est que la personne qui répond soit "nommée au désignée" dans l'article. Tel est le cas en l'espèce, car le commentaire de la décision de justice ne peut éviter de mentionner son auteur, dès la première ligne. Il s'agit du "maire de Châlon-sur-Saône, nouvellement élu sous l'étiquette Les Républicains". L'élu est donc aisément identifiable, ce qui est suffisant pour fonder son droit de réponse. Dans un arrêt du 24 septembre 1996, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère d'ailleurs que le droit de réponse peut être exercé par le maire ou son adjoint. Dès lors qu'il ne s'agit pas d'une action en justice, il relève des actes d'administration effectués sur le fondement de l'article L 2122-18 du code général des collectivités territoriales.
Si les textes définissent de manière très stricte la taille de la réponse, afin qu'elle ne soit pas exagérément supérieure à celle des propos contestés, ils sont muets sur son contenu. C'est donc à la jurisprudence qu'est revenue le soin d'en poser les bornes, ce qu'elle a fait avec un très grand libéralisme.
Une décision du 28 mars 1995 affirme ainsi que le droit de réponse ne peut être limité par le juge que si les termes de cette réponse sont contraires "aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste". Aucune de ces conditions n'est remplie dans le cas du droit de réponse exercé par le maire de Châlon. Il accuse certes la professeure d'avoir une démarche militante et lui reproche de souhaiter l'intégration des "accommodements raisonnables" dans le droit français de la laïcité. Que l'on soit d'accord ou pas, ces propos ne portent atteinte ni aux bonnes moeurs, ni à l'intérêt des tiers et encore moins à l'honneur de l'auteur. Ils relèvent du débat doctrinal, certes un peu vif, auquel sont habitués les enseignants chercheurs qui étudient les libertés publiques.
La présente affaire montre que le droit de réponse n'est pas en mesure de "brider l'expression" des enseignants-chercheurs. La professeure de droit a publié son article dans le numéro de l'AJDA daté du 13 novembre 2017, et la réponse figure dans celui du 18 décembre, soit plus d'un mois plus tard. L'article demeure aujourd'hui parfaitement accessible aux lecteurs, tant dans l'AJDA que sur le site Dalloz où la revue peut être consultée en ligne.
Plus dangereux est l'amalgame réalisé entre le droit de réponse et la "procédure baillon". Cette formule est employée pour désigner tout-à-fait autre chose. Alors que le droit de réponse n'implique aucune procédure juridictionnelle, la procédure baillon consiste, à l'inverse, à instrumentaliser les juges.
C'est ce qu'a fait un chef d'entreprise mécontent d'une note de jurisprudence rédigée par un professeur de droit spécialisé dans le domaine de l'environnement, note qui s'intitulait : "Trafic de déchets dangereux : quand les dépollueurs se font pollueurs". L'industriel a porté plainte pour diffamation, invoquant l'atteinte portée par l'auteur à son honneur et à sa considération. Dans le cas des délits de presse, la mise en examen est automatique et la personne poursuivie se retrouve donc devant la 17è Chambre correctionnelle. En l'espèce, la Cour d'appel de Paris, dans la décision du 28 septembre 2017, estime que le simple fait de porter plainte pour diffamation contre l'auteur de la note de jurisprudence entraine une atteinte à sa liberté d'expression. Des poursuites peuvent donc être engagées contre le chef d'entreprise pour abus de constitution de partie civile.
Dans cette même décision, le juge observe que le chef d'entreprise reproche, entre autres choses, à l'universitaire de ne pas avoir mentionné que le jugement qu'il commentait était frappé d'appel. Sans doute le commentateur l'ignorait-il, mais on peut comprendre que le chef d'entreprise n'ait pas apprécié que la décision soit présentée comme définitive, comme s'il acceptait une condamnation qu'il a au contraire l'intention de contester. Il a d'ailleurs obtenu une relaxe partielle en juin 2017. Cette absence de mention de l'appel dans la note est peut-être un oubli, mais elle n'est pas pour autant constitutive d'une diffamation dès lors qu'elle n'implique nulle animosité particulière à l'égard du plaignant. Ce dernier aurait été mieux inspiré d'user de son droit de réponse pour mentionner cette circonstance. Considéré sous cet angle, le droit de réponse est plutôt un moyen d'éviter la procédure baillon qu'une manoeuvre de même nature.
