Le rapport Lescure intitulé "Acte II de l'exception culturelle : contribution aux politiques culturelles de l'ère numérique" a été remis le 12 mai 2013 au Président de la République. Les premiers commentaires sont pour le moins contrastés. Les partisans d'une liberté absolue du net, impliquant un libre téléchargement et un libre partage des oeuvres entre individus, voient dans ce rapport un maintien de la "philosophie répressive" qui était à l'origine de la loi Hadopi. En revanche, ceux qui privilégient la lutte contre le piratage déplorent la fin du "sytème Hadopi" avec l'allègement des sanctions et la suppression de la possibilité ultime de couper l'accès à internet aux récidivistes du téléchargement.
Ces deux opinions bien tranchées ont pour point commun leur caractère excessif. L'une écarte purement et simplement la propriété intellectuelle, l'autre ignore l'échec d'Hadopi, l'autorité indépendante n'ayant guère été en mesure de transmettre aux juges des dossiers étayés démontrant l'existence de téléchargements illégaux. Etait-ce d'ailleurs possible, dans la mesure où la culpabilité était appréciée à l'aune de la "négligence caractérisée" du propriétaire de l'ordinateur, notion bien imprécise pour fonder une sanction pénale ? Le rapport Lescure se situe certainement entre ces deux extrêmes, et a le mérite de développer une approche globale de la question du téléchargement illégal, à partir de deux principes.
Internet et l'exception culturelle
Le premier, bien connu, est la célèbre "exception culturelle" dont la France assure la promotion depuis bien longtemps, et qui figure dans le titre même du rapport Lescure. L'idée générale est que la culture n'est pas un bien comme les autres. Si elle a une dimension économique, elle repose aussi sur une logique de service public, dès lors qu'elle doit être mise à la disposition de chacun. Considéré sous cet angle, internet est donc le vecteur d'une offre culturelle dont l'Etat ne doit pas entraver le développement.
Le financement de la création culturelle
Le financement de la création culturelle
Le second pilier du raisonnement du rapport Lescure repose sur une approche globale du financement de la création culturelle. Puisque le consommateur a désormais l'habitude d'accéder gratuitement à des biens culturels, le rapport propose de financer les contenus culturels par une taxe sur les "appareils connectés", c'est à dire les tablettes et les smartphones, sans d'ailleurs expliquer pourquoi les autres ordinateurs n'y sont pas soumis. La rémunération des auteurs devrait également être améliorée par la conclusion systématique d'accords collectifs avec des sociétés de gestion des droits assez semblables à la SACEM, qui ont ensuite pour missions de percevoir et de répartir ces droits. Pour le rapport Lescure, ce développement de la gestion collective des droits d'auteur est le seul moyen d'assurer la transparence du système et l'égalité entre les auteurs.
Disparition d'Hadopi
Cette rémunération des auteurs ne remet pas en cause l'illicéité des téléchargements. Sur ce point, le rapport fait un bilan mitigé de la "riposte graduée" instaurée en 2009. Il observe qu'elle elle est "montée progressivement en puissance", et que Hadopi a fait une "oeuvre pédagogique", d'ailleurs inscrite dans la loi. Les "critiques virulentes" adressées à la Haute Autorités "paraissent donc excessives".
Ces compliments sont autant de couronnes posées sur la tombe d'Hadopi, car le rapport Lescure se prononce tout de même en faveur de la disparition de cette institution. L'argument essentiel réside évidemment dans l'échec de la riposte graduée. La "fiche C2" du rapport montre, statistiques à l'appui, que le téléchargement illégal par des logiciels de partage ("Peer to Peer"), qui était la cible principale d'Hadopi, n'a baissé que temporairement entre septembre 2010 et septembre 2011, pour croître de nouveau dans l'année 2012. Les internautes, peu dissuadés par le faible nombre de condamnations, ont appris à masquer leur adresser IP ou à utiliser des techniques de cryptage pour ne pas être repérés. Après trois années de pratique c'est donc un constat d'échec qui est réalisé, échec d'autant plus retentissant que le budget annuel de l'institution s'élevait en 2013 à neuf millions d'euros.
Une riposte graduée, allégée
Le rapport Lescure ne propose pas la "suppression sèche" des lois Hadopi, mais il suggère de confier la lutte contre le téléchargement illégal au CSA, ce qui aurait pour effet de mutualiser les moyens et d'alléger les coûts de fonctionnement. De même, il souhaite le maintien du dispositif de "riposte graduée", dans une version en quelque sorte allégée. L'amende serait remplacée par une sanction administrative qui n'interviendrait que dans l'hypothèse de l'échec d'une démarche pédagogique. et qui s'élèverait à soixante euros pour une première condamnation (contre mille cinq cent euros aujourd'hui) Quant à la suspension de l'accès à internet, le rapport Lescure s'y déclare défavorable. La suppression de cette sanction devrait permettre au droit français d'adopter officiellement le principe de neutralité du net, qui implique une liberté d'accès à internet.
