Le projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance a été présenté au Conseil des ministres du 29 novembre 2017 par Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Il devrait être prochainement débattu au Parlement, selon selon la procédure accélérée qui ne prévoit qu'une seule lecture dans chaque assemblée.
Le texte a eu une gestation un peu laborieuse et on sait qu'une première mouture avait été rejetée par le Président Macron et confiée pour amélioration à un conseiller d'Etat, Thierry Tuot. L'avis du Conseil d'Etat, quant à lui, rendu public par le gouvernement, se montre réservé.
Le texte a eu une gestation un peu laborieuse et on sait qu'une première mouture avait été rejetée par le Président Macron et confiée pour amélioration à un conseiller d'Etat, Thierry Tuot. L'avis du Conseil d'Etat, quant à lui, rendu public par le gouvernement, se montre réservé.
Un ensemble de mesures disparates
Le projet de loi vient s'ajouter à un corpus législatif déjà très dense, désormais intégré dans le code des relations entre le public et l'administration. Disons-le franchement, si la simplification administrative est l'objet du projet, sa lecture est loin d'être simple. Il énumère un ensemble de mesures disparates, parfois très générales, parfois très ponctuelles, sorte d'inventaire à la Prévert dont le fil conducteur n'apparaît pas clairement.
Certaines mesures seront immédiatement applicables dès la publication de la loi, d'autres feront l'objet d'ordonnances. L'article 28 devrait par exemple autoriser le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures facilitant les regroupements d'établissements d'enseignements supérieur par l'expérimentation de nouveaux modes d'organisation. Des modes d'intégration inédits pourraient ainsi être expérimentés pendant une dizaine d'années avant d'être définitivement acquis ou abandonnés. La formulation est très ambigüe. Cette expérimentation sera-t-elle décidée par les Universités elles-mêmes ou imposée par l'Etat ? D'une manière générale, n'est-elle pas le moyen de contraindre à la fusion des Universités en principe autonomes et parfois réticentes à l'idée de se fondre dans un regroupement reposant sur une logique purement bureaucratique ? Thierry Tuot, qui fut très récemment l'un des organisateurs d'une fusion à marche forcée entre deux Universités parisiennes, voudrait-il continuer dans cette voie ?
D'une manière générale, le projet de loi prévoit un certain nombre d'expérimentations. C'est ainsi que les Hauts-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes testeront pendant quatre ans la limitation de durée cumulée à neuf mois sur trois ans pour les contrôles réalisés par les administrations sur une même entreprise. Cette disposition relève-t-elle réellement du domaine de la loi ? On pourrait en douter et le Conseil constitutionnel y voir une rupture d'égalité devant la loi.
Ordonnances et expérimentation
Certaines mesures seront immédiatement applicables dès la publication de la loi, d'autres feront l'objet d'ordonnances. L'article 28 devrait par exemple autoriser le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures facilitant les regroupements d'établissements d'enseignements supérieur par l'expérimentation de nouveaux modes d'organisation. Des modes d'intégration inédits pourraient ainsi être expérimentés pendant une dizaine d'années avant d'être définitivement acquis ou abandonnés. La formulation est très ambigüe. Cette expérimentation sera-t-elle décidée par les Universités elles-mêmes ou imposée par l'Etat ? D'une manière générale, n'est-elle pas le moyen de contraindre à la fusion des Universités en principe autonomes et parfois réticentes à l'idée de se fondre dans un regroupement reposant sur une logique purement bureaucratique ? Thierry Tuot, qui fut très récemment l'un des organisateurs d'une fusion à marche forcée entre deux Universités parisiennes, voudrait-il continuer dans cette voie ?
D'une manière générale, le projet de loi prévoit un certain nombre d'expérimentations. C'est ainsi que les Hauts-de-France et la région Auvergne-Rhône-Alpes testeront pendant quatre ans la limitation de durée cumulée à neuf mois sur trois ans pour les contrôles réalisés par les administrations sur une même entreprise. Cette disposition relève-t-elle réellement du domaine de la loi ? On pourrait en douter et le Conseil constitutionnel y voir une rupture d'égalité devant la loi.
Simplification et intérêt financier
Certaines mesures de simplification n'appellent guère de commentaire tant elles semblent évidentes. Il en est ainsi de la dématérialisation de la propagande électorale, et les professions de foi des candidats devraient désormais être consultables sur un site spécifique. Cette réforme devrait s'appliquer à l'ensemble des consultations électorales, à l'exception des élections municipales expressément exclues et des présidentielles qui ne sont pas mentionnées. De toute évidence, il s'agit à la fois de moderniser l'accès à la propagande électorale et d'économiser l'argent public. D'autres dispositions ont plus précisément pour objet de simplifier les procédures, qu'il s'agisse de permettre le don par SMS aux associations cultuelles d'Alsace Moselle ou de faciliter l'implantation de crèches en allégeant les contraintes qui pèsent sur leur création. Tout cela est certainement utile, mais ne concerne pas de manière substantielle les libertés publiques.
Le droit à l'erreur
La reconnaissance d'un véritable droit à l'erreur dont l'administré serait titulaire constitue l'élément le plus médiatisé de la réforme, issu d'une promesse électorale du Président Macron. La présentation de ce droit nouveau par Gérald Darmanin a un côté délicieusement lénifiant. Il affirme en effet que le droit à l'erreur "est le symbole d'une action administrative liée au dynamisme de la société, faisant de ses contrôles un auxiliaire au service des politiques publiques plus qu'un instrument de sanction". Des efforts de communication devront sans doute être déployés pour convaincre le contribuable qu'un contrôle fiscal n'a pas pour objet de la sanctionner.
Concrètement, il s'agit d'insérer dans le code des relations entre le public et l'administration de nouvelles dispositions qui reconnaissent un droit à l'erreur de l'usager en cas de méconnaissance d'une règle applicable à sa situation, y compris lorsque celle-ci conditionne le bénéfice d'une prestation. Lorsqu'il régularise ensuite sa situation, soit de sa propre initiative, soit à la demande de l'administration, il ne pourra faire l'objet de sanction ou être privé de la prestation à laquelle il a droit. La règle repose ainsi sur une présomption de bonne foi de l'administré, présomption qui doit être renversée pour justifier une sanction. C'est ce que Gérarld Darmanin évoque quand il parle de "bienveillance" de l'administration.
Le droit positif n'ignorait pas les mesures de bienveillance, et on sait que le contribuable de bonne foi pouvait déjà, très rarement, bénéficier de la remise gracieuse de sanctions ou pénalités. Aujourd'hui, l'idée même du droit à l'erreur implique de faire de la présomption de bonne foi une règle générale applicable à l'ensemble des relations entre l'administration et les administrés.
Ce n'est pas si simple cependant, et le Conseil d'Etat a obtenu une réduction du champ de cette réforme. Il a fait observer que le droit à l'erreur devait être écarté dans des hypothèses qui ne correspondent pas aux objectifs recherchés, c'est-à-dire lorsque la sanction repose sur le droit de l'Union européenne, vise à protéger la santé publique ou la sécurité des personnes ou des biens, est prévue par un contrat, ou est prononcée par une autorité de régulation. Le projet de loi reprend ces exceptions qui s'analysent comme un refus de la présomption de bonne foi dans certaines hypothèses. D'une manière générale, il s'agit d'écarter les entreprises qui seraient tentées d'invoquer le droit à l'erreur pour se soustraire aux obligations qui pèsent sur elles, alors même qu'elles sont entourées de services juridiques et d'avocats qui les conseillent.
Le droit positif n'ignorait pas les mesures de bienveillance, et on sait que le contribuable de bonne foi pouvait déjà, très rarement, bénéficier de la remise gracieuse de sanctions ou pénalités. Aujourd'hui, l'idée même du droit à l'erreur implique de faire de la présomption de bonne foi une règle générale applicable à l'ensemble des relations entre l'administration et les administrés.
Ce n'est pas si simple cependant, et le Conseil d'Etat a obtenu une réduction du champ de cette réforme. Il a fait observer que le droit à l'erreur devait être écarté dans des hypothèses qui ne correspondent pas aux objectifs recherchés, c'est-à-dire lorsque la sanction repose sur le droit de l'Union européenne, vise à protéger la santé publique ou la sécurité des personnes ou des biens, est prévue par un contrat, ou est prononcée par une autorité de régulation. Le projet de loi reprend ces exceptions qui s'analysent comme un refus de la présomption de bonne foi dans certaines hypothèses. D'une manière générale, il s'agit d'écarter les entreprises qui seraient tentées d'invoquer le droit à l'erreur pour se soustraire aux obligations qui pèsent sur elles, alors même qu'elles sont entourées de services juridiques et d'avocats qui les conseillent.
