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mardi 16 octobre 2012

Clause de conscience du maire, mariage homosexuel, et hérésie juridique

L'élargissement du mariage aux personnes de même sexe suscite un émoi un peu inattendu, si l'on considère qu'une douzaine de pays, dont l'Espagne, pays concordataire, ont déjà intégré l'union homosexuelle dans leur système juridique, sans provoquer une telle agitation. Il est vrai que l'opposition a choisi de faire de ce sujet un véritable cheval de bataille, estimant sans doute que les questions de société sont plus mobilisatrices que la crise économique. Un "Collectif des maires pour l'enfance", dirigé par Philippe Gosselin, député-maire UMP de Rémilly sur Lozon (Manche), demande ainsi une consultation des élus avant toute réforme. Son objet serait de déterminer "s'ils sont demandeur d'une clause de conscience qui leur permette de ne pas célébrer ces mariages". De son côté, Jacques Bompard, député-maire d'Orange (Ligue du Sud) demande aux élus de signer une pétition en faveur d'un "droit de retrait".

Dans les deux cas, l'idée est la même. Dès lors que ces élus ne sont pas en mesure d'empêcher le vote de la loi, ils se proposent d'écarter son application. S'il est vrai qu'ils ont parfaitement le droit d'exprimer leur opposition, il n'en demeure pas moins que cette proposition, qu'elles soit formulée en "clause de conscience" ou en "droit de retrait" va à l'encontre de la conception républicaine de la loi comme du principe de laïcité.

La conception républicaine de la loi

Dans notre système juridique, la loi est l'expression de la volonté générale, et chaque citoyen participe indirectement à son élaboration, soit directement par referendum, soit indirectement par l'intermédiaire de ses représentants. Expression de l'ensemble des citoyens, la loi s'applique également à chacun, comme l'affirme la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.



Georges Brassens. Trompettes de la Renommée


Le maire, officier d'état civil

Pour demander une clause de conscience, les élus UMP s'appuient, à tort, sur le principe de décentralisation. A leurs yeux, un maire doit pouvoir s'opposer à la loi votée par le parlement, puisqu'il dispose d'une compétence générale pour gérer les affaires locales. Ils oublient cependant, ou plutôt ils feignent d'oublier, que le maire est une autorité particulière. Il est à la fois autorité décentralisée, et déconcentrée. Il dispose certes d'une autonomie réelle pour exercer ses compétences décentralisées, par exemple pour définir, avec le conseil municipal, la politique d'urbanisme dans sa commune, voire pour exercer son pouvoir de police. Dans ce cas, il n'est soumis qu'au contrôle de légalité du juge administratif, éventuellement saisi par le préfet. Lorsqu'il s'agit de compétences déconcentrées, le maire agit comme agent de l'Etat, comme n'importe quel fonctionnaire. Il doit appliquer la loi votée par le parlement. C'est justement le cas en matière d'état-civil et de mariage. C'est ainsi que Noël Mamère a été suspendu de ses fonctions de maire de Bègles en 2004 pour avoir célébré un mariage homosexuel, alors que la loi l'interdisait. A l'inverse, si la loi autorise bientôt le mariage entre deux personnes de même sexe, les élus locaux ne pourront refuser de célébrer un tel mariage, puisqu'ils agissent, dans ce cas, en leur qualité d'officier d'état civil.

Le parallélisme avec la clause de conscience du médecin

C'est précisément cette qualité d'officier d'état-civil qui interdit d'assimiler une éventuelle clause de conscience du maire à celle accordée aux médecins qui refusent de pratiquer des IVG. Observons d'ailleurs que, contrairement à ce qui est souvent affirmé, le code de la santé publique affirme certes qu'"un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une IVG" (art. L 2212-8 csp), mais le législateur a fait en sorte que la faculté offerte au médecin d'opposer la clause de conscience ne puisse constituer une entrave à la pratique de IVG. La loi impose donc au praticien qui refuse de pratiquer un tel acte d'informer sans délai la femme concernée de sa décision, et de lui indiquer le nom d'un praticien susceptible de réaliser l'intervention. En dehors de cette protection législative de l'IVG, on constate que la clause de conscience est d'une autre nature que celle revendiquée en matière de mariage homosexuel. D'une part, le médecin n'est pas un agent  public dont la mission unique est d'appliquer la loi. D'autre part, la clause de conscience du médecin peut trouver son origine dans des considérations éthiques liées à sa mission, à son éventuel refus de supprimer un embryon, même de quelques semaines. Lors d'un mariage homosexuel, l'élu local n'est pas confronté à ce type de difficulté. Il ne donne pas la mort et ne porte préjudice à personne.

Le mariage civil, considéré comme un sacrement

Le seul motif réel de cette demande de clause de conscience réside donc dans un amalgame entre le mariage religieux et le mariage civil. Pour les élus, le mariage civil est considéré comme un sacrement, et il doit donc être interdit aux couples homosexuels. Cet amalgame revient à imposer une image du mariage directement calquée sur les positions de l'Eglise catholique. On sait en effet que d'autres religions, comme le protestantisme considèrent le mariage, non pas comme un sacrement, mais comme un engagement donnant lieu à une bénédiction devant la communauté des fidèles. Directement inspirée du dogme catholique, cette clause de conscience constituerait une atteinte directe au principe de laïcité. Ce dernier implique la neutralité de l'Etat, qui impose un égal respect de toutes les religions, à la condition toutefois qu'elles demeurent dans la sphère privée.