Reste à s'interroger sur le caractère dissuasif d'un tel dispositif. Le rapport Lescure se déclare officiellement en faveur d'une démarche pédagogique, ce qui révèle un optimisme réel. Mais existe-t-il d'autres solutions, dès lors que l'approche pénale a montré ses limites avec l'échec de la loi Hadopi ? En adoptant une position somme toute relativement attentiste, il laisse ouverte la voie du contrôle privé. On voit en effet se développer aujourd'hui des entreprises comme Trident Media Guard dont les clients sont les titulaires de droits intellectuels. A leur demande, TDM traque les téléchargements illégaux sur le net et saisit ensuite les autorités compétentes. Une nouvelle forme de partenariat-public-privé, certes positive, mais qui présente l'inconvénient de ne pas garantir l'égalité des droits entre ceux qui peuvent s'offrir les services d'un prestataire privé, et ceux qui ne le peuvent pas.
Disparition d'Hadopi
Cette rémunération des auteurs ne remet pas en cause l'illicéité des téléchargements. Sur ce point, le rapport fait un bilan mitigé de la "riposte graduée" instaurée en 2009. Il observe qu'elle elle est "montée progressivement en puissance", et que Hadopi a fait une "oeuvre pédagogique", d'ailleurs inscrite dans la loi. Les "critiques virulentes" adressées à la Haute Autorités "paraissent donc excessives".
Ces compliments sont autant de couronnes posées sur la tombe d'Hadopi, car le rapport Lescure se prononce tout de même en faveur de la disparition de cette institution. L'argument essentiel réside évidemment dans l'échec de la riposte graduée. La "fiche C2" du rapport montre, statistiques à l'appui, que le téléchargement illégal par des logiciels de partage ("Peer to Peer"), qui était la cible principale d'Hadopi, n'a baissé que temporairement entre septembre 2010 et septembre 2011, pour croître de nouveau dans l'année 2012. Les internautes, peu dissuadés par le faible nombre de condamnations, ont appris à masquer leur adresser IP ou à utiliser des techniques de cryptage pour ne pas être repérés. Après trois années de pratique c'est donc un constat d'échec qui est réalisé, échec d'autant plus retentissant que le budget annuel de l'institution s'élevait en 2013 à neuf millions d'euros.
Allégorie sur la disparition d'Hadopi. Simon Renard de Saint André 1613-1677 Vanité |
Une riposte graduée, allégée
Le rapport Lescure ne propose pas la "suppression sèche" des lois Hadopi, mais il suggère de confier la lutte contre le téléchargement illégal au CSA, ce qui aurait pour effet de mutualiser les moyens et d'alléger les coûts de fonctionnement. De même, il souhaite le maintien du dispositif de "riposte graduée", dans une version en quelque sorte allégée. L'amende serait remplacée par une sanction administrative qui n'interviendrait que dans l'hypothèse de l'échec d'une démarche pédagogique. et qui s'élèverait à soixante euros pour une première condamnation (contre mille cinq cent euros aujourd'hui) Quant à la suspension de l'accès à internet, le rapport Lescure s'y déclare défavorable. La suppression de cette sanction devrait permettre au droit français d'adopter officiellement le principe de neutralité du net, qui implique une liberté d'accès à internet.
Reste à s'interroger sur le caractère dissuasif d'un tel dispositif. Le rapport Lescure se déclare officiellement en faveur d'une démarche pédagogique, ce qui révèle un optimisme réel. Mais existe-t-il d'autres solutions, dès lors que l'approche pénale a montré ses limites avec l'échec de la loi Hadopi ? En adoptant une position somme toute relativement attentiste, il laisse ouverte la voie du contrôle privé. On voit en effet se développer aujourd'hui des entreprises comme Trident Media Guard dont les clients sont les titulaires de droits intellectuels. A leur demande, TDM traque les téléchargements illégaux sur le net et saisit ensuite les autorités compétentes. Une nouvelle forme de partenariat-public-privé, certes positive, mais qui présente l'inconvénient de ne pas garantir l'égalité des droits entre ceux qui peuvent s'offrir les services d'un prestataire privé, et ceux qui ne le peuvent pas.
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