Le mécanisme du droit à l'erreur vise donc exclusivement le simple quidam égaré dans le dédale des procédures administratives. Mais est-il vraiment titulaire d'un droit ? La présomption de bonne foi suppose que cette bonne foi soit appréciée par l'administration elle-même, ce qui revient à soumettre l'exercice du droit à une autorisation administrative. Admettons que nous ne sommes pas très éloignés de la remise gracieuse des pénalités qui existe déjà en matière fiscale et qui repose sur le pouvoir discrétionnaire de l'administration.
La maison de fou : le laisser-passer A 38
Les douze travaux d'Asterix. René Gosciny et Albert Uderzo. 1976
Le droit au contrôle
Au droit à l'erreur s'ajoute un "droit au contrôle", notion qui n'est pas dépourvue d’ambiguïté. Doit-on comprendre que chaque citoyen bénéficie désormais d'un droit au contrôle fiscal ou administratif ? La consécration d'une sujétion comme un droit aurait quelque chose d'audacieux ou de provocateur...
Le droit au contrôle, tel qu'il est envisagé, semble défini par son opposabilité. Autrement dit, l'administré pourra désormais demander à faire l'objet d'un contrôle sur un point précis de la réglementation à laquelle il est soumis. Une fois connues ses conclusions, il pourra en tirer des conséquences avantageuses. Soit le contrôle montre que sa situation est conforme au droit, et il pourra alors opposer à l'administration ses propres conclusions. Soit le contrôle met en lumière certaines lacunes, certains oublis, et l'administré pourra régulariser sa situation sans faire l'objet d'aucune sanction.
Observons que le Conseil d'Etat s'est montré réservé à l'égard de ce droit au contrôle, réservé au point qu'il l'avait purement et simplement rejeté. Il estimait en effet que l'étude d'impact n'avait même pas envisagé la liste des procédures susceptibles d'être l'objet de telles demandes et le risque que certaines personnes, ou certaines entreprises, détournent à leur profit cette procédure pour s'offrir un audit gratuit. Le gouvernement persévère cependant dans son projet, accompagnant cependant ce droit au contrôle d'exceptions de même nature que celles liées au droit à l'erreur.
Observons que le Conseil d'Etat s'est montré réservé à l'égard de ce droit au contrôle, réservé au point qu'il l'avait purement et simplement rejeté. Il estimait en effet que l'étude d'impact n'avait même pas envisagé la liste des procédures susceptibles d'être l'objet de telles demandes et le risque que certaines personnes, ou certaines entreprises, détournent à leur profit cette procédure pour s'offrir un audit gratuit. Le gouvernement persévère cependant dans son projet, accompagnant cependant ce droit au contrôle d'exceptions de même nature que celles liées au droit à l'erreur.
Là encore, on peut s'interroger sur la consécration d'un droit de l'administré qui ne serait pas sérieusement opposable à l'administration. Le contrôle demandé devra certes intervenir dans un délai raisonnable, mais il pourra être refusé en cas de mauvaise foi du demandeur, de demande abusive, ou lorsque la demande a pour effet d'entraver le fonctionnement du service. C'est finalement l'administration qui appréciera elle-même le caractère abusif du contrôle ou la gêne qu'il impose au service. Autrement dit, elle pourra écarter une demande sans trop de difficulté. Un droit dont la mise en oeuvre peut être écarté par une simple décision administrative motivée par l'intérêt de l'administration elle-même est-il encore un droit ? Il ne fait aucun doute que cette question devra être posée durant le débat parlementaire.
D'une manière générale, le projet de loi s'efforce, et c'est certainement une avancée positive, de donner à l'administré la possibilité d'opposer à l'administration sa propre doctrine, soit celle figurant dans les circulaires et les directives, soit par la généralisation du rescrit. Cette dernière procédure existait déjà en matière fiscale : le contribuable faisant l'objet d'une vérification peut ainsi obtenir du vérificateur une prise de position sur un point examiné au cours du contrôle. Cette prise de position est ensuite opposable à l'administration elle-même.
