Le Conseil constitutionnel a rendu, le 8 juin 2012, une décision sur la conformité à la Constitution de la disposition du code de la santé publique qui autorise les autorités de police à placer une personne trouvée en état d'ivresse dans un lieu public en cellule de dégrisement "jusqu'à ce qu'elle ait recouvré la raison" (art. L 3341-1 csp). La Cour de cassation a en effet transmis au Conseil une QPC sur cette question, le 30 mars 2012, portant sur l'actuelle rédaction de ces dispositions, issues de la loi du 14 avril 2011 réformant la garde à vue.
L'argument essentiel : l'article 66
Le recours, initié par M. Mickaël D., s'inscrit dans une longue suite de décisions fondées sur le non respect de l'article 66 de la Constitution, selon lequel "nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi". C'est ainsi que le Conseil a déjà imposé l'intervention du juge judiciaire pour prolonger la rétention administrative des étrangers après sept jours, ou l'hospitalisation psychiatrique sans le consentement du patient après quinze jours.
Il est vrai que le passage en cellule de dégrisement, ou en "chambre de sûreté" pour reprendre la formulation légale, implique nécessairement une privation de liberté. Mais le juge constitutionnel refuse cependant de considérer qu'elle emporte impérativement l'intervention du juge judiciaire. Conformément à sa jurisprudence, il estime que la durée de l'enfermement est très brève, et que l'atteinte au principe de sûreté est, dans ce cas précis, à la fois nécessaire et proportionnée. En effet, l'ivresse sur la voie publique porte atteinte à l'ordre public et à la santé des personnes. La détention en cellule de dégrisement apparait alors une mesure proportionnée à la menace que représente la personne pour l'ordre public, voire pour elle-même.
Une mesure de police administrative
Le Conseil confirme ainsi que le maintien en cellule de dégrisement est une mesure de police administrative, reposant sur la nécessité de garantir l'ordre public.
Sur ce point le Conseil rejoint la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'article 5 que "nul ne peut être privé de sa liberté, sauf (...) s'il s'agit de la détention régulière (...) d'un alcoolique". Dans un arrêt Witold Litwa c. Pologne du 4 avril 2000, la Cour admet ainsi l'existence de cellules de dégrisement pour "les personnes dont la conduite et le comportement sous l'influence de l'alcool constituent une menace pour l'ordre public ou pour elles-mêmes". Dans ce cas, la Cour tolère même l'absence de diagnostic médical, supposant que les forces de police polonaises savent reconnaître un alcoolique. Le droit français impose, en revanche, la visite d'un médecin avant la mise en cellule de dégrisement, afin de s'assurer que le patient ne présente pas une autre pathologie et que l'hospitalisation n'est pas nécessaire.
La police administrative imbriquée dans la police judiciaire.
En tout état de cause, cette mesure de police administrative présente la caractéristique d'être étroitement imbriquée dans des actions de police judiciaire. Le personnel qui décide le placement en cellule de dégrisement tout d'abord, est le personnel de police, celui-là même qui va constater l'infraction d'ivresse publique, voire placer l'intéressé en garde à vue.
Ce partage reflète le double visage de la notion d'ivresse publique. Elle implique d'abord une infraction punie d'une peine contraventionnelle, sanctionnant le fait de se trouver en état d'ébriété sur la voie publique (art. R 3353-1 csp). Mais elle suppose également le placement en cellule de dégrisement pour protéger à la fois l'ordre public et la personne. Cette mesure est bien distincte de l'infraction pénale. Elle n'a pas pour objet la punition mais la protection, comme en témoigne le fait que la personne peut aussi être confiée à un tiers qui s'en porte garant.
Un double point de départ du délai de garde à vue
Ce partage entre police administrative et judiciaire rencontre une autre difficulté, lorsqu'il s'agit d'organiser l'articulation entre la rétention en cellule de dégrisement et, s'il y a lieu, la garde à vue. C'est précisément sur ce point que le Conseil constitutionnel apporte quelque précision, par une réserve d'interprétation.
Il précise en effet que le passage en cellule de dégrisement doit être décompté de la garde à vue. Cette réserve constitue évidemment une garantie pour la personne concernée, dès lors que le juge sera saisi à l'issue de la durée de 24 heures, comme si elle avait été interpellée à jeun. En revanche, cette réserve présente l'inconvénient d'imposer deux points de départ à la garde à vue. Le premier part de l'interpellation et fait courir la durée de la garde à vue, jusqu'à son éventuelle prorogation. Le second part du moment où la personne a recouvré sa raison, c'est à dire le moment précis où la garde à vue peut lui être notifiée et où les auditions peuvent commencer.