Reconnaître au maire une clause de conscience l'autorisant à refuser un mariage reviendrait à faire pénétrer le droit religieux catholique dans la sphère laïque, ce qui est rigoureusement l'inverse de la neutralité de l'Etat. Il convient de rappeler, une nouvelle fois, que le mariage civil n'est rien d'autre qu'un acte d'état civil, un union officielle devant la loi, et pas devant Dieu. Décidément, le combat pour la laïcité n'est jamais achevé.


10 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je trouve que vous allez un peu vite sur la fin.

    Je suppose qu'un opposant au mariage homosexuel vous répondrait que l'officier d'état civil a un problème éthique comme le médecin. J'observe que vous comprenez mieux le fait de détruire (ou tuer, mettez le verbe que vous voulez) vous choque plus. Le fait est que tel maire a un problème dans la célébration d'un mariage homosexuel pour une raison X ou Y et qu'il aimerait ne pas le faire.

    De plus, dire que le mariage civil renvoi dans l'imaginaire au mariage catholique me semble une affirmation que vous ne motivez pas assez. Un maire peut considérer qu'il célèbre une union (comme un prêtre protestant) et non pas un sacrement et avoir des réticence malgré tout.

    Pour conclure, je me serai arrêter à la première partie de votre discours. Un maire doit respecter la loi que cela lui plaise ou non.

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  2. Vos articles est tellement raccourci qu'il en devient faux. Ma réponse sur Würde : http://wurde.eu/un-maire-sans-conscience-est-une-heresie-republicaine

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  3. Cette clause ne peut être motivée autrement que par des raisons religieuses c'est évident. cet article n'est pas un raccourci.

    J'aimerais bien savoir quelle est la ou les raison X ou Y qui motiverait un tel refus. c'est carrément discriminatoire, pourquoi une telle clause de conscience s'appliquerait uniquement pour les mariages homo et pas pour les mariages hétéro? peu importe l'orientation sexuelle des futurs mariés le maire devra appliquer la loi, à défaut ce serait une atteinte à l'article 8 de la CEDH à savoir le droit pour tous d'avoir une vie privée et/ou familiale.

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  4. Bobby Hauriou le laïciste24 octobre 2012 à 10:28

    Bonjour,

    2 points me chagrinent:

    - dans la 1ère partie, vous expliquez la distinction entre le maire pris comme autorité déconcentrée ou comme autorité décentralisée. Mais quel intérêt? La loi s'applique autant à l'une qu'à l'autre... Sa gestion des affaires locales reste soumise aux lois.

    - dans la 2nde partie, vous expliquez le parallèle avec le médecin. Mais la clause de conscience joue aussi pour: "Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse." (même article du code que celui cité).
    La clause de conscience s'applique à certains agents publics!! [ce qui peut poser problème... une petite QPC?!] En revanche, le maire n'est pas un agent public, et par voie de conséquence, ne saurait se prévaloir d'une telle clause.

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  5. Madame le Professeur, votre juste présentation est condamnée à un certain succès après cette sortie du Président: "La loi s'applique pour tous dans le respect, néanmoins, de la liberté de conscience".

    Et sinon, qu'est-ce qu'ils branlent à l'ENA?

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  6. Un maire a-t-il déjà évoqué la clause de conscience pour ne pas célébrer un baptême républicain ? Et peut-il refuser au nom de cette même clause de marier un musulman et une chrétienne ou un blanc et une noire ?

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  7. C'est ça la question: si un maire ne peut pas refuser un célébrer un mariage hétero quiconque (parce qu'il croît, par example, que la fiancée a choisi le mauvais homme), il ne pourra pas non plus refuser le mariage homosexuel. Si nous acceptons la conscience du maire comme un élément essentiel de sa fonction, il devra aussi refuser tout mariage qui, selon lui, pourrait être nocif pour l'un des deux ou leur futurs enfants. Mais ce ne s'est jamais fait.
    Un médecin, à son tour, a bel et bien le droit de refuser ne pas que le IVG, mais n'importe quelle opération qu'il juge innécessaire ou risquée. Dans une grande mésure, c'est lui qui décide comment faire son travail. Le maire, dans le moment de célébrer des mariages, ne décide absolument rien.

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  8. "Il n'y aura pas de liberté de conscience dans le projet de loi sur le mariage pour tous qui sera présenté", a assuré Nicolas Gougain, président de l'Inter-LGBT à l'issue d'un entretien avec le président." AFP et Reuters Publié le 21/11/2012 à 17:24

    La clause pour l'IVG n'est en effet pas comparable. Au-delà de toute considération religieuse, elle avait pour fonction immédiate de sauver des femmes qui se seraient fait torturer si l'opération avait été imposée à certains médecins. La clause dite à tort "de conscience", pour éviter le clivage de la société de tradition catholique, était en réalité une clause protectrice de l'individu.

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  9. Moi si je suis Maire j'invoquerais une clause de conscience pour ne pas marié des gens que je sait Catholiques ou Musulmans, parce que j'estime que la religion est nocive.

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