On pourrait continuer à énumérer les dispositions du projet de loi, du rôle du médiateur dans les URSSAF au recouvrement des indus, sans oublier les conditions d'octroi de la carte "mobilité-inclusion, toutes mesures qui relèvent certainement du domaine de la loi, puisque le projet nous l'affirme.
On peut surtout s'interroger sur l'empilement des lois de simplification qui induit finalement une formidable complexité. La loi du 12 novembre 2013 veut ainsi, avec certainement une bonne intention, renverser le principe ancien selon lequel le silence gardé par l'administration vaut rejet. On proclame alors que l'administré est désormais titulaire d'un nouveau droit : s'il n'a pas reçu de réponse dans un délai de deux mois, il se trouv automatiquement titulaire d'une décision administrative d'acceptation de sa demande.. Certes, mais le malheureux administré doit, avant de formuler cette demande, s'assurer que son objet ne figure pas parmi les 1300 exceptions listées dans 41 décrets. Personne n'a songé à étudier un peu sérieusement les conséquences de la loi de 2013, pas plus que les conséquences du présent projet de loi n'ont été envisagées. Le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs pas manqué de relever l'affligeante nullité de son étude d'impact.
Si on l'examine à travers le seul prisme des libertés, on peut y trouver quelques motifs d'inquiétude. On parle ainsi de droit à l'erreur, de droit au contrôle, formules séduisantes qui laissent entendre que l'administré bénéficie de prérogatives nouvelles dont il peut se prévaloir devant un juge. Or le droit à l'erreur comme le droit au contrôle présentent une caractéristique commune : leur exercice demeure subordonné à une décision administrative. Une liberté dont l'exercice est soumis au pouvoir discrétionnaire de l'administration est-elle toujours une liberté ?
D'une manière générale, le projet de loi s'efforce, et c'est certainement une avancée positive, de donner à l'administré la possibilité d'opposer à l'administration sa propre doctrine, soit celle figurant dans les circulaires et les directives, soit par la généralisation du rescrit. Cette dernière procédure existait déjà en matière fiscale : le contribuable faisant l'objet d'une vérification peut ainsi obtenir du vérificateur une prise de position sur un point examiné au cours du contrôle. Cette prise de position est ensuite opposable à l'administration elle-même.
On pourrait continuer à énumérer les dispositions du projet de loi, du rôle du médiateur dans les URSSAF au recouvrement des indus, sans oublier les conditions d'octroi de la carte "mobilité-inclusion, toutes mesures qui relèvent certainement du domaine de la loi, puisque le projet nous l'affirme.
Simplification et complexité
On peut surtout s'interroger sur l'empilement des lois de simplification qui induit finalement une formidable complexité. La loi du 12 novembre 2013 veut ainsi, avec certainement une bonne intention, renverser le principe ancien selon lequel le silence gardé par l'administration vaut rejet. On proclame alors que l'administré est désormais titulaire d'un nouveau droit : s'il n'a pas reçu de réponse dans un délai de deux mois, il se trouv automatiquement titulaire d'une décision administrative d'acceptation de sa demande.. Certes, mais le malheureux administré doit, avant de formuler cette demande, s'assurer que son objet ne figure pas parmi les 1300 exceptions listées dans 41 décrets. Personne n'a songé à étudier un peu sérieusement les conséquences de la loi de 2013, pas plus que les conséquences du présent projet de loi n'ont été envisagées. Le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs pas manqué de relever l'affligeante nullité de son étude d'impact.
Si on l'examine à travers le seul prisme des libertés, on peut y trouver quelques motifs d'inquiétude. On parle ainsi de droit à l'erreur, de droit au contrôle, formules séduisantes qui laissent entendre que l'administré bénéficie de prérogatives nouvelles dont il peut se prévaloir devant un juge. Or le droit à l'erreur comme le droit au contrôle présentent une caractéristique commune : leur exercice demeure subordonné à une décision administrative. Une liberté dont l'exercice est soumis au pouvoir discrétionnaire de l'administration est-elle toujours une liberté ?
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