La saisine du juge intervient en effet dans le but d'intimider le professeur de droit, et c'est précisément cette intimidation qui distingue la procédure baillon du droit de réponse. Attaqué au contentieux, l'auteur d'une note de jurisprudence se trouve automatiquement placé en position de défense, face à une armée d'avocats généralement bien rémunérés et prêts à en découdre. Sa propre défense lui coûte de l'argent, et l'existence même de ces poursuites pénales nuit à sa réputation. La multiplication de ces procédures risquerait donc, à terme, de conduire à une forme d'auto-censure. Pour éviter cette utilisation perverse de la plainte pénale, et conformément aux préconisations du Rapport Mazeaud remis en avril 2017, une circulaire du 9 mai 2017 accorde aux enseignants-chercheurs la protection fonctionnelle de leur Université lorsqu'ils sont poursuivis pour diffamation ou dénigrement, sauf hypothèse d'une faute détachable du service. L'Université est donc désormais tenue d'accompagner et de soutenir son agent placé dans une telle situation et le contentieux apparaît un peu moins déséquilibré.
Le droit de réponse ne relève pas d'une démarche contentieuse. La seule hypothèse dans laquelle le juge pourrait être saisi est celle d'un refus d'insertion par l'éditeur. Mais dans ce cas, la responsabilité du contentieux pèserait sur celui-ci, pas sur l'auteur. Evoquer une "intimidation" dans ce cas revient donc à considérer qu'un professeur d'Université, parfaitement indépendant et libre de ses propos, ne serait pas en mesure de résister psychologiquement à une simple réponse. Dans un domaine aussi sensible que la laïcité, il est assez fréquent que les auteurs soient mis en cause, parfois de manière violente, y compris par des collègues peu portés à la distance académique. Doit-il en être troublé ou, au contraire, se réjouir du débat qu'il a su développer ?
La tribune parue dans Libération sera sans doute rapidement oubliée, tant il est vrai que le droit de réponse du maire de Châlon n'est tout de même pas le principal sujet d'inquiétudes dans l'Université. Son intérêt essentiel réside sans doute dans l'ambiguïté du regard porté sur l'enseignant-chercheur par lui-même. Il revendique et obtient une liberté d'expression pleine et entière, liberté qui s'étend aux engagements de nature militante ou politique. On ne peut que s'en réjouir, dès lors qu'il est dans la Cité et qu'il est évidemment fondé, comme tout le monde, à intervenir dans le débat public.
En même temps, il souhaite être à l'abri du débat, isolé sur l'Aventin de la Science. C'est ainsi que les auteurs de la tribune de Libération proposent de réfléchir sur "la possibilité d'exclure les revues scientifiques du champ d'application du droit de la presse et en particulier du droit de réponse". La suggestion est plaisante, car personne ne sait comment définir juridiquement une revue scientifique. Personne n'a oublié qu'une revue spécialisée en droit de la famille, dotée du comité de lecture exigé par les canons universitaires, n'a pas hésité à publier un numéro spécial sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe... dont tous les articles étaient hostiles à la réforme. S'agit-il d'une revue scientifique ? ou pas ? Dans leur grande magnanimité, les auteurs de la tribune offrent volontiers à la personne mise en cause la possibilité de solliciter de la rédaction la publication d'un "point de vue, lequel serait examiné selon les mêmes critères que ceux des autres articles par le comité de rédaction ou le conseil scientifique". On imagine facilement la réaction du comité dans lequel siègent des collègues de l'auteur de l'article, d'autant que cette instance serait contrainte d'évaluer le point de vue avec les mêmes critères scientifiques que ceux utilisés pour les autres publications.