Ce double point de départ du délai de garde à vue n'était pas ignoré de la Cour de cassation. Il n'en demeure pas moins qu'il risque d'être source d'une certaine complexité contentieuse.
Jacques Offenbach. La Vie Parisienne. 3è acte.
"Il est gris, tout à fait gris"
Une mesure de police administrative
Le Conseil confirme ainsi que le maintien en cellule de dégrisement est une mesure de police administrative, reposant sur la nécessité de garantir l'ordre public.
Sur ce point le Conseil rejoint la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'article 5 que "nul ne peut être privé de sa liberté, sauf (...) s'il s'agit de la détention régulière (...) d'un alcoolique". Dans un arrêt Witold Litwa c. Pologne du 4 avril 2000, la Cour admet ainsi l'existence de cellules de dégrisement pour "les personnes dont la conduite et le comportement sous l'influence de l'alcool constituent une menace pour l'ordre public ou pour elles-mêmes". Dans ce cas, la Cour tolère même l'absence de diagnostic médical, supposant que les forces de police polonaises savent reconnaître un alcoolique. Le droit français impose, en revanche, la visite d'un médecin avant la mise en cellule de dégrisement, afin de s'assurer que le patient ne présente pas une autre pathologie et que l'hospitalisation n'est pas nécessaire.
La police administrative imbriquée dans la police judiciaire.
En tout état de cause, cette mesure de police administrative présente la caractéristique d'être étroitement imbriquée dans des actions de police judiciaire. Le personnel qui décide le placement en cellule de dégrisement tout d'abord, est le personnel de police, celui-là même qui va constater l'infraction d'ivresse publique, voire placer l'intéressé en garde à vue.
Ce partage reflète le double visage de la notion d'ivresse publique. Elle implique d'abord une infraction punie d'une peine contraventionnelle, sanctionnant le fait de se trouver en état d'ébriété sur la voie publique (art. R 3353-1 csp). Mais elle suppose également le placement en cellule de dégrisement pour protéger à la fois l'ordre public et la personne. Cette mesure est bien distincte de l'infraction pénale. Elle n'a pas pour objet la punition mais la protection, comme en témoigne le fait que la personne peut aussi être confiée à un tiers qui s'en porte garant.
Un double point de départ du délai de garde à vue
Ce partage entre police administrative et judiciaire rencontre une autre difficulté, lorsqu'il s'agit d'organiser l'articulation entre la rétention en cellule de dégrisement et, s'il y a lieu, la garde à vue. C'est précisément sur ce point que le Conseil constitutionnel apporte quelque précision, par une réserve d'interprétation.
Il précise en effet que le passage en cellule de dégrisement doit être décompté de la garde à vue. Cette réserve constitue évidemment une garantie pour la personne concernée, dès lors que le juge sera saisi à l'issue de la durée de 24 heures, comme si elle avait été interpellée à jeun. En revanche, cette réserve présente l'inconvénient d'imposer deux points de départ à la garde à vue. Le premier part de l'interpellation et fait courir la durée de la garde à vue, jusqu'à son éventuelle prorogation. Le second part du moment où la personne a recouvré sa raison, c'est à dire le moment précis où la garde à vue peut lui être notifiée et où les auditions peuvent commencer.
Ce double point de départ du délai de garde à vue n'était pas ignoré de la Cour de cassation. Il n'en demeure pas moins qu'il risque d'être source d'une certaine complexité contentieuse.
Il y a une différence entre une personne en état d'ivresse et une personne alcoolique; la première a trop bu et voit son état psyco-moteur et psychique affecté; la seconde souffre d'addiction alcoolique, une pathologie reconnue, et n'est pas nécessairement en état d'ivresse. Il y a d'ailleurs certains alcoolique qui ont un comportement plus stable lorsqu'ils sont sous l'emprise de l'alcool.
RépondreSupprimerJ'ai l'impression, à vous lire et à relire la convention, que le droit de la convention assimile les alcooliques aux personnes en état d'ivresse. Est-ce bien cela ?
Uhuhuhuhuhuhuhu....u. Très bien, Meuf, très drôle. L'Elan n'est pas gris, sa Barboteuse est rouge et son Bouton est vert. Il n'est pas Baron, mais Pantocrator. Konsledise !
RépondreSupprimerJe Me porte bien
LNE