Le livre de Marcela Iacub, "Belle et Bête", est au coeur d'une controverse certes médiatique, mais aussi juridique. Dans ce livre dont la parution devrait intervenir le 27 février, l'auteur évoque sa liaison avec Dominique Strauss-Kahn, sous une forme plus ou moins romancée.
Ce dernier vient d'obtenir en référé l'insertion, dans chaque exemplaire de l'ouvrage, un encart mentionnant l'atteinte à sa vie privée. Dès lors que cet encart est un préalable désormais obligatoire à la publication, celle-ci est, en quelque sorte, gelée jusqu'à ce que les éditions Stock s'exécutent. Dans le même référé, DSK a obtenu la diffusion, pour les mêmes motifs, d'un communiqué judiciaire couvrant la moitié de la couverture du Nouvel Observateur, qui a publié des extraits du livre, et une interview de Marcela Iacoub, reconnaissant que l'être "mi-homme, mi-cochon" auquel elle se réfère est bien l'ancien Président du FMI. L'hebdomadaire se trouve ainsi soumis à une contrainte habituellement imposée aux titres de la presse people. Enfin, la sanction financière n'est pas absente, puisque le juge condamne les éditions Stock et Marcela Iacub à verser à DSK 50 000 €, auxquels s'ajoutent 25 000 € mis à la charge du Nouvel Observateur, l'ensemble de ces sommes constituant une provision à valoir sur les dommages et intérêts.
Il est vrai que le juge aurait pu interdire purement et simplement la publication du livre, solution plus expéditive mais peut être moins bien comprise. Car, il faut le reconnaître, une partie de la presse voyait dans le recours de DSK une atteinte à la liberté d'expression.
La vie sexuelle, élément de la vie privée
Ce dernier vient d'obtenir en référé l'insertion, dans chaque exemplaire de l'ouvrage, un encart mentionnant l'atteinte à sa vie privée. Dès lors que cet encart est un préalable désormais obligatoire à la publication, celle-ci est, en quelque sorte, gelée jusqu'à ce que les éditions Stock s'exécutent. Dans le même référé, DSK a obtenu la diffusion, pour les mêmes motifs, d'un communiqué judiciaire couvrant la moitié de la couverture du Nouvel Observateur, qui a publié des extraits du livre, et une interview de Marcela Iacoub, reconnaissant que l'être "mi-homme, mi-cochon" auquel elle se réfère est bien l'ancien Président du FMI. L'hebdomadaire se trouve ainsi soumis à une contrainte habituellement imposée aux titres de la presse people. Enfin, la sanction financière n'est pas absente, puisque le juge condamne les éditions Stock et Marcela Iacub à verser à DSK 50 000 €, auxquels s'ajoutent 25 000 € mis à la charge du Nouvel Observateur, l'ensemble de ces sommes constituant une provision à valoir sur les dommages et intérêts.
Il est vrai que le juge aurait pu interdire purement et simplement la publication du livre, solution plus expéditive mais peut être moins bien comprise. Car, il faut le reconnaître, une partie de la presse voyait dans le recours de DSK une atteinte à la liberté d'expression.
La vie sexuelle, élément de la vie privée
Nul n'ignore pourtant que la liberté d'expression n'a jamais été considérée comme absolue. Elle cède notamment devant les droits des tiers, et plus particulièrement le droit au respect de la vie privée que l'on peut définir comme le droit d'être laissé tranquille. Et le droit positif affirme clairement que DSK, lui aussi, a droit au respect de sa vie privée.
La notion de vie privée n'évolue pas en fonction de la notoriété de la personne. La loi du 19 juillet 1970 se borne à affirmer que "chacun a droit au respect de sa privée" (art. 9 c. civ.). La jurisprudence répète à l'envi que "toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée". Quant à son contenu, il n'est pas contesté que la sexualité est au coeur de la vie privée, et de nature à justifier une protection particulièrement rigoureuse. Le juge condamne ainsi la révélation par la presse de l'homosexualité d'un homme politique (CA Paris, 21 octobre 2004). De même, les pratiques sado-masochistes, dès lors qu'elles se déroulent entre adultes consentants, doivent demeurer dans la sphère de la vie privée (TGI Paris, 29 avr. 2008). Les relations amoureuses de DSK relèvent donc de sa vie intime, et le fait de les relater dans un livre peut s'analyser comme une violation de la loi de 1970.
Bien entendu, la défenderesse invoquait sa liberté de romancière. En d'autres termes, l'atteinte à la vie privée de DSK devrait être écartée au motif que le livre serait, avant tout, une oeuvre littéraire. Il n'est pas question d'entrer dans le débat sur le talent de l'auteur, sujet hautement controversé. En tout état de cause, le caractère artistique de l'oeuvre n'a pas pour effet de supprimer l'atteinte à la vie privée. Souvenons-nous, par exemple, que le TGI de Paris a condamné, en septembre 2011, Patrick Poivre d'Arvor parce qu'il avait précisément raconté sa liaison amoureuse avec une jeune femme, allant même jusqu'à recopier certaines de ses lettres. Le juge n'est pas là pour faire oeuvre de critique littéraire. Il se borne à sanctionner l'atteinte à la vie privée.
La notoriété du défendeur
Certains s'appuient sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme pour considérer que la violation de la vie privée d'une personne peut, quelquefois, se révéler justifiée, si elle apparaît indispensable au débat public. Il est vrai que la Cour a estimé, par exemple, que la publication dans la presse d'une photographie du prince Rainier de Monaco très affaibli par la maladie participait au débat public qui se développait alors sur la santé du prince. Mais dans cette décision du 7 février 2012, la Cour ne fait qu'autoriser la publication de photos prises dans une station de sport d'hiver, un endroit où la victime ne pouvait espérer être entièrement à l'abri des photographes.
Il en est de même d'une décision du 18 mai 2004 abondamment citée par les médias dans l'affaire DSK, pour justifier la publication du livre de Marcela Iacub. Cet arrêt de la Cour européenne sanctionne les juges français qui ont interdit la sortie du livre "Le Grand Secret", écrit par le docteur Gubler, médecin du Président Mitterrand. Pour prononcer cette sanction, la Cour s'appuie sur la nécessité de protéger la liberté d'expression de la presse. La lecture de l'arrêt révèle cependant des différences importantes avec l'affaire DSK.
D'une part, la Cour reconnaît que le livre du docteur Gubler participait au débat public engagé à l'époque sur la question de la transparence de la vie politique et du droit des citoyens de connaitre l'état de santé de ceux qui les gouvernent. Au-delà de cette question, c'est le mensonge d'Etat qui était au coeur de ce débat. A l'inverse, le livre de Marcela Iacub n'apporte aucune information de nature à promouvoir un débat public sur une question d'intérêt général.
D'autre part, la Cour européenne fait observer que l'interdiction n'était que fort peu efficace puisque, au moment où le juge l'a prononcée, quarante mille exemplaires du livre avaient déjà été vendus. L'action en référé engagée par DSK intervient en revanche la veille de la publication de l'ouvrage, c'est à dire à un moment où il est encore possible d'empêcher une atteinte irréversible à sa vie privée.
D'une certaine manière, le livre de Marcela Iacub offre l'occasion au juge de rappeler que la protection de la vie privée peut être garantie par différents moyens. De plus en plus aujourd'hui, les requérants se bornent à demander au juge civil a posteriori la réparation du préjudice qu'il ont subi. DSK utilise une procédure d'urgence pour obtenir une mesure préventive, et il est bon que le juge des référés utilise pleinement ses compétences.
Cette décision est une victoire pour celui qui revendique simplement le droit d'être laissé tranquille face à un harcèlement médiatique toujours renouvelé. C'est aussi un avertissement aux éditeurs et aux entreprises de presse. La liberté d'expression doit certes être protégée, mais elle ne peut être invoquée pour justifier des pratiques dignes des pires tabloïds de la presse people.
La notion de vie privée n'évolue pas en fonction de la notoriété de la personne. La loi du 19 juillet 1970 se borne à affirmer que "chacun a droit au respect de sa privée" (art. 9 c. civ.). La jurisprudence répète à l'envi que "toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée". Quant à son contenu, il n'est pas contesté que la sexualité est au coeur de la vie privée, et de nature à justifier une protection particulièrement rigoureuse. Le juge condamne ainsi la révélation par la presse de l'homosexualité d'un homme politique (CA Paris, 21 octobre 2004). De même, les pratiques sado-masochistes, dès lors qu'elles se déroulent entre adultes consentants, doivent demeurer dans la sphère de la vie privée (TGI Paris, 29 avr. 2008). Les relations amoureuses de DSK relèvent donc de sa vie intime, et le fait de les relater dans un livre peut s'analyser comme une violation de la loi de 1970.
Bien entendu, la défenderesse invoquait sa liberté de romancière. En d'autres termes, l'atteinte à la vie privée de DSK devrait être écartée au motif que le livre serait, avant tout, une oeuvre littéraire. Il n'est pas question d'entrer dans le débat sur le talent de l'auteur, sujet hautement controversé. En tout état de cause, le caractère artistique de l'oeuvre n'a pas pour effet de supprimer l'atteinte à la vie privée. Souvenons-nous, par exemple, que le TGI de Paris a condamné, en septembre 2011, Patrick Poivre d'Arvor parce qu'il avait précisément raconté sa liaison amoureuse avec une jeune femme, allant même jusqu'à recopier certaines de ses lettres. Le juge n'est pas là pour faire oeuvre de critique littéraire. Il se borne à sanctionner l'atteinte à la vie privée.
Choderlos de Laclos. Les liaisons dangereuses Londres. Edition de 1796, illustrée par Monnet, Mlle Gérard, et Fragonard Fils |
Certains s'appuient sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme pour considérer que la violation de la vie privée d'une personne peut, quelquefois, se révéler justifiée, si elle apparaît indispensable au débat public. Il est vrai que la Cour a estimé, par exemple, que la publication dans la presse d'une photographie du prince Rainier de Monaco très affaibli par la maladie participait au débat public qui se développait alors sur la santé du prince. Mais dans cette décision du 7 février 2012, la Cour ne fait qu'autoriser la publication de photos prises dans une station de sport d'hiver, un endroit où la victime ne pouvait espérer être entièrement à l'abri des photographes.
Il en est de même d'une décision du 18 mai 2004 abondamment citée par les médias dans l'affaire DSK, pour justifier la publication du livre de Marcela Iacub. Cet arrêt de la Cour européenne sanctionne les juges français qui ont interdit la sortie du livre "Le Grand Secret", écrit par le docteur Gubler, médecin du Président Mitterrand. Pour prononcer cette sanction, la Cour s'appuie sur la nécessité de protéger la liberté d'expression de la presse. La lecture de l'arrêt révèle cependant des différences importantes avec l'affaire DSK.
D'une part, la Cour reconnaît que le livre du docteur Gubler participait au débat public engagé à l'époque sur la question de la transparence de la vie politique et du droit des citoyens de connaitre l'état de santé de ceux qui les gouvernent. Au-delà de cette question, c'est le mensonge d'Etat qui était au coeur de ce débat. A l'inverse, le livre de Marcela Iacub n'apporte aucune information de nature à promouvoir un débat public sur une question d'intérêt général.
D'autre part, la Cour européenne fait observer que l'interdiction n'était que fort peu efficace puisque, au moment où le juge l'a prononcée, quarante mille exemplaires du livre avaient déjà été vendus. L'action en référé engagée par DSK intervient en revanche la veille de la publication de l'ouvrage, c'est à dire à un moment où il est encore possible d'empêcher une atteinte irréversible à sa vie privée.
D'une certaine manière, le livre de Marcela Iacub offre l'occasion au juge de rappeler que la protection de la vie privée peut être garantie par différents moyens. De plus en plus aujourd'hui, les requérants se bornent à demander au juge civil a posteriori la réparation du préjudice qu'il ont subi. DSK utilise une procédure d'urgence pour obtenir une mesure préventive, et il est bon que le juge des référés utilise pleinement ses compétences.
Cette décision est une victoire pour celui qui revendique simplement le droit d'être laissé tranquille face à un harcèlement médiatique toujours renouvelé. C'est aussi un avertissement aux éditeurs et aux entreprises de presse. La liberté d'expression doit certes être protégée, mais elle ne peut être invoquée pour justifier des pratiques dignes des pires tabloïds de la presse people.