Au-delà de ses modalités d'organisation, la proposition peut surprendre. Il s'agit en effet d'opérer un contrôle a priori du contenu de la réponse, ce qui revient à effectuer une censure préalable, au nom de la liberté d'expression. Provenant de spécialistes des libertés publiques, l'idée à quelque chose de baroque. Mais la proposition est néanmoins intéressante dans ce qu'elle révèle : l'image idéale d'une Université intervenant dans les affaires du monde, expliquant aux gouvernants comment ils doivent gérer tel ou tel problème, mais une Université repliée dans ses remparts, diffusant une parole verticale, refusant la contradiction et le débat, écartant la disputatio. Au risque d'être critiqué précisément au nom du principe de laïcité, on a envie de citer le Pape Jean-Paul II : "N'ayez pas peur"...
Une décision du 28 mars 1995 affirme ainsi que le droit de réponse ne peut être limité par le juge que si les termes de cette réponse sont contraires "aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste". Aucune de ces conditions n'est remplie dans le cas du droit de réponse exercé par le maire de Châlon. Il accuse certes la professeure d'avoir une démarche militante et lui reproche de souhaiter l'intégration des "accommodements raisonnables" dans le droit français de la laïcité. Que l'on soit d'accord ou pas, ces propos ne portent atteinte ni aux bonnes moeurs, ni à l'intérêt des tiers et encore moins à l'honneur de l'auteur. Ils relèvent du débat doctrinal, certes un peu vif, auquel sont habitués les enseignants chercheurs qui étudient les libertés publiques.
La présente affaire montre que le droit de réponse n'est pas en mesure de "brider l'expression" des enseignants-chercheurs. La professeure de droit a publié son article dans le numéro de l'AJDA daté du 13 novembre 2017, et la réponse figure dans celui du 18 décembre, soit plus d'un mois plus tard. L'article demeure aujourd'hui parfaitement accessible aux lecteurs, tant dans l'AJDA que sur le site Dalloz où la revue peut être consultée en ligne.
Affiche de Mai 1968 |
La "procédure-baillon"
Plus dangereux est l'amalgame réalisé entre le droit de réponse et la "procédure baillon". Cette formule est employée pour désigner tout-à-fait autre chose. Alors que le droit de réponse n'implique aucune procédure juridictionnelle, la procédure baillon consiste, à l'inverse, à instrumentaliser les juges.
C'est ce qu'a fait un chef d'entreprise mécontent d'une note de jurisprudence rédigée par un professeur de droit spécialisé dans le domaine de l'environnement, note qui s'intitulait : "Trafic de déchets dangereux : quand les dépollueurs se font pollueurs". L'industriel a porté plainte pour diffamation, invoquant l'atteinte portée par l'auteur à son honneur et à sa considération. Dans le cas des délits de presse, la mise en examen est automatique et la personne poursuivie se retrouve donc devant la 17è Chambre correctionnelle. En l'espèce, la Cour d'appel de Paris, dans la décision du 28 septembre 2017, estime que le simple fait de porter plainte pour diffamation contre l'auteur de la note de jurisprudence entraine une atteinte à sa liberté d'expression. Des poursuites peuvent donc être engagées contre le chef d'entreprise pour abus de constitution de partie civile.
Dans cette même décision, le juge observe que le chef d'entreprise reproche, entre autres choses, à l'universitaire de ne pas avoir mentionné que le jugement qu'il commentait était frappé d'appel. Sans doute le commentateur l'ignorait-il, mais on peut comprendre que le chef d'entreprise n'ait pas apprécié que la décision soit présentée comme définitive, comme s'il acceptait une condamnation qu'il a au contraire l'intention de contester. Il a d'ailleurs obtenu une relaxe partielle en juin 2017. Cette absence de mention de l'appel dans la note est peut-être un oubli, mais elle n'est pas pour autant constitutive d'une diffamation dès lors qu'elle n'implique nulle animosité particulière à l'égard du plaignant. Ce dernier aurait été mieux inspiré d'user de son droit de réponse pour mentionner cette circonstance. Considéré sous cet angle, le droit de réponse est plutôt un moyen d'éviter la procédure baillon qu'une manoeuvre de même nature.
La saisine du juge intervient en effet dans le but d'intimider le professeur de droit, et c'est précisément cette intimidation qui distingue la procédure baillon du droit de réponse. Attaqué au contentieux, l'auteur d'une note de jurisprudence se trouve automatiquement placé en position de défense, face à une armée d'avocats généralement bien rémunérés et prêts à en découdre. Sa propre défense lui coûte de l'argent, et l'existence même de ces poursuites pénales nuit à sa réputation. La multiplication de ces procédures risquerait donc, à terme, de conduire à une forme d'auto-censure. Pour éviter cette utilisation perverse de la plainte pénale, et conformément aux préconisations du Rapport Mazeaud remis en avril 2017, une circulaire du 9 mai 2017 accorde aux enseignants-chercheurs la protection fonctionnelle de leur Université lorsqu'ils sont poursuivis pour diffamation ou dénigrement, sauf hypothèse d'une faute détachable du service. L'Université est donc désormais tenue d'accompagner et de soutenir son agent placé dans une telle situation et le contentieux apparaît un peu moins déséquilibré.
Le droit de réponse ne relève pas d'une démarche contentieuse. La seule hypothèse dans laquelle le juge pourrait être saisi est celle d'un refus d'insertion par l'éditeur. Mais dans ce cas, la responsabilité du contentieux pèserait sur celui-ci, pas sur l'auteur. Evoquer une "intimidation" dans ce cas revient donc à considérer qu'un professeur d'Université, parfaitement indépendant et libre de ses propos, ne serait pas en mesure de résister psychologiquement à une simple réponse. Dans un domaine aussi sensible que la laïcité, il est assez fréquent que les auteurs soient mis en cause, parfois de manière violente, y compris par des collègues peu portés à la distance académique. Doit-il en être troublé ou, au contraire, se réjouir du débat qu'il a su développer ?
La tribune parue dans Libération sera sans doute rapidement oubliée, tant il est vrai que le droit de réponse du maire de Châlon n'est tout de même pas le principal sujet d'inquiétudes dans l'Université. Son intérêt essentiel réside sans doute dans l'ambiguïté du regard porté sur l'enseignant-chercheur par lui-même. Il revendique et obtient une liberté d'expression pleine et entière, liberté qui s'étend aux engagements de nature militante ou politique. On ne peut que s'en réjouir, dès lors qu'il est dans la Cité et qu'il est évidemment fondé, comme tout le monde, à intervenir dans le débat public.
Censurer au nom de la liberté d'expression
En même temps, il souhaite être à l'abri du débat, isolé sur l'Aventin de la Science. C'est ainsi que les auteurs de la tribune de Libération proposent de réfléchir sur "la possibilité d'exclure les revues scientifiques du champ d'application du droit de la presse et en particulier du droit de réponse". La suggestion est plaisante, car personne ne sait comment définir juridiquement une revue scientifique. Personne n'a oublié qu'une revue spécialisée en droit de la famille, dotée du comité de lecture exigé par les canons universitaires, n'a pas hésité à publier un numéro spécial sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe... dont tous les articles étaient hostiles à la réforme. S'agit-il d'une revue scientifique ? ou pas ? Dans leur grande magnanimité, les auteurs de la tribune offrent volontiers à la personne mise en cause la possibilité de solliciter de la rédaction la publication d'un "point de vue, lequel serait examiné selon les mêmes critères que ceux des autres articles par le comité de rédaction ou le conseil scientifique". On imagine facilement la réaction du comité dans lequel siègent des collègues de l'auteur de l'article, d'autant que cette instance serait contrainte d'évaluer le point de vue avec les mêmes critères scientifiques que ceux utilisés pour les autres publications.
Au-delà de ses modalités d'organisation, la proposition peut surprendre. Il s'agit en effet d'opérer un contrôle a priori du contenu de la réponse, ce qui revient à effectuer une censure préalable, au nom de la liberté d'expression. Provenant de spécialistes des libertés publiques, l'idée à quelque chose de baroque. Mais la proposition est néanmoins intéressante dans ce qu'elle révèle : l'image idéale d'une Université intervenant dans les affaires du monde, expliquant aux gouvernants comment ils doivent gérer tel ou tel problème, mais une Université repliée dans ses remparts, diffusant une parole verticale, refusant la contradiction et le débat, écartant la disputatio. Au risque d'être critiqué précisément au nom du principe de laïcité, on a envie de citer le Pape Jean-Paul II : "N'ayez pas peur"...
Sur la liberté d'expression : Chapitre 9 du manuel de libertés publiques : version e-book, version papier.
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