Pages

lundi 29 août 2011

La présence de l'avocat durant la garde à vue : toujours plus !

La loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue est à peine en vigueur qu’elle se trouve déjà contestée. LLC avait déjà attiré l’attention, en juin dernier, sur une certaine précarité des dispositions prévoyant un « avocat taisant », contraint au silence pendant l'audition, peu compatibles avec le projet de directive européenne et avec le droit issu de la convention européenne.


Aujourd’hui, la contestation s’incarne dans une nouvelle QPC, dont on observe qu’elle n’est pas déposée par une personne gardée à vue, mais par les avocats eux mêmes, en l’espèce le jeune barreau parisien. Ce dernier conteste devant le Conseil d’Etat la légalité de la circulaire du 23 mai 2011, recours  déposé moins de 9 jours après sa publication. C'est à l'occasion de ce recours qu'est déposée une QPC contestant les dispositions de la loi du 14 avril 2011. Autant dire qu’il s’agit pour la profession d’apparaître comme le protecteur unique des droits des citoyens gardés à vue. Et pour les jeunes avocats du Barreau de Paris, très nombreux, peut être trop, la garde à vue constitue une source de revenus non négligeable et qui peut sans doute être encore augmentée.. (voir LLC).

Sur le fond, les jeunes avocats demandent que l’avocat de la personne gardée à vue puisse poser des questions lors des interrogatoires, mais également qu’il ait accès à l’intégralité du dossier et soit présent lors des différentes confrontations et perquisitions.

Alors que la garde à vue suscite de multiples QPC, il est surprenant de noter que la loi du 14 avril 2011 n’a pas été déférée au Conseil constitutionnel. Sur ce point, cette QPC, dernière en date mais sans doute pas ultime, présente au moins l’avantage de provoquer le contrôle de constitutionnalité. 


Pour le moment, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne semble pas s’orienter vers une présence constante de l’avocat durant toutes les phases et toutes les activités liées à la garde à vue. Dans sa célèbre décision du 30 juillet 2010, relative à une précédente QPC , le Conseil affirme que l’absence de l’avocat pendant les interrogatoires constitue une « restriction aux droits de la défense imposée de façon générale ». Il ajoute cependant qu’elle s’impose « sans considérations des circonstances particulières susceptibles de la justifier ». A contrario, on est fondé à en déduire que certaines circonstances pourraient justifier l’absence de l’avocat pendant les interrogatoires, notamment « pour rassembler des preuves ou assurer la protection des personnes ».

Autant affirmer clairement que la présence de l’avocat est une nécessité de principe, mais pas une nécessité absolue et permanente.

La Cour européenne n’est d’ailleurs pas davantage dans une position aussi absolutiste. Dans une décision récente du 19 juillet 2011, Rupa c. Roumanie, elle estime que des déclarations faites par un gardé à vue en dehors de la présence de son avocat commis d’office peuvent être pris en considération dans la suite de la procédure. Le fait que l’avocat ait été peu présent et peu actif durant la garde à vue n’a pas davantage pour effet de porter atteinte à l’exercice des droits de la défense.

La Cour se montre également très réservée sur le droit d’accès au dossier par l’avocat d’une personne gardée à vue. Dans un arrêt Svipsta c. Lettonie du 17 février 2001, elle avait ainsi admis que cet accès, lorsqu’il est reconnu par le système juridique, soit temporairement limité pour des motifs légitimes liés au bon déroulement de l’enquête. La seule contrainte est que l’avocat dispose des pièces indispensables à la contestation de la légalité de la mesure privative de liberté.

On le voit, cette conception extensive de la présence de l’avocat durant la garde à vue ne rencontre, pour le moment, que peu d’écho dans le droit positif. Reste à se demander quelle sera la position du juge constitutionnel sur l’audition libre et sur l'avocat taisant… mais nous en aurons sans doute à en reparler.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire