« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


dimanche 25 novembre 2012

Participation du public en matière d'environnement

Le Conseil constitutionnel a rendu, le 23 novembre 2012, deux décisions relatives à l'article 7 de la Charte de l'environnement. Cette disposition, qui a valeur constitutionnelle depuis la révision du 1er mars 2005, impose l'information du public et sa participation "à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement". Concrètement, cette "participation" prend la forme d'une enquête publique, la consultation s'effectuant désormais par internet.

La participation du public : un droit proclamatoire 

Dans la décision QPC n° 2012-282, différences associations, dont France Nature Environnement contestaient la légalité du décret du 30 janvier 2012, mettant en oeuvre la loi du 12 juillet 2010, dite "Grenelle 2", dans le domaine particulier de la police de la publicité extérieure et des enseignes. A l'occasion de ce recours, elles ont déposé une QPC portant sur la constitutionnalité de l'article L 120-1 du code de l'environnement, précisément édicté dans le but de mettre en oeuvre l'article 7 de la Charte de l'environnement. A l'appui de cette QPC, l'idée que la loi française a édicté des conditions plus strictes à la démocratie participative que ce qui était prévu dans l'article 7 de la Charte. Et il est vrai que l'article L 120-1 limite la participation du public aux seules décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics. Cette restriction conduit à écarter de toute démarche participative les décisions prises en matière de publicité extérieure et d'enseignes, puisqu'elles sont prises par le maire. 

Dans la décision QPC n° 21012-283, c'est également le défaut de participation qui est mis en cause. M. Antoine de M. conteste la procédure de classement et de déclassement de monuments naturels ou de sites prévue par les article L 341-3 et L 341-13 du code de l'environnement. Il estime en effet qu'une telle décision réglementaire a une "incidence sur l'environnement" et qu'elle doit s'accompagner d'une procédure participative, conformément à l'article 7 de la Charte. 

Ces deux QPC illustrent parfaitement la lecture restrictive que fait le droit positif des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement. Après l'avoir intégrée avec force publicité dans la Constitution, la préoccupation essentielle a été d'en réduire le champ d'application.

Mode spontané de participation des citoyens à l'élaboration des décisions publiques
ayant une incidence sur l'environnement (art. 7 de la Charte de l'environnement)

L'article 7 : un contenu de plus en plus précis

Le Conseil constitutionnel lutte cependant contre cette tendance, attribuant à l'article 7 de la Charte un contenu de plus en plus précis. Dans un premier temps, il s'est borné à sanctionner pour incompétence négative une loi qui se bornait à renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des informations dont le demandeur d'une autorisation de cultiver des OGM ne peut revendiquer le caractère confidentiel, c'est à dire celles accessibles pour l'information du public (décision du 26 juin 2008). L'article 7 de la Charte était alors mentionné de manière quelque peu accessoire, comme fondement de l'obligation d'information, mais pas comme fondement de l'annulation de la disposition contestée. 

Se fondant ensuite directement sur l'article 7 de la Charte, le Conseil, dans deux décisions rendues sur QPC le 14 octobre 2011 puis le 13 juillet 2012, énonce qu'il appartient au législateur de déterminer les modalités de sa mise en oeuvre. 

Dès lors, il n'est guère surprenant que le Conseil, dans la décision n° 2012-282, affirme l'inconstitutionnalité de l'article L 120-1 du code de l'environnement, celui là même qui met en oeuvre la participation du public en matière de décisions ayant une incidence sur l'environnement. A ses yeux, la limitation de cette procédure aux seules décisions réglementaires ne pourrait être constitutionnelle que si un autre texte législatif organisait la participation pour les actes individuels, ce qui n'est pas le cas. De même, l'article 7 de la Charte ne permet pas de réduire le champ de cette procédure aux seuls actes de l'Etat et de ses établissements publics, alors que les collectivités locales ont des compétences très larges en matière d'environnement. La décision n° 2012-282 du même jour constitue la mise en oeuvre immédiate de cette jurisprudence, puisque la procédure de classement et de déclassement des monuments naturels et des sites est déclarée non conforme à l'article 7 de la Charte, dans la mesure où le droit positif n'organise aucune procédure de participation dans ce domaine. 

Le Conseil fixe au 1er septembre 2013 l'effet de cette double abrogation. Un tel délai n'a rien de surprenant si l'on considère que le Parlement, au moment précis où le Conseil rend ses deux décisions, examine actuellement un projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation figurant dans l'article 7 de la Charte de l'environnement. Contrairement à la pratique antérieure, les pouvoirs publics ont donc su anticiper  cette double censure du Conseil constitutionnel. 

Un droit à exercer

Bien entendu, on doit se réjouir de cette évolution vers davantage d'information et de participation du public en matière d'environnement. Il reste cependant à constater qu'un tel droit n'existe que si les citoyens le font vivre. Le représentant du gouvernement, lors de l'audience de la première décision, a ainsi mentionné, sans rire, que le délai de dépouillement et de synthèse des observations présentées par les citoyens dans les vingt-neuf procédures de consultation mises en oeuvre depuis janvier 2012 était, en moyenne, d'une demi-journée. Ce délai très court n'est pas lié à la célérité de notre administration, mais bien davantage au désintérêt des citoyens. En effet, sur vingt-neuf procédures, trois seulement ont donné lieu à plus de cinq observations, onze entre zéro et trois, et quinze n'ont pas suscité le moindre commentaire. Autant dire que le droit à la participation des citoyens est encore à construire. 

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