« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


mardi 15 novembre 2011

Les fêtes estudiantines soumises à autorisation ?

 Le Sénat débat actuellement d'une proposition de loi déposée le 8 avril 2011 par le sénateur Jean-Pierre Vial (UMP, Savoie) et d'un certain nombre de ses collègues. Le texte a pour objet "la prévention et l'accompagnement pour l'organisation des soirées en lien avec le déroulement des études". Le 8 novembre 2011, la commission des lois a procédé à l'examen du rapport de M. André Reichardt sur cette proposition, et a décidé .. de ne pas décider. Les sénateurs ont en effet estimé que la proposition n'était pas en état d'être votée et ils ont renvoyé le texte en commission pour susciter une réflexion nouvelle.

Qu'on ne s'y trompe pas. Il ne s'agit pas d'enterrer le texte pour cause de changement de majorité sénatoriale. Les débats qui ont eu lieu lors de la présentation du rapport Reichards montrent un véritable intérêt pour un sujet, d'autant que la récente affaire de bizutage à l'Université de Paris Dauphine incite à la vigilance en ce domaine. Le seul problème est que personne ne sait de quelle manière appréhender le phénomène.

L'alignement sur le régime des "rave parties" ?

La proposition de loi présentée par Jean Pierre Vial est très sommaire. Elle consiste, dans un article unique, à aligner le régime des fêtes estudiantines sur celui des "rave-parties". La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 a encadré ces évènements festifs, en les soumettant à un régime de déclaration préalable. Comme toujours dans ce cas, ce régime juridique est d'ailleurs susceptible d'évoluer vers un régime d'autorisation, puisque le préfet peut toujours menacer d'interdire le rassemblement. La négociation s'ouvre donc nécessairement entre les organisateurs et les autorités chargées de l'ordre public. Tout est négocié, le lieu de la fête mais aussi la présence des forces de l'ordre, d'une antenne médicale, les atteintes éventuelles à l'environnement etc.. Si les organisateurs ne tiennent pas compte des mesures demandées, la manifestation peut être interdite et le matériel saisi.

Certains pensent que la loi du 15 novembre 2001 a été un succès, dans la mesure où elle a permis de réduire considérablement le nombre de rave-parties et d'encadrer étroitement les rares manifestations qui ont subsisté. En revanche, cette loi a suscité le développement de ce qu'il est convenu d'appeler les "nouveaux rassemblements de personnes" (NRP ; voir sur ce point la table ronde organisée par le Centre de recherches de la gendarmerie nationale). Initiés par Facebook ou Twitter, organisés très rapidement, dépourvus d'équipe d'organisateurs identifiés, ces NRP échappent à toute structure institutionnelle et à tout contrôle préalable. Que l'on songe aux apéros géants ou aux "flash mobs", il s'agit dans tous les cas de rassemblements perçus comme spontanés, où, le plus souvent, des organisateurs invisibles désireux de susciter certaines addictions, manipulent joyeusement des jeunes qui n'y voient qu'un rassemblement festif.

La soumission des fêtes estudiantines au régime de déclaration des rave-parties présente certes l'avantage de définir un cadre juridique, et le responsable d'un établissement peut ainsi contraindre les organisateurs au respect de la procédure. Mais on peut penser, à l'inverse, que le risque est grand de voir ces mêmes organisateurs s'affranchir du cadre légal pour organiser ce qui ressemblerait fort à un "nouveau rassemblement de personnes". Dans ce cas, le remède est pire que le mal, car la manifestation trouve refuge dans une certaine forme de clandestinité, et les préoccupations d'ordre et surtout de santé publique ne sont plus prises en considération.

Picasso. L'étudiant à la pipe. 1914

Le rapport Daoust

La proposition de loi trouve son origine, au moins en partie, dans le rapport rédigé par Madame Martine Daoust, recteur de l'académie de Poitiers, intitulé "Soirées étudiants et week ends d'intégration". Ce travail avait été commandé par Madame Pécresse, alors ministre de l'enseignement supérieur,  à la suite de plusieurs accidents graves dus à la consommation d'alcool et de stupéfiants (comas éthyliques, tentatives de viol, défenestration etc..). Elle y préconise des opérations de "testing" durant les soirées, afin d'apprécier le respect des règles en vigueur et se déclare favorable à une intervention législative.

La proposition Vial ne répond que très partiellement aux attentes non seulement du rapport Daoust mais aussi des autorités chargées d'assurer l'ordre et la santé publique, et même des organisateurs qui ne refusent pas un système de déclaration préalable dès lors qu'il présente certaines garanties de souplesse.

Champ d'application de la loi

Les manifestations concernées sont définies de manière aussi large qu'imprécise. Il s'agit des "rassemblements à caractère festif d'étudiants ou d'autres usagers organisés en dehors des établissements exerçant des missions d'enseignements supérieur mais en lien avec le déroulement des études". Les "autres usagers" sont sans doute les élèves des grandes écoles qui n'ont pas le statut étudiant mais qui pratiquent largement les week ends d'intégration et autres manifestations festives. L'idée selon laquelle la soirée concernée doit avoir un "lien avec le déroulement des études" vise, à l'évidence, à exclure les soirées purement privées du dispositif de déclaration. La frontière risque d'être délicate à percevoir, d'autant que les étudiants trouveront toujours l'anniversaire de l'un d'entre eux pour invoquer le caractère privée de la fête. Par ailleurs, une soirée qui se déroule hors de l'établissement et sans la présence de ses responsables est elle, ou non, une soirée privée ? La question risque évidemment d'être posée. 

La limitation de ce dispositif aux étudiants introduit en outre une certaine forme de discrimination. Ne seront pas concernées les fêtes données durant les vacances. Avec des invitations réalisées par des réseaux sociaux, elles réunissent souvent un nombre très élevé de participants, mais ils ne sont pas des "étudiants", du moins pas à ce moment de l'année. Ne sont pas davantage concernés les enfants plus jeunes, alors même que la pratique du "binge drinking",  cette forme particulière d'alcoolisme visant une imprégnation aussi rapide que possible, se développe surtout parmi les élèves des établissements secondaires.

Binge Drinking

L'imprégnation alcoolique ne semble pas être la préoccupation directe de ce projet de loi. Or on sait que la plupart des difficultés viennent de ce "Binge Drinking" , alcoolisation paroxystique, qui suscite des comas éthyliques lors des "apéros géants", des bizutages cruels dans certains établissements, voire des accidents mortels lors de certaines fêtes. Ce problème de santé publique est absent du projet de loi qui n'envisage aucune politique de prévention dans ce domaine.

Quoi qu'il en soit, le projet de loi a le mérite d'exister et de susciter le débat au sein de la Haute Assemblée. Les mois qui viennent verront certainement de nouveaux développements dans ce domaine.

1 commentaire:

  1. mais il est possible ,quelle aime çà!
    qui somme nous,pour intervenir,des ex 68 tard !ou alors la confrérie du bien se tenir,avec une moral à 2 balle.

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