Aux Etats Unis, la liberté d’expression est perçue comme le fondement de la démocratie, le droit essentiel qu’il convient de protéger contre toute atteinte. Brûler la bannière étoilée en signe de protestation est parfaitement licite, de même qu’organiser une manifestation homophobe qui perturbe les funérailles d’un soldat tombé en Irak…
La Cour Suprême vient une nouvelle fois de faire la démonstration de cette conception extrêmement libérale, avec une décision du 27 juin, Brown, Governor of California et al. V. Entertainement Merchants Association. Arnold Schwarzenegger, alors gouverneur de Californie, et très attaché aux valeurs morales, avait signé en 2005 une loi visant à interdire la vente aux mineurs de jeux vidéo violents. Un organisme de classification, l’ESRB, (Entertainment Software Rating Board) était chargé d’appliquer cette mesure, concrétisée par une vignette apposée sur les jeux concernés. Une amende de 1000 $ sanctionnait aussi bien le vendeur contrevenant que son client.
Cette restriction à la diffusion de ces jeux a suscité l’irritation des professionnels du secteur, soutenus par certaines associations de consommateurs et ils ont saisi la Cour Suprême. Celle ci, par 7 voix contre 2, donne satisfaction aux requérants, au motif que la loi mise en cause viole effectivement la liberté d’expression consacrée par le 1er Amendement.
L’opinion majoritaire est formulée par le Juge Antonin Scallia : « Comme les livres et les films par le passé, les jeux vidéo communiquent des idées et même des messages sociaux à travers des éléments familiers (personnages, dialogues, intrigues ou encore musique) et à travers des fonctions propres au médium (comme l'interaction du joueur avec le monde virtuel). Cela suffit à conférer au jeu vidéo la protection du Premier Amendement. Sous notre Constitution, les jugements éthiques et moraux au sujet de l'art et de la littérature sont réservés aux individualités et n'ont pas à être décrétés par le Gouvernement. »
La liberté d’expression est donc, en soi, une valeur à protéger, quel que soit son support, livre, film.. ou jeu vidéo, et quel que soit son titulaire, adulte ou enfant. Les juges américains font d’ailleurs observer que Le Petit Chaperon Rouge ou Blanche Neige contiennent des passages très violents et qu’il appartient aux seuls parents d’apprécier les lectures ou les jeux de leurs enfants. Et s’ils estiment que ce dernier a subi un dommage, rien ne leur interdit de saisir un juge civil pour demander réparation du préjudice.
On ne peut évidemment s’empêcher de comparer ce libéralisme avec la conception française d’une liberté d’expression considérée avant tout comme l’objet d’un encadrement juridique. La loi intervient certes pour protéger les droits des tiers (injure ou diffamation), ou l’ordre public (contrôle des manifestations), mais aussi pour affirmer des « valeurs » justifiant des restrictions à l’exercice de cette liberté. Des lois mémorielles en passant par la lutte contre le racisme ou l’antisémitisme, le législateur entreprend de « protéger » les citoyens en leur interdisant l’accès à certains contenus..
Doit on en déduire que le droit américain traite les enfants comme des adultes en puissance… alors que le droit français considère les adultes comme des enfants ?
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